Archives mensuelles : septembre 2015

Avec toutes mes excuses

Amis et lecteurs, je m’en veux de négliger ce qui compte tant pour moi, qui est Planète sans visa. C’est qu’il se passe des choses dans ma vie réelle. Il y a ce dont je ne peux ni ne veux parler, mais qui existe pourtant, ô combien. Dont les douleurs post-7 janvier. Et puis ce que je peux vous raconter.

Ainsi que vous savez, je viens de publier Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture. Pour diverses raisons, dont l’effet Charlie évidemment, ce livre reçoit un accueil médiatique bien plus importants que d’autres que j’ai pu écrire. Je vous l’ai déjà dit : j’ai été invité sur France Inter par Patrick Cohen. Puis par Jean-Jacques Bourdin sur RMC. Puis sur BFM télé, pour discuter avec le patron des centres Leclerc, Michel-Édouard Leclerc. Puis sur Arte. L’AFP a fait une dépêche, puis envoyé chez moi un photographe, puis une équipe vidéo. J’ai ou j’aurai des papiers dans La Vie, La Croix, Le Républicain Lorrain, un portait de moi devrait paraître aujourd’hui dimanche ou demain lundi dans Ouest-France. Mardi vers 18h30, je serai sur TV5 monde. Un peu plus tard dans le journal du midi de France 3. Et je pense que tout cela est loin d’être fini.

Bref. Pour être tout à fait franc, je n’aime guère. Je n’aime guère me montrer. Je n’aime guère ces passages-éclair. Mais c’est ainsi. N’oubliez pas que vous pouvez rendre un grand service au livre en en parlant autour de vous. Et je reviens au plus vite alimenter de façon normale et ordinaire mon si cher Planète sans visa, qui vous doit tant.

François Hollande, en Majesté de l’imbécillité

Mon livre Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture commence fort bien sa route, et je sais ce que je vous dois, lecteurs et amis de Planète sans visa. Puis-je insister ? Les premiers jours sont décisifs. Autrement dit, si – et j’insiste sur le si – vous avez envie de lire ce texte, le mieux serait maintenant. Voyez.

Grâce à Marie-Josée, qui m’envoie sans cesse de très pertinentes informations, j’ai pu lire l’entretien ci-dessous avec François Hollande, notre président, daté de février. C’est lamentable de la première à la dernière ligne. Nous sommes gouvernés par un imbécile. Écrivant cela, je sais bien que Hollande a sa part d’intelligence, comme quiconque. Mais comment définir quelqu’un qui ne voit rien ? Un aveugle ? Certes, mais pourquoi accabler les aveugles, qui « voient » souvent bien mieux que les autres ? Lui, notre président, préfère regarder ailleurs, ce qui le désigne comme un pauvre homme. Est-ce que je le plains ? Quand même pas. Il est surtout pitoyable. Extrait : « Jamais je n’accuserai l’agriculture d’être à l’origine du réchauffement de la planète ». Comme si une seule personne sensée accusait l’agriculture d’une responsabilité globale ! Ce truc, car c’est un bas truc politicien, lui permet de disqualifier un adversaire imaginaire de manière à mieux étouffer les critiques réels de l’industrialisation de l’agriculture. Bah !

Lundi 23 février 2015 | interview

François Hollande : « Il faut produire plus et produire mieux »

Dans une interview à Agra Presse, le président de la République affirme clairement qu’il est possible de concilier une agriculture compétitive et les impératifs écologiques. Il veut, pour cela notamment, lancer une « stratégie de recherche agricole » et assouplir les contraintes qui s’imposent aux exploitants. Il annonce que « les mesures concernant la pénibilité ne seront pas applicables en 2015 et, à partir de 2016, une approche plus collective et forfaitaire sera privilégiée. »

L’année 2015 est marquée par l’impératif écologique lié au sommet de Paris sur le réchauffement climatique. Quelle mission supplémentaire demandez-vous à l’agriculture d’assumer sur la question environnementale ?

J’invite les agriculteurs à se saisir pleinement des enjeux de la conférence sur le climat. Qu’ils ne considèrent pas l’accord qui en sortira comme comportant des nouvelles contraintes mais comme offrant des opportunités supplémentaires pour promouvoir l’agriculture française. J’ai d’ailleurs veillé à ce que les spécificités du secteur agricole soient reconnues dans la plate-forme du Conseil européen pour la préparation de cette conférence. Notre agriculture, qui est déjà soucieuse de ses émissions de gaz à effet de serre, peut se mobiliser encore davantage pour stocker davantage de carbone dans les sols, conduire une sélection génétique pour produire des plantes plus résistantes à la sécheresse, traiter davantage les déchets agricoles avec la méthanisation.

« Nous avons besoin de réserves et d’équipements qui permettent d’approvisionner en eau nos territoires. »

Jamais je n’accuserai l’agriculture d’être à l’origine du réchauffement de la planète. Mais j’ajouterai toujours que l’agriculture peut contribuer à sa diminution. Il faut produire plus et produire mieux, c’est le sens de la stratégie d’agroécologie proposé par Stéphane Le Foll.

Les agriculteurs ne comprennent pas les procès qui leur sont faits, par exemple dans des cas emblématiques comme le barrage de Sivens ou la ferme des 1 000 vaches. Quelle est votre position sur ce type de dossier ?

Ma volonté est d’éviter des affrontements. Ces conflits ne servent ni la cause de l’agriculture ni la cause de l’écologie. Nous avons besoin de structures agricoles qui, notamment en matière d’élevage, accueillent des regroupements. Mais nous n’avons pas besoin d’usine d’élevage. Ce serait la pire des images pour l’agriculture française. Donc il doit y avoir un équilibre. Les agriculteurs y sont attachés et ils ne veulent pas se faire imposer un modèle industriel qui ne serait pas le leur.

Sur les barrages et l’approvisionnement en eau, la question n’intéresse pas uniquement les agriculteurs. Elle est posée à l’ensemble des territoires qui connaissent des risques de sécheresse. Nous avons besoin de réserves et d’équipements qui permettent d’approvisionner en eau nos territoires. Pas simplement l’espace rural. Encore faut-il que les projets soient à la bonne taille, sur les meilleurs lieux et qu’ils puissent avoir été concertés pour qu’ils ne soient pas contestés. Il est paradoxal d’attendre qu’un équipement soit presque en chantier pour le bloquer. Et que surviennent en plus des débordements de violence comme à Sivens. À la suite de ce drame, j’ai pris deux décisions. La première consiste à améliorer les conditions du débat public pour ce type d’investissements ; la deuxième vise à réduire les délais. On ne peut pas avoir des projets qui sont décidés à l’année N et qui s’exécutent à l’année N+10, dans la colère et la frustration.

Ne faudrait-il pas davantage de régulation des marchés pour permettre aux agriculteurs de mieux répondre aux exigences environnementales ?

D’abord, la France a obtenu en 2013 une renégociation de la Pac qui était, à bien des égards, inespérée. Autant en ce qui concerne sa place dans le budget européen que ses modalités d’application. Nous avons pu renforcer la régulation des marchés, augmenter le couplage des aides tout en introduisant le verdissement. Mais face à des cours de plus en plus volatiles et qui sont insupportables pour beaucoup de producteurs, nous devons, à crédits constants, réguler davantage. Les pouvoirs de la Commission européenne ont été renforcés, elle doit s’en saisir. J’ai donc écrit au président (de la Commission européenne) Jean-Claude Juncker pour que des mesures de gestion des marchés soient prises. L’Europe doit adopter rapidement une décision concernant le stockage privé pour la viande porcine pour redresser des cours particulièrement bas et pour compenser les effets de l’embargo russe. C’est la pérennité de nombreuses exploitations qui est en cause.

« J’ai écrit au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker pour que des mesures de gestion des marchés soient prises. »

À ce sujet, après l’accord de Minsk, s’il est respecté, peut-on espérer une prochaine levée de l’embargo russe ?

Depuis plusieurs semaines, j’ai engagé des démarches auprès des autorités russes pour une levée progressive de cet embargo. Si je m’engage autant pour la paix en Ukraine, c’est bien sûr pour que nous en terminions avec une guerre qui a déjà fait plus de 5 000 morts. Mais c’est aussi pour que nous retrouvions des relations amicales et commerciales avec la Russie. J’ai l’espoir que si l’accord de Minsk se confirme – mais nous avons beaucoup d’incertitudes dans cette période – nous puissions aller très vite vers une reprise de nos échanges.

Plusieurs pays très compétitifs comme les Etats Unis misent sur des systèmes assurantiels pour le revenu de leurs exploitants. La France ne devrait-elle pas faire un effort plus important dans cette direction ?

Oui. Face à la volatilité des prix, aux désordres climatiques, nous avons besoin de donner aux agriculteurs de la stabilité. Notamment par des mécanismes d’assurance. Mais je ne veux pas laisser les agriculteurs seuls face à des opérateurs privés au risque de les voir supporter encore des charges supplémentaires. Dès la campagne 2015-2016, un « contrat socle » leur sera proposé à un prix abordable grâce à la participation de l’Etat. C’est une solution nécessaire pour diffuser les systèmes assurantiels. L’objectif, c’est une mutualisation des risques. Les producteurs de grandes cultures ont été les pionniers dans ce domaine. Nous devons donc travailler à ce que cette garantie puisse être élargie sans que cela n’affaiblisse les exploitations qui y ont déjà eu recours. Au-delà de 2020, la question des assurances devra être traitée sur un plan européen, par la PAC. Une des conclusions de la Conférence de Paris sur le climat pourrait porter, justement, sur des systèmes assurantiels sur le plan mondial et régional.

Sur les questions environnementales, les agriculteurs ont le sentiment que la France sur-transpose de manière excessive les réglementations européennes. Ne pensez-vous pas que c’est effectivement le cas ?

« Au-delà de 2020, la question des assurances devra être traitée sur un plan européen, par la PAC.»

Elle l’a trop fait dans le passé. Elle a ajouté des contrôles aux contrôles et alourdi les charges des exploitants. Or les formalités administratives ont aussi un coût financier. D’où l’ouverture de trois chantiers par le gouvernement : le premier concerne l’environnement et la simplification des règles. Je pense notamment à la définition des cours d’eau mais aussi au régime des installations classées. Un alignement des dossiers d’étude d’impact sur ceux de nos principaux partenaires européens signifiera moins de papiers, des décisions plus rapides, des délais de recours raccourcis. Ainsi, pour les élevages de volailles, le seuil à partir duquel l’autorisation sera nécessaire passera de 30 000 à 40 000 dès juin prochain. Le second chantier a trait à la réglementation sur le travail. Les mesures concernant la pénibilité ne seront de fait pas applicables en 2015 et, à partir de 2016, une approche plus collective et forfaitaire sera privilégiée. En ce qui concerne l’apprentissage des mineurs, des simplifications seront apportées dès le mois de mai.

« Les mesures concernant la pénibilité ne seront de fait pas applicables en 2015 et, à partir de 2016, une approche plus collective et forfaitaire sera privilégiée. »

Le troisième chantier concerne les contrôles pour stabiliser les règles, privilégier les contrôles sur pièces par rapport aux contrôles sur place, favoriser la concertation entre administrations et réaliser sans armes les contrôles sur les exploitations.

…et en ce qui concerne les nitrates ?

Concernant les nitrates, j’ai demandé aux ministres de l’Écologie et de l’Agriculture de revoir les extensions de zones vulnérables par rapport à ce qui était prévu en juin. Précisons que ce n’est pas parce qu’un territoire est classé en zone vulnérable qu’il est impossible à une exploitation agricole de travailler. L’exemple m’est souvent donné de l’Allemagne dont l’intégralité du territoire est classée en zones vulnérables mais dont l’agriculture est tout de même compétitive.

Plutôt que de subir de nouvelles réglementations en matière d’environnement, les agriculteurs demandent surtout des alternatives technologiques et scientifiques. Ne devrait-on pas amplifier nos efforts de recherche en matière agricole ?

Oui. Nous avons l’obligation d’investir davantage dans la recherche. Je veux faire de l’innovation un principe fondamental pour notre agriculture. Nous mobiliserons nos centres de recherche qui sont reconnus sur le plan mondial, l’Inra, l’Irstea, le Cirad. Et nous ferons en sorte de mieux diffuser ces innovations. Les agriculteurs seront eux-mêmes associés à ces travaux et à leur application.

« Concernant les nitrates, j’ai demandé aux ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture de revoir les extensions de zones vulnérables par rapport à ce qui était prévu en juin. »

Dans cet esprit, je veux proposer une stratégie de recherche agricole qui mettra l’accent à la fois sur la compétitivité et sur l’environnement. Elle établira un lien entre les organismes de recherche, l’industrie française et les professionnels de l’agriculture. L’agriculture de demain, c’est l’agroécologie qui va mobiliser aussi bien l’agronomie que la robotique, le bio-contrôle, les biotechnologies et le numérique. C’est aussi favoriser des démarches plus collectives comme les groupements d’intérêt économique et écologique prévus par la loi pour l’avenir de l’agriculture. Savoir que l’agriculture est un domaine d’avenir sur le plan technologique, c’est aussi, pour les agriculteurs, une fierté et une reconnaissance pour ce qu’ils font déjà. Ils expérimentent, ils inventent, ils innovent. Jusqu’à présent, la politique agricole était une combinaison de soutiens aux produits, de compensation des handicaps, de régulation des marchés. Il y aura un nouveau volet dans la politique agricole : il portera sur la recherche et le développement des nouvelles technologies.

« Au-delà de 2020, la question des assurances devra être traitée sur un plan européen, par la PAC. »

L’an dernier vous aviez eu un discours très encourageant à l’égard des biotechnologies et des OGM en particulier. Depuis, il ne s’est pas passé grand-chose hormis une directive européenne qui permet à tout pays membre de l’UE de prohiber les OGM sur son sol.

La réalité, c’est que les consommateurs, qu’ils soient français ou européens, sont hostiles aux OGM qui existent aujourd’hui. Ils les considèrent, à tort ou à raison, comme n’apportant pas d’avantages réels mais comportant au contraire des risques pour l’environnement. C’est pour cela que ce sujet constitue l’une de nos lignes rouges dans la négociation commerciale entre l’Europe et les Etats-Unis. Mais dans la lutte contre le réchauffement climatique, les biotechnologies peuvent nous permettre d’être plus sobres dans la consommation énergétique, de stocker davantage de carbone, de développer de nouvelles méthodes de production. C’est pourquoi notre pays doit poursuivre son effort de recherche publique sur les biotechnologies, ce qui suppose que les chercheurs français puissent faire leur travail en toute sérénité et conserver une expertise sur ces technologies, de manière à éviter leur mauvais usage, voire dénoncer ceux qui les instrumentalisent. L’objectif est d’intégrer les avancées de la science dans le travail agricole. Le Haut Conseil des Biotechnologies sera un lieu utile pour faire partager ces enjeux à l’ensemble des acteurs.

Les temps sont difficiles pour les agriculteurs. A la veille du Salon de l’agriculture, que pouvez-vous leur dire pour les encourager, si ce n’est les rassurer ?

« L’objectif est d’intégrer les avancées de la science dans le travail agricole. »

D’abord, je suis conscient que pour beaucoup de ceux qui vont participer au Salon, en exposant leurs animaux et en mettant en valeur leurs produits, c’est une période très difficile qu’ils traversent. Je pense aux éleveurs, aux producteurs de fruits et légumes, et même aux céréaliers qui ont connu des baisses de cours tout à fait défavorables à leurs exploitations. Et, pour autant, ils tiennent bon. Ces agriculteurs attendent aussi des actes des pouvoirs publics. D’abord, le pacte de responsabilité s’appliquera cette année à l’agriculture française. Ensuite, 2015 sera largement consacrée à la mise en œuvre de la nouvelle politique agricole commune qui va augmenter les compensations dans les zones difficiles.

« Les distributeurs ne peuvent pas demander en permanence des rabais à leurs fournisseurs pour abaisser encore les prix. »

Enfin, pour les éleveurs, la France déploiera tous ses efforts pour lever des restrictions là où elles existent, supprimer les embargos qui n’ont pas de fondement sanitaire.

Pour les agriculteurs qui sont les plus fragiles, des solutions immédiates seront apportées pour alléger leurs charges et leur permettre de passer ce cap.

Mais je ne voudrais pas que cette conjoncture préoccupante nous fasse oublier que la filière agroalimentaire française est performante, dynamique, qu’elle continue à créer de l’emploi, qu’elle est excédentaire sur le plan commercial. Nous allons démontrer encore une fois notre exceptionnel rayonnement en matière agricole lors de l’exposition universelle de Milan.

Les distributeurs devraient-ils être plus souples à l’égard de leurs fournisseurs agricoles et agroalimentaires ?

Les distributeurs bénéficient du CICE (1), ils ont eu les aides du pacte de responsabilité, il ne faudrait pas qu’ils essaient de les toucher deux fois : une fois parce qu’ils sont employeurs et une autre fois parce qu’ils sont acheteurs. Ils ne peuvent pas demander en permanence des rabais à leurs fournisseurs pour abaisser encore les prix. J’ai demandé au gouvernement de veiller à ces compléments de marge et de favoriser des relations contractuelles plus équilibrées entre la distribution et l’agriculture.

(1) Crédit d’impôt Compétitivité emploi

François Hollande appelle les agriculteurs à s’engager dans l’agroécologie

DANS un échange écrit entre la FNSEA et la présidence de la république et diffusé via Actuagri, François Hollande appelle les agriculteurs à s’engager sur la voie de l’agroécologie « pour une agriculture compétitive » et « moins gourmande » en énergie et en pesticides. « On n’avancera pas si l’on ne réconcilie pas l’économie et l’écologie », affirme le président de la République selon des propos rapportés par l’AFP ; « l’enjeu, c’est de tirer parti de la science et des technologies pour valoriser les ressources rares et pour recourir à des produits moins nocifs ; c’est la définition même de l’agroécologie », explique le président de la République. « Les agriculteurs ont déjà fait de grands efforts en matière de respect de l’environnement » mais « je souhaite que se diffusent les bonnes pratiques pour une agriculture compétitive tout en étant moins gourmande en énergies et en produits phytosanitaires », ajoute François Hollande.

HERVÉ PLAGNOL

 

Quelques mots en courant

Lecteurs et amis, j’ai négligé ma tâche ici, emporté par bien des soucis dont je vous fais grâce. Les jours ne sont pas toujours d’une couleur apaisante, voilà tout ce que je suis capable d’avouer ce soir.

Pour le reste, quoi ? Mon livre Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture sort demain aux éditions Les Échappés. Si tout se passe comme prévu, je serai l’invité de Patrick Cohen sur France Inter vendredi à 8h20. Mais les choses se passent-elles comme prévu dans l’univers baroque des médias ?

Pour le reste, disons que je suis fatigué. Je suis sûr que vous ne m’en voudrez pas. Ça va aller mieux, juré.

Lettre à un paysan sur ce vaste merdier

Je n’attends plus que le goudron et les plumes. Ou la bouse et et les cornes, faudra voir. Car je vais publier le 17 septembre un livre qui ne plaira guère à l’agriculture industrielle. Oh que non ! Son titre :  « Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture », aux éditions Les Échappés. La couverture s’orne d’un dessin de mon cher vieil Honoré, flingué le 7 janvier passé par les frères Kouachi. Et cela n’a rien d’un hasard, car Les Échappés sont la maison d’édition de Charlie.

Ce livre, je l’avais écrit l’an passé, et il devait sortir en janvier 2015. Et puis il s’est passé que mes amis sont morts, que d’autres ont été charcutés par les balles. J’ai pour ma part reçu trois balles, et je prends encore de la morphine. Le livre, bien que sorti de l’imprimerie, est resté en carafe jusqu’à aujourd’hui. Or vous savez que demain est le grand jour du débarquement. 1000 ou 1500 tracteurs vont bloquer le périphérique parisien pour obtenir des aides encore plus massives que celles qui sont déjà accordées aux éleveurs. Il va sans dire que je comprends le désespoir des paysans acculés, endettés, souvent conspués. Je les comprends, mais pardi, je ne partage aucun de leurs points de vue. Je vais donc, une fois de plus, me faire mal voir. Très.

Vous trouverez ci-dessous deux choses. D’abord un extrait de mon livre, qui vous fera envie, je l’espère, d’en savoir plus. Je compte évidemment sur vous pour faire connaître son arrivée. Tous les moyens peuvent être utilisés, du simple carnet d’adresses aux désormais fameux réseaux sociaux. Donc, un extrait, suivi d’un papier publié par Charlie au début du mois passé.

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L’EXTRAIT (un morceau du chapitre 7)

(J’évoque ci-dessous les ingénieurs du génie rural et des eaux et forêts (Igref), structure qui, sous un nom ou un autre, commande)

Je ne peux pas tout te raconter ici, mais je suis sûr que dans ton village ou autour, tu as entendu parler de leurs prouesses. Toute l’architecture du ministère de l’Agriculture – et en partie de celui de l’Environnement, créé en 1971 -, c’est eux. Toutes les administrations centrales, presque toutes les directions départementales de l’agriculture (DDA), l’Office national de forêts (ONF), et un nombre proprement incalculable de trucs et machins publics ou parapublics ont été, sont ou seront dirigés par cette « noblesse d’État » analysée par Pierre Bourdieu dans un livre du même nom. Ils survivent à tous les changements de régime, guerres et révolutions comprises. Comment ne mépriseraient-ils pas ces ministres qui viennent se pavaner un an ou deux sous des ors dont ils ne savent rien, quand les ingénieurs ont tout pensé, planifié et réalisé depuis des dizaines d’années, sinon des siècles ?

Pour en revenir à ton cas personnel, Raymond, je n’aurai qu’un mot, celui de remembrement. Celui-là, je suis certain que tu le connais. Pour les ingénieurs, pour les politiques, pour les « syndicalistes » paysans, pour les chercheurs de l’Inra, il fallait faire exploser le cadre foncier hérité de 1000 ans d’histoire. Je vais te dire : comme c’était chiant ! Comme le lacis des propriétés agricoles était compliqué ! Les héritages et leurs infernales règles, les spoliations, les expropriations, les révolutions avaient transformé la carte du monde paysan en un labyrinthe dépourvu du moindre fil d’Ariane.

Je me souviens d’une discussion d’il y a vingt ans avec Bernard Gérard, alors délégué en Bretagne du Conservatoire du Littoral. Il cherchait à acheter en notre nom à tous des propriétés situées près de la pointe du Raz, dans le Finistère. Et il m’avait montré sur la carte combien c’était difficile. On y voyait les marques du passé, sous la forme de bandelettes de terre de quelques dizaines de mètres de largeur, sur peut-être 200 mètres de longueur. Pour chaque bande, un héritier. C’est ainsi que les familles paysannes réglaient le sort de leur bien. En le divisant sans cesse et sans fin entre les héritiers de la maison, jusqu’à rendre l’avenir impossible.

Ce jour-là, j’ai compris que les campagnes pouvaient, devaient être changées. Aucune structure ne doit rester trop longtemps dans la poussière du temps. J’en suis bien d’accord. Mais fallait-il vraiment ravager ? Fallait-il imposer la loi abstraite des machines et du fric à ce qui était tout de même une fabuleuse manière de vivre ? Qui étaient ces Igref pour oser détruire le sens d’une présence millénaire, le nom des buttes et des champs et des chemins creux et des rus ?

On trouve dans un article de Jean Roche, Inspecteur général du Génie rural, paru en 1951 (Les aspects essentiels du remembrement rural en France) la teneur, et même la saveur de ce qui allait se passer. Citant Henry Pattulo, auteur d’un livre sur l’état de l’agriculture, en 1758, Roche, 200 ans plus tard, note : « Le remembrement des terres n’est pas, en France, un problème nouveau ; les conséquences néfastes pour la culture du parcellement des exploitations ont été dénoncées depuis fort longtemps (…) Que dirait aujourd’hui Pattullo, en voyant des tracteurs condamnés à évoluer sur nos parcelles de culture actuelles dont la surface moyenne est voisine de 75 ares ? ».

Oui, Raymond, qu’aurait dit ce Pattulo que l’on convoquait ainsi près de deux siècles après sa mort ? L’horrible situation ne pouvait durer plus longtemps : les machines devaient pouvoir passer librement sans tous ces repères dans le paysage – autant d’obstacles – que les hommes avaient imaginés pendant ce si long apprivoisement des terres de France.

Et passant sans entrave, elles feraient des miracles, ainsi que le précisait un peu plus loin, dans le même article, l’Inspecteur Jean Roche : « On conçoit donc que les avantages directs du remembrement, qui sont considérables, ont fait l’objet de nombreuses études et l’on peut traduire d’une manière simple en indiquant qu’en moyenne l’augmentation de rendement peut atteindre 15 % et la diminution des frais d’exploitation 30 %. Mais le remembrement ne peut donner son plein effort que s’il tend, à l’intérieur d’une exploitation déterminée, à donner une structure d’accueil convenable à la traction mécanique ».

Le remembrement avait pu exister et remodeler au passage quelques centaines de milliers d’hectares, mais ce qui commence dans les années Cinquante est une révolution des paysages et un incroyable hold-up sur les terres. Je suis bien certain que tu as vu cela de près, et je serai donc rapide, Raymond. Soit une commune quelconque. Un proprio a l’intuition qu’il a tout à gagner d’une nouvelle répartition des terres. Il envoie une demande au préfet, qui réunit une Commission Communale d’Aménagement Foncier (CCAF). Celle-ci est pleine de proprios triés sur le volet, d’un juge, de trois envoyés de la Chambre d’agriculture, eux aussi triés sur le volet, et de deux représentants de la direction départementale de l’agriculture (DDA), aux mains des Igref. Dans cette sinistre comédie, les Igref sont le moteur et l’accélérateur, car ils ont dans leur tête le schéma d’ensemble : place au neuf !

En théorie, il s’agit d’un échange. Monsieur A donne à monsieur B un bout de terre et reçoit en échange un autre bout de valeur agronomique équivalente. À terme, la carte agricole est redessinée, les propriétés rassemblées, agrandies, et la sacrosainte productivité explose. Une association foncière achève le boulot sous la forme de nouveaux chemins agricoles, de « recalibrage » de ruisseaux, tous travaux sur lesquels les Igref touchent des « indemnités compensatoires ». C’est l’une des clés de la construction. Ils touchent. Sur les installations d’irrigation pour les terres trop sèches, sur le drainage des terres trop humides, sur le moindre arrachage d’une haie ou d’un arbre. Tout le monde est content, sauf les innombrables victimes du changement, auxquelles ce dernier est imposé par la loi. Impossible de dire non ! Inutile !

L’histoire de ce colossal désastre technocratique reste à écrire, et ne le sera peut-être jamais. Où sont les sources ? Mortes sans laisser la moindre adresse à ceux de l’avenir. À l’arrivée, 17 millions d’hectares – 170 000 km2 ! – sur 29,5 millions d’hectares de Surface agricole utile (SAU) ont été remembrés. Sur les cartes les plus fines, celles au 1/25 000, le tracé des parcelles est méconnaissable. Bien sûr ! bien sûr, le remembrement a aussi, au passage, amélioré quantité de situations injustes, parfois infernales. Ce n’est pas le principe du mouvement qui est en cause, mais ses objectifs et son déroulement en Blitzkrieg. Prenons l’exemple affreux de Geffosses, dans la Manche. En octobre 1983 – car cela a duré et dure encore -, Georges Lebreuilly, petit paysan, apprend qu’un remembrement est prévu. Jusqu’ici père peinard, avec ses 25 vaches et ses 20 hectares de prairies naturelles, il va se transformer en activiste.

La réunion de lancement ? Sous la conduite de la DDA bien sûr, et donc des Igref, en présence de propriétaires qui sont aussi conseillers municipaux, le grand chambardement est programmé. Une bataille au couteau commence, qui voit Lebreuilly devenir maire, qui voit Lebreuilly se jeter sous les chenilles des bulldozers, pour sauver un chemin creux. 160 gendarmes rétablissent l’ordre officiel, et pour finir, après la découverte par Lebreuilly de singulières pratiques concernant les travaux « publics », un armistice est conclu. D’un côté, l’essentiel du remembrement est fait, avec par exemple le bétonnage de l’ancien chemin-rivière où Georges allait se promener le dimanche. De l’autre, 80 km de haies ont été sauvés in extremis. Il aurait fallu 10 000 de ce Georges Lebreuilly, qui fit élever sur place, en 1994, un monument aux victimes du remembrement. On y peut lire : « C’est parce qu’ils sont subi la tyrannie du système administratif que des hommes ont édifié ce monument. Opprimés mais debout pour défendre la liberté et les droits de l’homme ».

Je te parlais plus tôt du monument aux morts de Cazalrenoux, et comme tu le vois, il y a bien des manières de mourir. On peut même être vivant et transporter avec soi le souvenir de morts anciennes. Il y a huit ans, j’ai rencontré en Bretagne Bruno Bargain, qui est l’un de nos grands ornithologues. Il passe une partie de chacun de ses étés dans la baie d’Audierne, à baguer des piafs de 12 grammes en partance pour l’Afrique tropicale. C’est aussi un Breton, qui fut un gosse du bocage, quand ce mot désignait un équilibre déroutant entre les ressources du lieu, bêtes comprises, et ses fragiles habitants humains.

À Plonéour-Lanvern, alors que nous étions arrêtés devant une morne étendue, il m’avait dit : « On ne peut pas se rendre compte. La blessure est si profonde ! Est-ce que tu vois ce champ tout au loin, dont le bout touche le clocher ? Dans mon enfance, il y avait à la place dix parcelles, peut-être plus. Avec des centaines de rangées d’arbres dans tous les sens, qui créaient une sorte de mystère. Qu’y avait-il derrière le talus ? ».

Le dimanche de Pâques, Bruno se levait et partait à pied avec son grand-père, passant d’un champ de patates à un carré de luzerne, suivant un chemin creux, poussant la porte d’une haie dense, qui ouvrait sur un nouveau petit pays. Le but du voyage était de ramener dans la casquette des œufs de merle ou de grive, pour préparer à la maison la grande omelette du jour de fête. Bruno : « Il y avait des nids partout, à profusion. Chaque parcelle abritait sa compagnie de perdrix grises ». Et question oiseaux, je répète qu’il sait de quoi il parle.

Ainsi disparut la Bretagne. Selon les estimations de Jean-Claude Lefeuvre, un universitaire de réputation mondiale, 280 000 kilomètres de haies et de talus boisés auraient été arasés dans cette région entre 1950 et 1985. 280 000 km. Soit 7 fois le tour de la Terre. Pour la seule Bretagne.

C’est à pleurer, et je te jure bien que certains soirs, pensant à ce merdier si désespérant, je n’en suis pas bien loin. Mais au fait, ces Igref dont je te rebats les oreilles, que sont-ils devenus dans la tourmente ? Précisons tout de suite que, malgré leur pouvoir immense, ils n’ont jamais été plus de 1500 en activité. Mais quelle activité ! En 2009, l’imagination bureaucratique au pouvoir décide de fusionner le corps des Igref avec celui des Ponts et Chaussées, ce qui donnera une énorme boursouflure techno appelée corps des Ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts (Ipef).

Les ingénieurs des Ponts sont une caste voisine, née en 1716, entièrement vouée à la révolution industrielle. Ses ingénieurs – un peu plus de 1500 en 2009, année de la fusion – ont démembré la France comme bien peu. On leur doit canaux et rivières « rectifiées », équipements touristiques et barrages, routes et autoroutes, ports et aéroports, châteaux d’eau et ronds-points, et même un peu de nucléaire sur les bords. Inutile de dire que l’alliance des Igref et des Ponts nous prépare de nouvelles surprises, dont les nanotechnologies ne sont que l’un des nombreux hors d’œuvres. La droite avant 2012 avait dans ses premiers rangs des Igref de poids, comme Nathalie Kosciusko-Morizet. La gauche, après 2012, aussi. On ne parle pas encore beaucoup de Diane Szynkier, animatrice du pôle écologique du candidat François Hollande. Cela viendra certainement. Elle est jeune, compétente, Igref. Son heure viendra donc.

Raymond, ne va surtout pas croire que je ricane en mon for intérieur d’avoir ainsi ferraillé contre tous ces si braves gens. Même si je rigole un peu, c’est pour mieux cacher le reste. Allons, n’en restons pas là. Le philosophe Paul Ricœur a donné au journal Le Monde, dans son édition du 29 octobre 1991 un entretien dont j’extrais ceci : « Il ne s’agit pas de nier l’existence de domaines où des compétences juridiques, financières ou socio-économiques très spécialisées sont nécessaires pour saisir les problèmes. Mais il s’agit de rappeler aussi, et très fermement, que, sur le choix des enjeux globaux, les experts n’en savent pas plus que chacun d’entre nous. Il faut retrouver la simplicité des choix fondamentaux derrière ces faux mystères ». C’est pas si mal résumé.

 

Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu'est devenue l'agriculture par Nicolino

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LE PAPIER PUBLIÉ PAR CHARLIE LE MOIS PASSÉ

Veaux, vaches, cochons et tueurs

Les éleveurs de bidoche refusent de nommer le vrai responsable de cette énième crise. Car il s’agit de leur système : l’industrialisation de l’élevage et la mondialisation ont conduit droit au chaos. Et les vraies grandes victimes sont les bêtes. Avant ceux qui les mènent à l’abattoir.

On a déjà vu la scène, mais cette fois, c’est la grosse peignée. L’éleveur de charolais étripe le vigile d’Auchan avant d’étrangler le vétérinaire de l’abattoir. Ce que voyant, le charmant porcher industriel attaque à la grenade la sous-préfecture et chourave 28 tonnes d’hormones de croissance pour doper sa production. Sûr qu’il faudrait faire quelque chose pour ces ploucs qui triment au cul de leurs bêtes robotisées. Mais quoi ? Commençons par dire la vérité.

Premier point : ce système délirant est le leur. Celui de Le Foll et Hollande, celui de la FNSEA, ce syndicat qui assassine ses membres depuis 70 ans, celui des éleveurs eux-mêmes. Au jeu de piste appelé mondialisation, il y aura toujours plus de perdants que de gagnants. On sait ainsi les causes vraies de la crise perpétuelle du cochon : dès qu’un marché nouveau apparaît, les porchers s’empressent de produire à tout va de la merde rose. Tel a été le cas avec la Russie, la Chine, et même l’Union européenne après le grand désastre de la peste porcine aux Pays-Bas, en 1997. Et puis tout se referme pour la raison que Chinois, Russes ou Bataves ne sont pas manchots. Au bout de quelques années, ils produisent sur place, ou consomment moins de charcutaille française.

Deuxième point : cette grandiose folie a une histoire, qui s’appelle industrialisation. Imaginée dès l’après-guerre dans les laboratoires de l’Inra par des zootechniciens fous d’Amérique, elle est réellement lancée sous De Gaulle, après 1958. En février 1965, visitant le grand Ouest, le ministre de l’Agriculture gaulliste Edgard Pisani lâche : « La Bretagne doit devenir un immense atelier de production de lait et de viande ». Le triomphe sera total. L’animal devient une chose, soumise à sélection génétique, insémination artificielle, alimentation industrielle, abattage quasi-automatisé. Le maïs-fourrage s’étend, des ports comme Lorient se spécialisent peu à peu dans l’importation massive de soja. Un soja destiné aux animaux, qui ne tardera pas à être transgénique.

Troisième point : il était imparablement logique, dans ces conditions, d’en arriver à des « fermes » de 1 000 vaches, en attendant 10 000. Rappelons que dans la Somme, près d’Abbeville, un industriel du BTP – Michel Ramery – a décidé de construire une usine à lait où les vaches sont parquées en attendant la lame du coutelas. Le plaisant de l’affaire, c’est que les éleveurs locaux, frères jumeaux de ceux qui hurlent aujourd’hui, n’ont strictement rien branlé. Pendant que la Confédération paysanne prenait tous les risques sur le terrain, démontant une partie des bâtiments, la FNSEA gardait le silence. On ne dira jamais assez de mal de ce « syndicat », qui cogère les dossiers agricoles depuis 70 ans. S’il ne devait y avoir qu’un responsable du merdier en cours, ce serait elle. Mais Hollande, qui croit pouvoir s’en servir, adore le monstre.

Quatrième point : la consommation de bidoche baisse inexorablement. Entre 1960 et 1980, elle a nettement augmenté dans un pays qui découvrait les Trente Glorieuses et l’hyperconsommation. Et puis moins jusqu’en 1992. Depuis cette date, c’est la cata. On boulotte environ 89 kilos de viande par an et par habitant, contre 100 kilos il y a 25 ans. Bien que les explications soient complexes, il faudrait être niais pour oublier le veau aux hormones, la vache folle, le poulet à la dioxine ou la grippe porcine. Cela tombe bien, car le modèle est condamné. D’abord parce qu’il occupe des surfaces géantes au détriment des céréales, seules capables de nourrir dix milliards d’humains. Ensuite parce que l’élevage est responsable de près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Lutter contre le dérèglement climatique, c’est lutter contre l’élevage industriel.

Cinquième point : où sont passés les animaux ? Dans cette histoire, nul ne pense aux millions de porcs, poulets, pintades, oies, canards, bovins encabanés et piquousés de partout. Resplendissants dans les panthéons de l’Antiquité, ils ne sont plus que des ombres dans cet immense pandémonium où grouillent les tueurs. En 2007, un milliard 46 millions et 562 000 animaux ont été butés dans des abattoirs français estampillés. Depuis, le chiffre ne bouge guère. Leur vie, c’est la mort.