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Sur les escrocs du climat (par Frédéric Wolff)

Le texte ci-dessous n’est pas de moi – Fabrice Nicolino -, mais de Frédéric Wolff, que certains d’entre vous ont déjà tant apprécié. Merci à lui.

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Les escrocs du climat offrent des visages versatiles. Les climato-sceptiques n’ont certes pas disparu mais ils se font plus discrets, au moins en France. Ces tristes sires méritent assurément notre dédain, mais au moins, ils affichaient la couleur. Nous savions clairement à quoi nous en tenir. Avec les imposteurs du climat, les frontières se brouillent, les ennemis avancent masqués.
A mesure que progresse la perspective d’une dislocation des équilibres vitaux et sociaux, l’heure est à la conversion. Tout le petit monde de la politique franchouillarde est subitement devenu « écologiste », je mets ce mot entre guillemet, bien sûr. Pas un programme qui n’ait son boniment sur la planète, la transition énergétique, etc. Qu’importe que ce baratin soit une coquille vidée de toute substance par son insignifiance ou son télescopage avec des mesures productivistes et technophiles. Ce qui compte, c’est d’avoir l’air.


Il y a, dans cette entourloupe, des degrés différents, et il serait utile, à l’occasion, d’établir une typologie des enfumeurs du climat. J’aimerais ici m’arrêter sur trois d’entre eux : les illusionnistes de la neutralité carbone, les fanatiques de l’innovation numérique, les adeptes de l’industrie du renouvelable.

La neutralité carbone pour commencer. Comme tous les nouveaux concepts de la technocratie triomphante, celui-là est propice à la confusion. Nicolas Hulot, alors ministre, l’avait inscrit dans son plan climat. A première vue, l’idée pourrait sembler intéressante. Viser un équilibre entre ce que l’on émet et ce que l’on absorbe, ne serait-ce pas une solution ? A regarder de plus près, c’est une tout autre réalité qui apparaît. Car il y a plusieurs voies pour atteindre cette neutralité. La baisse des émissions de gaz à effet de serre d’une part, la compensation et la géo-ingénierie d’autre part. Sauf à être doté d’une naïveté confondante, il est clair que la première solution a peu de chance d’être sérieusement retenue.


Reste donc à compenser, à l’image du lobby des transports aériens dont l’objectif est d’être neutre en carbone. Imagine-t-on qu’ils vont réduire leur trafic ? Evidemment non. Pareil pour la Norvège, qui ambitionne cette neutralité pour 2030 tout en développant ses projets pétroliers en Arctique. Comment réussir ces tours de passe-passe ? En achetant des forêts, des quotas de carbone, autrement dit des droits à foutre en l’air le climat, à expulser des communautés de leur lieu de vie et à polluer à tout va. Après les climato-sceptiques, les climato-cyniques. On progresse. Vous voulez dévaster une forêt pour planter des palmiers à huile, pour installer des industries minières, un aéroport, un complexe de loisirs, un centre d’activités commerciales ? Un crédit carbone fera l’affaire. Une petite compensation concoctée par un bureau d’étude choisi et payé par le bétonneur, et le tour est joué. Il suffit de payer. Le climat est à vendre. Spéculateurs, à vos tablettes ! Tout est déménageable, substituable, monnayable. Les arbres, les mares, les grenouilles… La nature est obsolète. Place au capital naturel, aux unités de compensation, aux réserves d’actifs naturels, aux coefficients de valeur, aux services éco-systémiques… Bientôt, les chants d’oiseaux auront un prix, et les abeilles, et la beauté. Bientôt, plus rien ne sera gratuit.


C’est fou ? Ça l’est. Comme si l’on pouvait réduire la complexité du vivant à un chiffre, à des fonctions interchangeables. Comme s’il y avait équivalence entre la restauration d’un milieu, par nature lente, et le saccage d’un habitat, fulgurant grâce aux moyens techniques modernes. Comme si l’on pouvait stocker indéfiniment du carbone sans que les forêts saturent, les océans s’acidifient dangereusement. Comme si tout était comparable, la destruction irréversible et la protection temporaire – les baux des lieux compensés ont une durée de vie de 30 ans maximum. Comme si une forêt primaire pouvait être convertie en une monoculture d’eucalyptus.


Autre entourloupe aux effets imprévisibles et potentiellement dévastateurs : la manipulation du climat. Capter, séquestrer, enfouir le carbone, épandre de la poussière de silicate sur la terre et dans les mers, reproduire la photosynthèse naturelle dans une feuille artificielle, pulvériser du souffre dans la stratosphère, déplacer l’orbite de la Terre pour l’éloigner du soleil… Rien n’est impossible pour les apprentis-sorciers de la géo-ingénierie.


Pour prolonger ces questions, un recueil d’entretiens qui m’a apporté de précieuses informations pour l’écriture de ce texte : « La nature comme marchandise », d’Antoine Costa , publié par Le monde à l’envers, remarquable petit éditeur aux textes décapants.

Dans un autre genre, les fanatiques du numérique se posent un peu là dans l’imposture. Cette industrie, que l’on nous a présentée comme dématérialisée, est un accélérateur foudroyant du cataclysme écologique et humain, qu’il s’agisse d’internet, des gadgets informatiques en tous genres (smartphone, tablettes, puces, objets connectés et j’en passe), des drones, de l’école numérique, des mouchards intelligents, des caméras de surveillance, des infrastructures gigantesques… Comme si tout cela ne suffisait pas, voici qu’arrivent la 5G et ses milliards de connexions à nos frigos, nos brosses à dents, nos machines à laver, nos caméras de contrôle, nos véhicules sans conducteur, nos robots agricoles… Pas plus que les précédentes innovations morbides, celle-là n’est soumise à un examen sérieux, à un grand débat quelconque. Démocratie ? Foutaise. Plus un endroit du territoire n’échappera aux rayonnements délétères des antennes et des satellites. Ce monde est en train de devenir un gigantesque four à micro-ondes et nous voilà réduits à l’état de molécules s’agitant dans tous les sens pour le faire fonctionner ou pour tenter désespérément de s’en protéger. Quid des conséquences sur les oiseaux, les abeilles, tout le vivant dont nous sommes ? Grâce à cette industrie énergivore, nous aurons le chaos climatique, la pollution, la surveillance, la pénurie administrée et les pathologies liées aux ondes nocives.

Enfin, derniers acteurs de cette funeste trilogie *, les forcenés des industries renouvelables qui voudraient nous faire croire que leurs énergies vertes sont vertueuses, propres et respectueuse du climat et des droits humains. Métaux rares, acier, plastique, béton, pétrole, camions, grues, pollutions… tous ces ingrédients sont consubstantiels aux industries éoliennes et photovoltaïques. Quant aux grands barrages, ils ont provoqué le déplacement de 80 millions de personnes dont des peuples menacés d’ethnocide, ils perturbent la faune et la flore des bassins versants, fragmentent le cours des rivières, noient des forêts primaires… Ces énergies pour quoi ? Pour faire fonctionner une industrie destructrice. La boucle est bouclée.

Il y eût un temps où l’écologie incarnait – et incarne encore pour certains – une rupture avec la civilisation industrielle, avec l’ordre économique du monde. Elle visait – vise – une émancipation des servitudes et des nuisances modernes : le consumérisme, la croissance, la servitude technologique, la puissance extravagante des multinationales. Elle appelait – appelle – à une réduction drastique des productions et des consommations de biens matériels, à une modification profonde de nos modes de vie.
L’écologie dont les usurpateurs se gargarisent est tout autre. Elle est un rouage de la société technicienne. Un lubrifiant de la machine. Une technocratie qui fait semblant. Alors oui, faisons tomber les masques. Leur vrai visage ? Le nom qu’ils pourraient porter sans risquer le déshonneur ? J’en vois un, pour ma part. Escrologistes.

* à laquelle on pourrait ajouter les nucléocrates au secours du climat, les zélateurs du glyphosate au service de la séquestration carbone permise par le non-labour, les dogmatiques de la croissance verte et de son cortège funèbre, les psychopathes du transhumanisme qui vont nous fabriquer un homme-machine adapté à un monde dévasté (lire à ce sujet l’excellent essai de Pièces et main d’œuvre : « Manifeste des chimpanzés du futur, contre le transhumanisme », chez Service compris.

Du nouveau sur madame Laurence Tubiana (et sur le mouvement Climat)

Allez, je vous raconte tout. Mais attention, je compte sur vous pour faire circuler les informations importantes que contient ce papier. Je veux vous parler de madame Laurence Tubiana, que j’ai sévèrement étrillée ici (le ridicule…) le 3 mars 2008. Comme le temps passe, hein ?

Vous lirez peut-être ce lointain écho, qui vaut la peine selon moi. Si je reprends la plume, c’est que madame Tubiana, politicienne invétérée, est en train de réussir un rétablissement surprenant pour moi dans le mouvement Climat en cours, qui contient diverses promesses, dont celle d’une intervention enfin réelle de la jeunesse.

Madame Tubiana a un long passé que personnellement, je juge détestable. Elle a travaillé pour l’Inra, institut au service de l’agriculture industrielle et pesticidaire. Elle a travaillé pour la Banque mondiale, l’un des moteurs essentiels de la destruction du monde. Elle a travaillé pour les services de Bruxelles, centrée sur les mêmes objectifs.

Comme elle est de gauche – on ne rit pas -, elle a fait partie du cabinet de Lionel Jospin quand celui-ci était Premier ministre entre 1997 et 2002. Je rappelle aux oublieux que cette époque était cruciale. La France eût pu mener une politique cohérente de lutte contre le dérèglement climatique. Mais Jospin, en bon progressiste, était en vérité un climatosceptique, et en nommant ministre son compère Claude Allègre, ami de quarante ans, il savait bien ce qui se se passerait. Rien. Laurence Tubiana, dont le rôle était d’éclairer ce gouvernement négationniste de la crise climatique, n’aura pas moufté une seule fois.

En 2001, elle a créé l’Institut du développement durable et des relations internationales (Idri) au conseil d’administration duquel se trouvaient le cimentier Lafarge, Véolia Environnement, et même Coca-Cola, Arcelor-Mittal, EDF, Rhodia, Dupont de Nemours, Solvay, Renault, Sanofi-Aventis, etc, etc.

Elle a soutenu Hollande en 2012 – peut-on imaginer plus indifférent à la crise climatique ? – et en échange sans doute, a obtenu la présidence du conseil d’administration de l’Agence française du développement (AFD) en 2013. L’AFD ! Je n’ai pas le temps de détailler, mais cette structure, qui a été au centre de l’histoire de la Françafrique, mène des actions de « développement » dans le monde, mot qui est un synonyme de destruction des écosystèmes.

Elle a été la personnalité socialo centrale de la funeste Cop21 qui, en décembre 2015, a fait croire au monde qu’on s’attaquait au dérèglement climatique quand on s’y congratulait entre nantis venus en avion du monde entier.

Et comme il n’y a pas de petit profit politicien, madame Tubiana siège aujourd’hui, sur décision de monsieur Macron, dans le haut conseil Climat, machin aussi inutile et néfaste que tous les autres.

Bref, amis et lecteurs, madame Tubiana n’est pas une alliée, mais une adversaire décidée, qui vit fort bien dans ce monde – c’est d’ailleurs son droit – et n’entend pas y changer quoi que ce soit. Mais voilà que j’apprends que certains tentent de lui faire une belle place dans le mouvement Climat lancé notamment par la jeunesse d’une partie du monde, et arrivé là, je le dis et le clame : halte-là ! Laurence Tubiana appartient à l’univers politique qui a empêché toute mesure efficace pour lutter contre le drame climatique dans lequel nous sommes plongés. Quiconque veut avancer vraiment doit savoir sur qui s’appuyer et qui repousser. Madame Tubiana ne doit pas monter à bord.