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Vont-ils s’ouvrir ? (sur les barrages chinois)

Les barrages vont-ils tenir ? Le terrifiant tremblement de terre chinois va-t-il emporter au passage ce signe parfait de la gabegie énergétique ? Il va de soi que je ne le souhaite pas, même si je déteste profondément cette manière de traiter l’eau, bien commun, bien éternel et surtout merveille des merveilles.

Les dernières informations disponibles en français (ici) montrent surtout que les bureaucrates stalino-maoïstes au pouvoir là-bas ont peur. Ce qui n’est pas bon signe. Nul ne sait en fait combien d’ouvrages hydro-électriques sont réellement menacés. 200, 400 ? Et de quelle taille ? La presse française, pour parler vulgairement, est à la ramasse.

Certes, les informations sont rares et difficiles d’accès. Mais est-ce seulement cela ? Le regard porté sur les événements n’entre-t-il pas aussi en ligne de compte ? Le quotidien américain The New York Times de ce jour consacre un excellent article au sujet, que je ne peux que conseiller à ceux qui lisent l’anglais (ici). Il faut y ajouter une infographie éclairante (ici).

La situation est visiblement très grave, et l’on ne saura que bien plus tard quelles en sont les conséquences. Certains barrages ne sont que des façades de béton derrière lesquelles ont été enfournées des milliers de tonnes de terre et de rochers. Et l’on découvre à peine que leur localisation n’a pas tenu compte de menus détails tels que l’existence de failles géologiques majeures

Pire si c’est possible : la région dévastée comprend les villes de Guangyuan et Mianyang (l’orthographe des noms est anglaise, excusez-moi), où sont construites des armes nucléaires nécessitant la manipulation de plutonium. Ces installations ont-elles été touchées ? Mystère, sinistre mystère.

Je crois qu’il n’y a pas besoin de faire de grands efforts pour tirer quelques leçons de ce drame épouvantable. La Chine est lancée dans un programme de guerre écologique contre elle-même et le monde. Sans précédent connu à ce rythme et à ce niveau de destruction. La nature, la vraie nature de la nature vraie rappelle cette évidence que l’aventure humaine doit composer avec cette puissance incomparable.

Mais là-bas, dans ce prodigieux pays qu’on appelle la Chine, rien ne sera possible tant que la clique au pouvoir sera là. La corruption et la folie de consommation que nous y entretenons pour garantir notre niveau de gaspillage empêchent le changement. Qui viendra donc d’une autre voie. J’aimerais croire qu’elle ne sera pas aussi brutale que le tremblement de terre de ces derniers jours. Mais je suis bien loin d’en être sûr.

Les grands mystères de Tchernobyl

Je me rends compte avec horreur que j’ai omis de vous parler de l’anniversaire de Tchernobyl, le 26 avril dernier. Ce n’est pas si grave d’un côté, car d’autres que moi ont secoué nos mémoires assoupies. Mais enfin, je me sens tout chose néanmoins. Et je vais donc tenter de rattraper ce qui peut l’être encore. A-t-on déjà tout dit de cette épouvante nucléaire ? Non, pour la raison flagrante qu’on ne pourra jamais rapporter tout ce qui fut, qui échappe tant à l’expérience humaine.

Je me contenterai d’un aspect très mystérieux de l’explosion de 1986. Est-on si sûr de ce que l’on sait ? Est-on sûr qu’il y ait eu un grand incendie au-dessus de Tchernobyl le 26 avril 1986, voici vingt-deux ans (1) ? Pour la plupart des innombrables commentateurs, la chose est fermement établie. Il reste en ce cas à expliquer deux ou trois détails qui n’en sont peut-être pas.

Par exemple, pourquoi les peintures intérieures de la centrale sont-elles restées intactes ? Pourquoi des traces de craie datant de la construction y sont-elles encore visibles, si la chaleur est montée si vite, et si haut ? Le tout – peintures comme craie – aurait dû disparaître sous la chaleur des flammes. Et puis, une explosion dans la salle des machines a-t-elle réellement eu lieu avant celle du réacteur ? Trois secondes avant, trente secondes ? Ce n’est pas la même chose. Enfin, quelle force inouïe a-t-elle pu soulever le couvercle du réacteur, lourd de 2 000 tonnes, jusqu’à le faire retomber sur le côté ? N’ayons pas peur de l’écrire : cela sent l’énigme.

Je ne vais pas jouer au malin : je ne sais rien. Mais un spécialiste français de la mécanique quantique, Georges Lochak, président par ailleurs de la Fondation Louis-de-Broglie, s’est passionné pour le sujet. Il est vrai que le chercheur a par ailleurs découvert des particules magnétiques appelées « monopôles magnétiques légers ». Une drôle d’affaire.

Lochak, à la tête de ses monopôles, a croisé la route d’une équipe russe de l’institut Kourtchatov. Trois scientifiques, aussi respectables que d’autres – c’est-à-dire pas plus -, qui ont élaboré une hypothèse neuve sur la cause de Tchernobyl. Selon eux, le fait que les peintures intérieures soient toujours en place signifie qu’il n’y a pas eu, à l’intérieur de la centrale, de fort dégagement de chaleur. Ni, bien entendu, d’incendie. Mais alors, cette grande lueur qu’évoquent tous les témoins directs ? Selon les trois hommes, il ne s’est nullement agi d’un feu, mais d’un rayonnement d’une nature inconnue.

D’autre part, une transmutation stupéfiante a eu lieu à Tchernobyl, où l’on a retrouvé dans les débris de l’usine environ 10 tonnes d’aluminium. Ce métal n’a pas été utilisé, en tant que tel, pour la construction. L’on a aussi découvert de l’uranium enrichi à des doses étonnantes, jusqu’à 27 %, alors qu’il ne l’est au départ que de 2 %. Des forces physiques inconnues seraient donc intervenues au cours de la tragédie nucléaire.

La rencontre entre Lochak et ces trois savants a produit des étincelles, sans aucun jeu de mots. Car les travaux du premier, d’une complexité décourageante, ont permis aux Russes de parfaire leur théorie sur l’accident. Le 26 avril 1986, un court-circuit dans un transformateur électrique de la salle des machines aurait entraîné la formation d’une forte quantité de « monopôles magnétiques ». Lesquels, partant en tous sens, auraient été comme attirés vers le réacteur par le système de refroidissement. Et l’auraient du même coup relancé.

Attention, cela reste un scénario, dont je ne pense rien de particulier. Ou plutôt, si, tout de même. La seule existence de ce qui reste un récit rappelle une évidence qui met à bas, intellectuellement hélas, tout l’édifice du nucléaire. Car elle rappelle les limites flagrantes de l’esprit humain, et sa faiblesse insigne en face de la puissance de l’atome. Que Lochak et les trois Russes aient raison ou tort n’y changera rien. Il est possible, il sera toujours possible que quelque chose survienne, qui détruise les plus solides citadelles de la technologie.

Personne au monde n’est capable de nous dire, par définition, ce que nous ignorons encore. Même avec les meilleurs ingénieurs du monde, même avec des mesures de contrôle permanentes et fiables, le nucléaire est bien un crime contre la fragilité de notre espèce.

(1) On peut retrouver un excellent résumé de la question dans Les Silences de Tchernobyl (p. 28 à 41), Éd. Autrement.

Faut-il reprendre les clés à Nicolas ?

Parler de Sarkozy ici, encore une fois ? Sans hésitation, oui. Et de ses affaires personnelles, et de ses aventures amoureuses, et de ses drames familiaux ? Oui, sans l’ombre d’un doute.

Reprenons dans l’ordre tout relatif de ce qui nous est concédé. Notre président aime. Cécilia. Une histoire ancienne, qui aurait commencé le jour des noces de la dame avec Jacques Martin, présentateur télé. Quand ? Je ne cherche pas, disons plus de vingt ans. Ce jour-là, c’est Sarkozy lui-même – il est le maire de Neuilly – qui les marie. Il a de son côté une femme, et deux enfants. Il regarde Cécilia, embrassant Jacques Martin sous les applaudissements, et il se dit qu’il l’aura, tôt ou tard. Je précise que je n’invente pas, que je m’appuie sur des confidences publiques de Sarkozy soi-même.

Oui, longtemps après, et devant des millions de gens, notre président a reconnu qu’il souhaitait conquérir Cécilia dès l’instant où il l’avait vue au bras d’un autre. Ma foi. Ce qui me trouble un peu, ce n’est pas ce désir, mais son expression publique. Car d’autres que lui-même sont tout de même un peu concernés. Je pense par exemple aux deux fils qu’il a eus avec sa première épouse. Aux deux filles que Cécilia a eues avec l’homme de l’École des fans. Et à cette première épouse, précisément, qui apprend ainsi à la télé que même du temps où Nicolas rentrait dormir au domicile commun, il avait la tête ailleurs. Pour commencer.

Poursuivons. Cécilia est la femme irremplaçable de sa vie, à lui. De nouveau, je ne fais que répéter ce que Sarkozy nous a seriné au cours d’innombrables entretiens. Au reste, on comprendrait assez mal les diverses pantomimes de ces dernières années sans cet attachement si profond. Elle part, elle se montre avec un autre, elle revient. Il commence une autre vie avec une journaliste du Figaro, il se laisse photographier avec elle en train de faire des courses, continue d’inonder de textos Cécilia, qui file le parfait amour avec Richard, à New York, puis la fait revenir in extremis. In extremis, car quelques jours plus tard, il eut dû déménager, car il était sur le point de s’installer avec l’autre, la journaliste. Vous suivez, j’espère ?

Cécila revient donc, oblige Sarkozy à se débarrasser de certains collaborateurs politiques jugés trop peu tendres avec elle, mais le coeur n’y est plus tout à fait. Elle ne vote pas pour son mari aux présidentielles, semble absente des réjouissances accompagnant le triomphe. Sarkozy, lui, en rajoute. Il l’aime, il l’adore, elle est la femme, la muse, l’éternel pilier sans lequel tout s’écroule. (Tête, soit dit en passant, de la journaliste du Figaro, jetée en trois secondes, à qui il avait promis le monde).

Là-dessus, divorce. Si l’on a bien suivi – et cru -, il ne peut s’agir que d’un deuil, qui vous cloue l’âme pour un moment. Mais à coup certain, on n’est pas Sarkozy. Lui part manger chez Jacques Séguéla, un soir de fin novembre 2007 – il y a moins de trois mois, plus de dix siècles – et rencontre Carla Bruni, qui a apporté sa guitare. Bon, le reste est largement connu.

Cécilia ? Morte. Enfin, pas tout à fait, puisque Sarkozy continue à lui adresser des messages. Parmi lesquels ce délicat passage à Petra, en Jordanie, il y a quelques jours. Petra ! Alors qu’il existe des dizaines de milliers de lieux de villégiature, Sarkozy choisit, pour y montrer sa nouvelle inoubliable, l’endroit exact où Cécilia la traitresse avait rejoint son amant Richard voici près de deux ans.

Je me suis laissé entraîner, comme chaque fois, et mon texte est déjà bien trop long. Je vais accélérer. Cécilia est furieuse, et confie à une journaliste du Point, qui le publie dans un livre, à quel point Sarkozy est décevant. Il serait pingre, il n’aimerait pas ses enfants, elle ne l’aurait jamais aimé, elle n’aurait jamais aimé que le beau Richard, etc.

Encore un tout petit mot sur Louis, leur fils de dix ans, qui avait été grossièrement utilisé il y a deux ou trois ans du haut d’une tribune de l’UMP. Cécilia et Nicolas lui avaient fait dire à l’époque, je pense que vous vous en souvenez : « Bonne chance, mon papa ! ». Je crois que c’est lui, désormais, qui va avoir besoin de beaucoup de chance pour ne pas sombrer. Imaginez le poids des mots et le choc des photos sur l’équilibre d’un enfant comme lui, soumis par force à la dictature du commun.

Tout cela garde-t-il un rapport avec l’objet de ce blog, c’est-à-dire la crise écologique planétaire ? Je le pense. Mais d’abord, cette évidence : notre président est profondément instable sur le plan psychologique. Il manque cruellement, en outre, d’au moins deux des sept formes d’intelligences décrites par Howard Gardner dans un livre qui m’a beaucoup marqué : Les intelligences multiples (Retz). C’est simple : il est mal doté en intelligence intrapersonnelle – la vraie connaissance de soi – et en intelligence interpersonnelle, celle qui permet de bien comprendre les autres.

Instable donc, rusé certainement, mais peu capable de bien se comprendre et de bien sentir les autres, il dispose d’un pouvoir rarement accordé à un humain. Je veux parler, bien évidemment, du feu nucléaire. Écartons de suite la science-fiction : décider une attaque nucléaire ne consiste pas à appuyer sur un bouton dans le dos des chefs militaires. Non. Il y faut des raisons, un contexte, un climat de crise extrême.

Mais est-ce si rassurant ? Car une tension majeure peut advenir en quelques heures. Et in fine, dans l’organisation du pouvoir telle qu’elle existe, la décision est bien celle du président. Une décision qui doit pouvoir être prise – en cas de représailles, par exemple – en une très courte poignée de minutes. Le feu nucléaire peut donc être déclenché par un homme dont chaque jour révèle un peu plus les faiblesses psychiques. Parmi lesquelles une relative mais réelle indifférence aux autres que lui-même, ainsi qu’une propension à casser puis oublier en un éclair ce qu’il a tant adoré.

Je ne crois pas que cela soit indifférent pour notre sécurité collective. Mais oublions un instant cette personnalité-là. Je pense également que la politique ancienne – donc la responsabilité des personnes, l’organisation concrète des pouvoirs – n’a pas intégré la révolution absolue de l’arme nucléaire. C’est une question de rythme et de temps. Hiroshima et Nagasaki n’ont qu’un peu plus de 60 ans d’existence, et nos capacités réelles étant ce qu’elles sont, nous n’avons pas réussi à imaginer des formes de contrôle nouvelles et adaptées.

Si, si nous étions plus sages, nous ne nous serions pas dotés d’une telle puissance sans avoir au préalable organisé les moyens de la soumettre. Mais faut-il, pour la raison que nous sommes si faibles d’esprit, tout admettre ? Les citoyens d’un pays adulte ne sont-ils pas en droit de contester, au nom de l’avenir commun, au nom de la vie, au nom de l’espèce peut-être, le droit d’un homme fragile et changeant à tout détruire si le coeur lui en dit ?

Sarkozy est un symptôme, mais très grave en vérité. Chacun sait que nous serions englués dans le sang de l’Irak s’il avait commandé aux armées françaises au printemps 2003. Au-delà même de la bombe, c’est sur lui que reposent, pour quatre ans et demi, les décisions françaises en matière d’agriculture, de gestion de l’eau, de lutte contre les pollutions, d’enseignement des bases de l’écologie. La liste n’est pas limitative. Celle de mes inquiétudes non plus.

Le camarade Lin et le ciment (aux ordres du colonel Kadhafi)

Ces gens sont fous. Évidemment. J’entendais tout à l’heure, à la radio, ce pauvre Bernard Kouchner. Toréant avec le journaliste, pirouettant sans jamais craindre le ridicule. Il est vrai qu’à ce stade, à quoi bon s’en faire encore ? Bon, Kadhafi. Le dictateur libyen est à Paris, et va donc offrir à la France de SAS (Son Altesse Sérénissime) Sarkozy quelques milliards d’euros venant du pétrole qu’il a volé à son peuple et à l’humanité du futur.

Est-ce bien le problème ? Qu’un satrape soit un satrape n’étonnera guère. En revanche, qu’un grand pays riche, supposément responsable, se couche de la sorte pour quelques contrats pose davantage de problèmes. Le pire est indiscutablement la vente de technologies nucléaires à ce bon monsieur, au pouvoir depuis tout de même 1969, à la même époque que Georges Pompidou chez nous.

Qui succédera à Kadhafi, et dans quelles conditions ? Personne ne le sait ni ne peut le savoir. Y aura-t-il un coup d’État, une guerre civile, un accord avec les islamistes locaux ? Mystère. Mais on vend du nucléaire à un vaste château de sable du désert. Tenez, je crois que je vais vous distraire tout de même. En Chine aussi, la France d’Areva et d’Anne Lauvergeon – encore une grande socialiste à la sauce Kouchner-Attali-Allègre -, a promis des réacteurs nucléaires à qui voulait bien faire un chèque.

Le soir du 21 novembre dernier (http://www.shanghaidaily.com), dans la ville de Yangjiang (province de Canton), on bâfre. 200 convives fêtent l’accession à la propriété – un très bel immeuble – d’un de leurs amis. Quand 500 policiers et militaires venus de la capitale débarquent au milieu des agapes, il y a là l’un des chefs politiques de la province, Lin Guoqin, député à l’Assemblée du peuple de Pékin. Mais aussi Xu Jianqiang, pote de banquet et chef incontesté des gangsters locaux. En fait, tous, y compris le député, appartiennent à une Triade, groupe criminel équivalent en Chine à la vieille Mafia sicilienne.

Que ne font-ils pas ensemble ? On cherche, en vain. Ils enlèvent, séquestrent, rackettent, assassinent, ouvrent des casinos illégaux, et vendent du ciment, de gré ou de force. Lin contrôle 99 % du ciment produit à Yangjiang, qui compte tout de même 2,5 millions d’habitants. Et ce qui devient hilarant, c’est que les centrales nucléaires, en Chine comme ailleurs, ont besoin de quantités industrielles de ciment. À Yangjiang, quatre centrales – chinoises, il est vrai – sont en projet. Et dans le reste du pays, trente réacteurs devraient voir le jour d’ici 2020, en partie grâce à l’exceptionnel savoir-faire d’Areva et de nos chers ingénieurs français.

Et puis ? Et puis, notre ami Lin, bien entendu, fourguait depuis des années un ciment d’extrême mauvaise qualité, y compris aux installations nucléaires. Mais chut ! Secret d’État, il ne faut surtout rien dire, cela nuirait aux affaires. Question banale : combien y a-t-il de Lin en Chine ? Combien de corrompus, de ripoux, de fournisseurs de matériaux de bas étage ? Et quelle est la fiabilité qu’on peut accorder, dans ces conditions, à la fabrication de monstres capables de vitrifier un pays en quelques heures ?

Sarkozy, irresponsable pour toujours et à jamais, couvert comme il le mérite par les minauderies d’un Kouchner, Sarlozy vend. Et passe le grand frisson de l’histoire. Car c’est cela qu’oublient les marchands : l’histoire des hommes. À La Hague, dans le Cotentin français, le Centre de Stockage de la Manche accueille une décharge de déchets nucléaires banals, parmi les moins radioactifs. Il faudra attendre 300 ans pour que 90 % d’entre eux aient perdu l’essentiel de leur activité.

300 ans. Il y a 300 ans, nous étions en 1707, sous le règne de Louis XIV. Imaginez un peu que le nucléaire ait alors existé. La gestion des sites et décharges aurait-elle été maintenue pendant la Révolution, l’Empire, les guerres ? Pensez-vous que monsieur Sarkozy soit immortel, et qu’il ira, inflexible, surveiller les descendants de Kadhafi et ceux de Mohammed VI le Marocain, à qui l’on a aussi offert notre nucléaire ?

Et que dire à ce compte de l’Algérie des généraux, elle aussi destinée à acheter nos réacteurs ? Il y a seulement 15 ans, les militaires, qui tiennent le pays depuis 1962 et y ont enfermé un peuple entier, supprimaient les élections, avant de se lancer dans une guerre de l’ombre contre les islamistes du FIS, massacres et manipulations en sus. Faut-il aussi leur faire confiance ? Comme à Lin, comme à tous ceux qui, inévitablement, préféreront toujours le profit du jour à la sécurité collective ? Franchement, je n’aime pas Nicolas Sarkozy.

Pouvoir d’acheter (et de se vendre)

J’écoutais hier le bon François Hollande faire semblant de s’énerver. À la radio. De quoi s’agissait-il ? De pouvoir d’achat. Enfin, enfin le Parti socialiste avait trouvé la faille dans le dispositif de Son Altesse Sérénissime (SAS) Sarkozy. Ce dernier avait failli, faillissait à propos de « la question la plus essentielle » – je cite -, qui serait celle du pouvoir d’achat des Français.

Là-dessus, ce matin, à en croire les revues de presse, la France entière se retrouve ébahie devant le triomphe sarkozien à Pékin, où il termine un voyage historique, peut-être même légèrement hystérique. 20 milliards d’euros de contrats ont été signés, si j’ai bien enregistré. Par des entreprises aussi exemplaires qu’Areva, Airbus, Alstom. Entre autres.

Areva va donc pouvoir exporter massivement sa bimbeloterie nucléaire high tech. On en reparlera lorsque la Chine se cassera en deux, en trois, en dix, sur fond de krach écologique et social, désormais probablement inévitable. La Chine des années 30 et 40 du siècle passé – voyez, je ne remonte pas à Mathusalem, ni à la dynastie Ming – était un pays en guerre permanente, y compris civile. Et les tensions inouïes qui y règnent, dont on parle si peu, n’annoncent pas le printemps des peuples. On reparlera du nucléaire made in France.

Airbus ? L’A380 est une bombe climatique volante, qui ne sort des hangars que parce que ses promoteurs misent sur un doublement des transports aériens mondiaux en vingt ans. Mais chut, il ne faut pas gâcher la fête. Officiellement, la France comme la Chine sont lancées dans une lutte décidée contre le dérèglement climatique. Décidée et même vigoureuse.

Alstom ? La belle entreprise, chère au coeur de M.Chevènement – elle a longtemps fait vivre Belfort, défunte place-forte du monsieur -, a fourni des turbines géantes pour les barbares placés aux commandes du barrage des Trois-Gorges, cette monstruosité écologique.

Bref, nous sommes heureux. Madame Buffet, monsieur Hollande, monsieur Bayrou, SAS Sarkozy. Ce dernier nous a offert, sur la fin de son voyage en Chine, un cadeau sublime, dont il est, soyons sport, coutumier. Il s’agit d’un discours (http://afp.google.com). Grand Guignol pas mort ! Sarkozy a proposé aux gérontes chinois un New Deal écologique, façon Roosevelt de banlieue. Et évoqué même la perspective de voir Pékin réaliser un Grenelle de l’environnement à l’échelle du pays.

Ce n’est pas une blague, en tout cas pas seulement. Je puis vous l’assurer, ce propos n’est nullement destiné aux Chinois. À moins que, n’ayant un sens de l’humour encore plus délicat que celui que je leur prête, ils ne se passent la cassette le soir venu, entre amis. Non, la Chine est lancée, grâce à nous tous, et ne s’arrêtera pas. Et ce n’est pas un fanfaron, venu d’un pays loitain autant qu’impuissant, qui leur indiquera une autre voie possible.

En revanche, le verbe sarkozien est clairement destiné à TF1 et aux gogos, hélas nombreux, de la galaxie écolo française. Il d’agit de montrer une cohérence, ou plutôt de l’afficher, ce qui est quand même plus simple. La réalité est qu’il existe un consensus national pour fourguer aux Chinois tout ce que nous pouvons fourguer. À n’importe quel coût écologique, social, humain. Telle est la condition pour maintenir chez nous un niveau de vie matériel démentiel, artificiel, insupportable.
Là-dessus, tous les compères sont d’accord. François Hollande a donc bien raison : le pouvoir d’achat est « la question essentielle ».

PS : Une sécheresse terrible frappe depuis deux mois le grenier à riz de la Chine. Les pluies d’automne ont chuté de 90 % d’une année sur l’autre. Bah, ils mangeront du pain Poilâne.