Archives mensuelles : juin 2008

Indiana Jones et les aventuriers du tigre perdu

Harrison Ford s’y met, on est heureux. Indiana Jones en personne, que la presse américaine présente comme un « militant écologiste de longue date » – tout moi -, vient de faire don de sa noble personne à la cause du tigre. Et avec lui Bo Derek – vous voyez ? -, sans oublier Robert Duvall, qu’on a aperçu dans Mash, Le Parrain et Apocalypse Now.

Je ne cite pas ce dernier titre au hasard, comme on va voir. Les trois célébrités viennent en effet de participer à une conférence de presse de la Banque Mondiale (ici) pour la défense du tigre. Attention les yeux, c’est du lourd, comme dirait une connaissance. Citation du président de la Banque mondiale, Robert Zoellick : « Comme c’est déjà le cas pour les autres défis de développement durable, tels le changement climatique, les pandémies ou la pauvreté, la crise relative aux tigres dépasse les capacités locales et outrepasse les frontières nationales ».

Et les acteurs d’applaudir en choeur, comme il se doit. Notez que le magnifique engagement de la Banque mondiale arrive à point nommé. Il y avait probablement 100 000 tigres sur terre il y a un siècle, mais il n’en reste au mieux que 4 000. Ils ne disposent plus que de 7 % de leur territoire de jadis, qui couvrait la presque totalité de l’Asie, jusqu’à la Caspienne. Encore faut-il ajouter qu’ils ont perdu 40 % du reliquat en seulement dix ans. Pas de doute, la Banque mondiale arrive à temps.

Quoique. Au risque de faire du mal aux admirateurs de cette dernière, il ne faut pas écarter la vilaine hypothèse d’une opération publicitaire. En ce cas, que j’évoque seulement pour me montrer vigilant, Harrison Ford et ses camarades seraient des hommes-sandwiches. Vous voyez où peut mener l’esprit critique.

Tant pis. Ayant commencé, je continue. Par un détour du côté d’Exxon Mobil Corporation, qui possède 45 raffineries de pétrole et au moins 42 000 stations-service réparties dans plus de 100 pays. Il y a de temps à autre des dommages collatéraux, comme ce fâcheux accident survenu en 1989 à bord du bateau Exxon Valdez, entraînant une marée noire historique en Alaska.

Exxon, il ne faut pas croire les menteries, aime puissamment la nature. Et le tigre. Le groupe pétrolier a ainsi créé une fondation dédiée à la sauvegarde du prédateur (ici, en anglais), Save the Tiger Fund. Ne me dites pas que vous y voyez malice. Du bel argent tiré des entrailles de la terre est donc redistribué pour de vastes campagnes d’information et de sensibilisation en Inde et en Chine, deux pays « émergents » qui se trouvent être – pur hasard – les immenses clients de demain.

Certes, on pourrait se questionner. Car rien ne semble pouvoir arrêter le spectre de l’extinction. Un pays comme l’Inde est même passé maître dans l’art de la manipulation des chiffres. Retenez que pour attirer ces touristes du Nord qui nous ressemblent tant, l’image du tigre présente un certain intérêt. En 2004, la journaliste Ritu Gupta s’est rendue dans la réserve de tigres Sariska, au Rajasthan. Alors que le recensement officiel indiquait la présence de 16 à 18 tigres, il était impossible d’en voir un seul. Curieux. Oui, curieux.

En enquêtant dans un grand nombre de villages de la région, Ritu Gupta a découvert une vérité simple : le parc national n’est rien d’autre qu’une vitrine derrière laquelle les officiels ne cessent
de truquer la réalité. Car il n’y a tout simplement plus de tigres à Sariska. Les gardes du Forest Department les ont « vendus » à des braconniers, ou les ont traqués eux-mêmes.Et ils menacent les villageois qui se montreraient trop bavards. L’un d’entre eux, bravant le danger, a expliqué à la journaliste : « Comment pourrait-il y avoir des tigres alors qu’ils ont tous été tués pour satisfaire la cupidité des officiers ? (ici, en anglais) ».

L’année suivante, dans une lettre, « diplomatique » au point d’écoeurer, Willem Wijnstekers, responsable de la Cites ( un organisme dépendant des Nations Unies) écrivait au Premier ministre indien, à propos du tigre : « Le Secrétariat se demande cependant depuis un certain temps si la coordination et la collaboration entre certaines agences chargées de la lutte contre la fraude en Inde sont aussi efficaces qu’elles pourraient l’être ». C’est de l’humour, je ne vois que cela.

Mais il serait peut-être facile de rendre responsable du désastre en cours la corruption des services du Sud. Elle n’est que trop réelle, on le sait, et pourtant je la considère comme tout fait seconde. Car quelle est la cause de cette guerre totale et bientôt victorieuse contre le tigre ? Le développement, bien entendu. Si vous entendez quelqu’un défendre devant vous ce principe organisateur de notre monde, tout en prétendant défendre ce qui reste de la biodiversité, dites-lui de ma part… Et puis non, ne dites rien.

Pour en revenir à la Banque mondiale et à Indiana Jones, un court rappel. En 2001 (ici, en anglais), la Banque mondiale faisait pression sur le gouvernement indien pour qu’il transforme en autoroutes à quatre voies les misérables voies reliant Delhi, Chennai, Calcutta et Bombay. Coût ? 6 milliards de dollars. En 2005, cette même Banque si amoureuse du tigre prêtait 600 millions de dollars – il s’agissait du quatrième crédit accordé pour le même type d’opération – à l’Inde pour moderniser des autoroutes dans les États de l’Uttar Pradesh et du Bihar (ici, en anglais). Je m’autorise à citer le chef du projet, salarié de la Banque mondiale, Piers Vickers : « This project has a simple objective : for road users to benefit from a better journey between Lucknow and Muzaffarpur ». Il me semble que la traduction n’a pas besoin de mon concours. On se croirait dans la vallée du Somport il y a quinze ans.

Je précise, pour mieux goûter la joie de rouler plus vite entre Lucknow et Muzaffarpur, que les États de l’Uttar Pradesh et du Bihar abritent une part notable des populations relictuelles de tigres vivant en Inde. Les autoroutes leur permettront à eux aussi d’aller faire leurs courses au supermarché du coin. Chez Carrefour, dont on sait le majestueux déploiement en Asie ?

Bien entendu, vous savez ce que je pense. Le délire industrialiste qui ravage l’Asie – entre autres contrées – s’apprête à tuer pour de bon l’un des plus étonnants animaux de la création, apparu grossièrement à la même époque que notre espèce. Le saccage de pays comme l’Inde et la Chine, sur quoi repose in fine notre niveau de vie matériel basé sur le téléphone portable et le gaspillage de tout en toute circonstance, ce saccage aura une fin prochaine. Dans dix ans ? Dans vingt ? Voilà ce que j’appelle une fin prochaine. Mais à cette date, nous aurons dit adieu au tigre et à quelques autres splendeurs. Elles ne vivront plus que sur les sites Internet de la Banque mondiale et d’Exxo. Et dans les films d’Indiana Jones.

Rhubarbe et séné (sur un défunt ministère)

On a beau être habitué à tout, on s’étonne encore. Même moi, heureusement d’ailleurs. Le 19 décembre dernier, j’ai écrit un article sur la réorganisation du ministère de l’Écologie. Pardonnez-moi de vous y renvoyer (ici), mais je ne saurais être plus clair aujourd’hui. J’y décrivais la disparition pure et simple de ce ministère tape-à-l’oeil, englouti par le ministère de l’Équipement.

D’un côté, en face d’une situation aussi dégradée que celle nous connaissons, ce n’est rien. Mais de l’autre, quel message effarant ! Créé en 1971 par décision du prince, appelé alors Georges Pompidou, ce ministère aura accompagné – et justifié – au long des (presque) quarante dernières années la disparition d’une infinité de paysages, d’espaces et d’espèces. Peut-on parler d’un ministère de la liquidation ? Je le pense.

Il faut croire que cela ne suffisait pas aux grands ingénieurs qui mènent la danse technique de notre pays. Ceux des Ponts-et-Chaussée ont réussi un coup préparé de longue date, et pris le pouvoir silencieusement sur ce qui leur échappait encore du dit ministère de l’Écologie. Je l’ai donc écrit le 19 décembre, mais si j’y repense, c’est que Corinne Lepage vient d’écrire un texte qui dit la même chose, d’une manière certes différente.

Pour ceux qui l’ignoreraient, Corinne Lepage, ministre de l’Environnement il y a dix ans – sous Juppé -, est adhérente du MoDem de Bayrou. Publiée sur le net (ici), son analyse mérite lecture. Je vous en livre ci-dessous un large extrait, car tout le monde n’aura pas le temps de lire la totalité du texte. Voici :

« En premier lieu, la dimension si fondamentale de la connaissance, de l’évaluation et de la prévision disparaît définitivement en tant qu’entité identifiée, achevant la tâche commencée avec la disparition de l’IFEN [ Institut français de l’environnement, Note de F.Ni ] en tant que structure autonome. Dès lors, les données environnementales, sans lesquelles aucune politique ne peut être mise en place – alors que la France accuse déjà un retard immense au regard des données communiquées par l’Agence européenne de l’environnement – ne vont plus bénéficier d’aucune priorité et surtout seront gérées de manière « politique » sans aucune autonomie par rapport aux directions concernées. L’évaluation économique, dont on a vu l’importance avec la sortie du rapport Stern par exemple, est renvoyée aux oubliettes ce qui signifie que les choix pourront continuer à s’effectuer sans aucune visibilité de long terme ; Le secret, cher à nos gouvernants pourra, nonobstant la convention d’Aarhus, continuer à dissimuler le mauvais état écologique de la France.

En second lieu, le ministère de l’équipement et plus précisément le corps des ponts a réalisé le rêve qu’il poursuivait depuis toujours : absorber le ministère de l’environnement. De fait, la direction de la nature et des paysages ainsi que la direction de l’eau, qui existaient pourtant depuis M.Poujade, premier ministre de l’Environnement sont supprimées. En revanche, les grandes directions de l’équipement demeurent : ce qui signifie que dans l’esprit des  »grands réformateurs » du corps des ponts, il est plus important de continuer à faire des routes et des aéroports que de gérer l’eau ou les ressources naturelles. Ainsi, il n’existera plus dans la structure gouvernementale aucune direction chargée de veiller spécifiquement sur la nature et ses ressources puisque cette mission sera intégrée avec le territoire et les habitats.
Les grandes missions transversales comme la mission effet de serre disparaissent également, alors que celle de la route, de la mer et de l’aménagement du territoire demeurent. On peut admettre que le nouveau commissariat au développement durable absorbe la délégation du même nom, qui malgré les qualités de son titulaire n’a jamais démontré son utilité. Il n’en va pas de même de la MIES, d’autant plus que le gouvernement prétend faire de ce sujet un point focal de son action. Ajoutons à cela que si logiquement la direction de la prévention des pollutions et des risques se transforme en grande direction des risques, la réorganisation du ministère s’accompagne en revanche d’une externalisation d’une partie des contrôles !

Enfin, ce qui faisait la richesse du ministère, c’est-à-dire des personnels qui n’étaient ni énarques ni issus des grands corps, est anéantie puisque les directions seront partagées entre ENA, Mines et Ponts dans la grande tradition française ».

Oh, je n’écris pas de la sorte, non. Mais enfin, il est savoureux de voir qu’une ancienne ministre est capable, dans certaines circonstances, de manger le morceau. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. J’ajouterai pour finir quelques commentaires généraux. L’absorption du ministère de l’Écologie n’a été rapportée, à ma connaissance, par aucun journal important. Autrement dit, nul ne sera au courant d’une régression tout de même significative. Nul. Personne. Et peut-être jamais. Notre société est bel et bien informée.

Par ailleurs, ceux qui – FNE, Greenpeace, WWF, Fondation Hulot, excusez mon radotage – qui ont accepté les règles du Grenelle de l’Environnement à l’automne dernier, ont traité avec des ectoplasmes. Je veux parler de Borloo et de Kosciusko-Morizet. Politiciens jusqu’au bout des ongles – qui peut décemment l’ignorer ? – ces deux personnages n’ont aucun pouvoir qui ne leur soit concédé par leurs maîtres, ceux qui dirigent en réalité, et pour l’éternité, leur ministère. Et ce pouvoir ne se peut voir que par temps clair, à l’aide d’une loupe binoculaire.

Autrement dit, tout s’est joué sur la scène par excellence des journaux télévisés, où tous les acteurs de ce mimodrame se seront échangé sans cesse la rhubarbe et le séné. Que dire de plus ? Si : je crois qu’il existe chez la plupart des commentateurs, en plus du reste, une peur fondamentale. Et cette peur, c’est celle de paraître si peu que ce soit un critique résolu du monde existant. On peut farcir les journaux de colonnes à la gloire des Excellences et des Grenelle de tous ordres, mais il ne faut surtout pas montrer les coulisses. Jamais. Car sinon, on se désigne. Car sinon, on se rapproche dangereusement du territoire jamais atteint qu’on appelle, quand l’on est malpoli comme je suis, la liberté.

PS : J’ai commis une grossière erreur d’accord, rectifiée grâce au coup d’oeil de Jean-Paul Brodier. J’avais écrit : « les acteurs de ce mimodrame se seront échangés sans cesse la rhubarbe et le séné ». Il fallait bien entendu ne pas accorder le verbe échanger. Merci pour de vrai !

40 ans mais plus toutes ses dents (suite)

C’est donc une suite, d’un article publié ici il y a une huitaine. Un grand merci à tous ceux qui ont aidé à le diffuser. D’après les échos que j’en reçois (un salut particulier à Nicolas Van Ingen), il ne laisse pas indifférent. Et même les coups de griffe (eh, Bernadette !) m’intéressent et me font réfléchir, ce qui reste un bonheur complet.

Avant de vous dire quelques mots sur le fond, laissez-moi noter ce point évident : la critique en ennuie plus d’un(e). Je suis membre de Bretagne Vivante, elle-même association de France Nature Environnement (FNE), depuis des lustres. Il faudrait que je cherche. Des lustres. Ma mise en cause de FNE et d’autres groupes vient donc de l’intérieur, et demeure bienveillante. Je réaffirme dans mon texte que je fais partie de la famille. Je nous invite tous à un sursaut.

Malgré cela, aux yeux de certains, mon propos déraille. Parce qu’il ne faudrait pas cracher dans la soupe, parce que les valeureux qui ont monté des associations il y a près de quarante ans mériteraient surtout des compliments et des encouragements, etc.

Mais je m’en fous, moi, des mérites accumulés et des médailles accrochées au revers de la veste. Je reconnais tout ce qu’on voudra, sans l’ombre d’un problème, mais au-delà des bravos préenregistrés, je m’en fous radicalement. Je sais qu’un mouvement important a été créé voici quarante ans, mais je vois qu’il a échoué. Tout va infiniment plus mal, et pas un des anciens pionniers ne se lève pour dire qu’il faut changer, inventer, imaginer une suite moins calamiteuse.

Tous font semblant de croire qu’en continuant et en accumulant des forces – lesquelles déclinent -, on y arrivera. Mais c’est une foutaise, et je reste poli. Le mouvement est resté français, demeure incapable de relier les fils écosystémiques qui commandent tout, et n’a pas su forger un discours général sur l’époque que nous connaissons. Il est donc, et fatalement, dans une impasse historique.

À en croire les vertueux qui ne supportent pas les remises en cause, il vaudrait sans doute mieux se taire. La planète perd un à un ses équilibres les plus essentiels, mais il faudrait laisser à l’écart du chaos les braves sentinelles de FNE, Greenpeace, WWF et tous autres. On admettrait d’un côté, sur le papier, l’idée d’un changement complet du mode d’organisation des sociétés humaines, mais il faudrait, de l’autre, laisser en paix ceux qui la représentent officiellement. Je le dis sans méchanceté, c’est ridicule. Parce que les associations ont pris la juste responsabilité d’alerter, elles ont le devoir d’assumer ce rôle jusque dans ses ultimes conséquences. Encore n’ont-elles rien vu. Ce qui vient secouera leurs os d’une manière autrement violente.

Pour ne pas rester sur ces mots pénibles, je me permets une analogie. Juste une analogie, qu’on ne s’y trompe pas. Mais elle permet de voir combien une société est plastique, comme elle peut modifier ses priorités en quelques courtes années. Vous le savez, la France a subi en mai 1940 une défaite humiliante devant les blindés du général allemand Guderian.

À cette époque, « un général de brigade à titre temporaire », Charles de Gaulle, se lève. Seul. L’homme a cinquante ans, il est catholique fervent, de droite bien entendu, et a même sans doute été un monarchiste de coeur avant de se rallier à la République. Il va néanmoins se révolter d’une façon qui force l’admiration. Contre une vie d’obéissance. Contre toutes les traditions familiales et professionnelles. Contre l’État. Contre Pétain, qu’il avait tant admiré. La suite est connue : condamné à mort par contumace par le régime naissant de Vichy, ayant perdu tous ses biens – confisqués -, il lance depuis Londres certain appel du 18 juin (1940), d’une confondante puissance.

De Gaulle n’appartient pas à ma famille intime, on se doute, mais son destin montre ce que des circonstances peuvent provoquer dans une tête d’homme. À l’échelle de la France, il faut se souvenir de la noirceur extrême des années 1940-1944, dans ce pays gouverné par une ganache aux ordres nazis. Ce pays qui est le nôtre semblait alors perdu à lui-même, pour des décennies, des siècles peut-être.

Et puis sont apparus des refusants, autrement appelés résistants. De jeunes juifs et « métèques » de la Main d’oeuvre immigrée (M.O.I), comme Manouchian, Fontanot, Alfonso, Rayman, Boczov. Des cheminots qui ne supportaient plus la botte. Des paysans d’Auvergne et d’ailleurs. Des jeunes et de vrais vieux. Des femmes, dont certaines qui allaitaient encore. Tout un peuple, à la vérité.

Ou plutôt, un échantillon du peuple, dans lequel les pauvres, les étrangers et les ouvriers étaient les plus nombreux, de très loin. Mais un échantillon, car il est vain de fantasmer sur l’héroïsme de la majorité. Seulement, la minorité des refusants a fini par gagner la partie et a même entrepris de changer ce pays en profondeur. Dans une certaine mesure, faible il est vrai, ils y sont parvenus : le programme du Conseil national de la résistance (mars 1944) semble aujourd’hui un pamphlet antilibéral. Nous lui devons par exemple la Sécurité sociale. Entre autres.

Où veux-je en venir ? À ceci : la France de 1944, par-delà les terribles illusions de l’époque, n’a rien à voir avec celle, couchée, de 1940. En quatre années, une nouvelle génération a surgi des ruines du fascisme. Et disons que ce ne fut pas la pire de notre histoire. Je crois qu’il faut s’en souvenir dans les moments de doute et de confusion. Ceux qui prenaient tous les risques, fin 1940, en jetant de vilains tracts ronéotés sur les quais du métro parisien, ne se doutaient pas qu’ils étaient le ferment de l’avenir commun. Pourtant.

Voilà. J’aimerais croire qu’on pourra se passer de secousses majeures, car je ne souhaite pas le malheur public. Mais je sens, hélas, que nous y allons droit. Ce qui rend décisif la création d’un réseau stable, servant de repère dans la nuit, à tous ceux qui n’y voient pas clair. Mutatis mutandis – « ce qui devait être changé ayant été changé » -, le mouvement écologiste que j’appelle de mes voeux doit commencer par s’opposer. En disant non. En refusant désormais toute destruction supplémentaire. La contre-attaque viendra plus tard. À mes yeux, cette dernière ne peut être qu’une mobilisation géante pour la restauration générale de la vie sur terre (ici).

Chávez et l’oeil qui voit tout

Je viens de rentrer d’une semaine passée ailleurs. Et c’était beau, je vous le dis en confidence électronique. J’ai vu le soleil, la pluie, une rivière en furie, quelques circaètes en vol, et des herbes folles, car la saison est folle, elle aussi. Le vent semblait une brise marine.

Comme il est ce soir, dimanche, je n’ai que quelques minutes. Pourquoi parler du président vénézuélien Hugo Rafael Chávez Frías, ce Chávez adoré en France par une part notable du mouvement dit altermondialiste ? Parce que ce militaire obsédé par l’autorité et le narcissisme me dégoûte. Et que certains altermondialistes, qui seraient tant utiles dans la bagarre pour la vie sur terre, préfèrent se vautrer dans un soutien qui rappelle celui apporté jadis à Cuba, puis au Nicaragua.

Chávez a été formé – en partie – à la politique par un militant négationniste, et donc antisémite, nommé Norberto Ceresole. Je ne crois pas que vous trouverez cela dans Le Monde Diplomatique. Il a un projet terrifiant pour l’écologiste que je suis : un gazoduc qui permettrait l’exportation du gaz vénézuelien à travers l’Amazonie, jusqu’en Argentine et au Brésil. Longueur : entre 7700 et 9000 km. N’importe quel potentat de droite qui oserait une telle idée serait cloué au pilori par les amis de Chávez. Là, silence.

Mais ce n’est pas de cela que je voulais vous parler en deux mots. Non. Chávez vient d’imposer une loi totalitaire, grâce au parlement à ses bottes galonnées. Tout Vénézuélien a désormais l’obligation de collaborer avec les services secrets chavistes, sous peine d’aller en taule pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre ans.

Des services secrets au service d’un caudillo, un peuple tenu de dénoncer et de se dénoncer. Quand donc cette atroce bouffonnerie, qui est aussi une tragédie, cessera-t-elle ?

À bientôt

Je quitte Paris quelques jours. Si l’occasion se présente, je ne manquerais pas de vous envoyer un mot de cet ailleurs qui m’attend. Et sinon, rendez-vous lundi prochain. J’en profite pour remercier ceux qui interviennent dans les commentaires de ce blog. En règle plus que générale, je dois avouer que je suis fier d’avoir des lecteurs de cette qualité-là. Portez-vous bien.