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Fleur Pellerin, ministre électromagnétique (et follement socialiste)

Le parti socialiste est arrivé au bout de sa course. On le voit mal beaucoup évoluer encore, car il exprime aujourd’hui, comme jamais, le soutien total au monde comme il va. Le destin des créations humaines est de dégénérer. Disons pour ne point fâcher, de s’institutionnaliser. Jadis parti de classe, au temps de Jaurès, ce mouvement a peu à peu pris la place politique qu’occupait, sous la Troisième République, le Parti radical. Une manière comme une autre de reconnaître le vrai pouvoir, celui de la propriété, qui s’incarne aussi bien dans les patrons français que transnationaux.

L’un des exercices les plus épuisants consiste à demander à une structure ou à un être ce qu’il leur est impossible de donner. Réclamer du parti socialiste, dirigé en totalité par une caste au service du monde réel et de sa destruction, qu’il défende les peuples, les espèces, les espaces, est pleinement absurde. Le temps où cela demeurait concevable a disparu depuis si longtemps que, personnellement, je ne l’ai pas connu. Et pourtant, il m’arrive encore d’être surpris. Mais il est possible que cela ne soit que niaiserie. Vous allez juger.

L’Assemblée nationale discute aujourd’hui d’une proposition de loi d’Europe Écologie-Les Verts au sujet des ondes électromagnétiques. Ou dois-je dire devait ? À l’heure où je vous écris – 18 heures – une rumeur me parvient : la discussion n’a pas eu lieu, et le projet est enterré au profond d’une Commission. Ces gens sont de parfaits croque-morts. Mais je n’entends pas insister aujourd’hui sur la dangerosité plus que probable des ondes, notamment celles du téléphone portable. Non, je voulais évoquer la personne de Fleur Pellerin, sous-ministre à l’Économie numérique (et aux PME, et à l’Innovation [sic]). On lui doit en bonne part le caviardage du projet de loi évoqué plus haut. Car bien qu’escamoté, apparemment et au dernier moment, ce projet avait au préalable été vidé de ses mesures les plus significatives. À savoir la limitation du wifi dans les crèches et les écoles.

À ce sujet, la déclaration la plus belle de madame Pellerin, mais il y a concours dans ce singulier domaine, condamne tout projet de loi qui inscrirait « dans le dur des choses qui correspondent à des peurs un peu irrationnelles, et qui consisteraient à donner un poids juridique à la dangerosité des ondes radioélectriques alors que cette dangerosité n’est pas scientifiquement étayée ». Quelle est cette langue stupéfiante ? La sienne.

Reprenons. Fleur Pellerin. Elle aura 40 ans en août prochain, et elle a fait une belle carrière dans ce qu’il faut appeler, après Bourdieu, la « noblesse d’État ». Essec, puis Sciences-Po, puis l’ENA, enfin la Cour des Comptes et les différentes babioles professionnelles qui vont de pair. Socialiste par surcroît ? Exact, par surcroît. Elle entre au PS en 2006, à l’âge intéressant de 33 ans. On a connu des engagements plus fulgurants, sans aucun doute, mais il faut faire avec. Donc, socialiste. Mais quelle ? Eh bien, cette même année 2006, madame Pellerin devient membre de la Fondation Royaumont (ici).

Cette philanthropique institution fonctionne comme un centre culturel,  accueille des concerts, éduque à la musique médiévale et baroque, forme au chant. On applaudit. Mais il n’est pas interdit de rappeler que le fondateur lui-même, Henry Goüin, décrit ainsi la philosophie de sa si charmante créature (ici) : « C’est bien l’étude de l’homme dans le temps, et dans l’espace, sous ses aspects physiques et moraux, dans ses relations avec sa famille, son milieu social, son milieu de travail, avec les peuples d’autres nations et d’autres races, qui peut faire découvrir les remèdes aux états de tension, manifestations d’un désaccord, souvent irraisonné, avec soi-même, avec le prochain, avec la société, qui se traduisent par le déséquilibre mental, les haines, les fanatismes, les luttes de classe, les révolutions et les guerres ».

Ma foi, le programme est joli : il faut extirper par le clavecin ces basses idées propagées par tant d’abrutis. C’est celui de toutes les droites rances, éventuellement catholiques, depuis deux siècles. S’agit-il d’une calomnie ? Sincèrement, je ne le crois. Dans un entretien récent au Parisien (ici), madame Pellerin énonce tranquillement, montrant combien elle a retenu la leçon : « À une logique de lutte des classes, je préfère une stratégie où tout le monde ressort gagnant ». Entendons-nous : ces propos n’ont rien de criminel. Mais ils démontrent, si besoin était, que cette dame n’a rien à voir, de près ou de loin, avec ce fil rouge qui court l’histoire souvent héroïque de ce qu’on appela jadis le mouvement ouvrier. Ce magnifique effort de civilisation assassiné par la guerre mondiale de 1914, puis le stalinisme.

Elle est parfaitement dans son rôle quand elle explique, ces derniers jours : « Je n’ai aujourd’hui aucune preuve que le Wifi est mauvais pour la santé ». Elle n’en aura jamais. Ou quand les morts se ramasseront à la pelle mécanique. Elle n’en aurait pas eu davantage à propos de la clope, de l’amiante, du DDT et des pesticides, de la dioxine, et du reste. N’oublions pas qu’elle est notamment ministre de l’Innovation. Le téléphone portable est une superbe innovation, et ce qui vient sera encore mieux. Fleur Pellerin est socialiste. Et le socialisme est désormais l’ennemi de l’écologie. Libre à chacun de croire le contraire. Il n’y a pas d’âge pour espérer le Père Noël.

PS : J’ajoute pour mes amis de Montreuil que Fleur Pellerin envisage, après bien d’autres, de se présenter aux élections municipales de 2014 dans leur ville. Cela promet.

La mort au fond des containers

Ce papier a paru dans Charlie-Hebdo du 23 janvier 2013

Épidémie de cancers chez les dockers de Nantes Saint-Nazaire. Ces inconscients ouvrent chaque année des milliers de containers venus d’Asie ou d’Afrique, pleins de gaz toxiques et de pesticides.

Il va mourir, mais il ne le sait pas encore. En cette fin de l’année 2010, le docker Jean-Luc Chagnolleau se pose des questions. Ouvrir des containers du matin au soir, qui peuvent dégager les pires vapeurs, c’est un sacré risque. Il traîne d’ailleurs un vilain cancer du rein, et fait les comptes. Sur les docks du port de Saint-Nazaire, les malades et les morts se ramassent à la pelle.

Il décide d’y voir clair et lance avec deux potes de la CGT, Gilles Rialland et Serge Doussin, l’Association pour la protection de la santé au travail des métiers portuaires (1). En mars 2011, dans la foulée, un colloque réunissant scientifiques et dockers se tient à Nantes. La vérité commence d’apparaître : les dockers sont les victimes d’une hécatombe.

Chagnolleau se soigne, et se bat (2), mais il meurt en septembre 2011. Ses proches racontent : « Ce n’est pas normal de mourir à 55 ans. Ces années de maladie, c’est quatre ans de douleur psychologique, les attentes interminables des résultats des scanners et autres examens. Il avait la rage. Il nous disait sa haine envers ses employeurs, parce qu’il allait disparaître (3) ». Il meurt, mais l’association continue, car il y a de quoi. Doussin : « Il existe un lien entre son cancer et son activité au terminal Bois [du port de Saint-Nazaire]. Il a été en contact avec des bois traités aux fongicides, contenant des arséniates cancérigènes se concentrant dans le rein ».

Pour nos hautes autorités médicales, rien que du baratin. Le 6 octobre 2011, à peine plus d’un mois après la mort de Chagnolleau, un comité spécial de la Sécu, le Crrmp, refuse de reconnaître le cancer du docker comme maladie professionnelle. Mais note qu’au long de sa carrière, Chagnolleau a été exposé à des joyeusetés telles qu’« amiante, engrais, céréales et pesticides, bois et fongicides, solvants dont le trichloréthylène, gaz d’échappement… ». Et c’est à ce point-là de l’histoire que tout commence vraiment.

Les patrons aimeraient beaucoup qu’il n’y ait plus de syndicats, mais il reste pour le moment des vestiges, parmi lesquels le Syndicat National des Agents des Douanes (CGT). Dans un dossier un poil hallucinant (4), celui-ci raconte en préambule : « En France, des milliers de travailleurs (dockers, douaniers, déclarants en douane, magasiniers, chauffeurs routiers, logisticiens…) ouvrent chaque jour des conteneurs et y pénètrent pour un temps plus ou moins long afin d’y procéder par exemple à des opérations de contrôle ou de manutention ».

Résumons l’horreur. Une étude des médecins du travail allemands montre par exemple que « 97% des conteneurs testés au débarquement dans les ports de Hambourg et de Rotterdam présentaient des traces de gaz toxiques et dans des concentrations supérieures aux normes de sécurité dans 30% des cas ! ». Poussées au derche par la CGT, les Douanes françaises ont elles aussi fini par examiner 180 containers : « 28% ont révélé des taux de gaz toxiques supérieurs aux seuils de sécurité ».

Les marchands se foutraient-ils totalement de la santé du prolo ? Il ne faut rien exclure. En soi, l’affaire paraît pourtant simple. Chaque année, 550 millions de containers sont débarqués dans les ports du monde entier. Le Havre, notre champion national, en accueille 2,3 millions. Comme aucun contrôle n’a lieu, les pays exportateurs ont intérêt à utiliser massivement des gaz « de protection », des pesticides, des solvants, de manière que tout arrive en bon état commercial : les fruits exotiques, les bois tropicaux, les fringues, les jouets, les ordis, les meubles.

Commentaire de Chagnolleau en 2011, peu avant de mourir (5) : « Sur quelque 190 dockers que nous étions en 1992 à Nantes, nous en avons contacté 140. 87 de ces 140 personnes ont développé des maladies (dont 61 cancers). 35 d’entre elles sont décédées. À Saint-Nazaire, sur 160 dockers, on dénombre 43 malades et dix-sept décès parmi eux ». Mondialisation, on t’aime.

(1) http://www.appstmp.fr
(2) http://www.youtube.com/watch?v=P5mfPA8a6dM
(3) Ouest-France, 11 octobre 2011
(4) http://www.finances.cgt.fr/spip.php?article1147
(5) Viva, mai 2011

Sur quoi (se) repose l’inertie générale (et le journal Le Monde)

L’inertie. Il ne vous a pas échappé que les humains, dont nous sommes, ne foutent rien. Ils acceptent massivement, et chaque jour, des nouvelles apocalyptiques, et puis ils passent à autre chose. Un autre chose qui ressemble furieusement au déni pur et simple. Lequel va fort loin, comme on a pu voir chez ces femmes accouchant sans avoir (vraiment) su qu’elles étaient enceintes. D’un côté, des commentateurs souvent indifférents, au fond, annoncent et radotent que la planète elle-même est en danger, et que l’humanité pourrait du même coup être menacée en son existence. De l’autre, TF1, le supermarché, le dernier téléphone portable, et la torgnole au gamin qui vient de passer devant l’écran. Il me faut ajouter que nous sommes tous ainsi, certes à des degrés heureusement différents. Mais tout de même : ainsi.

L’un des soutiens – massif en l’occurrence – accordé à l’indolence générale s’appelle simplement la croyance. Cette bonne vieille croyance dans la magie et la divination. Ceux qui pensent et prétendent que la Raison aurait constamment gagné depuis les Lumières, c’est-à-dire à peu près 250 ans, se trompent lourdement. Deux courtes lectures, dont vous trouverez l’intégralité au bas de ce papier, en disent long sur le sujet. La première est un article paru dans Le Monde daté 24 janvier. Le journaliste Bruno Philip, envoyé spécial en Indonésie, rapporte les propos extraordinaires de Joko Widodo, gouverneur de Djakarta. Précisons que la capitale indonésienne a subi autour du 17 janvier de nouvelles inondations, qui ont entraîné l’évacuation de 18 000 personnes. Le pire est que le centre-ville a été atteint et que l’on a vu le chef de l’État, Susilo Bambang Yudhoyono, les pieds dans l’eau et pantalon retroussé au beau milieu du jardin présidentiel.

Que faire ? Restaurer les vasières et autres zones humides, les forêts, qui pourraient servir à tamponner – limiter – les crues ? Impossible, car ont poussé en lieux et places des centres commerciaux et des résidences immobilières. Sauvegarder ce qui reste de mangroves, ces forêts qui poussent sur les marais littoraux, et qui sont de formidables moyens de lutte contre les tempêtes et la montée des eaux ? Impossible, car les promoteurs veulent la fin des mangroves, de manière à urbaniser totalement le front de mer. Mais dans ces conditions, quoi faire ? Eh bien, lancer des fusées contre ces foutus nuages, pardi. Leur écraser la gueule, à ces ennemis de l’homme ! Le gouverneur de Djakarta, splendide con des Tropiques, a son idée : « J’ai donné des instructions pour que les nuages soient poussés vers la mer, au nord ». Vous avez bien lu. Des instructions pour dégager le ciel. Concrètement, il s’agirait d’envoyer là-haut des bombinettes chargées, par exemple, de sel, pour absorber l’humidité des nues.

Le deuxième article est une tribune parue dans le supplément Sciences et Techno du même quotidien, Le Monde, daté du même jour, le 24 janvier. Le titre en est affriolant : Allons-nous devenir débiles ? L’auteur, un chirurgien appelé Laurent Alexandre, nous en apprend de belles, mais inutile de paraphraser, vous lirez. Ou non. En un mot, les capacités intellectuelles de l’espèce – la nôtre – pourraient s’effondrer. 80 % des variants génétiques « négatifs » présents dans notre héritage auraient entre 5 000 et 10 000 ans, pas plus. Le recul d’une sélection naturelle stricte, sur fond d’humanisation des sociétés et de refus de l’eugénisme, conduirait droit à un appauvrissement massif et continu de notre patrimoine génétique commun. Jusqu’à ce point, rien à dire en ce qui me concerne. Cette hypothèse, car c’en est une, est recevable.

Tout autre est la suite. M.Alexandre a décidé de tout miser sur la technologie, comme le gouverneur de Djakarta, cette fois d’une manière futuriste. Il est un moyen de sauver notre richesse génétique commune, et la voici : « Dès 2025, les thérapies géniques nous permettront de corriger les mutations génétiques qui menacent notre fonctionnement cérébral. La fin de la sélection darwinienne va nous pousser à pratiquer une ingénierie génétique de notre cerveau qui pourrait bouleverser notre avenir ». Notez que ce délire passe comme lettre à la Poste. Notez que Le Monde s’en bat l’œil et le flanc gauche. Notez qu’on a ainsi le droit d’appeler au règne d’un eugénisme aussi terrifiant que le fut le nazisme sans courir le moindre risque d’être ennuyé.

Et pour conclure, notons ensemble que les hommes inventeront d’autant plus de fadaises technophiles que la situation deviendra plus dure. Dure, elle l’est, certes. Mais ce n’est encore rien à côté de ce qui vient. L’avenir prévisible appartient aux géniaux ingénieux ingénieurs.

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Le papier sur Djakarta

Djakarta face au défi des inondations

LE MONDE | 24.01.2013 à 13h13 Par Bruno Philip r

Attaquer les nuages à la roquette pour chasser la pluie ? C’est l’une des hypothèses envisagées par le gouverneur de Djakarta, Joko Widodo, afin de prémunir la capitale indonésienne contre de nouvelles inondations.

Jeudi 17 janvier, des quartiers entiers de la ville ont été recouverts par les flots. Le bilan s’élève à 15 morts et 18 000 habitants évacués. Le centre-ville n’a pas été épargné : on a vu, dans la presse, des photos du chef de l’Etat, Susilo Bambang Yudhoyono, les pieds dans l’eau dans le jardin du palais présidentiel, pantalon retroussé jusqu’aux genoux… « J’ai donné des instructions pour que les nuages soient poussés vers la mer, au nord », a déclaré, mardi 22 janvier, le gouverneur devant un groupe de journalistes réunis à la mairie. M. Widodo n’a pas précisé les détails de l’opération, se contentant d’indiquer qu’il était possible de contrôler les nuages par des moyens « technologiques ».

Selon le météorologue indonésien Armi Susandi, il est en effet possible d’envoyer dans le ciel une fusée « remplie de substances hygroscopiques », qui, tel le chlorure de sodium, absorbent l’humidité. L’expert reste cependant sceptique quant aux chances réelles de réussite : « La pluie risque de retomber quand même sur la ville. »
Les inondations dans Djakarta sont un problème récurrent. En 2007, la capitale avait fait face à une montée des flots encore plus meurtrière : 50 morts et 300 000 personnes déplacées. Selon les spécialistes, il faudrait canaliser les treize rivières qui irriguent la cité, construire des canaux et des tunnels d’évacuation et installer des pompes dans le nord de la ville, sur le front de mer.

« CEINTURE VERTE »

Le gouverneur Jokowi Widodo a reconnu, mardi, que lutter contre les inondations était une tâche des plus ardues : « C’est un problème très compliqué. Les Hollandais avaient construit trois cents barrages et lacs, mais il n’en reste plus que cinquante aujourd’hui. Les marécages, les forêts et autres zones vertes du nord de la ville ont laissé la place à des complexes immobiliers et commerciaux. Vous ne pouvez pas les démolir, tout a été construit légalement.  »
Alors que les météorologues redoutent d’autres pluies diluviennes d’ici à la fin de la mousson en mars, la lutte contre la montée des eaux reste donc un problème systémique dans cette ville engorgée, surpeuplée et au trafic infernal.

Un expert en « écologie de la mangrove », Sukristiono Sukardjo, a publié, mercredi, une tribune très pessimiste dans le quotidien The Jakarta Post, confirmant les craintes du gouverneur : « Au nord, la ville abrite une concentration exceptionnelle d’une dizaine de millions de personnes très vulnérables à la montée du niveau de la mer. Et ce n’est qu’une question de temps avant que les mangroves n’aient complètement disparu de la carte. » L’expert pointe du doigt la contradiction entre « l’industrialisation et l’urbanisation effrénée initiées par le gouvernement qui, en même temps, se dit préoccupé par l’équilibre écologique ».

Le gouverneur sera-t-il à la hauteur de sa réputation ? Elu en septembre 2012 à ce poste, cet homme de 52 ans s’était vu attribuer, la même année, le prix du « troisième meilleur maire mondial » par le World Mayor Project « pour ses performances en tant qu’ancien maire de la ville de Solo », au centre de Java. La mise en place d’une « ceinture verte » à Solo aurait empêché que de nouvelles inondations affectent la ville, comme cela avait été le cas en 2005. Mais Djakarta représente un défi beaucoup plus considérable.

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La tribune sur le patrimoine génétique

 Allons-nous devenir débiles ?

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 24.01.2013 à 16h30 • Par Laurent Alexandre

Un article récemment paru dans le journal Cell a fait l’effet d’une bombe. L’auteur démontre que nos capacités intellectuelles vont chuter dans le futur, du fait d’une accumulation de mutations défavorables dans les zones de notre ADN qui régulent notre organisation cérébrale. En fait, deux tendances contradictoires sont à l’oeuvre. La première est positive : le métissage de l’espèce humaine permet le mélange – porteur d’innovations biologiques – des variants génétiques. L’espèce humaine s’est, en effet, séparée il y a 75 000 ans en différents groupes qui ont chacun connu des variations génétiques. Le mélange actuel assure un brassage génétique entre les différents rameaux qui étaient séparés avant les transports modernes.

La seconde tendance est beaucoup plus inquiétante et contrebalance la première. Les variants génétiques défavorables s’accumulent dans le génome humain. Cette accumulation récente est déjà perceptible : une étude publiée dans la revue Nature fin novembre 2012 révèle que 80 % des variants génétiques délétères dans l’espèce humaine sont apparus depuis 5 000 à 10 000 ans seulement.

 A chaque génération, 70 bases chimiques de notre ADN sont mal recopiées par la machinerie cellulaire, lors de la fabrication des spermatozoïdes et des ovules. Ces fautes de copie sont les interstices où naît le changement. Si le taux d’erreur avait été nul, aucune évolution des espèces ne se serait produite, et nous serions toujours des bactéries ! Les mutations négatives étaient éliminées par la sélection naturelle : les génomes concernés ne se transmettaient pas, faute que leur propriétaire atteigne l’âge de la reproduction.

En faisant émerger notre cerveau, l’évolution darwinienne a cependant créé les conditions de sa propre éradication : nous avons considérablement adouci les rigueurs de la sélection en nous organisant en société humaine solidaire. L’effondrement de la mortalité infantile est la traduction de cette moindre pression sélective. Elle touchait environ 20 % des enfants au XVIIe siècle, aujourd’hui autour de 0,3 %… Beaucoup des enfants qui survivent de nos jours n’auraient pas atteint l’âge de la reproduction en des temps plus sévères. La sélection aboutit finalement à se supprimer elle-même : il n’y a notamment – et fort heureusement – plus d’élimination des individus qui ont de moins bonnes capacités cognitives.

La médecine, la culture, la pédagogie compenseront cette dégradation, pendant quelque temps. Mais notre patrimoine génétique a vocation à se dégrader continûment sans sélection darwinienne. Cela veut-il dire que nos descendants vont tous devenir débiles en quelques siècles ou millénaires ? Evidemment pas ! Les biotechnologies vont compenser ces évolutions délétères.

A court terme, le séquençage de l’ADN du futur bébé est révolutionnaire. Il est possible de réaliser un bilan génomique complet du foetus à partir d’une prise de sang chez la future mère. Cette technique va étendre le champ de l’eugénisme intellectuel que l’Etat promeut déjà avec le dépistage de la trisomie 21 (97 % des trisomiques dépistés sont avortés). Puis, dès 2025, les thérapies géniques nous permettront de corriger les mutations génétiques qui menacent notre fonctionnement cérébral. La fin de la sélection darwinienne va nous pousser à pratiquer une ingénierie génétique de notre cerveau qui pourrait bouleverser notre avenir.

Et deux ours de plus, deux !

Trop, vraiment trop génial. Deux ours vont – peut-être – rejoindre cette année nos sublimes Pyrénées. Tout sera difficile, et les aboyeurs habituels vont forcément donner de la voix. Et ce qui reste un projet peut capoter. Mais un jour comme aujourd’hui, je m’en FOUS. Vive les ours ! Bises et affection à Sandrine Andrieux – que je n’ai jamais vue – et à Alain Reynes, s’il accepte du moins.

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Ferus et Pays de l’Ours – Adet ont décidé de lâcher deux ourses dans les Pyrénées

Les lâchers seront réalisés dès le printemps 2013, ou en 2014, selon la date d’autorisation.

Ils concerneront :

–      une ourse lâchée dans les Pyrénées-Occidentales, afin de commencer à restaurer la population menacée d’extinction rapide ;

–      une autre lâchée dans les Pyrénées-Centrales, afin de renforcer la population qui n’est pas encore viable.

Pour mémoire, les premiers lâchers d’ours en France, en 1996 et 1997, ont déjà été réalisés par ces associations.

Pour ces prochaines opérations, Pays de l’Ours – Adet et Ferus sont entourées de partenaires associatifs impliqués : SEPANSO 64, Nature-Midi-Pyrénées, France Nature Environnement Midi-Pyrénées, Nature-Comminges, Société Française d’Etude et de Protection des Mammifères, et des Parcs animaliers : « La Colline aux marmottes » (Argelès-Gazost) et « Parc’Ours » (Borce) qui apportent leurs compétences et leur expérience.

Ferus, Pays de l’Ours – Adet et leurs partenaires prendront en charge  l’intégralité des opérations : organisation, réalisation, et financement sur des fonds privés, afin d’éviter tout débat sur les dépenses publiques en période de crise.

Considérant la menace de poursuites judiciaires imminentes de la Commission Européenne contre la France pour insuffisance de protection de l’ours brun, le gouvernement a tout intérêt à donner une suite favorable et rapide aux dossiers déposés par les associations : son accord suffit pour lancer les opérations.