Archives mensuelles : mai 2014

Ceci n’est pas une leçon de morale

Que personne, surtout, ne se sente visé ! À la vérité, ces quelques lignes s’adressent à chacun d’entre nous, dans le secret du face-à-face à l’intérieur de soi-même. Nous sommes le jeudi 29 mai 2014, et il est 12h23. J’ai mis en ligne, hier matin, un article sur les élections indiennes. Certes éloigné de mes sujets de prédilection, du moins en apparence. Pas un seul commentaire. Cela me fait réfléchir, ce qui est une activité merveilleuse. Pourquoi ? Pourquoi ces innombrables proclamations face aux 25 % d’un parti certes épouvantable, le Front National. Et pourquoi une telle indifférence pour le monde réel, pour cette Inde de 1,3 milliard d’habitants livrée à un fou de Dieu sur fond d’armement nucléaire ?

L’écologie est pour moi, à côté de tant d’autres choses, une vision planétaire des problèmes. Elle est à l’opposé de ce provincialisme intellectuel auquel nous rendons tous hommage à un moment ou à un autre de nos vies. Je crois, je sais que nous devons rompre aussi sur ce terrain-là. La France, d’accord. Mais le monde. Surtout le monde.

L’Inde entre les mains d’un fou de Dieu

Cet article a paru dans l’hebdo Charlie Hebdo le 21 mai 2014

Tragédie probable en Inde, où un hindouiste d’extrême droite vient de prendre le pouvoir. Modi serait l’un des responsables des pogroms antimusulmans de 1992, et son élection ne peut que surexciter le Pakistan voisin. Voisin, musulman, et nucléaire.

Claquons des dents. La victoire de Narendra Damodardas Modi aux élections générales de l’Inde, proclamée le 16 mai 2014,  est l’une des pires nouvelles de ces dernières années. On ne peut décrire un sous-continent en trois lignes, mais retenons que l’Inde est un pays de près de 1,3 milliard d’habitants, en conflit latent avec le Pakistan voisin, en conflit possible avec la Chine proche.

Modi, c’est l’archiponte du Bharatiya Janata Party (BJP), un parti nationaliste hindouiste, qui a été au pouvoir une première fois en 1996, et jusqu’en 2004. Mais Modi n’a rien à voir, ou si peu, avec l’ancien chef du BJP, Atal Bihari Vajpayee, car il ressemble fort à un fasciste. Et même à un nazi si l’on en croit Salman Rushdie, l’auteur des Versets Sataniques. Le 15 novembre 2012, l’écrivain déclare à Libération : « À la tête de l’opposition, le Parti du peuple indien fait les yeux doux à Narendra Modi, qui est l’homme qui s’apparente le plus à un nazi en Inde. Il est tout à fait possible que ce type devienne Premier ministre un jour et, là, il y a de quoi avoir peur pour la démocratie indienne ».

Or on y est. Modi, qui dirigeait l’État du Gujarat depuis 2001, va désormais gérer le sort de presque 20 % des habitants de la planète. Et Rushdie exprime un point de vue largement répandu chez les intellectuels du pays. Dans un article titré « Modi est-il un fasciste ? », l’universitaire très connu Apoorvanand écrivait sans trembler en avril dernier : « Modi rassemble pratiquement toutes les caractéristiques que les psychiatres, les psychanalystes et les psychologues associent, sur la base d’années de travaux, aux personnalités autoritaires ». De son côté, le spécialiste des affaires sino-indiennes, Kanti Bajpai, décrit dans The Times of India  (29 mars) la montée d’un fascisme soft appuyé sur les transnationales. Cerise faisandée sur le gâteau électoral : le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS) soutient de toutes ses forces Modi. Or le RSS a été créé en 1925, sur le modèle des fasci, les faisceaux mussoliniens de la Marche sur Rome, en 1922. Avec une singularité indienne : la lutte au couteau contre le « séparatisme musulman ».

Tel est le véritable enjeu historique de l’élection de Modi. La question musulmane est en effet au cœur de toutes les politiques indiennes depuis l’indépendance de 1947, car près de 15 % de la population, soit 150 millions de personnes, se réclament de l’islam. Les heurts avec la majorité hindoue n’ont jamais cessé, et pour la seule période entre 1947 et 1963, au moins 7,5 millions de musulmans d’Inde ont été simplement déportés dans la partie Ouest du Pakistan. Et pour ceux qui sont restés, pogromes à volonté.

Le 6 décembre 1992, des hindouistes rasent une mosquée de la ville d’Ayodhya, et les affrontements qui suivent font 2 000 morts. En 2002, rebelote : prenant prétexte d’un accident de train, les hindouistes du BJP zigouillent des centaines de musulmans, dont beaucoup sont cramés dans leurs propres maisons. Où ? Au Gujarat, État dirigé par Modi soi-même, toujours considéré par une partie de l’opinion indienne comme le grand responsable des massacres.

Résumons. Un extrémiste religieux vient de s’emparer du pouvoir dans un pays clé de l’avenir commun. Ce qui ne peut qu’exacerber les tensions déjà si fortes avec le Pakistan voisin, musulman et propriétaire comme l’Inde d’un copieux arsenal nucléaire. Les deux pays ont déjà été plusieurs fois au bord de l’étripage final. La situation avec la Chine pourrait, elle aussi, se durcir, car Pékin rêve de détourner une partie des eaux descendant de l’Himalaya, qui sont vitales pour des centaines de millions d’Indiens.

Rien de tout cela n’empêche les affaires. Au Gujarat, Modi est un adepte résolu de l’hyper-libéralisme. Exemple entre 100 : en octobre 2008, il réussit à convaincre le constructeur de bagnoles Tata de s’installer au Gujarat. Au Bengale occidental, où Tata espérait construire une vaste usine, les petits pedzouilles locaux, expropriés, avaient reçu le soutien du gouvernement local, aux mains des partageux du « Left Front », un coalition de gauche. Faut-il un autre dessin ?

Das Volk hat das Vertrauen der Regierung verscherzt (Trahison !)

Clément, que je ne connais pas, me demande dans un commentaire d’étoffer mon propos précédent sur le résultat des élections. Hélas, je n’ai pas le temps. Mais je peux quand même glisser quelques mots. Un, union totale contre l’épouvantable régression que représente le Front National. Sur ce sujet, je n’entends pas plaisanter. Jamais. Il m’est arrivé de voter, moi qui ne vote (presque) jamais, pour un politicien de droite méprisable, de manière à contrer un vote frontiste. Je recommencerai demain s’il y a lieu. Je me répète : contre l’extrême régression, l’union, même si cela me fait grincer les dents.

Pour le reste, pouah ! Les partis politiques connus ne sont pas les instruments qu’il nous faut pour faire face aux tsunamis écologiques d’aujourd’hui et, pis encore, de demain. C’est l’évidence. J’ai écrit tant et tant de fois sur le sujet, ici même, que j’hésite à entonner mon discours coutumier. Le Parti de Gauche, qui comprend d’excellentes personnes, est une triste resucée d’épisodes antérieurs, avec des plumes vertes sur le croupion, il est vrai. Il vient de faire 3 % du nombre des inscrits dans une élection où il est si facile de se défouler. Morale de l’histoire ? J’ai entendu Mélenchon du coin de l’oreille, qui appelait le peuple, je crois, à se ressaisir. Cela me fait penser à ce stalinien de Brecht, qui avait tant à se faire pardonner. Quand éclatent les émeutes ouvrières de 1953 contre le système imposé à l’Est par Staline et la Stasi, Brecht écrit : « Das Volk hat das Vertrauen der Regierung verscherzt. Wäre es da nicht doch einfacher, die Regierung löste das Volk auf und wählte ein anderes? ». Autrement dit : « Le peuple a perdu la confiance du gouvernement. Ne serait-il pas plus simple alors, pour le gouvernement, de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? ». C’est censé être drôle. Ça l’est.

Quant aux écologistes officiels, ils sont ridicules, ce qui devient une habitude. Avec un peu plus de 4 % des inscrits, ils fanfaronnent encore. Je crois avoir entendu Duflot vanter la résistance – héroïque, non ? – de son parti. C’est la débandade générale, et ce mouvement n’a rien à dire. Mais stop. Les enjeux sont ailleurs, planétaires, décisifs pour tous les êtres vivants. Or englués dans leur pauvre tambouille cérébrale, qui ne parle jamais que d’un monde disparu, les partis anciens n’offrent pas le moindre espoir pour l’avenir. Selon moi, il faudra donc faire sans. L’urgence, sans certitude aucune de succès, est de développer aussi vite qu’il est possible d’autres manières de penser et de vivre. En somme, de tout miser sur la culture. Celle qui décide de la consommation, du transport, de l’habitat, de la nourriture, de l’éducation.

Il s’agit de rebâtir une hiérarchie des problèmes et des solutions, qui tourne le dos aux formes politiques passées, car elles ne sont plus que des spectres. Alors peut-être le neuf apparaîtra-t-il. Alors, peut-être, irai-je voter pour un parti capable de conjuguer le sort des immigrés et des pauvres de chez nous et celui des peigne-culs des rizières et des champs de mil. Capable de parler enfin du dérèglement climatique en cours, qui exige dès aujourd’hui de drastiques mesures, et commande d’affronter l’industrie, dont celle de la bagnole, dont celle du téléphone portable, dont celle de tous les colifichets pour lesquels notre peuple se bat chaque matin. Capable de défendre les loups ici, les baleines et les éléphants ailleurs. Mais aussi le meranti, le ramin, l’acajou, le sapelli, le virola, le mahogany l’okoumé, tous ces arbres somptueux que des criminels changent chez nous en portes et fenêtres. Capable d’arrêter à jamais la pêche industrielle, sans doute l’une des pires inventions humaines. Capable d’enfin sacraliser l’eau et les sols, sans lesquels l’avenir des hommes, des bêtes et des plantes sera de feu, de sang et de larmes.

On me dira que c’est impossible. Alors la route s’arrête là. Car il est encore plus insensé de croire que les partis dégénérés qui miment le jeu politique sont de taille à affronter le réel. Amis lecteurs, cela prend pour moi la forme d’une alternative claire. Ou nous créons du nouveau, sur des bases solides. Ou nous allons vers la dislocation des sociétés humaines, à commencer par la nôtre.

Soir d’élection européenne

Dans un régime démocratique, non censitaire, le peuple tranche les débats. La majorité ce soir, dont je suis exceptionnellement, a envoyé aux pelotes la totalité de la représentation politique. Simplement en n’allant pas voter. Peut-être se souvenait-on au passage de ce référendum de 2005 volé à ceux qui avaient alors dit non. Mais comme il se doit dans un pays qui ne respecte pas ses principes déclarés, tout le monde s’en contrefout. Eh bien, moi, je me contrefous de leurs résultats et de leurs commentaires.

Ramené au nombre d’électeurs inscrits, qui ne rejoint d’ailleurs pas – pourquoi ? – celui des électeurs potentiels, le Front National a obtenu 10 % des suffrages. L’UMP, 8 %. Le parti socialiste, qui gouverne tout, moins de 6 %. Les écologistes officiels, moins de 4 %. Le Front de Gauche de ce pauvre M. Mélenchon, moins de 3 %. Telle est la vérité, qui n’est pas bonne à dire.

Le Venezuela se vend au gaz de schiste et à Halliburton

Allez ! Je ne doute pas une seconde que M.Mélenchon nous expliquera combien il est utile et nécessaire de combattre les gaz de schiste en France au moment où ses amis vénézuéliens se lancent dans l’aventure. Il n’empêche que cela m’écœure encore un peu plus. Vous verrez plus bas que le Venezuela de l’ancien caudillo Chávez traite avec la société américaine Halliburton, qui est vraiment la lie des transnationales. Je n’entre pas dans les détails : après avoir été dirigée entre 1995 et 2000 par Dick Cheney, qui deviendrait le vice-président américain de W.Bush, Halliburton s’est fait des couilles en or en Irak après l’invasion de 2003.

Je sais. Je sais que le mot couilles est vulgaire. Mais je sais aussi qu’il s’impose pour parler de le fortune accumulée par ces excellentes personnes d’Halliburton. Pour le reste, je dois préciser que je ne suis plus écœuré : j’ai franchement envie de dégueuler.

PS : Amis, vrais amis du vrai peuple vénézuélien et de tous ses êtres vivants, combien de pots de vin ? Combien de fric étasunien discrètement exfiltré vers les banques amies des corrompus ?

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Un article paru dans Le Monde

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Le Venezuela se lance dans l’extraction et l’exploitation du gaz de schiste

Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le

 Le Venezuela se lance à son tour dans l’exploitation du gaz de schiste, en partenariat avec les compagnies brésilienne Petrobras et américaine Williams International Oil & Gas, a annoncé mercredi 21 mai le ministre du pétrole, Rafael Ramirez.

Le pays importe actuellement entre 200 et 300 millions de pieds cubes de gaz par jour de la Colombie voisine. Disposant des plus importantes réserves de pétrole prouvées au monde (environ 298 milliards de barils), le Venezuela s’affiche au huitième rang mondial sur la liste des pays disposant des plus importantes réserves de gaz, selon le ministre.

« Un premier puits sera perforé dans le champ de Concepcion », dans le lac de Maracaibo (nord-ouest), par l’entreprise mixte Petrowayu, a précisé le ministre du pétrole, qui est également président de cette compagnie pétrolière publique vénézuélienne (PDVSA). Petrowayu est détenu à 60 % par PDVSA, à 36 % par Petrobras et à 4 % par Williams. PDVSA a également signé un contrat de 2 milliards de dollars avec l’entreprise américaine de services pétroliers Schlumberger, Weatherford et Halliburton.