Archives mensuelles : novembre 2012

Les bons tuyaux du Figaro (sur Notre-Dame-des-Landes)

Le journalisme policier existe-t-il ? C’est à se demander. L’affaire du vigile blessé par des jeunes, tout près de Notre-Dame-des-Landes, a été copieusement exploitée. Par les promoteurs de l’aéroport dont je vous rebats les oreilles, et cela fait du monde. Mais d’où venait donc l’information de départ, sur laquelle le flan médiatique s’est étalé ? Eh bien de l’exemplaire quotidien appelé Le Figaro. Sous la plume du grand reporter Christophe Cornevin, et sous la forme affriolante, comme vous le verrez plus bas, d’une INFO LE FIGARO, qui marque, dans le jargon de la profession, une exclusivité.

Le Figaro disposant d’une formidable information, il en a fait un scoop. Faut vivre. Passons au commentaire. Le chapeau, c’est-à-dire cette sorte de résumé du papier, en gras, dit que la victime « a été grièvement brûlée aux mains et aux bras ».  Quelle horreur, hein ? Grièvement signifie gravement. Une brûlure grave, a fortiori sur des parties importantes du corps, se conclut souvent par une greffe de peau. On imagine l’homme ainsi atteint sur un lit de souffrance, à l’hôpital. Non ?

Or l’article ne reprend aucunement l’affirmation selon laquelle le vigile aurait été brûlé. Vous lirez comme moi, et à deux reprises, « blessé ». Il y a donc eu montage. L’homme n’est pas brûlé, mais l’émotion a depuis belle lurette tout emporté. Donc, blessé. Gravement ? En ce cas, on imagine des soins intensifs, une perfusion, des blouses blanches, un bulletin de santé. Mais non, les amis, le blessé grave se retrouve avec une Incapacité temporaire totale (ITT) de travail de cinq jours. Cinq. Que vienne le temps où tous les blessés graves de la Terre recevront une ITT de cinq jours seulement !

Continuons. Qui donne l’information ? Mystère. Qui la commente ? Un sous-préfet. Que raconte pour sa part le vigile ? Confirme-t-il le récit donné par le journaliste, qui visiblement n’a pas interrogé la victime supposée, fût-ce au téléphone ? Non. Où cela se passe-t-il ? Près de Notre-Dame-des-Landes, bien entendu, car tout l’édifice repose sur une association géographique entre le lieu de l’agression supposée et la présence dans le bocage de la Bande à Bonnot. Mais où ? Je vous conseille de bien lire, car voici ce qui est écrit : « sur une zone de délaissement où située à proximité de l’endroit où devrait s’installer le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes ».

Est-ce seulement du français ? Non. Tout le reste n’est qu’accusations sans preuve contre le mouvement en cours dans le bocage nantais. Je me permets de poser cette autre question : mais qui est donc Christophe Cornevin, grand reporter au Figaro ? Vous trouverez, après le texte sur l’agression du vigile, un article signé Daniel Schneidermann, en date du 17 novembre 2008. C’est instructif.  Je précise pour ceux qui ne suivent pas l’actualité que l’accusation contre ceux de Tarnac, et notamment Julien Coupat et Yldune Lévy, est tombée à l’eau à force de manipulations et de montages policiers et judiciaires. Oui, lisez cet article de 2008, et je ne doute pas que vous m’en direz des nouvelles.

ET À PART CELA, N’OUBLIEZ PAS LE GRAND RENDEZ-VOUS DE NOTRE-DAME-DES-LANDES, LE SAMEDI 17 NOVEMBRE ! QUANTITÉ DE COLLECTIFS ONT ÉTÉ CRÉÉS, ÇA PROMET !

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1/LE PAPIER DU FIGARO QUI A LANCÉ TOUTE L’AFFAIRE

       Notre-Dame des Landes : un vigile blessé dans la nuit

       Par Christophe Cornevin Mis à jour

INFO LE FIGARO – La victime, prise à partie par une vingtaine d’inconnus dans        la nuit de lundi à mardi, a été grièvement brûlée aux mains et aux bras. Sa voiture a été   incendiée.

Un vigile a été grièvement blessé dans la nuit de lundi à mardi alors que ce dernier surveillait un ancien squat évacué par décision de la justice sur la commune de Fay de Bretagne (Loire-Atlantique), sur une zone de délaissement où située à proximité de l’endroit où devrait s’installer le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Vers 3 h 30, l’agent de gardiennage a été pris pour cible par une vingtaine d’inconnus cagoulés et armés de gourdins alors qu’il était posté, au volant de sa voiture, devant une maison récemment évacuée. Les agresseurs ont aspergé son véhicule de produit inflammable. «Ils ont discuté pour savoir s’ils le laissaient dedans avant de finalement le sortir et le rouer de coups», a précisé Michaël Doré, sous-préfet de la région Pays de la Loire. Le vigile est parvenu à s’enfuir, pieds nus, tandis que les inconnus ont incendié son véhicule.

La victime a été blessée aux mains et aux avant-bras et a été admise aux urgences du centre hospitalier de Nantes où elle s’est vue délivrer 5 jours d’ITT.

Les agresseurs ont pris la fuite avant l’arrivée du Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig). L’enquête a été confiée à la Compagnie de Chateaubriand.

750 hectares à bitumer

Le projet de transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes est au cœur de vives polémiques et de violentes manifestations.

Environ 500 personnes selon la police, 3.000 à 3.500 selon les organisateurs, se sont encore rassemblées samedi dernier à Rennes contre ce projet porté par le premier ministre Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes, réclamant le maintien des terres agricoles et dénonçant le bétonnage et un «projet obsolète».

Le projet va couvrir «1.650 hectares, avec une surface à bitumer de 750 hectares dans un premier temps», a assuré un organisateur. Situé à 30 km au nord de Nantes, le projet a été confié au groupe Vinci, qui chiffre son coût à 560 millions d’euros.

Gendarmes blessés en novembre

«En lançant les opérations d’expulsion des occupants de la zone, de destruction de leurs habitats et de leurs biens, Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et actuel premier ministre, a choisi de mettre la force publique au service d’intérêts privés», avait fait valoir samedi Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de Gauche, dans un communiqué.

Dès le 7 novembre dernier, six gendarmes ont été blessés sur le site dans des heurts avec des opposants au projet, selon un bilan de la préfecture de Loire-Atlantique. Les forces de l’ordre, qui intervenaient pour libérer une route des barricades qui y avaient été érigées, ont été attaquées par une «quarantaine d’assaillants particulièrement résolus». Ils utilisaient «des bouteilles incendiaires, des frondes et des projectiles métalliques».

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                    2/ Le papier de Daniel Schneidermann dans Libération du 17 novembre 2008

Fabrication d’épouvantails, mode d’emploi

Par SCHNEIDERMANN Daniel

Stupeur et consternation ! Les terroristes «d’ultragauche» accusés par la ministre de l’Intérieur d’avoir saboté des caténaires de TGV, vivaient paisiblement à Tarnac, petit village de Corrèze. Ils y tenaient même l’épicerie-bar. Les habitants du village expriment tout le bien qu’ils pensaient de leurs commerçants uniques. Qu’à cela ne tienne. Les journaux télévisés unanimes brodent sur la clandestinité du groupe, «qui avait balancé ordinateurs et téléphones portables». Une épicerie, peut-être, mais «une épicerie tapie dans l’ombre», précisa fort sérieusement un journaliste de France 2.

Le journalisme policier est un art difficile. Il ne s’agit pas seulement de recueillir les confidences des enquêteurs, et de tenter tant bien que mal de séparer infos et intox. Il faut encore leur donner la forme d’un roman conforme à ce qu’attendent, selon les cas, les lecteurs, la hiérarchie du journal, ou le ministère. D’où la fabrication ultrarapide «d’épicerie tapie dans l’ombre», d’un «commando» composé d’un «cerveau» et de «lieutenants» réfugiés dans un «QG» ou de «nihilistes potentiellement très violents».

Fabrication, ou résurrection ? Aux plus âgés d’entre nous (disons, les quadragénaires bien avancés) les journaux télévisés de la semaine dernière auront au moins rappelé leur jeunesse. Aux «prêcheurs barbus des caves», aux «gangs ethniques des banlieues», a en effet succédé une autre catégorie de «méchants», bien oubliée, «la mouvance anarcho-autonome». Et resurgissent pêle-mêle les fantômes des glorieux prédécesseurs de MAM, Michel Poniatowski (ministre de Giscard), ou même Raymond Marcellin, titulaire du poste sous Pompidou.

Dans ce concours de fabrication d’épouvantails, notre confrère du Figaro, Christophe Cornevin, se classe hors catégorie. Les ultraépiciers de Tarnac, aux yeux du Figaro, étaient «en totale rupture de ban avec la société», «embarqués dans un mode de vie altermondialiste, vivotant pour certains du négoce de produits agricoles, fuyant le regard des rares riverains qui les entouraient, ces apprentis terroristes de la gauche ultra présentaient un profil bien particulier. Agés de 25 à35 ans pour le plus âgé, ces nihilistes considérés comme «potentiellement très violents» étaient articulés autour d’un petit «noyau dur» d’activistes déjà fichés pour divers actes de violences et de dégradation. A priori, aucun d’entre eux ne travaillait. «Cela ne correspondait pas à leur philosophie», lâche un enquêteur. Les femmes de la bande, quant à elles, sont plus volontiers dépeintes sous les traits de « filles de bonne famille issues de la bourgeoisie de province ». Un profil somme toute guère étonnant au regard de la jeune fille chic en Burberry qui répondait au nom de Joëlle Aubron à l’époque d’Action Directe».

Paresse, lâcheté, violence, trahison de sa classe d’origine : tous ces traits de caractères individuellement, sont inquiétants. Regroupés, ils composent un tableau terrifiant. Le lendemain, le titre d’un article du même journaliste nous apprend que «l’ADN est au cœur de l’enquête». Mais au cœur de l’article… rien sur les preuves ADN.

A croire d’ailleurs que la fabrication d’épouvantails médiatiques est une spécialité en soi. Une recherche au sujet de Christophe Cornevin dans le moteur Google, donne une idée de l’ampleur des compétences du confrère. «Une dizaine de lascars sont affalés sur les bancs de la salle des pas perdus de la 23e chambre correctionnelle, écrit le journaliste. Agés de 17 à 22 ans, ils sont dans leur écrasante majorité originaires d’Afrique noire» (7 septembre 2007, article intitulé «L’essor des gangs africains dominés par le vol et la violence»). «Les barbus s’activent derrière les barreaux», titre leFigaro en septembre. Détails : «Ces religieux clandestins se sont radicalisés en surfant sur Internet, confie un haut responsable de l’AP. Ils distillent des fragments de sourates pouvant faire référence à la violence et reprennent un discours moyenâgeux pour convertir leurs compagnons de cellule.»

Mais lorsque la tendance des épouvantails vire au modèle «trader fou», notre artisan sait aussi se reconvertir, comme dans cette description balzacienne des objets saisis lors d’une perquisition chez l’ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel : «Sur une table placée aux abords de l’impressionnant écran plat qui trône dans la pièce principale, ils ont notamment trouvé deux téléphones portables, un livre de réglementation bancaire, un numéro de la revue Investir intitulé «Comment s’enrichir en 2008», une canette entamée, une boîte de cigares Monte-Cristo et un exemplaire du Coran comprenant une version arabe et sa traduction en français.»

Ça ferait rire, si ça ne faisait pas peur. Ça ferait peur, si ça ne faisait pas rire.

Ce pauvre vigile de Notre-Dame-des-Landes

Les faits : un vigile payé par la société AGO, faux-nez du bétonneur Vinci, a été cogné par une vingtaine de jeunes (ici). À près de trois heures du matin, non loin d’une maison appelée à être détruite pour faire place à l’aéroport voulu par notre Grand Premier Ministre en personne, pour sa gloire éternelle et celle des juteux travaux inutiles.

Mon appréciation. Premièrement, rien ne prouve bien sûr que Vinci, champion du béton, soit responsable d’une vulgaire provocation. Disons qu’on a le droit de se poser des questions. Est-il raisonnable, dans la situation de tension créée par la présence de centaines de flics dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes, de laisser seul un vigile au milieu de nulle part ? Officiellement, ce vigile était là pour empêcher qu’une maison vouée à la démolition ne soit squattée. On voit mal comment un vigile aurait pu, à lui seul, empêcher une opération collective. Et la preuve, c’est qu’il n’a pas fait le poids le moment venu.

Deuxièmement, il y a eu volonté claire de désinformation. J’imagine – sans aucune preuve, certes – les petites mains de la préfecture – et/ou de Vinci – se réunir une fois, deux fois, trois fois, dix fois, ressassant cette seule question : comment saboter la formidable mobilisation en cours ? Comment s’attaquer à la si bonne réputation de cette lutte exemplaire ? Comment amoindrir l’impact des appels à manifester sur place le 17 novembre ? Eh bien, la violence supposée de ces vilains anarchistes arrive comme à point nommé. Soit un homme seul, pratiquement martyrisé par une bande ne parlant pas même – pour certains de ses membres – français. Tous les spectres habituels sont là. Ravachol d’un côté, accompagné de la bande à Bonnot, et renforcé par de mystérieux étrangers. Notons ensemble que les premiers titres parlaient d’un homme gravement blessé. Il a en fait un arrêt de travail d’une semaine. On a vu pire.

Troisièmement, un flic est un flic, merde alors ! Les militaires professionnels ne veulent plus mourir, comme on le voit à chaque fois en Afghanistan. Et les flics, fussent-ils privés, ne veulent pas recevoir de coups. Qu’ils changent donc de métier ! Quand on occupe militairement une zone, quand on envoie un millier de professionnels suréquipés affronter des jeunes de 20 à 25 ans sans la moindre expérience de la violence étatique, on prend un risque manifeste. Et l’on assume, M. Ayrault ! S’il est un responsable de ce qui est arrivé au vigile, c’est bien vous, monsieur l’Immense Premier Ministre. Vous !

Et pour le reste, tant que cela nous est possible, rions à gorge déployée de ces misérables manœuvres, dignes d’une école maternelle. Si Ayrault, la préfecture, les flics et Vinci n’ont que cette histoire à se mettre sous la dent, c’est qu’ils sont vraiment dans la panade. Et pour le 17, ça promet. Dites, vous n’oubliez pas, hein ? TOUT LE MONDE SUR LE PONT LE 17 NOVEMBRE ! TOUT LE MONDE À NOTRE-DAME-DES-LANDES !

Un branleur parle des gaz de schiste (le cas Rocard)

Michel Rocard est un (vieux) branleur. De la même façon que Sarkozy, plus jeune que lui d’une génération (voir ici). Avant de laisser tomber votre lecture, deux précisions. La première, c’est que dans l’acception que je retiens, branleur veut dire : « Personne qui emploie une partie significative de son temps à ne rien faire d’utile ». La seconde : je vous demande de considérer que Rocard a été le Premier ministre de la France, et qu’il a bien failli être président de la République. On ne présente plus Sarkozy. Et en tout cas, ou j’insulte pour mon seul plaisir onaniste deux hautes personnalités; ou bien notre pays est malade, qui hisse au sommet des hommes incapables d’une œuvre utile aux autres. Ou, ou, ce qui s’appelle une alternative.

Vous lirez plus bas le long entretien que Rocard a accordé au journal Le Monde, dans lequel il déclare de façon burlesque :  « Avec le gaz de schiste, la France est bénie des dieux ». Il y proclame son extraordinaire ignorance de tout. Ainsi dit-il avec aplomb que les gisements de gaz de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) auraient été exploités par fracturation hydraulique – le procédé utilisé pour les gaz de schiste – sans nul problème. Je suis convaincu qu’il croit ce qu’il dit, oubliant même que cette technique n’a jamais été utilisée à Lacq (ici). Et au passage ce qui distingue radicalement la récupération des gaz conventionnels de ceux stockés dans les couches sédimentaires.

Parmi les évidentes différences, je pense spontanément à deux d’entre elles. Un, le gaz conventionnel est en règle très générale concentré dans des zone délimitées, ce qui exclut donc de dévaster des régions entières, sur des dizaines ou centaines de kilomètres. Deux, si l’on utilise – à tort d’ailleurs – l’expression gaz de schiste pour évoquer le gaz non conventionnel, c’est que celui-ci est piégé dans des roches sédimentaires, jusqu’à quatre ou cinq kilomètres de profondeur. La perméabilité de ces roches profondes est incomparablement moindre que celle de roches comme celles de Lacq. Le gaz des roches profondes se trouve dans des pores mille fois plus petits que ceux par exemple du grès, roche qu’on rencontre souvent dans les réservoirs traditionnels. Et c’est bien pourquoi, quand on veut exploiter du « gaz de schiste »,  il faut exploser les couches sédimentaires profondes par fracturation hydraulique pour espérer récupérer un gaz s’étendant sur de vastes surfaces souterraines. Avec des conséquences que l’industrie ne maîtrise pas.

J’espère ne pas avoir été trop chiant. J’ajoute que je suis tout, sauf un spécialiste, et que je ne serais aucunement vexé d’être repris sur tel ou tel point. Mais moi, au moins, je me renseigne. Pas ce pauvre Rocard. Pas lui ! Il dit n’importe quoi sur les gaz de schiste, et les journalistes politiques du Monde – responsables et coupables à mes yeux – le laissent déblatérer, d’autant plus aisément qu’ils sont aussi ignares que lui. Je n’ai pas fini. Oh non ! Cet imbécile de Rocard se présente dans l’entretien ainsi : « Sur ce sujet, étant très écolo, je me suis longtemps abstenu ». Il serait donc écolo. Pourquoi pas ? Jean-Vincent Placé prétend bien l’être. Et ma foi, ne l’est-il pas ?

Le 13 mars 2009, Sarkozy – voyez qu’il n’est pas loin – nomme Rocard « ambassadeur de France chargé des négociations internationales relatives aux  pôles Arctique et Antarctique ». On se doute que la disparition accélérée de la banquise arctique est la question la plus urgente à étudier. En juillet de la même année, François Fillon demande à ce même Rocard, qui flirte alors avec les 80 ans, de présider une conférence d’experts sur le climat, laquelle remettra peu après un rapport impeccable sur le sujet, directement jeté à la broyeuse. Or donc, il est manifeste que Rocard est un expert de la question climatique, et un gigantesque « écolo ». Qui n’est pas même foutu de considérer deux éléments qui se contredisent totalement.

D’abord, la loi Énergie de juillet 2005 oblige la France à diminuer de 80 % ses – nos – émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Pour atteindre un objectif aussi colossal, il va de soi que nous devrions commencer maintenant. Plus exactement, nous devrions avoir diminué notablement nos émissions. Ce n’est pas le cas, et malgré divers subterfuges à destination des gogos, elles augmentent. Deuxième élément, contradictoire : exploiter le gaz de schiste se trouvant en France augmenterait dans des proportions géantes nos émissions. D’une manière parfaite et mécanique. Ce qui signifie que Rocard, dans son entretien au Monde et avec la bénédiction de ses journalistes, suggère de violer la loi de son pays. Je note avec vous qu’il n’est pas en taule.

Allons un peu plus loin. Rocard se fout du climat avec une gourmandise qui laisse rêveur, mais cela ne date pas d’hier. Le 8 janvier 2010, l’AFP, noble agence de presse, écrit de Rocard qu’il « travaille de longue date sur la question du réchauffement climatique, de la mise en place – lorsqu’il était à Matignon – de la Mission de l’effet de serre à ses travaux récents sur la taxe carbone ». Voyez-vous, le vrai tragique est que c’est vrai. Dans l’insondable vide qui occupe nos politiciens, il y a de la place pour des gestes, quantité de gestes qui ne seront jamais des actes. Rocard a bien accumulé des gestes, sans rien d’autre derrière.

Poursuivons. Cette dépêche de l’AFP arrive après une déclaration fantastique de notre excellent ami sur France-Inter, le 29 juillet 2009. Repérez cette date : à ce moment de sa drolatique histoire, Rocard est censé présider une Commission sur le climat. Et il en profite pour faire de la pédagogie à propos de l’effet de serre. Ce qui donne, en un saisissant verbatim : « Le principe, c’est que la Terre est protégée des radiations excessives du soleil par l’effet de serre, c’est à dire une espèce de protection nuageuse, enfin protection gazeuse qui dans l’atmosphère est relativement opaque aux rayons du soleil. Et quand nous émettons du gaz carbonique ou du méthane ou du protoxyde d’azote, un truc qu’il y a dans les engrais agricoles, on attaque ces gaz, on diminue la protection de l’effet de serre et la planète se transforme lentement en poêle à frire. Le résultat serait que les arrière-petits-enfants de nos arrière-petits-enfants ne pourront plus vivre. La vie s’éteindra à sept huit générations, ce qui est complètement terrifiant. »

Je ne ferai pas l’exégèse de ce grand document. Tout est déconnant à la racine. J’ai beaucoup ri en pensant à ces gaz – hilarants ? – qui attaquent d’autres gaz. C’est une bien jolie pignolade, et elle démontre que Rocard ne sait rien. Rien. Mais qu’il parle pourtant au nom de tous. Est-ce grave ? Chacun jugera en conscience. Sachez du moins que, lorsqu’il sort des inepties sur les gaz de schiste, il ne fait que poursuivre sur une route déjà encombrée. Par ailleurs, si vous voulez avoir une idée de la lamentable carrière politique de Michel Rocard, qui aura raté dans ce domaine toutes ses entreprises, jusqu’à devenir le petit télégraphiste de Mitterrand, qui le méprisait tant, vous pouvez lire un mien article, qui date de près de trois ans.

Sur ce, je vais lire quelque chose qui me plaira. Peut-être Ferdynand Ossendowski, auteur de récits magiques sur la Sibérie sauvage, entre 1898 et 1905.

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Michel Rocard : « Avec le gaz de schiste, la France est bénie des dieux »

LE MONDE |

L'ancien premier ministre Michel Rocard, vendredi 9 novembre à Paris.

L’ancien premier ministre Michel Rocard, vendredi 9 novembre à Paris. | Philip Provily pour Le Monde

Il a accepté l’entretien bien volontiers, même s’il s’amuse qu’on soit venu le voir alors qu’il n’est plus, comme il dit, « en service actif ». A 82 ans, pourtant, c’est un Michel Rocard en pleine forme qui reçoit Le Monde dans son bureau des Champs-Elysées où trône une immense photo de lui emmitouflé dans le froid, qui rappelle qu’il est depuis 2009 ambassadeur chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique.Fidèle à ce qu’il a toujours été, enchaînant les phrases à rallonge sans jamais perdre le fil de raisonnements truffés de digressions, l’ancien premier ministre parle avec liberté et une pointe de badinerie. Sauf quand il évoque la crise, pour laquelle il va chercher dans une liasse de papiers une caricature qui illustre son état d’esprit : on y voit un paquebot au bord d’une chute d’eau, dont un membre de l’équipage dit : « Peut-être faudrait-il songer à changer de cap. »

Partagez-vous le diagnostic de Louis Gallois, dans son rapport sur la compétitivité, sur le « décrochage » français ?

Absolument. Nous vivons en France une étrange situation. Il y a d’abord l’influence du mouvement mondial (on l’appelle crise mais c’est une mutation), c’est-à-dire un gros ralentissement de la croissance, la montée généralisée de la précarité au travail, l’empêchement de la baisse du chômage et la réapparition d’une vraie pauvreté qui touche 3 %, 4 %, 5 % de la population et qui avait disparu dans les années de la grande croissance. Tout cela, c’est la crise, et elle dure depuis vingt ans.

De l’épisode 2007-2008, il reste, outre la disparition de plusieurs centaines d’établissements financiers, une situation d’inhibition des banques devant le crédit interbancaire et le financement des entreprises. Le tout donne l’entrée en stagnation que nous subissons. A cela s’ajoute en France l’effondrement soudain de notre appareil de production. Ce diagnostic-là, posé par Louis Gallois, est essentiel. Il appelle une conscience de l’urgence et une réponse forte.

Les conclusions tirées par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, sont-elles à la hauteur ?

L’économie n’est pas une science exacte. Mais ce qui est à la hauteur du défi qui nous est posé, c’est l’action conjointe du gouvernement et du patronat pour mettre l’économie française en état de redémarrer. Il y aura des gens pour dire que l’effort fiscal de 20 milliards d’euros n’est pas suffisant, et qu’il aurait fallu 50 ou 60 milliards d’euros, comme en Allemagne et aux Pays-Bas. Mais la vingtaine, c’est probablement le maximum possible aujourd’hui. Et c’est l’une des plus grosses frappes conjoncturelles des gouvernements de la République française qu’on ait vu faire depuis des décennies. C’est à la fois courageux et pertinent.

M. Ayrault a décidé d’augmenter la TVA. Qu’en pensez-vous ?

J’aurais accepté une augmentation de la CSG , même si je sais que cet impôt – parce qu’il est proportionnel au premier euro, général et à peu près sans niches – est brutal et même cruel. Mais j’y étais prêt car c’était une garantie d’un allégement massif des charges des entreprises. Alors bien sûr, on aurait dit : ‘Comment ? Mais le pouvoir d’achat est déjà stagnant !’ Il fallait répondre fermement : le danger, c’est un million de chômeurs de plus et rapidement. Mieux vaut donc partager la charge entre les ménages pour contribuer à remettre notre système productif en route.

Le gouvernement a-t-il eu raison de ne pas suivre M. Gallois sur le gaz de schiste ?

Sur ce sujet, étant très écolo, je me suis longtemps abstenu. Mais je n’ai rien lu qui soit complètement convaincant. On a un réflexe fantasmé un peu du même type que face aux OGM. Quand on sait que le gaz de Lacq était extrait par fracturation hydraulique sans dégâts sur place, on s’interroge. Or la France est bénie des dieux. Pour l’Europe, elle serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole. Peut-on s’en priver ? Je ne le crois pas.

Comment avez-vous vécu les premiers mois du retour de la gauche au pouvoir ?

Je ressentais un petit malaise. Après tout, le président, le gouvernement, ce sont mes copains, mon monde ! Mais j’avais trouvé dangereux que le PS fasse campagne en tenant pour acquis qu’on aurait chaque année une croissance de 2,5 %. C’était évidemment impossible et je croyais dommageable – je le lui ai dit – que François Hollande ait repris cette antienne…

Du coup, nous venons de vivre six mois pendant lesquels ceux qui produisent, les entreprises et leurs patrons, se sont sentis les boucs émissaires de la nouvelle majorité. Or dans la crise actuelle, nous n’avons qu’un instrument de défense : notre appareil productif. M. Gallois le dit, je l’avais dit aussi à ma manière : il faut d’urgence signaler au monde de l’entreprise qu’on sait qu’il est là, qu’on veut qu’il tienne le coup et qu’on va l’y aider. Ce signal a été donné cette semaine. Il était temps.

L’automne a été dominé par les discussions sur les 3 % de déficit du produit intérieur brut (PIB) dès 2013. Que pensez-vous de cet objectif ?

Les gouvernements d’Europe restent trop monétaristes. Ils pensent que les marchés s’auto-équilibrent et que moins l’Etat s’occupe d’économie, mieux l’on se porte. On le voit dans la priorité donnée à l’équilibre des finances publiques et dans le traité budgétaire européen. Or la crise a montré la fausseté de cette analyse, et ce n’est pas un hasard si depuis quinze ans, le jury du prix Nobel couronne des néokeynésiens, comme Armartya Sen, Joseph Stiglitz ou Paul Krugman. Je pense qu’ils ont raison, qu’il vaut mieux payer ce que l’on peut de ses dettes mais que la dépense publique est l’un des moteurs de l’activité. La freiner trop pousse à la récession. La brutalité des 3 % peut être dangereuse.

Il y a de toute façon une bataille pour l’Europe dans les règles actuelles, 3 % compris. Puis il faudra mener et gagner une deuxième bataille de doctrine économique, sur ‘comment vivre avec de la dette sans entrer en récession’.

L’Allemagne peut-elle entendre ce discours ?

L’Allemagne est certes fondamentalement monétariste, mais elle sait depuis la crise des dettes souveraines que la solution pour l’Europe passe par plus de fédéralisme. En outre, elle est en stagnation, sinon en récession. Elle a donc évolué. De son côté, le Royaume-Uni, qui bloque tout progrès de l’intégration européenne depuis 1972, s’est mis à l’écart de la zone euro. Profitons-en. Cette double situation offre la perspective de repartir vers la construction européenne. Ce doit être la priorité du gouvernement français.

La France s’éloigne-t-elle trop de l’Allemagne en ce moment ?

Probablement. La relance européenne ne peut partir qu’avec les Allemands. Il ne faut jamais l’oublier.

M. Hollande va faire sa première conférence de presse mardi. Qu’attendez-vous de lui ?

C’est toute la France qui attend d’y comprendre quelque chose. On a besoin de savoir si François Hollande pense toujours que la croissance peut revenir assez vite, ou s’il admet que nous sommes dans une crise plus profonde. On attend qu’il parle de l’Europe et qu’il reconnaisse que le commandement est allemand, tout en menant campagne contre le monétarisme ambiant.

Un discours d’anthologie (Notre-Dame-des-Landes à Rennes)

Samedi passé, manifestation de soutien aux combattants de Notre-Dame-des-Landes, à Rennes. Voici le texte qui a été lu au nom des habitants de la ZAD. Zad pour Zone d’aménagement différé, dans la langue orwellienne de Vinci le bétonneur et du parti socialiste son acolyte. Zad pour Zone à défendre dans la bouche de nos amis du bocage. Lisez et n’oubliez pas : LE 17 NOVEMBRE, IL FAUT Y ÊTRE !

Amis d’ici, amis d’ailleurs,

Quelque chose est en train de se passer à Notre-Dame des Landes. Quelque chose qui les dépasse, ces Césars de pacotille, le préfet Mr Delaverné comme le premier ministre, Jean Marc Ayrault.

Les machines détruisent, les flics gazent, expulsent, frappent, et arrêtent… mais la lutte se renforce ! Le temps de la négociation, des accords, des compromis et des petits jeux électoralistes est révolu. Le temps de la division, savamment orchestré, entre habitants et paysans, entre squatteurs et « militants historiques », entre « gens du cru » et étrangers, est derrière nous. Aujourd’hui, nous faisons bloc ! Toutes les tactiques se complètent pour s’opposer aux expulsions, aux destructions et aux débuts des travaux. L’aéroport n’est plus seulement un projet, une abstraction, un monstre de papier qu’on attaque à coup de contre-expertise. C’est une réalité humaine et matérielle : C’est nos voisins poussés au départ par Vinci/ AGO… C’est les maisons et le cabanes détruites au tractopelle… C’est nos ami-e-s jetés des arbres, à la rue, à l’arbitraire de la justice… C’est le renforcement de l’occupation militaire du territoire. Mais c’est surtout la lutte qui prend un sens et une ampleur nouvelle. C’est surtout les actes de résistance et toutes les solidarités qui s’expriment ici comme ailleurs.

Dans le bocage avec celles et ceux qui s’organisent : rassemblements, manifs, défense des lieux de vie, ouverture de maisons, occupation de routes, défense de la forêt, cantines collectives, assemblées, ravitaillement, reconstruction…Les habitats sont détruits mais les habitants sont encore là. Et tant que nous sommes là, il faut qu’ils comprennent que les travaux du barreau routier (prévu pour février 2013) et la destruction de la forêt de Rohanne (prévue en décembre 2012) ne pourront pas commencer ! Le 17 novembre pour la manif de réoccupation, soyons nombreux-euses sur le terrain pour leur montrer qu’on reste et que nous reconstruirons plus vite qu’ils ne détruisent. La lutte se diffuse au delà de la Zone à Défendre, avec la création de collectifs contre l’aéroport et son monde, avec le foisonnement de gestes solidaires.

Contre Vinci et le parti socialiste, contre tous les projets d’aménagement du territoire… De la prise d’antenne sauvage au rassemblement public, du sabotage au défilé de tracteurs, du concert de soutien au parking Vinci perturbé….Plus la lutte se renforce sur le terrain, plus elle se répand , et plus la possibilité de l’arrêt immédiat du projet d’aéroport se rapproche ! Le mouvement s’élargit, de Val de Suza à NDDL, pour contrer tous les Césars qui veulent aménager nos territoires et nos vies, continuons de construire de multiples foyers de résistance irréductible. A Vinci qui nous dit Dégage,on aménage, nous répondons que nous ne partirons pas comme ça et que nous résisterons partout ici comme ailleurs.

Les habitants de la ZAD

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INFOS SUPPLÉMENTAIRES ET PRATIQUES

- Cet appel à réoccupation a été lancé par le réseau Reclaim The Fields et des occupant.e.s de la ZAD qui avaient occupé des terres en friche avec plus d’un millier de personnes en mai 2012 pour y implanter la ferme maraîchère « Le Sabot » . Nous invitons aujourd’hui tous les groupes qui le souhaitent à relayer cette initiative et à rejoindre l’organisation du 17 novembre.

- Au-delà d’une manifestation, il s’agit avant tout d’une action collective qui gagnera en puissance avec une présence longue et active du plus grand nombre. Prévoyez d’être là pendant le week-end et plus si possible pour amorcer l’occupation, continuer les constructions, les défendre, et en faire émerger des idées pour la suite.

- Amenez des outils et matériaux divers et variés, des bleus de travail, du son, des créations loufoques, des radios portatives, des tartes à partager et une détermination sans faille.

- Il sera possible d’arriver dès la veille. Un espace de campement sera annoncé dans les jours précédant la manifestation.

- Vu l’énergie nécessaire à la résistance aux expulsions d’ici là et l’épuisement conséquent pour les occupant-e-s, la réussite de cette manifestation dépend de manière cruciale de l’implication des collectifs et individu-e-s solidaires partout ailleurs. Nous appelons à ce que s’organisent des réunions publiques, relais d’information et co-voiturages dans chaque bourg en vue du 17 novembre.

- Des affiches et tracts photocopiables sont disponibles sur le site ou en format papier sur nantes (B17) ou sur la ZAD (Vache-rit). Tout soutien financier est le bienvenu (par chèque à l’ordre de “Vivre sans aéroport”, La Primaudière 44130 NDDL ; par virement : 20041 01011 1162852D32 36)

Comme la situation change chaque jour, guettez régulièrement les infos sur le site : http://zad.nadir.org/

En vue du 17 novembre, on cherche des poutres, matériaux de construction et d’escalade, cuisines collectives, chapiteaux, musiciens, batukadas, cabanes en kit, outils, tracteurs….

Pour tout échange, coup de mains, relais, propositions : reclaimthezad@riseup.net

David Assouline est amusant (à propos de Notre-Dame-des-Landes)

Vous ne connaissez pas David Assouline, et sauf grave erreur de ma part, vous ne perdez guère. Moi non plus, je ne le connais pas. Mais je dois avouer que le repas d’anniversaire d’un copain, il y a une dizaine d’années, m’a conduit à dîner non loin de lui. Et c’est tout. Qui est-il ? Un sénateur. Non, on ne rit pas. Pas encore. Âgé de 53 ans, Assouline a été de nombreuses aventures de l’extrême-gauche française. Il a été membre, entre autres, de la défunte LCR, plus tard que des Julien Dray et consorts. Disons jusqu’au début des années 90. Et puis, en 1995, changement de programme : le bolchevique, fier militant de fer, rejoint le parti socialiste, après tant d’autres.

Y aura-t-il de la place pour lui ? Eh bien oui, un strapontin, de sénateur comme je l’ai écrit plus haut. Mais il est aussi – mazette – porte-parole de ce parti socialiste qui l’a propulsé en haut de l’affiche. Oh quel destin ! Voilà que j’apprends par Le Figaro (ici) qu’une « vague de vandalisme anti-PS » déferle sur notre vieux pays. Depuis la mi-octobre, une quinzaine de permanences socialos ont été taguées, insistant à chaque fois sur la responsabilité écrasante du PS dans le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Notez qu’il ne s’agit que d’inscriptions à la peinture. Aucun chef socialiste n’a été pendu. Aucune bombe n’a déchiqueté une réunion de section. De la peinture.

C’est alors que surgit des décombres David Assouline. Un type qui aura passé l’essentiel de sa jeunesse dans des organisations gauchistes. Je précise pour ceux qui ne le sauraient que la LCR, pour ne prendre qu’elle, a assumé, au long de son histoire, de très nombreux heurts physiques avec ses adversaires. Et par exemple avec des policiers – largement aussi « républicains » que ceux qui dévastent Notre-Dame-des-Landes en ce moment -, envoyés par dizaines à l’hôpital après une rencontre avec le service d’ordre de ce qu’on appelait jadis La Ligue. Autrement dit, Assouline est l’héritier en ligne directe d’un courant qui a pratiqué et défendu la violence partout dans le monde. Et qui considérait la social-démocratie qu’adore aujourd’hui Assouline comme un ennemi de la révolution. Je ne juge rien, je rappelle.

Donc, Assouline surgit et déclare, apparemment sans rigoler de lui-même : « Aucune pseudo-cause ne peut justifier de tels actes de vandalisme politique. Il doit y avoir maintenant une réaction énergique pour arrêter là cette dérive qui constitue une atteinte insupportable à la démocratie ». J’aime beaucoup cette « pseudo-cause », car elle signifie au passage, selon moi, que monsieur le sénateur Assouline ne sait plus, s’il l’a su un jour, ce qu’est une cause à défendre. Pour le reste, tout y est : Assouline est sur la voie de Jules Moch, ministre socialiste des flics sous la Quatrième République, pour laquelle il n’existait d’autre cause que le maintien au pouvoir de ses ministres. Réaction énergique, dérive, atteinte insupportable à la démocratie. On croirait un gag. C’est sérieux. La vieillesse est un naufrage.

Lever un malentendu (rajout du 11 novembre) : Mouton noir, mais avant lui H., m’a fait part de son désaccord avec la dernière phrase du petit papier ci-dessus. Voici ce qu’il m’écrit : « Cher Fabrice,
je souscris totalement à ta critique, mais je trouve dommage que ta dernière phrase gâche tout: quand tu écris « La vieillesse est un naufrage. », je crains fort que tu ne tombes dans une erreur typique de notre société où la jeunesse est glorifiée (pour mieux l’arnaquer ?) et où les cons sont forcément des vieux. Quand je lis ce genre de phrase, je pense à Théodore Monod et à la chanson de Brassens « Le temps ne fait rien à l’affaire » (http://www.youtube.com/watch?v=gznDOMKeWkA). Un naufragé de 63 ans ».

Et voici ce que je lui réponds :

« Cher Mouton noir. Mais je suis plus vieux que Assouline ! Un, j’ai repris, peut-être à tort, une phrase de De Gaulle ( « La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s’identifier avec le naufrage de la France ». In Les Mémoires de Guerre. De Gaulle avait piqué l’expression à Chateaubriand ). Et, deux, plus important et de loin, je n’ai voulu pointer que le racornissement de l’âme, qui concerne tout le monde, quel que soit l’âge ! Si tu savais comme je me fous de l’âge civil qu’ont les gens ! Bien désolé de ce malentendu ».