La nouvelle étonnera les plus endurcis : la chasse commerciale à la baleine pourrait reprendre. La pêche industrielle et une poignée d’États crapuleux – la Norvège, l’Islande, le Japon – tentent depuis des années de faire sauter le verrou du moratoire. Car il y a moratoire. Car, depuis 1982, devant l’évidence du danger, les pays membres de la Commission baleinière internationale (CBI) ont décidé de stopper provisoirement le massacre des baleines. Entré en vigueur en 1986, ce moratoire sur la pêche commerciale a empêché le pire. Mais 30 000 baleines, pense-t-on, ont tout de même été tuées depuis, sous les motifs les plus divers. Au Japon, par exemple, on prétend détruire ces animaux mythologiques au nom de la science.
Dans la réalité, tu parles ! Aidée par les services officiels de l’État, une société privée a vu le jour il y a deux ans. Geishoku – son nom – se faisait fort de vendre 1 000 tonnes de viande de baleine en 2007, via Internet. Je n’ai pas suivi depuis cette date, mais de toute façon, il est évident que les quelques Moby Dick qui peuplent encore les abysses ne sont pour les marchands que de la bidoche.
Exceptionnellement, je ne vais pas vous accabler de chiffres déprimants. Sans le moratoire de 1986, un nombre significatif d’espèces de baleines aurait disparu. Grâce à lui, la situation s’est peut-être – peut-être – stabilisée. Comment savoir ? Les biologistes pensent que la baleine à bosse irait mieux, mais que le quart de toutes les espèces seraient encore menacées de disparition. Oui, comment savoir ? Les écosystèmes marins et sous-marins subissent eux aussi une crise globale d’extinction de la vie. Et, sans être le moins du monde un spécialiste, je doute vivement que les baleines puissent échapper au sort commun.
Quoi qu’il en soit, les protecteurs poussent un sacré coup de gueule (ici, mais en anglais), car depuis hier, 15 septembre, une poignée de bureaucrates entendent décider seuls de l’avenir. Une réunion presque secrète, qui doit durer jusqu’au 19 septembre, se tient en effet au Trade Winds Resort de Saint Petersburg, en Floride (États-Unis). Une réunion présidée par William T. Hogarth, président en titre de la Commission baleinière internationale (CBI). Il est possible que ces braves gens discrets se mettent d’accord pour relancer la sanglante machine.
C’est possible, car il y a aujourd’hui plus de 80 pays membres de la CBI. Pensez-vous qu’il soit difficile pour le Japon de convaincre des délégués d’aussi puissantes nations qu’Antigua-et-Barbuda, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Palaus, Tuvalu ? Je vous livre le commentaire de Patrick R. Ramage, responsable du Fonds international pour la protection des animaux (ici) : « Ces réunions à huis clos font peser une menace sérieuse sur l’avenir (…) Les baleines sont confrontées à un nombre de menaces plus élevé que jamais (…) La dernière chose dont nous ayons besoin est d’un accord secret de reprise de la chasse à la baleine. Le Dr. Hogarth devrait soit reprendre le processus d’étude approfondie, soit simplement annuler les réunions ».
« Death to Moby Dick ! God hunt us all, if we do not hunt Moby Dick to his death ! » (chapitre 36 de Moby Dick, d’Herman Melville). Le capitaine Achab, notre cauchemar.