Archives mensuelles : septembre 2011

Evo Morales stoppe (provisoirement ?) le chantier maudit

Toute cette partie en gras est un rajout du 28 septembre en début de soirée. Avouons-le, je suis scié. On me traitera peut-être de naïf, mais je suis scié. Près de 140 commentaires sur le cas Mélenchon, traité ici il y a deux ou trois jours. Avec trémolos au bout des doigts chez nombre de mélenchonistes. Et moi qui ai tant répondu à leur « indignation sans borne » ! Quel idiot je fais ! Car voilà que j’aborde un cas exemplaire, qui concerne nos frères indiens de Bolivie. Chez Morales. Et pas un de ces apprentis Saint-Just ne prend la plume. Moi, je me répète : je suis pour la justice universelle. Mais pas eux.

Je vous ai déjà servi l’affaire il y a un mois ici (c’est là). Evo Morales, président de Bolivie, prêt à sacrifier un territoire indien sur l’autel du soi-disant progrès et du supposé développement. En construisant une route criminelle coupant en deux un territoire unique. Mais en Bolivie, cela chie, qu’on me pardonne ce mot aujourd’hui nécessaire. Les Indiens de las Américas n’acceptent plus de plier, fût-ce devant l’un des leurs. Piteux, Morales vient de suspendre le chantier de cette route maudite, après avoir envoyé ses flics contre les Indiens, ses plus fidèles soutiens jusqu’ici. Je tends l’oreille du côté des gauches françaises,  aussi radicales qu’elles prétendent être. Avez-vous entendu un mot contre la politique bolivienne ? Moi pas.

Quelques infos récentes, piquées à Radio-Canada :

Bolivie : le pouvoir ébranlé après la répression d’Autochtones d’Amazonie

Mise à jour le mardi 27 septembre 2011 à 23 h 03

Le président Evo Morales annonce la suspension de la construction de la route reliant Villa Tunari et San Ignacio de Moxos (26 septembre 2011)

Photo: AFP/Jorge Bernal

Le président Evo Morales annonce la suspension de la construction de la route reliant Villa Tunari et San Ignacio de Moxos (26 septembre 2011)

Le conflit social qui oppose le pouvoir bolivien à des Autochtones de l’Amazonie protestant contre la construction d’un axe routier sur des terres ancestrales prend des allures de crise politique.

Deux jours après une intervention policière contre une marche d’un millier d’Autochtones à Yucumo, dans le nord-est du pays, le gouvernement Morales continue mardi d’en subir les contrecoups avec la démission d’un troisième haut responsable.

Mis en cause dans la répression qui a fait quelques blessés et suscité de vives condamnations en région, le ministre de l’Intérieur, Sacha Llorenti, a quitté son poste mardi à la suite du départ de son sous-ministre, Marco Farfan. M. Llorenti avait reproché à ce dernier d’avoir agi sans autorisation.

Lundi, la ministre de la Défense, Cecilia Chacon, a pour sa part présenté sa démission en dénonçant l’intervention de Yucumo.

Traditionnellement allié du pouvoir socialiste, le premier syndicat COB a annoncé qu’il déclenchera mercredi une grève générale pour appuyer les marcheurs autochtones.

Le projet de route suspendu

Le mouvement de contestation est donc appelé à se poursuivre en dépit de la volte-face annoncée par le président Evo Morales.

En conférence de presse lundi soir, il s’est dissocié des actes de répression qu’il a qualifiés d’impardonnables et a annoncé la suspension du projet de route reliant Villa Tunari et San Ignacio de Moxos. Il a expliqué que cette interruption doit permettre de tenir des consultations pour « que le peuple décide, en particulier les deux provinces concernées » : Beni et Cochabamba.

Mardi, les Autochtones qui marchent depuis plusieurs semaines pour défendre la réserve naturelle ont annoncé leur intention de poursuivre leur marche vers La Paz, dont ils ont parcouru la moitié, soit quelque 300 km.

Les dernières vagues provoquées par ce conflit ont terni l’image sociale du président Morales, au même titre qu’en 2010, lorsqu’il avait dû faire marche arrière sous la pression populaire après la hausse des prix des carburants.

« Les liens que le président avait avec les mouvements sociaux et les organisations de caractère indigène sont en train de se rompre », estime le politologue Jorge Kafka, de l’Université catholique.

Radio-Canada.ca avec Agence France Presse et Associated Press

Wangari, prix Nobel des arbres et de la forêt, est morte

J’ai écrit le texte qui suit il y a quelques mois, dans une revue aujourd’hui arrêtée, Les Cahiers de Saint-Lambert. Wangari Maathai vient de mourir, et je suis triste. Voilà comment je la voyais.

Ihithe. Un village. Proche de Nyeri, une ville du Kenya située à 150 kilomètres au nord de Nairobi. Un paysage de collines verdoyantes et giboyeuses. Une vue éblouissante sur le mont Kenya, qui culmine à 5199 mètres et constitue la source de deux des plus beaux fleuves du pays, le Tana et l’Ewaso Ng’iro. Le  1er avril 1940, quand naît la petite Wangari Muta, le Kenya est encore une colonie britannique. La révolte gronde, qui conduira au violent mouvement d’émancipation Mau Mau, né au cœur de l’ethnie kikuyu, à laquelle appartient la famille de Wangari Muta. Mais pour l’heure, tout semble calme, tout paraît encore éternel.

La future Prix Nobel se souvient encore de l’émerveillement des premières années. « J’ai longtemps cru, dit-elle, que le monde était une vallée de terre riche, dominée par les contreforts des monts Aberdore et au nord par le mont Kenya. Je pensais que les acacias au feuillage mince et dur, les torrents vivaces et purs où nous allions chercher l’eau étaient éternels. Et j’imaginais que les champs où ma mère me déposait, enfant, pour mieux ramasser le managu, ce légume vert sauvage qui accompagnait nos gâteaux de maïs, seraient toujours fertiles. À mes yeux, cette vallée du Rift où mon père travaillait dans la ferme d’un colon britannique était l’univers tout entier. Et cet univers avait la couleur des forêts. Il avait l’odeur des épices et du pyrèthre. Il avait aussi ses lois ».

Mais tout va basculer en l’espace de quelques années seulement. Certes, les Britanniques ont amorcé le mouvement dès les années 20 du siècle passé en détruisant de splendides forêts tropicales au profit de plantations de pins ou d’eucalyptus, très rentables. Sur les pentes des collines autour de Nyeri, sur celles du mont Kenya, l’érosion a commencé son œuvre de mort. Mais tout s’accélère vers la fin des années Cinquante et après l’indépendance – 1963 -, car les paysans de la région se mettent à cultiver massivement des cultures d’exportation comme le thé ou le café, qui prennent eux aussi la place des forêts anciennes.

Wangari a été le témoin direct des terribles agressions infligées au mont Kenya : « Trois cents sources en jaillissaient, alimentant la plus large rivière du Kenya, la Gura. Il faut que vous imaginiez la puissance tumultueuse de ces flots, alors ! Le fracas des pierres qui roulaient ! La largeur impressionnante de la rivière ! Nous prenions l’eau aux sources. La nourriture était abondante, à portée de main, dans la nature si généreuse qui nous environnait. Je n’avais qu’une ou deux robes, nous n’avions pas l’électricité dans notre case, mais jamais nous ne nous sommes sentis pauvres.
» Si je vous décris ces paysages, c’est parce qu’ils ont aujourd’hui disparu et que cette perte est une menace mortelle pour le Kenya, l’Afrique et peut-être le monde »
.

Mais revenons à la famille de Wangari. En 1943, le père, Muta Njugi, devient le fermier d’un propriétaire terrien anglais, M. Neylan. Il part donc dans la vallée du Rift, près de la petite ville de Nakuru, en compagnie de son épouse, de ses deux premiers fils et de Wangari, qui a juste deux ans. « Les peuples indigènes, systématiquement évincés, raconte Wangari, avaient cependant droit à un petit lopin pour faire vivre leur famille lorsqu’ils acceptaient de travailler pour les Blancs. C’était le cas de mon père, venu des montagnes, et issu d’un peuple robuste, travailleur et, du fait du climat en altitude, insensible à la malaria. Toute sa vie, il a travaillé à Nakuru pour le même propriétaire blanc, M. Neylan, au point de le considérer avec déférence comme un ami. Je ne suis hélas pas certaine que M. Neylan pensait à mon père dans les mêmes termes… ».

Comme il n’y a aucune école autour de la ferme, la mère de Wangari, Wanjiru Kibicho, ramène ses enfants à Ihithe en 1947. Les deux parents de la petite souhaitent donner à leurs enfants une bonne éducation, condition de leur réussite future. À huit ans, Wangari entre à l’école primaire, et à onze, elle rejoint l’internat de la Mission catholique de Nyeri, créée par des prêtres italiens au début du XXe siècle. La petite fille se révèle très douée pour les études et apprend avec rapidité la langue anglaise, qui deviendra pour elle essentielle. Elle se convertit au passage au catholicisme, et prend – provisoirement – le prénom chrétien de Marie Joséphine. Son catholicisme est si fervent qu’elle rejoint la Légion de Marie, dédiée au service de Dieu par l’attention apportée aux hommes, en particulier ceux qui sont dans la détresse.

Première de sa classe, elle termine ses études à Nyeri en 1956, alors qu’elle vient d’avoir quinze ans. Dans la société coloniale de l’époque, un tel niveau d’excellence chez une jeune Noire est déjà une étonnante exception. Mais ce n’est pourtant qu’un début. L’adolescente, compte tenu de ses résultats, est envoyée dans la seule école supérieure ouverte aux filles du Kenya, la Loreto High School, une autre institution catholique installée dans la petite ville de Limuru, à une quarantaine de kilomètres de Nairobi.

Elle en sort diplômée en 1959 et envisage alors de rejoindre l’université de l’Afrique de l’Est, à Kampala (Ouganda). Mais le sort va en décider autrement. Les Etats-Unis, qui combattent sans relâche l’influence soviétique sur le continent africain, anticipent les indépendances, et craignent une poussée communiste chez les nationalistes. Alors que John Kennedy dirige le pays, l’Amérique décide d’accorder des bourses universitaires à des étudiants africains, dans l’espoir qu’ils formeront l’ossature administrative des nouveaux États. Au Kenya, 300 jeunes sont sélectionnés, parmi lesquels Wangari, qui part étudier aux Etats-Unis en septembre 1960.

Étudiante dans une université de l’Arkansas, à Atchison, elle y accumule des diplômes. D’abord en biologie, puis en chimie et en allemand. Après avoir obtenu un Bachelor of Science, elle réussit à Pittsburgh un master’s degree en biologie, puis un Master of Science et noue ses premiers liens avec des écologistes avant l’heure, qui bataillent contre la pollution de l’air. Ses titres lui permettent d’être recrutée par l’université kenyane de Nairobi comme maître assistante en zoologie.

Ce qui pourrait être un triomphe devient un cauchemar. À peine a-t-elle mis le pied au Kenya qu’elle découvre que son poste a été promis à un autre. Un homme d’une autre ethnie. Elle ne cessera jamais de penser qu’elle a été victime d’une des plaies de tant de sociétés humaines. En tant que femme. En tant que femme kikuyu. Déçue, elle accepte un job de fortune avant d’être secourue par le professeur allemand Reinhold Hofmann, qui lui offre un poste dans un laboratoire tout récemment créé à l’école de médecine vétérinaire de l’université de Nairobi. Il s’agit évidemment d’une première consécration.

Nous sommes alors en 1966, année de la rencontre entre Wangari et un jeune Kenyan qui a lui aussi étudié aux Etats-Unis, Mwangi Mathai. Ils se marieront quelques années plus tard, en 1969. L’époque est heureuse pour la jeune femme, pleine d’espoir et d’enthousiasme. Le professeur Hofmann lui permet d’aller compléter sa formation universitaire en Allemagne, d’abord à Giessen, puis à Munich. En 1971, elle devient la première femme d’Afrique de l’Est à obtenir un doctorat scientifique.

Parallèlement, jeune mariée, elle met au monde le premier de ses trois enfants en 1970. Serait-elle en train de réussir une vie certes brillante, mais finalement ordinaire ? La réponse est non. Car elle n’a rien oublié de son enfance au pied du mont Kenya. Et rien non plus de la fragilité des sources et des forêts. Poursuivant sa carrière universitaire – toujours plus haut -, elle s’engage dans différents mouvements sociaux et écologiques. En faveur des femmes et de la nature. À la fois au National Council of Women of Kenya (NCWK) – Maendeleo ya wanawake en swahili, ou Conseil national des femmes du Kenya – et à Environment Liaison Centre. C’est au cours des années 70 qu’elle va comprendre, pour ne plus l’oublier, les liens entre la pauvreté et la dégradation écologique. « À Nairobi, où j’enseignais à l’université, explique-t-elle, je fréquentais les mouvements féministes qui essaimaient en Afrique dans les années 1970. On y trouvait des femmes très éduquées comme moi, mais aussi des analphabètes venues de la campagne. Lorsque ces dernières m’ont dit qu’elles n’avaient plus assez d’eau potable, ni de petit bois pour le feu, ni de nourriture pour leurs enfants, lorsqu’elles ont parlé de l’abattage des arbres et des champs de thé, j’ai compris que quelque chose de grave s’était produit. Ces paysannes, qui venaient parfois des régions mêmes de mon enfance, se plaignaient toutes de la pauvreté. De la dureté du quotidien. De l’assèchement des terres. La rivière Gura, si pure et si tumultueuse autrefois ? L’eau y était désormais noire, les pierres figées, le débit faible ».

Tel est le début d’une idée extraordinaire, connue sous le nom de mouvement de la Ceinture verte (Green Belt Movement). Sous couvert de l’association Envirocare Ltd, elle crée une première pépinière de plants d’arbres, tenue en main par des femmes, dès 1974. Pour être sincère, le succès n’est pas au rendez-vous, faute notamment de soutiens et de financement. Mais le mouvement est bel et bien lancé, et ne s’arrêtera plus. Le 5 juin 1977, jour de la Terre, une marche du NCWK part du cœur de Nairobi jusqu’au parc Kamukunji, dans la lointaine banlieue. Sept arbres sont plantés dans l’allégresse, en l’honneur de sept responsables historiques des communautés kenyanes. Le reste du Green Belt Movement appartient à l’épopée.

Des milliers, plus tard des dizaines de milliers de femmes paysannes sont mobilisées au service des arbres et d’elles-mêmes. Car là est le secret de cette formidable réussite. Les femmes engagées dans le mouvement ne se contentent pas de créer des pépinières, par centaines, dans les villages, et de replanter des arbres. Elles apprennent ou réapprennent la manière d’utiliser de manière soutenable le bois de chauffage, d’obtenir de la nourriture à partir des produits forestiers, de renouer avec l’art ancestral de l’apiculture. En somme, ces femmes deviennent des pratiquantes d’une culture ancestrale, mais oubliée : la sylviculture.

La morale est simple : planter des arbres rapporte. L’association, en mobilisant quantité de forces économiques dispersées, rétribue le travail accompli, qui en retour permet de spectaculaires réapparitions de la vie, animale comme végétale. Ce cercle vertueux a permis de planter en une quarantaine d’années environ quarante millions d’arbres. Ah ! s’il existait une Wangari dans chaque pays. Mais tout n’est pas aussi merveilleux.

Mariée on l’a dit, en 1969, Wangari commence à connaître des problèmes avec son mari, qui mène une carrière politique nationale. En 1977, année de la création du Green Belt Movement, celui-ci, Mwangi Mathai, décide de la quitter. Après deux ans de séparation, il réclame le divorce à l’aide d’arguments jugés par lui imparables : « Elle est, affirme-t-il, trop éduquée, trop forte, trop têtue, et elle veut trop prendre les choses en main ». Le juge lui donne raison, ce qui indigne Wangari au point qu’elle donne une interview très dure à un magazine kenyan. Elle y déclare que le juge est soit incompétent, soit corrompu. Elle écope de six mois de prison. Grâce notamment à son avocat, elle ne passe cette fois que trois jours en prison.

Sous la présidence de Daniel Arap Moi, élu en 1978 à la tête du Kenya, elle sera emprisonnée à plusieurs reprises, et devra même s’exiler en Tanzanie. Il faut dire que Wangari ne cède jamais. Elle parvient à obtenir l’abandon de la construction d’une tour de soixante étages dans Uhuru Park, le grand jardin public de Nairobi. Pis : elle conteste au président Arap Moi, très critiqué pour sa politique tribale et la corruption de ses proches, le droit de construire une somptueuse résidence qui condamne un bout de forêt. Est-elle folle ? Tout au contraire, elle se présente aux élections présidentielles de 1997 – un lourd échec -, avant de devenir députée en 2002, puis ministre de l’Environnement en 2003.

Le fabuleux hommage du Prix Nobel de la Paix, accordé en 2004, aurait tourné la tête de bien d’autres personnalités. Mais Wangari ne peut décidément oublier les paysans et le mont Kenya de son enfance. En septembre 2007, elle se rend au Cameroun en qualité « d’ambassadrice de bonne volonté pour l’écosystème du bassin du Congo ». Une réunion de notables doit avoir lieu pour tenter une fois encore de sauver ce qui peut l’être d’une forêt tropicale somptueuse qui s’étend sur près de deux millions de kilomètres carrés. Wangari sort un matin de son bel hôtel de luxe. Perché sur une colline, « il surplombait la ville et offrait une vue imprenable sur le mont Cameroun, point culminant de l’Afrique de l’Ouest ». Mais sur la colline d’en face, Wangari observe des paysans, dont des femmes, qui préparent un champ. Une vision banale dans toutes les villes africaines, où la terre voisine avec la pierre.

Un détail – qui n’en est pas un – attire son attention : une paysanne creuse des sillons dans le sens de la pente. Elle en est aussi stupéfaite que meurtrie. Car cette façon de faire condamne l’avenir. Au lieu de creuser perpendiculairement pour limiter l’érosion, la méthode conduira inévitablement à la disparition du sol, entraîné avec les premières pluies jusqu’au bas de la colline.

« J’avais une certitude, explique-t-elle : si nous ne pouvions pas travailler avec les millions d’agriculteurs camerounais, avec les dizaines de millions d’agriculteurs des dix pays de la région du bassin du Congo, et de fait de toute l’Afrique – alors notre action serait vouée à l’échec. Nous ne sauverions jamais les forêts du Congo, et nous ne parviendrions jamais à enrayer la désertification qui, dans tout le continent, gagne inexorablement du terrain ».

Telle est restée la fille de paysans du mont Kenya, pour notre plus grand bonheur. « Si j’ai pu remarquer cette femme, conclut Wangari, c’est que j’ai parce que j’ai moi-même travaillé avec des gens comme elle lors de la campagne de reboisement du mouvement de la Ceinture verte ». Exactement ce que l’on s’apprêtait à écrire.

Les citations de Wangari Maathai sont extraites de deux de ses livres, Celle qui plante des arbres, et Un défi pour l’Afrique (éditions Héloïse d’Ormesson). D’un portrait paru dans le quotidien Le Monde, sous la plume d’Annick Cojean et Raphaëlle Bacqué. De différents textes parus en langue anglaise.

Il faut lire Pierre Athanaze (et vite) !

À propos du livre de Pierre Athanaze, Le livre noir de la chasse (Le Sang de la Terre éditeur, 286 pages, 21 euros).

Pierre Athanaze est un ami. Je le considère comme tel en tout cas, bien qu’il ne soit pas un intime. Je l’ai vu agir, je l’ai entendu parler, je l’ai constamment apprécié. Qui est-il ? Un historique – bien que nullement vieillard – de la protection de la nature en France. Il a été un pilier de France Nature Environnement (FNE), fédération que j’ai froidement descendue dans mon livre Qui a tué l’écologie ?. Et puis il s’en est éloigné – tant mieux ! -, avant de devenir le président de l’Association pour la protection des animaux sauvages (ici), cette Aspas chère à mon cœur.

Pierre est un bagarreur et, me semble-t-il, une âme tendre. Il a joué le jeu de la discussion et des institutions fort longtemps. Bien plus que je n’en aurais été capable. Bien davantage que je ne lui aurais souhaité. Mais baste, il est comme cela. Il a ainsi siégé dix ans au conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), où les chasseurs sont majoritaires. Je ne peux qu’imaginer le nombre de couleuvres de Montpellier – les plus grandes, en France du moins – qu’il a dû avaler. Bon, fin de l’amicale critique.

Il vient de publier un livre remarquable, que je vous invite à lire, à faire connaître autour de vous. Certes, je sais combien ce qualificatif de remarquable est galvaudé, mais il m’est venu spontanément, car l’on remarque fatalement, en ces temps de vide, un livre qui a quelque chose à dire. Et celui-là décortique le monde de la chasse en France, qui favorise tant le détestable univers des fédérations. Pierre raconte donc l’histoire, qui passe comme d’autres par Pétain, et pointe les invraisemblables avantages financiers – et autres – attribués à cette manne électorale supposée que représentent 1 230 000 permis de chasse accordés en 2011. 1 230 000, cela semble énorme, mais ils étaient près du double en 1974. Les chasseurs sont sur le déclin, mais les politiques les bichonnent comme jamais. Surtout depuis le surgissement d’un parti de la chasse, nettement favorable à la droite la plus raide, Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT).

Ce bouquin est concret, vivant, sensible. Pierre ne se contente pas de citer des chiffres et résumer des rapports. Il dépose son regard dans la balance, et quand il nous parle de l’incroyable, abominable déterrage des blaireaux – un exemple parmi quantité d’autres -, on sent une présence. Un refus radical. Un homme qui souffre. Peut-on souffrir pour un animal ? Pardi ! Il faudrait une belle indifférence à la vie vraie pour ne pas gueuler contre toutes les vilenies que l’homme – certains hommes – inflige à qui ne peut se défendre contre lui.

Je ne sais pas sur quoi insister. Le braconnage ? Le cas Gilles Pipien, que j’ai déjà abordé ici ? L’interminable combat sur les dates de chasse ? Les violences faites aux protecteurs ? Le constant scandale du col de l’Escrinet, en Ardèche ? Vraiment, je ne saurai décider, car tout est bon. Un mot peut-être sur les sangliers, dont la multiplication est un vrai problème dans de nombreuses régions françaises. On abattait en France, en 1975, 50 000 sangliers. On est maintenant à 700 000, et cela ne suffit pas. Le sanglier est partout, ou plutôt le cochonglier, hybride né des amours organisées entre le porc domestique et le véritable ongulé sauvage. Organisées dès les années 70 du siècle passé par des chasseurs qui voulaient multiplier les cartons et avaient donc décidé – et obtenu – de relâcher des animaux élevés dans des sortes de sinistres fermes. L’agrainage, qui consiste à attirer des animaux, en forêt, à proximité de sources de nourriture dûment préparées, aura fait le reste. La situation est pour l’heure incontrôlable.

Savez-vous combien d’animaux sont élevés dans le seul but d’être butés par des chasseurs trop ventripotents pour sortir de leurs 4X4 ? Chaque année, rapporte Pierre, les « éleveurs de gibier » vendent aux sociétés de chasse (chiffres 2002) 14 millions de faisans, cinq à six millions de perdrix grises et rouges, un million de canards colverts, 120 000 lièvres, 300 000 à 400 000 lapins de garenne. 800 000 chasseurs participeraient à ces chasses héroïques, parfois à l’intérieur de petits territoires enclos. J’ai appris – comment le savoir autrement ? – que les faisans flingués en ribambelle finissaient enterrés sur place, ou même sur des aires d’autoroutes. Si.

J’insiste ? Une dernière fois : il faut lire Athanaze.

PS : Bonjour, grand bonjour à Roger Mathieu, auteur d’un livre qui m’avait marqué en son temps : La Chasse à la française (Quelle est belle company, 1987).

Mélenchon et madame Morel-Darleux (triste)

C’est bien triste, mais c’est comme cela. Mélenchon, qui a passé la bagatelle de 31 ans au parti socialiste, qui a été formé à l’école épouvantable de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI) auparavant, est un homme du passé. Ce n’est pas agréable à accepter, et c’est pourquoi, contre l’évidence, Mélenchon se prétend l’homme de l’avenir désirable, désirable entre tous.

C’est pathétique, mais qu’y puis-je ? Rien. Je dois juste vous signaler l’une de ses dernières hallucinations, qui consiste à réclamer 1700 euros de smic. Mélenchon feint, pour des raisons tactiques évidentes – on ne peut même exclure certaine sincérité – que le Sud n’existe pas. Que la crise écologique planétaire n’existe pas. Que la fabrication d’objets inutiles et nuisibles, sur quoi repose l’économie, n’existe pas. C’est son intérêt bien compris.

Ce l’est, mais ça n’est pas le nôtre ! Je ne suis pas, ni se serai jamais pour la misère, qui humilie et détruit jusqu’à l’âme. Mais la pauvreté est l’horizon indépassable de notre avenir commun, et Mélenchon n’est rien qu’un couillon de plus dans une distribution qui n’en manque pourtant pas. Son héros s’appelle Chávez. Le mien n’a pas de nom. Car il est la multitude, qui nous renvoie au néant de la politique française. Avis à Corinne Morel-Darleux, qui se pique d’être mélenchoniste – elle est secrétaire nationale du fameux Parti de gauche – et écologiste. Il faut choisir, madame.

Concours de la phrase la plus conne (rude compétition)

Désolé, mais je n’ai toujours pas le temps d’écrire pour Planète sans visa. Tout le monde survivra, même moi.

Comme je n’ai pas le temps, je me contente de recopier cette phrase prononcée hier 15 septembre 2011 par François Hollande, candidat socialiste à la candidature (pour les présidentielles). Je ne sais pas encore si c’est la phrase la plus conne de l’année, mais il ne fait pas de doute qu’elle figurera en bonne place au palmarès. La voici : « Ce qui s’est passé à Fukushima a forcément des conséquences, il faut une sécurité absolue (…) Il faut descendre de 75 % à 50 % d’énergie produite par le nucléaire en 2025 ».

Sécurité absolue, imbécillité noire. De 75 % à 50 %, humour corrézien. On sera bien contents, quand on sera tous vitrifiés par l’atome, de savoir que notre pays a eu la sagesse de descendre de 75 % d’électricité nucléaire à 50 %. Ajoutons que le grand lecteur de L’Équipe – authentique – qu’est monsieur Hollande ne sait pas faire la différence entre énergie et électricité. Le nucléaire de chez nous, en 2007, représentait 76,7 % de l’électricité, mais seulement 17, 7 % de l’énergie finale consommée. Ami lecteur, veux-tu réellement voir un pareil jean-foutre remplacer l’Abominable qui tient en ce moment l’Élysée ? Cette dernière phrase ne signifie évidemment pas que je préférerais à Hollande tel ou telle autre candidat. Ils se valent tous.