Archives mensuelles : août 2009

L’industrie du mensonge est notre reine à tous

L’industrie du mensonge, mes aïeux, c’est la publicité. Elle est la reine, celle sans laquelle la presse disparaît, à quelques titres près. Les journalistes et la plupart de ceux qui les lisent n’imaginent même plus des magazines ou des quotidiens qui n’inciteraient pas à acheter la dernière merde disponible. Je dois dire que la connerie universelle semble s’être concentrée en ce point. Et quelques autres, d’accord.

La pub ment en substance. Le mensonge lui est respiration. Elle ne peut pas dire le vrai, qui d’ailleurs, dans l’univers industriel, n’existe pas. En quoi, et pourquoi un yaourt de fabrique serait-il meilleur qu’un autre ? Ce qui compte, c’est la force de frappe, la force brutale et financière de qui vient déposer sa valise de billets sur la table du patron de journal. J’évoque cette image désuète de la valise, car dans l’entre-deux guerres, quand l’Italie fasciste – ce n’est qu’un exemple – voulait acheter la « ligne » éditoriale d’un grand journal parisien, elle envoyait un sbire, avec valise. Et la messe était dite : pendant six mois, dix ou douze, en fonction du tas de billets, ce grand journal parisien dirait du bien de la diplomatie mussolinienne. Ou de l’assèchement des marais pontins.

Aujourd’hui, qui est moderne, la valise ne se fait plus. On achète, fort cher, des pages de pub sans lesquelles la « presse libre » meurt. C’est charmant. J’imagine un roman de Zola raconter cela, ce moment du monde où bascule un univers au profit d’un autre, façon Au bonheur des dames, que je tiens pour un monument documentaire. Selon une étude toute récente (ici), qui porte sur l’ensemble de la presse française, la pub représente près de 44 % du chiffre d’affaires global. Encore, et mystérieusement, ce travail ne rend-il pas compte des innombrables aides publiques à la presse. Si j’ajoute ceci, c’est simplement pour écrire que l’acte d’achat du lecteur lambda est devenu second. Ce n’est plus la lecture qui fait le journal, c’est le reste. On a le droit d’appeler cela une révolution. Ou bien une gigantesque involution, comme on voudra.

Quoi qu’il en soit, je suis le témoin direct de pratiques communes et même banales. Attention ! Je me suis toujours tenu fort loin de cet univers infâme. Mais je mentirais grossièrement en assurant que je n’ai rien vu, rien su. Tu parles ! C’est le secret le moins bien gardé du monde. Jadis, dans un journal féminin, les rédactrices se faisaient envoyer les cadeaux des entreprises à leur domicile, avec l’accord de la rédaction-en-chef, car cet amas quotidien aurait asphyxié en une demi-heure l’accueil du journal. Et donné une mauvaise image des pages pratiques à ceux, dont moi, qui n’en croquaient pas.

La vérité globale de ce système ne peut être connue, car ceux qui pourraient et devraient nous en informer sont les premiers à en profiter. Vous vous souvenez sans doute du récent scandale qui s’est abattu sur les parlementaires britanniques. Eh bien, je gage qu’on en apprendrait autant sur les habitudes journalistiques françaises si de vraies enquêtes avaient lieu. Les spécialistes de la bagnole roulent gratis dans de gros engins offerts à l’année par les constructeurs. Les journalistes en charge du tourisme ne paient pas un billet d’avion. Ceux qui suivent les affaires de santé se retrouvent par miracle dans des colloques à Hawaii. Et une infinité d’accords et de partenariats gangrènent les rapports entre information et commerce. Je dis bien : une infinité.

Aucun sociologue ne semble avoir écrit le grand livre que cette situation de corruption imposerait. Je parle de corruption de l’esprit avant tout, de biais constants dans l’analyse, qui doivent échapper souvent au commettant, d’autocensure permanente. La vraie censure directe, que j’ai eu l’honneur de connaître plus d’une fois, est rare, et rarement nécessaire. Le journaliste ordinaire est un bon soldat de l’ordre commercial.

Tout cela ne serait encore (presque) rien. Oui, vous avez bien lu. Ce ne serait rien sans la formidable contradiction entre la promotion publicitaire de millions d’objets inutiles et la si vitale critique du monde existant. Il ne peut y avoir cohabitation des deux sans soumission totale de l’une à l’autre. Qui dépend pour vivre de la défense et illustration du nucléaire, des Porsche, des montres Chauvet, des biocarburants, des meubles Ikéa, des voyages en Papouasie Nouvelle-Guinée ne peut ni ne pourra jamais donner les clés qui permettraient de comprendre la destruction en cours.

Je prétends que les journaux, du plus banal au plus exigeant, ne peuvent que logiquement défendre  ce qui leur permet de vivre. Et j’ajoute aussitôt que cela est INÉVITABLE. Inutile de tirer sur le pianiste, car ce n’est pas lui qui a écrit le morceau. Sauf à imaginer des êtres totalement schizophrènes, on ne peut attendre des journalistes qu’ils recherchent sérieusement la cause de ce qui ruine tout, mais les nourrit. Autrement dit, il n’y a rien à faire.

Ou plutôt, il faut se convaincre une fois pour toutes que la publicité et l’information s’excluent l’une l’autre. Définitivement. Et que l’objectif est bien de créer, dès que cela sera possible, des journaux sans aucune publicité. Je sais Le Canard Enchaîné et Charlie, sur lesquels je réserve mes commentaires. Mais de toute façon, je parle de la presse en général, de ce système qui permet, ou non, de savoir comment tourne le monde. Et ce système est totalement vérolé, au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer. Par force.

Moi, je plaide pour une Constitution qui reconnaîtrait aux membres de notre société le droit d’être informés librement. Qui interdirait toute intrusion du capital industriel dans celui des journaux. Qui proscrirait à tout jamais l’immonde affichage commercial dans la presse, et qui la dénature en profondeur. Écrivant cela, suis-je un doux rêveur ? Oui et non. Oui, car le présent comme l’avenir prévisible appartiennent à ces innombrables ruffians. Non, car je sais qu’une secousse historique, comme celle qui permit la rédaction des ordonnances de 1944 est toujours possible (ici ).

En cette année 1944, tandis que les infinies crapules de la presse de Vichy se terraient en France ou partaient se planquer à Sigmaringen, Albert Bayet, président de la Fédération nationale de la presse française déclarait sans faire éclater de rire quiconque qu’il fallait « éliminer définitivement la presse pourrie et instituer un nouveau régime grâce auquel la presse patriote, affranchie de la puissance de l’État et de l’argent, pourrait se vouer exclusivement au service désintéressé des idées ». Vous me direz certainement ce que vous en pensez. Moi, j’y crois (en enlevant ce mot de patriote, qui sent la naphtaline). Mais il faudra que cela secoue, et beaucoup.

Lettre ouverte à Jacques Julliard, du Nouvel Observateur

Si vous aimez la pensée, je crois que vous ne perdrez pas votre temps en lisant le dernier éditorial de Jacques Julliard dans Le Nouvel Observateur (ici, mais attention, seule la première des trois parties est en ligne). J’ai très souvent dit ou écrit le plus grand mal de ce journal, et je ne regrette rien. Le moindre de ses rédhibitoires défauts, c’est qu’il est vendu, au sens propre, à la publicité. Laquelle est l’un des moteurs de la destruction du monde en cours.

Je lis pourtant  Julliard, même s’il m’arrive de m’assoupir sur certains de ses textes, je le confesse. Je ne supporte plus ses ratiocinations sur le parti socialiste, dont il reste un proche. Pour le reste, sa plume est vive, belle, intelligente. Il demeure à mes yeux un homme libre, même si, au fond, il m’apparaît toujours plus entravé. Libre et entravé. Julliard serait-il un oxymoron ?

Il est en tout cas cultivé, connaissant admirablement l’histoire du mouvement ouvrier non stalinien, qui fut une entreprise exemplaire de civilisation humaine. Son papier n’est qu’un cri très inspiré adressé à ce qu’on appela jadis la deuxième gauche pour la distinguer de la première, étatiste et pour tout dire parastalinienne. La deuxième gauche, dans son esprit du moins, englobe Proudhon, les mutuelles et les Bourses du travail, le syndicalisme offensif d’avant 1914, celui – créatif – d’après la Seconde guerre, qui devait conduire à la CFDT. Et bien entendu le défunt PSU et diverses revues intellectuelles, parmi lesquelles il place audacieusement Le Nouvel Observateur. Il en fut un pilier central.

Son article est passionnant, car il nous y délivre le faire-part de décès de cette deuxième gauche. Elle avait accepté le dialogue avec le capitalisme de type rhénan que nous avons connu pendant une quarantaine d’années, capable de vraies discussions sociales avec d’authentiques partenaires, reconnus comme tels. Ce temps n’est plus, nous dit Julliard. Car le capitalisme amoral est de retour, qui ne considère que le fric et la spéculation la plus vile. On ne peut discuter, dit-il, avec des actionnaires.

Quelle solution ? Eh bien, la renaissance d’un socialisme moral – l’actuel ne l’est évidemment plus – et l’annonce de fortes mesures, parmi lesquelles la taxation à 95 % des plus hauts revenus et la nationalisation du crédit. Bon, n’insistons pas : Julliard est loin, très loin, des pontes qui se réunissent à partir de ce vendredi à La Rochelle. Et je l’en félicite, bien entendu. Mais pour le reste ! Misère ! Misère ! Misère ! Comme il m’est pénible de devoir écrire que Julliard a écrit là un texte désespérément français. Comme il m’est désagréable d’ajouter qu’il est totalement aveugle.

Mais il l’est, point de doute sur le sujet. La crise est vue depuis un poste d’observation qui hésite entre le cube pour enfant de trois ans et la moquette profonde des bureaux directoriaux du Nouvel Obs. C’est simple. Et d’un, le Sud n’existe pas. Il y aurait nous, et eux, qui ne sont pas même évoqués. Le monde et ses tragédies réelles sont oubliés. Julliard, fervent catholique de gauche pourtant, sincère évidemment, n’a pas un mot pour ce milliard d’affamés chroniques qui nous déshonorent tous. Et de deux, les autres qu’humains sont oubliés. Nous sommes les contemporains de la sixième crise d’extinction, qui jette dans le néant des milliers d’espèces chaque année, mais Julliard ne consacre pas un mot à ce sujet pourtant décisif. Ce qui se passe n’a probablement pas été vu depuis 65 millions d’années. Au moins ! Et de trois, le changement paradigmatique imposé par la crise écologique n’est évidemment pas envisagé.

Non, Jacques Julliard, nous n’assistons nullement à un retour au capitalisme dur d’antan. Je crois, malheureusement, que vous faites partie de ces intellectuels qui ne conçoivent les problèmes que sous la forme d’un quelconque déjà-vu. Or nous sommes les contemporains d’événements jamais advenus. D’une complexité et d’une intrication telles qu’elles commandent bien entendu une complète révolution intellectuelle et morale. Et non pas ce retour à des sources définitivement taries. Je suis bien désolé de vous l’écrire, moi qui vous respecte, mais vous vous plantez d’une façon stupéfiante. Croyant montrer le chemin du courage à ceux qui vous font confiance, vous nous désignez à tous une route de déréliction sur laquelle aucun secours ne viendra jamais.

Je suis désolé de devoir dire cela, mais c’est, comme on l’imagine, ce que je pense. Il n’y a plus qu’une voie, qu’aucun garde-corps ne sépare du vide. Et c’est pourtant celle qu’il faut suivre. Elle porte un nom : rupture.

Teddy (Gloria eterna a te)

Un homme vient de mourir, que j’avais eu la grande chance de croiser pour la première fois en 1989. Teddy Goldsmith. Un être unique, ce qui ne veut pas dire intouchable. Le fondateur de la revue The Ecologist était la preuve vivante du mouvement, du changement, de la complexité et de la nécessité du changement. Je ne ferai pas ici sa nécrologie, car j’ai promis à Thierry Jaccaud, rédacteur-en-chef de L’Écologiste, version française du journal britannique, un article en sa mémoire. Je le lui réserve, je pense que chacun le comprendra.

Mais en attendant, je m’incline. Pensant à cette si belle tête qu’avait Teddy Goldsmith. Et à ses si précieuses idées. Je ne risque pas de l’oublier.

DSK et Pascal Lamy en maîtres du monde (socialistes)

Vous votez. J’avoue que je ne suis pas sûr, mais je vais faire comme si vous votiez. Vous votez. Et vous n’aimez pas ce petit coq tout ébouriffé – et passablement stupide – appelé Sarkozy. Alors il vous arrive de voter pour les socialistes. Oui, ces braves petits gars qui ont eu le pouvoir d’État en mains pendant quinze années entre 1981 et 2009. Et qui ont déplié le tapis rouge sous les pieds des agioteurs et spéculateurs les plus éhontés.

La banlieue ? Sa Seigneurie Mitterrand aura préféré dealé avec le grand ami des montres – Juju Dray – pour faire des paillettes et des petites mains de SOS-Racisme plutôt que de lancer le plan majeur qui aurait peut-être évité le pire. La télé ? Sa Seigneurie Mitterrand l’aura vendue au privé et en particulier à ce cher Berlusconi, créateur, même si on l’a oublié, de la défunte 5, celle de Jean-Claude Bourret (sic). L’entreprise ? Sa Seigneurie Mitterrand aura vanté comme modèle un certain Tapie, charognard des industries dévastées, « dégraisseur » de postes de travail avant que cela ne soit à la mode, truand patenté des matchs de foot et néanmoins ministre. Deux fois. Quant aux inégalités, elles auront explosé sous les règnes de la gauche, ce qui est assez plaisant pour une génération qui entendait rompre avec le capitalisme en 100 jours (Chevènement, en 1981). Le vrai livre sur Mitterrand reste à écrire. Ce bon garçon si cultivé, si raffiné – ah ! son amour pour cette crapule de Jacques Chardonne – a fait racheter par l’État, en 1982, l’entreprise Vibrachoc créée par son ami Patrice Pelat en 1953.

Ce n’est pas grave ? C’est dégueulasse. L’entreprise, en grave difficulté, ne valait pas la moitié, selon des estimations officielles. Et je m’arrête là, vous laissant deviner tout le bien que je pense de ces gens, qui vont donc se retrouver pour une grand-messe hypocrite de plus à La Rochelle. Leur université d’été commence demain et il fallait bien que je commente un tel événement.

De quelle manière ? Misère ! Et misérables que nous sommes ! Si la critique existait dans ce pays, au sens que je donne à ce mot, nous serions 100 000 à encercler leur petite sauterie. N’étions-nous pas 250 000 sur le plateau du Larzac en 2003 ? Oui, 100 000 pour conspuer deux des socialistes les plus éminents du moment. J’ai nommé Dominique Strauss-Kahn – DSK, comme on écrit – et Pascal Lamy. Le premier est le patron du Fonds monétaire international (FMI), le second directeur pour près de quatre ans encore de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Peu de commentateurs, ce me semble, ont noté ce fait pourtant éclatant. Deux des plus massives institutions mondiales responsables de la destruction du monde sont menées par des socialistes français. Avec cela, n’ayons plus peur, car l’abîme est déjà sous nos pieds. Je ne vais pas vous raconter le FMI et l’OMC. Il y a des livres pour cela. Des tonnes de livres, dont certains sont excellents. Mais il me faut insister sur mon dégoût sans limites. Ces deux structures sont à mes yeux criminelles. Je connais le sens des mots, et me répète : CRIMINELLES. Des peuples sont broyés, des pays dévastés – par le soja transgénique, par exemple -, des régions agricoles entières achetées par quelques États ou entreprises plus riches que ceux qui vendent.

La dévastation écologique de la planète n’a jamais été aussi violente et rapide qu’aujourd’hui. Et le FMI comme l’OMC sont des acteurs centraux de cette crise généralisée de la vie. Mais il faudrait pourtant aller voter demain pour un DSK. Simple exemple, car ils se valent tous. Et je vous jure bien qu’aucun, AUCUN d’entre eux n’aura jamais ma voix. Quel que soit le cas de figure, JAMAIS. Vous avez le droit de m’engueuler si vous en avez le goût.

PS : Avant d’éventuellement m’écharper, connaissez-vous le groupe Bilderberg ? Ce n’est pas de la science-fiction. Il existe bien un groupe mondial secret. Qui se réunit régulièrement pour débattre de la marche du monde, sans nous bien sûr. Quantité des hauts-responsables de ce monde agonisant en font partie. Dont DSK et Lamy. Jetez donc un regard sur ce journal télévisé belge (ici) et vous m’en direz des nouvelles. Selon le journaliste belge Geoffroy Geuens,  «les derniers secrétaires généraux de l’OTAN ont tous, sans exception, été présidents ou membres de Bilderberg. Et il en va quasiment de même pour les directeurs de puissantes organisations économiques internationales», telles le FMI, l’OCDE, l’OMC et la Banque Mondiale (In Tous pouvoirs confondus. Etat, Capital et Médias à l’ère de la mondialisation,  EPO, 2003, Anvers).

Vous reprendrez bien un peu d’air intérieur ?

Belote, rebelote et dix de der. On prend les mêmes infos, on recommence, Sisyphe pas mort. Le rocher dévale la pente, toujours, encore, mais il faut bien remonter la pierre, encore, toujours. Qu’est-ce qu’on pourrait faire d’autre ? Il y six années, j’ai longuement parlé avec Georges Méar, auteur du livre Nos maisons nous empoisonnent (Terre Vivante). Ce fut un choc, car à l’époque, je le confesse, j’ignorais tout du syndrome de sensibilité chimique multiple (Multiple Chemical Sensitivity).

Ce syndrome est controversé par quantité d’institutions, mais des personnes dignes de foi estiment en souffrir, et je les crois. Oui, je les crois, puisque nous en sommes là. Georges Méar avait vécu une aventure extrême en faisant construire à Brest, en 1989, une maison neuve. Dès l’entrée dans les meubles, Méar avait connu un calvaire, victime d’une infinité de symptômes, dont des saignements de nez, des maux de têtes, des oppressions thoraciques, des difficultés à simplement respirer.

D’autres auraient souffert en silence. Méar a voulu comprendre, et il a compris. Cette maison neuve était mal ventilée et comportait de belles quantités de bois traité et de bois aggloméré, les deux contenant des substances redoutables pour tous les êtres vivants. Le reste est déprimant, fait de déménagements successifs pour tenter d’échapper à cette sensibilité extrême à de très faibles doses toxiques. Car l’explication est probablement là : Georges était devenu hypersensible aux molécules de la chimie moderne. Comme certains ne peuvent supporter des ondes électromagnétiques que les autres semblent ne pas percevoir.

Il y a six ans, j’ai écrit, je crois bien, plusieurs articles sur le livre de Méar, qui m’avait beaucoup frappé. Où sont-ils ? Je n’en sais rien, car je ne suis pas très ordonné. Mais je les ai écrits, c’est sûr. J’avais appelé l’Observatoire de l’air intérieur, qui était alors une petite baudruche bureaucratique. Rien n’existait en France pour aider les gens à vivre dans un « air intérieur » sain. Rien. Et voilà que je découvre ce matin du 26 août une étude de l’UFC-Que Choisir consacrée aux moquettes d’appartement (ici). Sur huit moquettes encollées, cinq recrachent des quantités ahurissantes de charmantes molécules. Comme du formaldéhyde, du toluène, des éthers de glycol.

Le président de l’UFC, Alain Bazot, a réclamé au cours d’une conférence de presse, tenez-vous bien, «l’interdiction de toutes les substances reconnues comme dangereuses présentes dans les produits de consommation, de décoration et de construction». Bon courage ! Autrement dit, polope ! L’air intérieur est bien plus pollué que l’air extérieur, voilà l’horrible vérité. Or nous passons entre 70 % et 90 % de notre temps à l’intérieur d’un logement ou d’un lieu de travail. Et nous devons désormais vivre avec environ 100 000 substances chimiques qui n’existaient pas en France avant 1945. Ce n’est qu’une estimation, mais elle est officielle : 100 000.

Dans ces conditions, que vous dire ? Dans l’euphorie niaise du Grenelle de l’Environnement, il y a deux ans, un groupe de travail consacré aux pollutions de l’air intérieur avait été créé. Mais, accrochez-vous, aucune, AUCUNE de ses propositions n’a été retenue. Et du coup, leur belle loi dite Grenelle 1 ne parle évidemment pas une seconde de cet air qui remplit nos poumons après s’être chargé de toutes les merdes industrielles créées depuis soixante ans.

J’ai déjà dit à de nombreuses reprises, je le redis sans me lasser : ou l’on accepte ce monde en pensant l’améliorer sur ses marges. Ou l’on décide de le combattre, pour l’abattre. Oui, je sais, cela fait coupeur de têtes. Je ne le suis pas. Je parle des structures, des entreprises et institutions, des pouvoirs. Oui, il faut oser se dire que l’accommodement avec cet univers morbide est impossible. Moi, je récuse le droit de ces salopards à me farcir de toutes leurs chimies. Je sais que cela résonne comme une impuissance. Je le sais. Mais pour arriver quelque part, il faut commencer par chercher une direction. Et la direction, ma direction, c’est le refus radical et définitif de l’empoisonnement universel.