Ces oliviers qui signifient la guerre (Incursion en Palestine)

Je ne découvre pas la Lune, non pas. Je sais dans les grandes lignes ce qui s’est passé en Palestine, au moins depuis les années 20 du siècle écoulé. L’aspiration de certains Juifs à fonder sur cette terre un État. L’émergence d’une superbe génération de pionniers, sionistes, socialistes, souvent universalistes malgré certaines apparences. ??? ??-??????, c’est-à-dire David Ben Gourion, alias de David Grün, en fut le plus noble symbole. Mais cet homme, bien que né en Pologne, avait émigré en Palestine dès 1906, à l’âge de 20 ans. Il n’avait donc pas connu directement la destruction de tant des siens.

Je ne sais pas si Israël, créé en 1948, aurait vu le jour sans cette impensable Shoah dont l’ombre continue de me hanter. Sans ce génocide à l’impossible prescription, ce crime sans pardon perpétré par les nazis contre les Juifs d’Europe. Dans l’immédiat après-guerre, des milliers de Juifs askhénazes, parlant yiddisch – quelle langue somptueuse ! -, rescapés des camps de la mort, réchappés des ghettos de Russie, de Pologne, de Hongrie, de toute l’Europe centrale défunte, gagnèrent cette Palestine qui leur semblait l’unique chance de salut. Beaucoup appartenaient à ce que l’on nommait encore le mouvement ouvrier. Ce sont eux qui fondèrent l’État juif et les kibboutzim, croyant encore au mieux de l’homme, malgré le pire.

De leur côté, les grands États sortis vainqueurs de la guerre totale au fascisme – la France, l’Angleterre, les États-Unis, mais aussi l’Union Soviétique – tombèrent d’accord sur la création d’un pays sioniste, susceptible d’accueillir toute la misère juive de l’univers. Bien malin qui pourrait aujourd’hui distinguer entre la culpabilité de n’avoir rien tenté contre Auschwitz et le souhait lâche que ne soit plus posée – pour eux, chez eux – la supposée « question juive ». Le fait est que des Juifs de partout ont installé de force, au milieu de nulle part, mais sur une terre saturée d’histoire religieuse, un gouvernement, une police, une armée. Les Palestiniens, de nombreux Palestiniens furent chassés de leurs terres ancestrales. Je vous prie d’excuser ce long préambule. Dès que l’on parle des Juifs, il convient d’être clair. Je le suis. J’exècre, je maudis, j’envoie aux flammes de l’enfer les antisémites, qui ne sont pas, à mes yeux, des humains. Je me reprends : humains ils sont. Les plus affreux d’entre nous, car obscurcissant le mal absolu, ils le rendent de nouveau possible.

Mais il y a les Palestiniens. Rien ne m’empêchera d’écrire qu’ils sont traités avec barbarie par le pouvoir israélien. Un pouvoir qui n’a que lointain rapport avec le rêve des fondateurs. On pourrait, on pourra gloser à l’infini sur cette dégénérescence morale, cet affaissement, cet avilissement d’êtres dont certains, et non des moindres, étaient pourtant des survivants. Cela ne me rend pas triste, cela me désespère. J’ajoute, non pour minorer, mais pour être juste, que beaucoup, parmi ceux qui défendent les Palestiniens et attaquent Israël, n’ont jamais levé le moindre petit doigt contre d’autres pratiques ignobles qui se déroulaient au même moment dans les pays arabes.

Je ne vais pas dresser une liste, elle serait bien trop longue. Rappelons quelques exemples. En 1982, le clan alaouite du président syrien Hafez el-Assad assiège et détruit la ville de Hama, place-forte des Frères musulmans. Après 27 jours de siège, entre 10 000 et 25 000 civils sont tués. En avez-vous seulement entendu parler ? En septembre 1970, les Bédouins du roi Hussein de Jordanie tournent leurs canons contre les camps de réfugiés palestiniens. Ces Palestiniens qui sont pourtant l’immense majorité de la population de ce pays. L’affaire est certes complexe, mais les morts meurent. Entre 3500 et 10 000 Palestiniens sont tués. Bien plus se réfugient au Liban, où nombre croupissent encore, parfois depuis 1948, dans des baraquements provisoires. Provisoires depuis 62 ans. Depuis qu’Israël les a chassés de chez eux, oui. Je laisse de côté le sort fait aux Kurdes. J’oublie donc les 5 000 morts gazés d’Halabja, grâce notamment à des avions Mirage du bon monsieur Dassault, au temps où Saddam était l’ami de Chirac et de Chevènement. Oui, bien obligé, je laisse de côté des flots de sang arabe versés par des Arabes, et qui n’ont jamais ému personne en France.

Il n’en va pas de même avec Israël. Et d’une certaine manière, même si un fonds antisémite se cache souvent dans les replis du drapeau palestinien, cela me semble juste. Israël est un pays à part, qui devrait, à mes yeux, se fixer des devoirs plus impérieux que d’autres, ne fût-ce qu’en hommage aux disparus de l’effroyable. Tel n’est pas le cas. Hacène, très attentif lecteur de Planète sans visa, me signale la manière dont des colons d’Israël s’attaquent aux oliviers souvent centenaires des Palestiniens de Palestine. Certes, j’en avais entendu parler. Certes, je l’avais oublié. Le drame est là-bas si complet qu’il est bien difficile d’en distinguer les si nombreuses victimes.

Mais oui, l’arrachage des oliviers est un crime singulier. Car cet arbre est provende pour les pauvres, et il incarne non seulement la beauté, mais la permanence, l’histoire, le passage du temps et des générations, le travail des hommes, le miracle de la nature mille fois renouvelé. Et la paix ? Bien sûr, la paix. On ne sait pas combien d’arbres ont été arrachés au bulldozer pour être replantés en Israël. Combien ont été tronçonnés. Combien ont été brûlés. On ne sait pas ce que la construction du mur entre Israël et le reste de la Palestine a coûté en amandiers, citronniers, dattiers ou oliviers. Peut-être 500 000 de ces derniers ont-ils disparu de la terre où des mains les avaient si longtemps soignés. Peut-être un million. Peut-être bien plus.

Deux faits pour conclure. Terribles tous deux. Le premier tient dans une courte dépêche de l’agence Reuters en date du 21 juillet 2009 : « Une dizaine de colons juifs à cheval munis de torches se sont livrés lundi à une équipée sauvage près de Naplouse. Ils ont notamment incendié 1500 à 2000 oliviers appartenant à des Palestiniens. Les agresseurs entendaient venger la destruction quelques heures plus tôt par l’armée d’une caravane dans une colonie sauvage installée sans autorisation, rapportent les médias israéliens. L’armée et la police israéliennes n’ont fait aucun commentaire sur cette “descente” des colons. Ces derniers ont aussi tiré des pierres sur des voitures palestiniennes, endommagé cinq véhicules et blessé deux de leurs occupants ».

La deuxième histoire tient dans un rapport (ici) de la noble association de défense des droits de l’homme israélienne Yesh Din, dont le nom hébreu veut dire : « C’est la loi ». Entre 2005 et 2009, Yesh Din a enquêté sur 69 cas distincts de vandalisme contre les arbres, principalement des oliviers, allant jusqu’au brûlage ou à l’arrachage. Tous se sont déroulés en Cisjordanie, c’est-à-dire en territoire occupé militairement par l’armée d’Israël. 27 des cas recensés, soit près de 40 % du total, ont eu lieu au cours des 10 premiers mois de 2009. Aucune mise en examen n’a été prononcée. Une honte ? Elle est totale.

13 réflexions sur « Ces oliviers qui signifient la guerre (Incursion en Palestine) »

  1. Bonjour,

    L’OLIVIER EST LE SYMBOLE LE PLUS AUTHENTIQUE
    ET LE PLUS VENERABLE DU POURTOUR DE LA MEDITERRANEE.

    Symbole de longévité et d’espérance, l’olivier est réputé éternel.

    Ainsi le décrit Hérodote;

     » L’olivier fut brûlé dans l’incendie du temple par les barbares; mais le lendemain de l’incendie, quand les Athéniens, chargés par le roi d’offrir un sacrifice, montèrent au sanctuaire, ils virent qu’une pousse haute d’une coudée avait jailli du tronc « .

    Dans tout le bassin méditerranéen, on rencontre des oliviers millénaires, et parfois même réputés pluri-millénaires. Il est le témoin de notre histoire et l’accompagne à chaque instant.
    Symbole de paix et de réconciliation, le rameau d’olivier est choisi par Dieu pour signifier à Noé que le Déluge est fini et que la décrue commence, symbole du pardon.

    Symbole de victoire, l’olivier est un cadeau chargé d’une signification gratifiante lors des jeux olympiques à Athènes. Couronne d’olivier et jarres d’huile d’olive sont ainsi offertes aux vainqueurs.

    La couronne d’olivier est devenue le symbole des Jeux olympiques d’Athènes. Pas moins de cinq mille cinq cent treize couronnes seront confectionnées lors de ces Jeux par des volontaires. Les branches proviennent de Crète et sont offertes par un sponsor. La couronne rappelle celle de l’ancienne tradition d’Olympie, il y a 2 500 ans. Façonnée avec les branches de l’olivier qui poussait près du temple de Zeus, elle était la seule récompense des vainqueurs.
    Symbole de force, l’olivier est réputé pour son bois très compact, très lourd et très dur. C’est en bois d’olivier que sont faites les massues d’Hercule et c’est avec un pieu en bois d’olivier qu’Ulysse terrasse le Cyclope dans l’Odyssée.

    Symbole de fidélité, c’est aussi en bois d’olivier qu’est fait le lit d’Ulysse et Pénélope, lit qui n’accueillera aucun des nombreux prétendants au royaume d’Ithaque, durant les vingt ans d’absence du héros grec.

    L’olivier représente, à travers l’histoire du déluge et de l’arche de Noé, l’arbre de la renaissance : après 150 jours de crue, lorsque les eaux commencèrent à baisser, l’arche se posa sur le mont Ararat, Noé lâcha alors une colombe pour voir si le sol était sec.
    La colombe revint avec un jeune rameau d’olivier dans le bec, symbole de la paix et de la réconciliation avec Dieu qui avait provoqué ce déluge pour punir l’homme de sa tendance au mal. Le rameau d’olivier est alors « signe, dit Dieu, de l’alliance que je mets entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous pour les générations à venir ».

    L’olivier, enfin, symbolise l’amour car c’est sur une croix en bois d’olivier que Jésus donna sa vie.

    L’olivier,symbole de la paix….

    Ciao,Léa.

  2. Hors de ce sujet : voici la vraie définition des écolos:
    Nature capitale: belle opération de com! ah! la com..
    « Il faut mener de pair l’activité économique agricole avec le côte social aussi de l’agriculture qui est sur tout le territoire, et montrer par cette opération que les premiers écologistes de notre pays, ce sont les paysans », a expliqué Jean-Michel Lemetayer, président du syndicat agricole FNSEA. »

  3. Le jour (déjà lointain) où j’ai vu des oliviers vénérables massacrés par des soldats (ou des colons ?) j’ai bien cru pleurer…

    La page du journal Le Monde et ses terribles photos sont restés gravés dans ma mémoire.

    Mon entourage ne comprenait pas mon violent désespoir, pourtant ce jour là il m’a semblé évident que ces deux peuples qui s’entre déchirent étaient condamnés.

    Nul espoir dans un lieu où un humain ose détruire le support de la vie et le symbole de l’espoir.

    Comme pour les bombes dans les bus, comme pour le mur « de sécurité », les fondamentaux de l’humanité sont perdus et seul perdure la rage de nuire à l’Autre.

  4. ce n’est pas pour dire, mais pour aller vivre en Israël il faut être un petit peu intégriste… du moins je pense. Déjà il faut assumer de vivre entouré de murs et de barbelés, alors couper ou déraciner des oliviers, ça va dans une même logique jusqu’au-boutiste.

  5. Cette escalade vers l’horreur et la haine de l’autre,complexifie encore plus cette superposition d’injustices,et de vengeances continuelles.chaque bourreaux est victime,et inversement.depuis ma plus tendre enfance,meme si je sait que c’est plus vieux,j’entend aux infos,cette gueugeure infernale venants d’esprits faibles,sans doute tout comme nous.Nous sommes bien peu de chose.trop émotif ,idiot aussi,et peu soucieux de comprendre l’autre.

  6. Bonjour à tous,

    Je ferme d’autorité les commentaires concernant cet article, car je vois à quelle vitesse les choses peuvent dégénérer. Non que j’aie reçu des horreurs. Mais certains textes qui me sont parvenus ouvriraient fatalement, le Net étant ce qu’il est, la voie à des indignités. Or, voir plus haut, je considère à jamais les antisémites comme les plus misérables des humains. Et, vivant, jamais je ne laisserai un millimètre à cette engeance. Voilà.

    Fabrice Nicolino

  7. Fabrice ton texte est magnifique et pour être l’ami d’un franco/israëlien je ne pense qu’il faille être intégriste pour aller vivre en Israël.
    Ses parents y vivent, sa soeur y vit et y travaille. Ils ont des amis palestiniens (!). Sa mère pleure autant les morts d’où qu’ils viennent, des kamikazes du Hamas que des bombes de Tsahal. il y a vécu et il est l’homme le plus doux et le plus pacifique que j’ai jamais connu. Alors oui je suis à 100 % d’accord avec Fabrice sur tout. La débilité de l’antisémitisme, ces replis cachés dans les nationalismes arabes et aussi l’exigeante critique et condamnation même de la politique menée par cet état d’Israël. Et même si ce n’est pas publié, je voulais l’écrire.

  8. Une flottille internationale conduite par une ONG turque a mis le cap sur Gaza, défiant les mises en garde répétées d’Israël, qui soumet le territoire à un blocus.
    Le bras de fer dure depuis mercredi. D’un côté, un convoi de sept navires affrêtés par une ONG turque pour apporter de l’aide matérielle aux habitants de Gaza. De l’autre, les autorités israéliennes, qui menacent de recourir à la force si les militants persistent dans leur volonté de s’approcher des côtes de la bande de Gaza, soumise à un blocus par Israël depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas en juin 2007. Visiblement pas impressionnés par le déploiement de navires de guerre israéliens au large de Gaza, six des sept navires qui mouillaient non loin de Chypre ont …
    la suite sur :
    http://www.lefigaro.fr/international/2010/05/30/01003-20100530ARTFIG00045-po-tensions-autour-d-une-mission-humanitaire.php

  9. Bonjour fabrice,
    je me permet d’intégrer une petite réflexion complémentaire si ce n’est pas inapproprié, elle rejoint en tous points la position de Jean-Pierre Bacri lors de son interview accordée à sandrine ben david pour le Jerusalem Post en 2009 et repris sur juif.org en français.
    Je ne voudrais en aucun cas rajouter de l’huile sur un feu déjà bien assez ardent. Tout comme toi je condamne tout forme d’antisémitisme considérant bien sur un spectre plus large pour ce terme que celui que l’on veut bien lui accorder, c’est à dire dans les sémites je comprend aussi bien les arabes que les juifs.Je vais encore un tout petit peu plus loin, dans la considération humaine et morale des conflits au niveau international, estimes-tu que l’on aborde celui-ci de la même façon (en prenant en compte les lois internationales et les droits de l’homme comme il faudrait) comme on l’a fait pour la Yougoslavie, pour l’Irak,pour l’Afghanistan, pour le Rwanda etc…?
    Au vue du traitement particulier accordé à ce conflit je voulais savoir quels sont les droits de l’homme et les considérations humaines accordées au traitement de ce conflit, car factuellement on est pas du tout dans la même prise en compte des faits et exactions imputables à un état qui se dit démocratique mais qui pratique des méthodes totalitaires (blocus, embargo, check-points, colonisations illégales, interdiction du territoire israëlien ET palestinien à toute personne critique vis à vis de la politique nationale et ses dérives pour ne pas dire exactions…) répréhensibles aux yeux du droits international et du respect des droits de l’homme ?
    Pour moi c’est un énorme dilemme, comme d’autres points très ambigus dans la politique du gouvernement israélien qui sont en total désaccord avec les principes même de ce qu’est une véritable démocratie.
    En tout cas ton texte est très objectif et agréable à parcourir.
    Paix à tous pour cette nouvelle année, sous le signe de la liberté et de l’égalité (de traitement..) pour tous, enfin je l’espère de tout mon cœur.

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