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M.Macron, la sécheresse et la bataille de Marignan

Pour commencer, lisons ensemble ce communiqué de la Commission européenne, qui nous annonce – sans grande surprise – que la sécheresse de cette année est la pire que l’Europe ait connue depuis 500 ans. Bien sûr, les bureaucrates de Bruxelles ne savent pas vraiment ce qu’ils écrivent, car où seraient les sources précises et fiables d’il y a cinq siècles ? Peut-être aurait-il fallu parler de mille ans, ou de la naissance de Jésus-Christ ? N’importe, c’est tout de même fracassant.

Si l’on en reste au calcul strict, 500 ans en arrière, cela renvoie à l’an 1522. Que se passe-t-il alors sur notre Terre ? En mars naît au Japon l’un des grands samouraïs de l’Histoire, Miyoshi Nagayoshi. Mais aussi, en novembre, un certain Albèrto Gondi, dont l’un des descendants sera l’inoubliable cardinal de Retz, auteur de formidables Mémoires sur Louis XIV. Autre naissance, certainement en 1522, notre poète national Joachim du Bellay, ami de Ronsard. Sur un plan plus général, un certain Gil González Dávila est le premier Européen à « découvrir » le Nicaragua et le lac du même nom, merveille de toutes les merveilles. En juin, les Portugais installent leur premier comptoir commercial dans les îles de la Sonde, à Ternate, qui se situe à l’est de l’Indonésie. En septembre, Juan Sebastián Elcano est de retour à Sanlúcar de Barrameda, à l’embouchure du Guadalquivir, après trois folles années passées dans l’expédition de Fernão de Magalhães, c’est-à-dire Magellan.

Je pourrais continuer, car il s’en passe, des choses, en 1522, et même une terrible crue de…l’Ardèche en septembre. Mais moi qui ai assez peu connu l’école, je préfère encore me souvenir de ce qu’on me racontait lorsque j’étais en cours moyen première année : Marignan. Cela ne tombe pas pile poil – à sept ans près -, mais de vous à moi, faut-il barguigner ? Marignan, 1515. Cela devait venir instantanément à la première question posée. Marignan, 1515. Comme chef-lieu du Cantal Aurillac. Ou chef-lieu du Finistère Quimper, et non Brest, abruti que j’ai pu être.

Donc, Marignano à une quinzaine de kilomètres de Milan, le 13 septembre. L’armée de notre roi bien-aimé François Ier – il vient d’avoir 21 ans – affronte avec ses supplétifs de Venise des mercenaires suisses qui défendent le duché de Milan. Oui, il faut suivre. En 16 heures de combat, 16 000 hommes sont tués. Mille trucidés à l’heure, on a fait mieux depuis. L’important, c’est que François sort vainqueur de l’affrontement. Qu’a-t-il gagné ? Ou plutôt, qu’auront pour l’occasion gagné les peuples, au-delà de ce perpétuel devoir de creuser des tombes ? On ne sait plus.

Mais où veux-je en venir ? Eh oui, où ? Notre insignifiant Macron est confronté devant nous à une tâche qu’il n’accomplira pas, car il n’a pas, même lorsque ses petites ailes sont déployées, l’envergure qu’il faudrait. Et ne parlons pas des si faibles évanescences de son entourage direct. Toutes. Qui oserait prétendre qu’en 2522, si la vie des humains s’est poursuivie jusque là, on aura encore un mot pour eux ? Pour lui ? Ils sont encore là qu’ils sont déjà oubliés, ce qui ne présage rien de bien réjouissant pour eux. Pour cette armée d’ectoplasmes agitant au-dessus de leurs courtes têtes des épées en carton dont je n’aurais pas voulu à dix ans.

Non, Macron ne fera rien, et pour de multiples raisons. D’abord, bien sûr, il n’a strictement rien vécu, et cela se ne se remplace pas. Il est né dans une famille riche, a grandi dans l’ouate la plus onctueuse qui se peut trouver, a fait les études qu’on attendait de lui, lu les quelques livres barbants qui lui étaient nécessaires, rencontré les seules personnes qui méritaient de l’être, est devenu banquier d’affaires, s’est mis dans les pas d’un clone de lui-même, avec trente ans de plus que lui – Jacques Attali, roi des faussaires -, et ensuite a fait de la politique. Pas pour régler des problèmes. Plus sûrement pour éprouver ce sentiment de gloire personnelle et de pouvoir. Et à l’époque, cela s’appelait parti socialiste, dont il a été membre des années, même si tous l’ont oublié. Dans la suite, ainsi qu’on a vu, il a chantonné sous sa douche l’air de la rupture et des temps nouveaux, puis répété le même exaltant message devant des foules compactes et, soyons sincère, imbéciles, et il l’a emporté sur ce pauvre couillon nommé Hollande – le roi définitif des pommes -, avant de coiffer tout le monde sur le poteau.

La deuxième raison qui nous garantit son inaction est reliée à la première. Il n’a pas eu le temps. Quand on passe sa vie à rechercher les moyens de gagner sur les autres, on n’en a pas pour connaître ceux qui aideraient ces autres à vivre moins mal. Et dans ces autres, je considère avant tout les gueux de ce monde si malade, qu’aucun politicien vivant en France n’évoque jamais. Le paysan du Sénégal courbé sur sa houe. Le Penan du Sarawak qui clame sans que nous l’entendions qu’il n’est plus rien sans la forêt que nos lourdes machines assassinent. Les Adivasi de l’État indien du Chhattisgarh, dont les terres anciennes deviennent des mines d’or. Les dizaines de millions de mingong de Chine, ces oubliés de l’hypercroissance. Et dans ces autres, je mets au même plan – mais oui, car l’un ne va pas sans l’autre – la totalité de ces formes vivantes qui partent au tombeau.

Qui meurent parce que les Macron du monde entier ont fabriqué voici un peu plus de deux siècles – la révolution industrielle – une organisation économique barrant tout avenir désirable aux sociétés humaines. Macron, qu’on se le dise, n’a JAMAIS lu le moindre livre sur la crise écologique planétaire. Des notes de synthèse, écrites par quelque conseiller, sans doute. Mais son esprit ne saurait dévier du cadre dans lequel s’est formé son intelligence, si réduite au regard des questions réelles. Il ne peut pas. Il ne pourra pas. Ce serait se suicider intellectuellement et moralement.

Le rapprochement avec le De Gaulle de 1940 est éclairant. Cet homme est alors général de brigade – à titre provisoire -, et sous-secrétaire d’État à la Guerre. Et comme il est à sa façon un géant, il va trouver la ressource inouïe de rompre. Avec tout ce qui a été sa vie. Il va avoir cinquante ans, et sa jeunesse a baigné dans une ambiance provinciale rance, faite de maurrassisme et de royalisme, d’antisémitisme même. En 1940, il est encore un homme d’ordre et d’une droite profonde, assumée. Et pourtant ! Il part à Londres entouré au départ par quelques dizaines de partisans dépenaillés. Pas mal de gens de droite. Quelques autres de gauche. Vichy le condamne à mort par contumace. Saisit ses biens. Il est seul, il n’a jamais été et ne sera jamais plus beau.

Alors, Macron, quoi ? De Gaulle, malgré sa grandiose entreprise, ne rompt pas vraiment. Il estime, avec quelque raison, que ce sont les autres qui ont abandonné la France éternelle en rase campagne, face aux chars d’assaut de Guderian. Car lui en tient pour cette grande mythologie nationale, qui convoque à elle Clovis, Charles Martel, Jeanne d’Arc. Il représente à lui seul cette Grandeur, laissée sur le bord de la route par les infects Pétain et Laval. Il relève un gant tombé dans les ornières laissées par les envahisseurs. Mais cela lui est facile ! Oui, facile ! Écrivant cela, je sais que c’est faux, bien entendu. L’arrachement a dû être une torture mentale pour lui. Mais je veux signifier qu’il disposait d’un cadre dans lequel placer ses interrogations et sa bravoure. La France. Le grand récit national. L’éternité. Il n’avait pas besoin en lui d’une révolution morale. Il avait besoin d’une témérité sans égale. Et il en disposait.

Macron-le-petit n’a rien de cela. Il ne peut s’accrocher à une vision, à un avenir, à un passé, car rien de tout cela n’existe en son for. Il admire l’économie en benêt, la marche des affaires, les échanges commerciaux. Dans un présent perpétuel qui est exactement ce qui tue la moindre perspective. Il ne peut ni ne pourra. Il lui faudrait une force dont il ne dispose pas. Il lui faudrait tout revoir, tout réviser, tout exploser même. Il lui faudrait s’attaquer à des structures qu’il aura sa vie durant contribué à renforcer. Or, qui ne le voit ? Il n’a que peu de qualités profondes. Je mesure à quel point ces mots peuvent paraître durs. Mais franchement, quelle qualité essentielle attribuer à un homme comme lui ? La verriez-vous ? En ce cas, éclairez-moi.

Nous voici donc face à un événement que la Commission européenne définit comme historique. Moi, je ne dirai jamais cela, car c’est incomparablement plus vaste et plus complexe. Le mot Apocalypse me vient spontanément, qui ne signifie nullement fin du monde, mais bel et bien « Révélation ». Et oui, dans ce sens-là, la sécheresse de 2022 est la révélation de ce qui nous attend, et qui sera bien pire. Le grand malheur dans lequel nous sommes tous plongés, c’est qu’aucun politique de quelque parti que ce soit ne vaut davantage que Macron. Je sais que beaucoup placent leurs espoirs en Mélenchon, que j’ai tant de fois écartelé ici. Mais qu’y puis-je ? Nous avons besoin d’une nouvelle culture, de nouvelles formes politiques adaptées à des problèmes que les humains n’ont encore jamais rencontrés, en évitant de remplacer des politiciens par d’autres politiciens, car tous finissent toujours par se valoir.

Nous avons besoin d’un surgissement. Nous avons besoin de sociétés enfin éclairées, échappant enfin aux redoutables crocs des idées mortes – oui, la mort mord -, décidées à l’action immédiate, qui ne peut être basée que sur l’union massive, autour du seul mot qui ne nous trahira pas : vivant. Oui, nous devons nous battre ensemble pour le vivant. Et le vivant, en France, dans la Géhenne de cet été brûlant, est très souvent mort de soif. Ne pensez pas toujours à vous et à vos proches, bien que j’en fasse autant que vous. Pensez aux hérissons, fouines, renards, libellules, mantes, guêpes et abeilles, grenouilles et poissons, circaètes et moyens-ducs, aux chevreuils et cerfs, aux papillons, pensez aux arbres et à ces milliards de plantes qui ont brûlé au soleil ou au feu. Leur terrible destin nous oblige tous. Il nous oblige. Il faut lancer un seul et unique mouvement. Vivant. Le mouvement Vivant.

Ce n’est rien, tu le sais bien, le temps passe, ce n’est rien (air connu)

Je viens d’aller voir l’état d’une mare que j’aime, je ne sais le dire autrement. La sécheresse l’a torturée, presque à mort. Où sont les tritons ? Ou est la couleuvre vipérine dont j’observais avec passion l’immobilité ? N’allons pas plus loin : je suis malheureux.

Et furieux pour la millième fois contre ceux qui se réclament comme moi de l’écologie. Pour la millième fois, je me dis qu’il (me) faut trouver un autre mot pour se reconnaître. Car décidément, je n’ai rien à voir avec eux. Rien. Je pense bien entendu à ce Mélenchon, incapable d’écourter ses voyages en avion – il est ou était parti pour l’Amérique du Sud – pour nous parler du drame biblique que nous vivons. On le sait, il souhaite organiser en septembre une marche contre la vie chère. Car il veut que les pauvres puissent consommer davantage. Et donc contribuer plus efficacement à l’aggravation du dérèglement climatique (1).

Quant à Europe-Écologie-les-Verts, que dire qui ne m’accable davantage ? Julien Bayou et ses petits amis sont en vacances, et préparent leurs journées d’été qui prépareront les cantonales, les sénatoriales, les Européennes, les municipales, la présidentielle qui sait ? La France entière brûle, et ils jouent au volley-ball sur la plage. Beuark.

(1) Inutile d’envoyer un commentaire sur mon indifférence aux pauvres. J’ai de nombreuses fois, et ici même il y a bien peu, envisagé des mesures qui réintégreraient les smicards dans la société des nantis, mais sans émission supplémentaire de gaz à effet de serre. Mais qu’importe aux aveugles volontaires ?

Grave moquerie sur le dérèglement climatique (et madame Tubiana)

On connaît (presque ) tous le mot de Lampedusa dans Le Guépard : « Se vogliamo che tutto rimanga com’è, bisogna che tutto cambi ». Autrement dit, si nous voulons que tout reste comme c’est, il faut que tout change. La phrase – c’est en tout cas mon interprétation – signifie qu’on peut et qu’on doit faire des concessions de forme pour sauvegarder ce fond auquel on tient tant.

Dans le domaine du dérèglement climatique, cela s’applique merveilleusement. Je viens de tomber sur une page entière du journal Le Monde – édition de cet après-midi – qui donne la parole, avec photo, à une certaine Laurence Tubiana. J’ai souvent eu l’occasion de la critiquer ici, dès 2008 (et aussi ici, ici, encore ici, et même ). C’est une femme à mes yeux détestable, qui aura représenté le faux engagement des élites médiatiques et politiques contre le dérèglement climatique. Comme elle a fait croire à des gogos qui ne demandaient que cela qu’on agissait, eh bien, elle nous a fait perdre un temps fou, qui ne reviendra pas.

De gauche comme le sont François Hollande ou Manuel Valls, elle a mené la délégation française à la première conférence sur le climat à Kyoto, en 1997, puis est devenue membre du staff de Lionel Jospin, quand celui-ci était Premier ministre de cette même année 1997 à 2002. Notez la date, c’est précieux. Il était encore temps d’agir pour de vrai. Mais Jospin, sans l’avouer, cornaqué par son ministre et ami, le faussaire Claude Allègre, était un climatosceptique. Et rien n’a été fait. Rien. Dans le même temps, Tubiana régnait sur l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), qui accueillait parmi ses membres fondateurs des industriels aussi sympathiques que EDF, Entreprises pour l’environnement (EpE), GDF Suez, Lafarge, Saint-Gobain, Veolia Environnement. Et dans EpE, Bayer, BASF, Vinci, Total, Solvay, Thales.

Elle fut bien entendu au centre de cette COP 21 à Paris, en décembre 2015, où tant de chefs à plumes du monde entier – chez nous, les insupportables Royal, Hollande, Fabius – firent semblant d’avoir sauvé le monde du désastre, à la manière dont les Accords de Munich, à l’automne 1938, nous préservèrent de la guerre. J’arrête ici, mais madame Tubiana persévère dans son être, car c’est ainsi, nul n’y pourra rien changer. Elle est directrice d’un énième machin, la Fondation européenne pour le climat. Et c’est à cette femme que Le Monde, qui prétend être sérieux et vouloir engager le fer contre le dérèglement climatique, choisit pour lui faire dire, et je cite : « On voit d’abord que le plan actuel [le plan Biden sur la santé et le climat] est beaucoup plus ambitieux. Plus de 360 milliards de dollars [352 milliards d’euros] sur dix ans, c’est considérable ! ».

Soyez sans illusion : comme ils ne veulent pas toucher au moteur du dérèglement, qui s’appelle commerce mondial et prolifération des objets matériels, il ne se passera rien d’essentiel. Et la situation réelle du monde réel s’aggravera en conséquence. Madame Tubiana ? Dieu du ciel : elle représente le changement.

Est-il un serial-killer ?

Le regard. Il en dit long sur celui qui regarde. Sur ses préférences et ses détestations. Sur ses valeurs et jugements. Sur sa hiérarchie intime. Tel estimera que qui vole un œuf vole un bœuf, et qu’il mérite le pilori, ou pire. Tel autre pensera que voler dans un monde de voleurs professionnels n’est jamais qu’une réaction. Déplorable si l’on veut, mais une réaction. L’on pourrait dresser une liste sans fin.

Face à l’extrême dérèglement climatique en cours, on retrouve de même une interminable gradation de points de vue et de critiques. La seule certitude, c’est que cela n’avance pas. Le monde s’enfonce dans l’inconnu, un inconnu très menaçant. Notez que j’utilise des formes diminuées et même euphémistiques, dans le cas improbable où un lecteur non averti se serait perdu sur Planète sans visa.

Ce dérèglement annonce purement et simplement la dislocation des sociétés que nous avons connues. Je rappelle que sans cette relative stabilité du climat – malgré des épisodes fatalement violents -, qui dure depuis plus de 10000 ans, ni l’Égypte des Pharaons, ni la Grèce antique, les Assyriens et Mésopotamiens, les Phéniciens, Rome, les Incas, les Aztèques, la civilisation du Fleuve Jaune en Chine n’auraient existé.

Et reprenons. Qui est responsable ? Tout le monde, répondent en chœur margoulins, politiques, journalistes sous-informés, qui sont souvent les mêmes. Or comme dans La Ferme des animaux de ce cher grand Orwell – « certains étaient plus égaux que d’autres » -, le jeu est truqué. La responsabilité dans le désastre en cours est d’abord et avant tout celle des chefs, des capi qui décident et organisent. Parmi eux, un certain Patrick Pouyanné, patron de Total. Cet ingénieur des Mines – oui, encore un – a fait une carrière atroce, commencée chez Elf, douteux paradis de l’extrême corruption. Il fut à la tête de la filiale angolaise d’Elf, ce qui l’a sûrement mis au contact quotidien des kleptocrates au pouvoir en Angola, qui ont volé à leur peuple si tristement misérable des dizaines de milliards d’euros d’un pétrole qui aujourd’hui lui manque.

Mais je m’aperçois que je n’ai plus le temps, car il est bientôt midi. Et j’envisage de me faire une vaste salade de tomates, accompagnées d’ail, de concombre, de radis finement découpés, de salade verte et de tout ce que je trouverai. Donc Pouyanné, à la tête de la transnationale Total. Qui en train d’imposer à l’Ouganda et des pays voisins un oléoduc absolument criminel. Pouyanné est l’un des acteurs majeurs, dans le monde, de la destruction des écosystèmes et du climat. Mais il s’abrite derrière de pauvres arguments de façade qui par miracle, l’exonèrent de toute faute morale. C’est pas lui, c’est les autres. Nous. Les consommateurs. Le marché. La concurrence. Incapable de seulement considérer son rôle personnel, il trace sa route, qui le mène à une retraite dorée. Ses quatre enfants et les enfants de ces enfants apprécieront l’héritage.

Mais baste.Et pour en revenir au regard, ce mot qui ouvre cet article, avouons que celui-ci est aveugle. Car il est évident que Pouyanné est un tueur. Un serial-killer. Un assassin de masse. Cela ne saurait se discuter sérieusement. Mais nos si petits esprits sont englués dans des normes aujourd’hui disparues. Il n’est plus l’heure d’être convenable. Non ! Il est l’heure de regarder en face. Oui ! Pouyanné est coupable. Attention, je ne suis nullement partisan de la violence et des guillotines. Je ne lui souhaite pas même la prison. Mais je sais qu’un regard franc posé sur cet homme-là l’empêcherait, devrait l’empêcher de paraître en public. Pouyanné mérite cent fois d’être banni d’une société qu’il menace et accule. Si nous le voyions tel qu’il est, quelque chose changerait dans la réalité. Ce serait un pas. Une toute petite avancée vers un avenir moins pénible que celui qui nous attend.

Moi, je le dis et le proclame : chassons Pouyanné de l’espace public. Vaillamment et sans violence. Il est l’un des verrous qu’il faut faire sauter. Une clé.

Sortez de la paille, descendez des collines*

Est-il spectacle plus écœurant que celui de cet été 2022 ? Hier, et c’est désormais simple rituel, on apprenait que le jour du Grand Dépassement tombait cette année le 28 juillet. Je rappelle ce que cela signifie : la Terre crée chaque année un certain volume de richesses biologiques. Pas plus, pas moins. Cette biocapacité est aussitôt dévorée par une humanité devenue folle, singulièrement depuis que la révolution industrielle d’il y a 250 ans lui a donné des moyens matériels sans cesse croissants, qu’elle ne peut d’aucune manière mener.

Quand tout ce qui pouvait l’être a été cramé dans tant d’aventures absurdes, il ne reste plus que la bête, qui ressemble chaque jour davantage à un squelette. À partir de ce 29 juillet, on se paie donc sur la carcasse. Les activités humaines s’en prennent aux réserves. À ce qui reste. Aux équilibres fondamentaux. Pour les cinq mois qui viennent.

Les journaux annoncent donc, comme à la parade, que « la planète vit à crédit ». Même un quotidien comme Le Monde. Or cette expression est d’une rare sottise, car en matière d’écologie scientifique, il n’est aucun crédit possible. Ce qui est pris est pris, et concourt au désastre en cours. Aucune dette de cette sorte ne sera jamais remboursée. Au reste, elle est absolument inchiffrable.

Comme si cela ne suffisait pas, on apprend cet après-midi que la mer Méditerranée est en train de bouillir. Elle aussi connaît sa canicule, beaucoup plus longue que ce qui se passe en surface, en France pour ce qui nous concerne. Bien sûr, ce n’est qu’un mot, car elle ne bout pas. Mais sa température dépasse de 6,5° ce qu’elle est normalement à cette saison. Et sur de très larges surfaces. À ces dimensions, les mots manquent, car bien sûr, nous voici confrontés à des temps apocalyptiques. La mer Méditerranée est un immense mouroir. Un cimetière sans sépultures. Nul ne sait encore qui survivra à cette tuerie organisée, mais une chose est certaine : c’est hors de contrôle. Ce que l’on peut faire ? Rien.

C’est ailleurs, c’est autrement que l’on peut agir. Revenons au spectacle. En France, il prend des aspects pathétiques. Par exemple, la Nupes, censée être l’opposition écologiste à ce sinistre monsieur Macron, se fout totalement de ces informations pourtant décisives. Elle se bat ces jours-ci pour une augmentation du pouvoir d’achat et une réduction du prix de l’essence à la pompe. Ce n’est pas seulement absurde, c’est directement criminel. Car en résumé, le pouvoir d’achat, dans le monde tel qu’il va, c’est des émissions de gaz à effet de serre. Mélenchonistes, ne criez pas avant d’avoir lu le texte que j’ai publié il y a quelques semaines, très court, qui figure au pied de celui-ci. J’y montre sans difficulté qu’il est une tout autre façon de parler aux pauvres de ce pays, qui permettrait de relier efficacement combat écologique et justice sociale. Mais voyez-vous, ces gens s’en moquent bien. Ce qui compte, c’est leurs tripatouillages à l’Assemblée nationale, qui commencent à faire penser à la Quatrième République défunte.

Bien entendu, il n’est plus qu’une seule voie, celle d’une révolte essentielle. Celle d’une rupture totale, qui envoie au diable toutes les formes politiques anciennes. Toutes. Toutes. Est-ce bien clair ? Comme j’ai créé le mouvement des Coquelicots en septembre 2018, je me sens une responsabilité. Ce surgissement a été un beau moment, qui a conduit à des centaines de rassemblements mensuels – jusqu’à 850 – partout en France. Pour l’interdiction des pesticides. En défense de la beauté du monde. Oui, je sens comme un devoir. Et les idées ne me manquent pas, par chance. J’espère vivement que vous en entendrez tous parler si j’y réussis, mais l’échec ne me serait pas souffrance. Car que cela vienne de moi ou de tout autre, ou de tous autres, cela ne change rien à la nécessité absolue de combattre ce monde. Et ses si nombreux défenseurs.

Je crois que les temps sont mûrs pour que lève une pâte sans aucun précédent connu. La crise de la vie a-t-elle jamais, au cours de la longue aventure humaine, été aussi grave ? Bien sûr que non. Nous y sommes. C’est l’heure. Oublions le reste, car il n’y aura bientôt plus de reste. Révoltés, jeunes et vieux, sortez les fusils pacifiques de vos cachettes mentales et pointez-les dans la bonne direction. Un seul mot de reconnaissance : vivant. Vivants.

VIVANTS

*Extrait du Chant des partisans, qui permit à quelques milliers de refusants armés de continuer à croire dans l’avenir, quand il était minuit dans le siècle.

Un article mien publié en mai 2022

Comment parler aux smicards ?

Puisque c’est comme cela, parlons des législatives. Je me dois de préciser un point pour éviter des lettres pénibles de lecteurs. Je suis pour la distribution radicale des richesses, et il m’arrive de rêver encore d’un monde sans Dieu, ni César, ni tribun. Je me souviens très bien de ma mère, gagnant seule, pour elle et ses cinq enfants, quelque chose comme 800 francs par mois au début de 1968. Si donc quelqu’un a envie de me (mal)traiter, qu’il tienne compte de ces mots.

Et maintenant, voyons ensemble cette revendication de la gauche désormais unie : 1400 euros nets pour le smic mensuel. Qui pourrait être assez salaud pour écrire que c’est trop ? Hélas, le problème n’est pas celui-là. Du tout. D’abord, la question de la justice est universelle. Elle concerne aussi bien le sous-prolétariat français que les milliards de gueux de la planète, dont cette gauche ne parle jamais. Jamais. D’un point de vue planisphérique, les pauvres de chez nous sont les riches du monde. Ça embête, mais c’est un fait qui n’est pas près de disparaître. Que quantité d’immondes aient beaucoup, beaucoup plus, n’y change rien.

Donc, dès le premier pas, considérer le monde réel, et pas notre France picrocholine. Ensuite, réfléchir à cette notion largement utilisée dans les années 70, et malheureusement disparue : l’aliénation. Par les objets. Par la possession frénétique d’objets matériels qui déstructure l’esprit, rompt les liens de coopération, enchaîne dans une recherche jamais comblée de choses. Lorsque je tente de voir les êtres et leurs biens avec mes yeux d’enfant, je me dis fatalement que « nos » pauvres disposent de béquilles dont nous n’aurions jamais osé rêver : des bagnoles, des ordinateurs, des téléphones portables. Moins que d’autres ? Certes. Mais cette route n’en finira jamais.

À quoi sert de distribuer de l’argent dans une société comme la nôtre ? Même si cela heurte de le voir écrit, une bonne part de ce fric irait à des objets ou consommations détestables, qui renforcent le camp de la destruction et du commerce mondial. Qui aggravent si peu que ce soit le dérèglement climatique. Je crois qu’on devrait proposer tout autre chose. Un gouvernement écologiste, pour l’heure chimérique, s’engagerait bien sûr auprès des smicards.

Il s’engagerait aussitôt, mais en lançant un vaste plan vertueux. On créerait un fonds abondé sur le coût pour tous des émissions de gaz à effet de serre. L’industrie paierait, mais aussi le reste de la société, à hauteur des moyens financiers, bien sûr. Ce fonds garantirait à tous les smicards – et donc à leurs enfants – l’accès permanent à une alimentation de qualité, bio, locale autant que c’est possible. À un prix décent, c’est-à-dire bas.

Ce serait un merveilleux changement. La santé publique en serait sans l’ombre d’un doute améliorée. L’obésité, cette épidémie si grave, régresserait fatalement, ainsi que le diabète et tant d’allergies. Quant à l’industrie agroalimentaire, elle prendrait enfin un coup sérieux. Au passage, une telle volonté finirait par créer des filières économiques solides et durables. Car à l’autre bout se trouveraient des paysans. De vrais paysans enfin fiers de leur si beau métier. À eux aussi, on garantirait un avenir.

Parmi les questions les plus graves de l’heure, s’impose celle de la production alimentaire. Tout indique que les sols épuisés de la terre ne suffiront pas longtemps à (mal) nourrir le monde. La France, qui fut un très grand pays agricole, se doit d’installer de nouveaux paysans dans nos campagnes dévastées par la chimie de synthèse et les gros engins. Combien ? Disons 1 million. Ou plus. Le temps d’un quinquennat. C’est ainsi, et pas autrement qu’on aidera à faire face à ce qui vient et qui est déjà là. Le dérèglement climatique est une révolution totale.

Pour en revenir aux smicards, qui souffrent je le sais bien, sortons ensemble des vieux schémas. Inventons ! Faisons-les rentrer en fanfare dans cette société qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Mais pas au son de la frustration et des sonneries de portables.