Archives de catégorie : Santé

Chimie, pesticides, air, pollutions en tous genres

Mais qui est ce professeur Aurengo ?

Je ne résiste pas au plaisir de récidiver, ce jeudi 19 juin 2008, et de vous livrer un second petit papier. Vous devez être au courant : un groupe d’une vingtaine de scientifiques, dont des cancérologues, viennent d’épauler un appel de David Servan-Schreiber qui met en garde contre l’usage des téléphones portables (ici).

Fort bien ! Sauf que d’autres scientifiques leur sont immédiatement tombés dessus, et de quelle manière admirable… L’Académie de médecine, et en particulier André Aurengo, (ici), ont aussitôt brâmé. Mais qui est Aurengo ? Je ne ferai pas d’autre commentaire que celui ci-dessous, qui ne m’appartient pas. Lisez et imaginez tout le reste (ici) ! L’Acro est une association à la réputation (scientifique) indiscutée.

                 Comment un autocrate, le Pr Aurengo, a trahi une démarche participative

Communiqué du 5 mai 2006 sur « le rapport sur les conséquences de l’accident de Tchernobyl en France »
Rapport rédigé par André Aurengo et transmis, le 18 avril 2006, aux Ministres de la Santé et des Solidarités et de l’Écologie et du Développement durable.

Le groupe de travail, présidé par André Aurengo, avait été constitué à la demande des Ministres chargés de l’Environnement et de la Santé, de deux gouvernements successifs : tout d’abord Messieurs Yves Cochet et Bernard Kouchner puis confirmé par Monsieur Jean-François Mattei et Madame Roselyne Bachelot en 2002. Ce groupe de travail était chargé, principalement, d’établir à partir des données existantes une cartographie de la contamination du territoire français, suite à l’accident de Tchernobyl, et devait réunir « de la manière la plus ouverte possible les experts et les acteurs intéressés par cette question ».

De fait, M. Aurengo, dont les positions en faveur du nucléaire sont notoires, (tendant toujours à minorer les effets des radiations en général, et, en particulier les conséquences de Tchernobyl) avait réussi à composer un groupe de travail relativement pluraliste : si des institutionnels tels que l’IRSN étaient représentés, étaient également présents des médecins, des représentants d’associations et des journalistes.

En réalité, ce groupe a toujours eu un fonctionnement scandaleux ; quelques réunions ont eu lieu en 2003, une en 2004, aucune en 2005… En 2006, un certain nombre de participants croyaient la commission morte et enterrée. Ces réunions organisées de façon totalement aléatoires n’étaient pas, pour la plupart, précédées d’ordre du jour ni ne donnaient lieu à un compte rendu. Elles étaient totalement soumises au bon vouloir de M. Aurengo qui a profité de cette commission pour régler ses comptes avec l’IRSN. Il l’accusait d’avoir, dans sa dernière carte, donné une vision trop pénalisante de la contamination post Tchernobyl en France. Un comble !

Les membres de la commission n’ont jamais donné aucun mandat à M. Aurengo.

C’est après les dernières réunions qui furent houleuses qu’il a renoncé à réunir cette commission. M. Miserey, journaliste, avait donné sa démission. L’ACRO avait également menacé de le faire devant l’inanité des travaux, la partialité affichée par M. Aurengo et le manque de moyens donnés à la commission : là où il aurait fallu un travail de contre-expertise d’envergure, il n’y avait même pas de quoi payer les frais de route des participants !

M. Aurengo a donc œuvré, seul, au sein de l’IRSN, sous prétexte d’agir dans le cadre des travaux du groupe de travail. Pourtant il n’avait aucun mandat particulier pour agir ainsi, ni gouvernemental ni de son groupe. L’argumentaire selon lequel, il aurait été pris par le temps nous paraît totalement fallacieux. La commission existait depuis 3 ans, mais elle est devenue fantôme par la volonté de son président, seul habilité à la convoquer. Souhaitait-il avoir les mains libres et s’en servir comme paravent pour produire un énième rapport personnel sur les conséquences de Tchernobyl ? Probablement, et ce serait une grave imposture.
La mission gouvernementale a été totalement trahie : Le sens de ce travail reposait sur sa pluralité. Un des objectifs recherché par les pouvoirs publics était, entre autres, d’avoir un rapport sur Tchernobyl, un peu moins contesté que d’habitude.

Le Pr Aurengo a donc rédigé seul ce rapport. Il a été remis aux Ministres le 18 avril 2006. Les membres de la commission n’en ont eu connaissance que le 24 avril au matin par un courrier électronique accompagné du dit rapport. Le courrier du Pr Aurengo, aux membres de la commission explique que ce rapport a été rédigé « en son nom propre, […] avec l’accord des Ministres et dont j’assume toute la responsabilité ». Or, comble de la malhonnêteté cela n’apparaît aucunement dans le rapport qui est voué à être rendu public.

Nous sommes associés de fait à ce rapport remis aux Ministres par M. Aurengo. Ainsi l’amalgame entre ce document et le travail de la commission paraît évident au public. Nous apparaissons comme coauteurs, bien malgré nous. Seule une lettre privée, qui par ailleurs nous congédiait, explique notre non-implication dans ce travail. La fourberie est manifeste.

Pour une démarche participative de qualité : La pluralité, la transparence, la tolérance d’opinions divergentes sont nécessaires. M. Aurengo n’en a que faire ! Du mandarinat à l’autocratie, il a largement franchi le pas et dans ses certitudes n’a que faire de l’avis d’autrui. Ce n’est pas avec ce genre de conduite que la parole publique retrouvera un minimum de crédibilité quand il s’agit de nucléaire, en général et de Tchernobyl en particulier.

Nous sommes scandalisés et tenons à dénoncer les manœuvres honteuses orchestrées par le Pr Aurengo.
Nous demandons au gouvernement de ne pas tenir compte de ce rapport.

Ce communiqué est signé par les membres, du groupe de travail « sur les conséquences de l’accident de Tchernobyl en France », suivants :
Pierre-Jacques Provost, journaliste
Michel Deprost, journaliste
Pour l’ACRO : Sibylle Corblet Aznar, Jean-Claude Autret

À bientôt

Je quitte Paris quelques jours. Si l’occasion se présente, je ne manquerais pas de vous envoyer un mot de cet ailleurs qui m’attend. Et sinon, rendez-vous lundi prochain. J’en profite pour remercier ceux qui interviennent dans les commentaires de ce blog. En règle plus que générale, je dois avouer que je suis fier d’avoir des lecteurs de cette qualité-là. Portez-vous bien.

Justice pour Kesar Bhai (Bhopal, suite sans fin)

Jean-Paul Brodier m’envoie copie d’un article paru dans le quotidien sud-africain Mail and Guardian. Et je l’en remercie, car c’est un excellent texte. Mais comme il se trouve aussi dans le grand journal britannique The Guardian, c’est ce lien que je vous propose (ici, en anglais), car il est assorti d’une photo. Et le sujet traité mérite qu’on le regarde en face, les poings serrés.

L’histoire que raconte Randeep Rames, depuis Delhi, nous croyons la connaître, au moins dans les grandes lignes. En décembre 1984, une usine qui fabrique notamment des pesticides explose à Bhopal et répand alentour un gaz mortel. Un gaz de combat formé de 40 tonnes d’isocyanate de méthyle. 5 000 personnes meurent dans la nuit – le même chiffre que celui des morts de la première attaque au gaz sur terre, en 1915, à Ypres – et 15 000 dans les semaines qui suivent. Union Carbide, la multinationale qui gère le site, n’entend pas payer les conséquences du crime.

Certes, bien obligée, elle paie une amende de plus de 400 millions de dollars, qui ne sera pas perdue pour tout le monde en Inde. mais Warren Anderson, son patron, refuse de se rendre dans ce pays, où il est poursuivi pour homicide. Et il meurt dans son lit en 2007, lui qui avait pourtant négligé 30 problèmes de sécurité majeurs signalés dans l’usine de Bhopal.

Venons-en au présent, à ce présent que raconte Randeep Rames dans son article. Le croirez-vous ? À Bhopal, cela ne s’arrange pas, près de 25 ans après le drame. En 1998, sans expliquer pourquoi, le gouvernement indien a cessé toutes recherches sur les conséquences médicales de l’explosion. Il est vrai que les victimes sont pauvres et souvent membres de castes inférieures ou de minorités ethniques. Il est désormais certain, écrit Rames, que les effets sur les enfants nés de parents contaminés sont aussi nombreux qu’effrayants. Mais de quelles affections parle-t-on ? Et touchant combien d’humains ? Tout le monde s’en moque.

L’usine est en ruines, mais contient encore environ 5 000 tonnes de pesticides qui contaminent peu à peu les sols, les eaux et l’air des environs. Nul n’a songé à nettoyer, seul le temps géologique s’en chargera. Au milieu de ces catacombes modernes et industrielles, une femme pleure. Citée par le journaliste, Kesar Bhai tient dans ses bras son fil de 12 ans, Suraj. Victime de Bhopal, la mère ne peut que constater que son fils est né avec le cerveau gravement endommagé. Il ne peut s’asseoir, il ne peut parler, il ne peut manger seul.

Cette histoire m’inspire des sentiments extrêmement violents, dont je ne sais quoi faire ici. Je voudrais au moins vous dire ceci, qui nous concerne tous. Appartenons-nous bien à la même espèce ? Rien n’est moins sûr. Un tel événement serait impensable en Europe, du moins dans ses développements, mais ce n’est pas le plus important. Le plus grave, évidemment, c’est que notre regard à tous – certes, je le sais, à des degrés très divers – sélectionne dans l’horreur ce qui est horrible et ce qui ne le sera jamais.

Fourniret, tueur de jeunes filles et salaud intégral, c’est si moche qu’on peut en parler ad nauseam, 25 fois par jour pendant six mois. Un mois de mai médiocre assure, de même ou presque, des lamentations interminables et collectives. À la rigueur, une épidémie de légionellose dans un hospice lorrain fera l’affaire pour ressouder l’esprit commun. Mais que des milliers de destins soient écrasés pour la seule raison qu’une société du Nord – notre Nord – doit préserver sa « profitabilité », cela n’est rien.

Je sais que j’enfonce une porte ouverte, mais cette porte existe, car je la vois, car j’y tiens. Elle est la frontière entre l’humanité et cette autre chose qui domine le monde. Et qui nous engloutira tous si nous ne sommes pas capables d’inventer ce neuf dont l’époque a la nécessité. Nous avons désespérément besoin de devenir des hommes. Et même si ce message est destiné à dériver sur les flots, emporté par une bouteille qui ne sera jamais ouverte par personne, je l’écris quand même : justice ! Justice pour Kesar Bhai et Suraj !

À Christian Pèes, héros méconnu de l’humanité souffrante

Merci à l’ami Christian Berdot, qui me fait découvrir une personnalité d’exception : Christian Pèes. Je ne sais pas combien de temps le lien magnifique qui suit fonctionnera (ici). Et donc, vite, vite, lisez l’entretien réalisé par le quotidien Sud-Ouest avec Pèes, « maïsiculteur » émérite du Béarn.

Pèes, disons-le tout de suite, semble parfaitement sincère. Ce qu’il dit, il paraît le penser. Eh bien, croyons-le donc. Pèes pousse ce que nous sommes censés prendre pour un coup de gueule, sous ce titre évocateur : « Trop, c’est trop ! ». Tout est trop, chez notre leader paysan. Le Grenelle de l’environnement d’octobre 2007 promet de faire passer les cultures bio en France à 20 % du territoire agricole en 2020 ? Ce n’est pas seulement trop, c’est « hyper dangereux ». Pourquoi ? On repassera un autre jour.

Ce n’est pas comme les pesticides, tenez. Les pesticides, on les accuse de tout, mais que ferait-on sans eux ? Hein, répondez, vous les petits malins. Pèes vous rétorquera de toute façon que les pesticides sont « un sauf-conduit pour la vie. Il faut traiter, alimenter une plante pour qu’elle vive. Regardez ce qui se passe avec le développement de la rouille brune sur le blé en Iran et en Afghanistan ». Et que répondre à un homme qui parle aussi bien de la rouille ?

Et caetera, et caetera. Faut faire gaffe à l’agriculture vivrière, faut pas prendre les paysans pour des imbéciles, faudrait voir à produire massivement. Ce penseur aura-t-il lu Sarkozy dans le texte ? Cela se pourrait. Lisez plutôt : « Je propose que l’on se mette au travail. Que l’on produise pour alimenter les gens et faire de la biomasse. Donnons-nous les moyens d’y parvenir proprement. C’est là qu’il faut parler de développement durable. Mais en tenant compte de ses trois piliers : le social – c’est-à-dire l’homme et les salaires -, l’économie et l’environnement.
Or, le problème, c’est qu’on ne traite aujourd’hui les questions de développement durable que par le biais de l’environnement. Le Grenelle qui s’est tenu à ce propos en est la caricature ».

Mais au fait, qui est ce Pèes ? Eh bien, après une maîtrise de géographie à l’université de Pau, cet excellent agro-manager est retourné sur la ferme béarnaise de son père, où il mène depuis une fascinante carrière. Président du Groupe Euralis depuis septembre 2 000, vice-Président de Coop de France, trésorier de l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs), Pèes n’est pas ce qu’on pourrait appeler un petit paysan. Euralis a réalisé en 2007 un chiffre d’affaires de 1 milliard 26 millions d’euros, en augmentation de 23,7 % d’une année sur l’autre. L’effet prix des céréales. Oui, Euralis gagne beaucoup d’argent avec la flambée actuelle du cours des céréales. Celle-là même qui pousse les gueux du Sud à se révolter.

Euralis est le premier producteur mondial de foie gras, le premier opérateur européen sur le marché européen du maïs, le cinquième semencier européen dans le domaine du maïs et des oléagineux. Mais Euralis se plaint, par la bouche avisée de son président, Christian Pèes. Lequel a la tâche redoutable de changer radicalement de discours sans descendre de son tracteur. Rude : l’agriculture industrielle a toujours promis qu’elle nourrirait le monde, et voilà que, tonnerre !, elle l’affame. Il faut expliquer.

Que dire ? Oui, que raconter pour continuer à maintenir les liens affectueux avec le ministère de l’Agriculture, et ses mannes providentielles ? Fichu métier que président d’Euralis, je vous jure. D’autant qu’en 2005, Euralis s’est lancé dans une opération de haut vol et d’immense moralité : l’industrie des biocarburants. Car, sachez-le au cas où vous l’ignoreriez encore, si l’on triture comme il faut le maïs de M.Pèes, il donne un excellent bioéthanol, carburant végétal de première qualité.

Ah, le cri de colère du « maïsiculteur » ! Au début de 2006, Euralis attend des droits supplémentaires qui lui permettraient de produire au total 100 000 tonnes par an de biocarburants (ici). Une grande usine, à Lacq, s’apprête à cracher les flammes. Sauf que ces basses crapules du Nord – la Champagne-Ardenne par exemple, avec son colza et ses betteraves – ont pris de l’avance sur le Sud. Alors, Christian Pèes tonne : Euralis, dit-il, « n’admettra pas que toute la production soit concentrée au Nord de la Seine et que le maïs n’ait rien ».

À ce moment de l’histoire, tout baigne encore. La moisson des biocarburants s’annonce prodigieuse. Pèes, qui a un blog (voir) – si -, y écrit le 25 août 2006 : « D’ores et déjà, d’autres mutations prometteuses voient le jour, j’en veux pour preuve toutes les initiatives réconciliant (enfin !) agriculteurs et citoyens, comme le développement des biocarburants et des biomatériaux face à l’épuisement des réserves en pétrole ». Un visionnaire.

En décembre, il publie un livre : L’arme alimentaire, les clés de l’indépendance (Cherche Midi). Les biocarburants y sont à nouveau présentés comme un thème réconciliateur. Entre le maïs intensif et la bagnole individuelle, il est vrai que les sujets de fâcherie demeurent rares. Mais à la rentrée de septembre 2007, le climat se dégrade pourtant. Je ne veux à aucun prix en exagérer l’importance – hélas, trois fois hélas ! -, mais c’est à ce moment-là que sort mon pamphlet contre les biocarburants : La faim, la bagnole, le blé et nous. Je crois sincèrement y avoir rassemblé l’essentiel de ce que tout le monde pouvait savoir. Y compris la menace immédiate de famines de masse provoquées par cette criminelle industrie.

Mais un Christian Pèes a ses sources, et au cours d’un colloque qui se tient en octobre 2007, il affirme haut et fort : « Tout le monde sait que les biocarburants ne peuvent pas en ce moment être responsables de la hausse des prix des céréales ». Tout le monde, soit Christian et ses potes. Il n’empêche : l’heure des comptes approche, mais il n’est pas question qu’Euralis en paie le moindre. Ce serait injuste, cela ferait trop plaisir aux Américains, et à ces étranges et étrangères institutions qui paraissent faire la loi dans l’agriculture mondiale.

Je vous invite pour conclure à vous rendre sur le blog de monsieur Pèes, où il a une manière bien à lui (le 15 avril 2008) d’expliquer les émeutes de la faim en cours. Les biocarburants n’y joueraient pas le moindre rôle. La véritable explication est ailleurs, et la voici : « On croyait la spéculation sur les matières premières agricoles révolue, elle s’avère l’une des causes premières des émeutes de la faim. Trompés par l’illusion d’une mondialisation libérale apportant une nourriture abondante et accessible pour tous, partout dans le monde, les français découvrent avec stupeur que la famine s’abat sur les populations les plus pauvres en Egypte, à Haïti, au Cameroun, au Mexique, en Indonésie…».

Les émeutes de la faim, démontre brillamment Pèes, « se décident à Chicago ». Là-bas au loin, dans ce pays maudit soumis au « rôle insidieux de la spéculation ». La France n’y est pour rien, ballots que nous sommes, nous les critiques perpétuels. La France ne peut y être pour rien. Car autrement, le système industriel défendu par notre noble esprit serait absurde et un tantinet pervers. Non ? Car sinon, ne vaudrait-il pas mieux – horresco referens – se tourner vers l’agriculture biologique ? Et non pas sur 20 % du territoire, mais sur 100 % ? Et au plus vite ?

Par bonheur, Pèes a tous les pouvoirs.

Signé de notre sang (une bonne idée)

J’étais il y a quelques jours à La Chapelle-sur-Erdre, pour y parler de pesticides – grrr -, et quelqu’un que je ne voyais pas bien, dans la salle, a lancé une idée qui trotte dans ma tête depuis. Ce quelqu’un était quelqu’une, qui se reconnaîtra sans doute. J’avais expliqué un peu avant que nous tous – vous comme moi, hélas ! – avions les traces dans notre sang de l’empoisonnement universel dont l’industrie nous a fait le cadeau.

Pour moi, cette histoire a commencé au début de 2003. J’avais lu le résultat dingue d’une étude menée aux États-Unis par une ONG puissante autant qu’intelligente, Environmental Working Group (EWG). Et aussitôt écrit un article, longtemps le seul, je crois, à parler de tout cela en France (dans le numéro 738 de Politis). C’est tragiquement simple : en analysant le sang et l’urine de volontaires dispersés sur le territoire américain, des médecins y avaient découvert en moyenne 91 produits chimiques toxiques, dont de nombreux pesticides.

Depuis, on a fait bien mieux, c’est-à-dire bien pire. Le WWF a mené la même opération en Europe en 2004, auprès d’une quarantaine d’élus de différents pays, dont l’ancien ministre de l’Environnement français Serge Lepeltier. En moyenne, 41 saloperies différentes retrouvées. EWG a prouvé enfin que le sang du cordon ombilical des nouveau-nés était lui aussi lourdement contaminé.

Une telle situation devrait bien entendu provoquer des révoltes de masse, qui ne se produisent pourtant pas. N’entrons pas dans le ténébreux débat sur les causes de notre apathie collective. Et tentons tout de même d’avancer ensemble. Je reviens à l’idée proposée par mon interlocutrice de La Chapelle-sur-Erdre, et si je la modifie au passage, qu’elle me pardonne. Elle propose, et je soutiens ardemment, l’idée de lancer un plan massif de détection de notre intoxication personnelle.

Elle pense, comme moi, que la réalité indiscutable du poison chimique reste une abstraction. Elle pense, comme moi, que rendre visible, publique, proche, cette réalité aiderait à la mobilisation. On pourrait – et là, c’est moi qui parle – créer des collectifs partout où c’est possible. Dans une école, une fac, une boîte, un quartier, un village, que sais-je ? Trouver un ou des volontaires décidés à donner son sang pour faire un véritable bilan. Et publier, et alerter, et ameuter même.

Il me semble que, de cette manière, l’information pénétrerait d’une façon différente dans les esprits anesthésiés que nous croisons chaque matin. En cas de succès, possible sinon certain, nous pourrions envisager la naissance d’un mouvement national contre la contamination. Et demander des comptes à ceux qui ont permis ce désastre. Et réclamer des mesures qui ne seraient pas grotesques, comme celles concédées au Grenelle de l’Environnement d’octobre passé. Nous pourrions, oui, nous pourrions réclamer enfin un plan de sortie de la chimie de synthèse. Je le sais, c’est fou. Mais ne sommes-nous pas déjà dans une très grande folie ?