Archives mensuelles : novembre 2015

Comment qu’ça va, au fait ?

Chers tous, je n’écris plus guère ici, pour le moment en tout cas. Je suis comme vous, je pense, sauf que la Grande Tuerie du 7 janvier 2015, au siège de Charlie, m’a valu trois balles dans le corps. Je suis dans un moment particulier, où il me faut admettre que je suis diminué, probablement à jamais, ce qui n’est pas bien rigolo. À quoi il faut ajouter les douleurs. Celles qu’on appelle des séquelles. Celles, nouvelles, qui sont venues après une chute d’anthologie dans des escaliers. Pas rigolo, non.

Les attentats du 13 novembre. J’ai un point de vue simple : il faut circonscrire ce vaste incendie. Quand cela brûle beaucoup en un lieu, il faut bien faire la part du feu. Qui consiste à distinguer ce qui est perdu et ce qui doit être absolument sauvé. Le 13 novembre est un jour d’épouvante pour toutes les victimes et leurs familles, ce qui fait du monde. Nous leur devons une solidarité sans trêve, une compassion sans faille, une fraternité sans limite. Mais il est en même temps malsain et insupportable que dix tueurs semblent mettre à genoux un pays de 65 millions d’habitants.

Vous verrez ici, dans quelques jours, ce que j’ai écrit dans le Charlie en vente cette semaine. Je ne peux avant, pour la raison évidente que je dois à ce journal une sorte d’exclusivité provisoire. Mais je peux d’ores et déjà dire que la confusion mentale atteint de bien surprenantes dimensions. Voyez donc le cas extrême de Michel Onfray, qui donne au journal Le Point de cette semaine un entretien insupportable de sottise. Je précise que j’ai longuement étrillé le même dans un Charlie d’il y a quelques semaines, ce qui m’a valu un grand nombre de lettres indignées. Indignées par mon ton et mes accusations. Vous pourrez juger sur pièces, car je vous mets ci-dessous, après ces quelques mots, la copie de ma longue gueulante.

Revenons-en aux attentats, et à Onfray. Il demande à la France de cesser sa « politique islamophobe » et utilise l’expression « Islam politique » pour parler des tueurs de Daech. Son point de vue est clair : les islamistes armés sont les représentants d’un peuple qui « est celui de la communauté musulmane planétaire, l’oumma ». Or donc, 1, 7milliard de Musulmans, répartis dans des dizaines de pays formeraient un seul ensemble, soudé par la religion. Parmi eux, des contrées comme le Mali ou la Libye, qui souhaitaient seulement décider librement de leurs choix politiques avant que nous n’intervenions en violation des lois internationales.

Ma foi. Que dire ? Onfray me fait penser à ces générations de faux intellectuels qui ne surent comprendre en temps réel les totalitarismes du siècle passé, c’est-à-dire les fascismes et les stalinismes. Oh ! maintenant que tout est passé, il est facile de traiter Hitler et Staline de monstres, mais je parle du temps réel, quand les événements se produisent. Et de ce point de vue, Onfray nous montre que sa pauvre philosophie l’empêche surtout de voir ce qui crève les yeux pourtant : Daech est précisément une forme nouvelle de totalitarisme, qui menace d’asphyxie et de mort certaines sociétés musulmanes, et probablement les nôtres. On ne combat efficacement un tel spectre qu’en produisant de vraies valeurs morales, et non pas la pacotille vendue à chaque coin de rue, sous forme de publicités dégoulinantes et d’hymnes à l’hyperconsommation perpétuelle.

En résumé : d’abord une vision, ensuite du courage, du courage, du courage.

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Ci-dessous, le long papier sur Onfray publié par Charlie. Ceux qui auraient envie de me chercher sur ce terrain doivent savoir que j’ai eu ma dose. On a tout à fait le droit de ne pas aimer ma prose, et de défendre Onfray. Mais comme j’en ai plein les bottes, sachez que je ne supporterai pas ici, qui est un peu chez moi, de commentaires trop haineux. Cela se trouve, oui.

Onfray, je te dis merde

Je te tutoie, Onfray, car après tout, ne sommes-nous pas frères de classe ? J’ai grandi dans ce qu’on appelle aujourd’hui la Seine-Saint-Denis, où j’ai habité quelques riantes cités maudites, comme celle des Bosquets, à Montfermeil. Je te la conseille.
Mon vieux, Bernard, était un de ces prolos qui bossaient 60 heures par semaine, samedi compris, donc. Mais comme il est mort quand j’étais gosse, d’épuisement j’imagine, il s’est en finalement bien tiré. Les cinq mioches de la famille ont alors plongé dans le pittoresque quotidien du sous-prolétariat. Ma mère, quand elle travaillait chez Kréma comme OS, pleurait le dimanche soir à l’idée d’y retourner le lundi. On achetait notre bouffe à crédit, utilisant un mot que toute notre banlieue connaissait : à croume. On vivait à croume, toute l’année, toute la vie. À crédit.
Cela pour te dire que tes innombrables trémolos à la gloire de ton père ouvrier agricole et de ta mère femme de ménage ont fini par me faire chier. Tu n’es pas le seul fils de pauvre sur cette Terre, mon gars. Mais chez moi, on révérait la Résistance antifasciste, le combat armé contre la peste brune, la détestation de tous ces salopards repliés aujourd’hui dans le Front National. Oui, je sais, ça fait drôle.
Mais ce n’est encore rien, car il y a bien mieux au programme. Définition de l’imbécile : « Qui est peu capable de raisonner, de comprendre et d’agir judicieusement ». Ben mon corniaud. Pour ne prendre qu’un exemple, Bové. En 2007, voilà que tu soutiens sa candidature à la présidentielle, avant de te raviser in extremis, pour la raison que le moustachu fait des OGM un « combat monomaniaque ». Eh ! personne ne t’avait donc mis au courant ? Tu rallies aussitôt la candidature Besancenot, qui deviendra plus tard, à tes yeux, le (lieu)tenant d’une secte. Rions un peu : toi qui ne condamnes pas le capitalisme, mais seulement sa forme libérale, soutenir un Besancenot (1) !  La même farce se produit quelques années plus tard avec le Front de Gauche, d’abord encensé, puis expulsé sans ménagement vers tes proliférantes ténèbres extérieures. Je gage que tu aurais aimé ce vieux canasson d’Edgar Faure, aussi insaisissable que le vif-argent, qui répétait souvent cette phrase dont il était l’auteur : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. »
Mais ce n’est encore rien, car tu es l’homme des records. Tu es radieusement pour l’atome, les OGM et la transgénèse, la science et la technique les plus débridées. Citation de 2006 dans un hors-série du magazine Éperon : « L’opinion publique est toujours en retard sur la pointe avancée de la recherche scientifique (…)  Il faut que les chercheurs et les scientifiques pratiquent avec audace, à rebours de l’actuelle religion du principe de précaution qui est surtout très utile pour immobiliser tout, entraver la recherche et empêcher le progrès ». L’audace, évidemment. La liberté pleine et entière pour ceux de la chimie de synthèse, du nucléaire, du clonage, du transhumanisme. Tu me fais penser à cette baderne de Napoléon, qui allait répétant au matin des grands massacres : « On avance, et puis on voit ». Et on a vu, n’est-ce pas ?
Je ne résiste pas à l’idée de charger encore ta lourde barque. Sur le nucléaire (In Fééries anatomiques, Grasset) : « Les peurs dues au transgénisme ressemblent à s’y méprendre à celles qui accompagnèrent la naissance de l’électricité ou du chemin de fer, voire de l’énergie nucléaire – qui rappelons-le, n’a jamais causé aucun mort: Hiroshima et Nagasaki, puis Tchernobyl procèdent du délire militaire américain, puis de (…) soviétique, en aucun cas du nucléaire civil en tant que tel.» Ce que c’est qu’un philosophe, qui recopie mot pour mot les communiqués de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Mais tu es aussi un excellent imitateur. De Claude Allègre ? De Laurent Cabrol, l’immense présentateur météo ? Citation tirée de ton blog, publiée en mars 2012 : « Je ne sache pas que les tenants écologistes du tri sélectif, (…) les faucheurs d’OGM et autres opposants aux nanotechnologies (…) refusent la chimiothérapie quand, pour leur malheur, un cancer s’abat sur eux. Or ces médicaments terribles ne se fabriquent pas comme des tisanes de persil ou des décoctions d’échalotes… »
Le seul mot qui me vienne à l’esprit est celui de scientisme, dans son acception la plus ringarde. Cher grand et magnifique rebelle de poche, tu es un scientiste. Les plus imaginatifs de cette véritable secte – qui ne mourra jamais, dors tranquille –pensent que le pouvoir devrait revenir aux grands Sachants que sont les scientifiques, ceux qui cherchent et trouvent. Les seuls au fond qui changent réellement le monde, pas ? Tout le vingtième siècle est rempli d’hymnes niais au « progrès » technique et scientifique.

Que la technoscience ait empoisonné tous les milieux de la vie par la chimie, jusqu’à la rosée du matin, ne compte pas. Qu’elle ait imaginé l’atome et des radionucléides capables de frapper pendant des centaines de milliers d’années, pas davantage. Qu’elle change le monde en une vaste prison surveillée numériquement, jusqu’au moindre déplacement, et c’est encore un bienfait. Ton scientisme est d’évidence un mythe, celui de l’alliance – supposée vertueuse – entre la raison et la science, entre l’esprit et la technique. Cette pauvre pensée est incapable de saisir le neuf, incapable de comprendre les points de rupture et de basculement, incapable en conséquence de proposer la moindre perspective.
Cette idéologie concentrée a grand besoin des écologistes, autre nom des charlatans et des obscurantistes, pour resplendir. Eux, ces grands Hommes, maintiendraient dans la tempête la flamme des Lumières. Pathétique ? Oui, je dois avouer que je trouve cela pathétique. Des hommes qui ont eu le privilège insigne d’étudier, de réfléchir, de s’informer, acceptent de faire la courte échelle à une entreprise de destruction organisée du monde existant.
Mais ce n’est encore rien, car avec toi, les limites ordinaires sont chaque jour pulvérisées. Il paraît que le journal Marianne a loué le palais de la Mutualité pour toi seul, le 20 octobre.  Tu devrais y réunir tes amis Régis Debray, Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner, Jean-François Kahn, et l’inusable culotte de peau Jean-Pierre Chevènement. Ma foi, tu vises haut ! Tant de grands noms, tant de braves gens ! Il est sans doute d’autres liens entre eux, mais celui qui me saute aux yeux est celui de franchouillardise. Ces grandioses intellectuels sont tous obsédés par ce minuscule territoire que le hasard nous fait habiter.
J’en ai bientôt fini. Toi, qui serais un grand philosophe, ne trouves aucun mot, aucune idée à apporter au seul débat politique, moral et philosophique qui tienne. Je veux évidemment parler de la crise écologique planétaire, dont tu ne sais rien, car cela commanderait cette fois de penser sans filet, ce qui peut faire mal au cul lorsque l’on tombe.

Ta petite personne – et la mienne – sommes les contemporains de la sixième crise d’extinction massive des espèces, mais tu t’en tapes. Les sols agricoles disparaissent par érosion ou sont empoisonnés pour des décennies ou des siècles par la chimie de tes amis techniciens, mais tu t’en cognes. La vie sous les eaux et ses équilibres vieux de millions d’années est atteinte par la pêche industrielle et les filets de 100 kilomètres de long parfois, mais tu t’en fous. Les forêts sont cramées pour en faire des étagères ou des allumettes, l’élevage industriel a changé les animaux, compagnons de dix millénaires, en tristes chairs martyrisées, les fleuves sont devenus partout sur Terre des dégueuloirs pour nos orgies de consommation, mais tu arranges ta mèche et cherches le meilleur profil possible. Hum. Comment te dire ?
Et puis ce foutu dérèglement climatique, bien sûr. Qui rebat toutes les cartes. Qui menace toutes les sociétés humaines de dislocation. Cette seule question, par-delà l’angoisse qu’elle renferme, pourrait être pour un philosophe une occasion unique de repenser le monde dans sa totalité. Voilà qui devrait passionner. Mais il faudrait pour cela quitter cette France fantasmatique et dérisoire qui te dispense tant de ronds de serviette à la rédaction des gazettes et des télés. Il faudrait prendre le large. Il faudrait devenir un penseur de l’humanité. Tu préféreras toujours les couvertures du Point et les interviews sur TF1.
Ce n’est encore rien, car ce ne sera jamais assez. Toi et le Front National. Je ne t’accuse pas d’en être, car tu es bien trop adroit pour cela. Mais il ne fait aucun doute que lorsque tu trouves excellente l’idée d’unir les souverainistes de droite et de gauche, Marine Le Pen comprise, tu travailles à l’égal d’un sapeur qui mine un barrage sur la Volga. Tu prépares – en conscience je l’espère – une crue dévastatrice des eaux les plus brunes. Vois-tu, arrivé là, je me dois de l’avouer : tu me dégoûtes.
Tu me dégoûtes d’autant plus que je continue, moi, à penser aux pauvres. Pas seulement à mon père parce qu’il serait mon père. Aux pauvres de ce monde en furie. Au milliard d’affamés chroniques, « ceux qui ont le pain quotidien relativement hebdomadaire ». Au milliard d’habitants des slums, favelas, bustee ou townships de cet inframonde dont tu ne dis jamais un mot, toi le si grand esprit. Au milliard de réfugiés climatiques que nous prépare l’avenir.
En réalité, je crois que tu appartiens à cette gauche d’épouvante qui envoya à la mort des millions de jeunes prolos et paysans de 1914. Qui ne bougea pas un orteil lorsque les impeccables chemises brunes et noires ont commencé d’habiter les rues. Qui mena les guerres coloniales que l’on sait, pour sauver cette soi-disant « France, de Dunkerque à Tamanrasset ». Il y a encore quelques personnes, au coin du bois, qui rêvent d’un monde sans chefs ni patrons, sans patrie ni frontières. Et parmi eux, moi. Moi qui t’emmerde autant qu’il m’est possible, Onfray. Moi qui te dirai merde sans jamais me lasser.

(1) Onfray est fatigué d’entendre « les vieilles scies militantes d’hier et d’avant-hier : cosmopolitisme des citoyens du monde, fraternité universelle, abolition des classes et des races, disparition du travail et du salariat, suppression du capitalisme, pulvérisation de toutes les aliénations, égalitarisme radical ». In L’Archipel des comètes, Grasset.

Merci aux textes de Bertrand Louart, qui m’ont apporté de précieuses informations.

Farces et attrapes de la COP21

Cet article a été publié dans le numéro 1215 de Charlie-Hebdo.

Hollande, à peine rentré de Chine, jure qu’il a convaincu Pékin de lutter contre le dérèglement climatique. Mais il oublie opportunément de parler des exportations, du charbon, des objectifs bidon de la Conférence de Paris et d’un certain Maurice Strong. Les bouffons du climat sont de sortie.

Pour comprendre la délectable COP21 de décembre, tout oublier du bruit, et regarder de près trois questions vraiment majeures. La première concerne ce pauvre garçon – notre président François Hollande – à peine rentré d’une visite officielle en Chine. La version des communicants est que Hollande-les-petits-bras a convaincu un Empire de faire un geste pour le climat.
Ravalons un rire nerveux, et passons aux choses sérieuses (1). Si la Chine fait tellement peur aux gouvernements du Nord, ce n’est pas parce qu’elle est devenue le plus grand émetteur de gaz à effet de serre de la planète. Non, ce qui les angoisse, c’est la baisse de sa croissance, qui ne devrait pas atteindre 7 % cette année, contre 10 % les années fastes.
Cette simple annonce a plongé la Bourse et ses amis au pouvoir dans la déprime, car qui peut acheter nos turbines, nos centrales nucléaires et nos avions ? Au tout premier rang, la Chine. Il faut que son économie croisse de manière démentielle pour que nos usines à détruire le monde tournent à plein régime. Est-ce bien compatible avec une vraie lutte contre lé dérèglement climatique ? Ben non, ballot.
Non, car la Chine ne se contente pas d’importer : elle vend aussi au monde entier, et bientôt des bagnoles made in China, sans quoi elle ne pourrait pas acheter. Les échanges commerciaux entre la Chine et la France sont une cata, avec un déficit annuel qui dépasse les 25 milliards d’euros. On vend 15, on achète 40. Mais on continue, comme on continuera encore et toujours auprès des pays dits émergents, car nos grands hommes ne voient pas d’autre issue que de fourguer le plus vite et le plus cher possible.
Comment fait la Chine, les petits amis ? Eh bien, elle s’appuie massivement sur le charbon de ses entrailles pour continuer sa course folle : elle consomme à elle seule autant de charbon que le reste du monde. Quelque chose comme 3,5 milliards de tonnes l’an. Et une centrale au charbon y ouvre tous les dix jours. Au plan mondial, la tendance est sans appel : demain au plus tard – dans deux ans, dans trois ? -, le charbon sera l’énergie la plus utilisée, devant le pétrole. Or qui l’ignore ? Le charbon émet 1,3 plus de C02 que le pétrole et 1,7 que le gaz. Ses émissions de gaz à effet de serre représentent 44 % de toutes celles provenant de l’énergie, contre 35 % pour le pétrole.
Hollande est donc venu demander un coup de main aux Chinois tout en les suppliant de ne rien en faire. Ce qu’on appelle une situation de double contrainte, qui n’est guère éloignée de la schizophrénie. Les Chinois, qui connaissent la chanson, réduiront d’autant moins leurs émissions qu’ils redoutent plus que tout une révolte massive de la société, pour le moment comme muselée par les télés plasma, les six périphériques de Pékin et les 20 000 chantiers permanents de Shanghai. Comme il faut produire de plus en plus massivement, il faut de plus en plus de charbon. Et comme on crame de plus en plus de charbon, on aggrave chaque jour un peu plus la crise climatique. Ajoutons pour les sourds et les malentendants que le commerce mondial est le grand moteur à explosion de la crise climatique. En vertu de quoi l’Europe et les États-Unis négocient le traité transatlantique (Tafta) qui vise à multiplier la production et les échanges.
La deuxième question concerne le grand bluff de la COP21, qui mise tout sur la limitation du réchauffement à deux degrés en moyenne annuelle. En dessous, ça irait encore. D’où vient ce chiffrage ? Pas très loin du trou du cul d’un négociateur anonyme (2). Ne reposant sur aucune base scientifique, il a été savamment mis en scène par des politiques, de manière à défendre des engagements « réalistes ». D’autant plus baroque que des effets non-linéaires sont attendus dès 1,5 degré d’augmentation. Non-linéaires, c’est-à-dire non proportionnels, et même non prévisibles. Un emballement général devient possible. Pourquoi une telle imbécillité ? Parce qu’il faut produire (voir plus haut).
La troisième question oubliée fait penser à la célèbre Lettre volée, cette grandiose nouvelle de Poe. Les roussins – la police – cherchent pendant des semaines un document qui se trouve nécessairement dans un appartement, sans le trouver. Pardi ! il est sur une table, bien en évidence. Mutatis mutandis, tout est à disposition à propos du système onusien de « lutte » contre le dérèglement climatique. Ceux qui veulent savoir le peuvent. Qui a organisé le tout premier des Sommets de la Terre, celui de Stockholm en 1972 ? Maurice Strong.

Qui a créé puis dirigé le Programme des nations unies pour l’environnement (Pnue) ? Maurice Strong. Qui a organisé le Sommet de la Terre de Rio, édition 1992 ? Maurice Strong ? Qui est devenu sous-secrétaire général de l’ONU ? Maurice Strong. Qui a ouvert ès qualité la première conférence mondiale sur le climat, celle de Kyoto, en 1997 ? Maurice Strong (www.mauricestrong.net/index.php/kyoto-conference-introduction).
Mais qui est-il donc ? Sans détour, un homme des transnationales. Et quelles ! Strong, né en 1929 au Canada, a dirigé ou présidé un nombre impressionnant d’entreprises dégueulasses, souvent fondées sur l’exploitation d’énergies fossiles comme Dome Petroleum, Caltex (groupe Chevron), Norcen Resources, PetroCanada. Quelquefois dans le même temps qu’il parlait pour le compte de l’ONU ! On a confié les clés à quelqu’un qui avait un intérêt direct à ne pas limiter les émissions de gaz !
Et ce n’est pas tout. Bras droit de Strong pour Rio-1992 ? Stephan Schmidheiny, ancien patron de la société Éternit, spécialiste de l’amiante. Le tribunal de Turin (Italie) l’a condamné à 18 ans de prison ferme en 2013 pour sa responsabilité écrasante dans la mort de 3000 prolos italiens (3).
Et chez nous ? Brice Lalonde, nommé Ambassadeur en charge des négociations climatiques par Sarkozy en 2007, a été cadre très supérieur de l’ultralibérale OCDE. Jadis écolo « de gauche », il est devenu partisan des gaz de schiste, considérables émetteurs de gaz à effet de serre. Comme de juste, il est devenu l’organisateur en chef du deuxième Sommet de la Terre de Rio, en 2012.
Reste le cas grotesque de Laurence Tubiana. Nommée par Hollande représentante de la France pour la COP21, cette sympathique techno de choc a surtout créé et longtemps dirigé un monstre, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Parmi les membres fondateurs, on trouve la très grande industrie, dont les célèbres amis du climat et des abeilles, Bayer et BASF.
En résumé express, les transnationales tiennent la « négociation » en cours : on parie que la COP21 prépare déjà un triomphal communiqué de clôture ?

(1) La Chine vient d’admettre qu’elle avait grossièrement menti sur sa consommation de charbon. Il faudrait ajouter aux chiffres officiels la bagatelle de 600 millions de tonnes par an.
(2) Stéphane Foucart, in Le Monde, 5 juin 2015
(3) Jugement cassé pour cause de prescription