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Pompili et Le Drian foutent la zone nucléaire

EDF est en faillite et fourgue des réacteurs EPR un peu partout. Le projet indien Jaitapur vient d’être relancé par une visite de la ministre Barbara Pompili, suivie de Le Drian. Derrière le rêve de la plus grande centrale nucléaire du monde, un sac de nœuds rempli de folie.

Ah quels petits cachottiers ! En janvier 2021, la ministre de l’Écologie Barbara Pompili se rend en Inde. Pendant cinq jours. Et s’y fait épingler par Survival International pour y avoir cautionné une réserve naturelle où l’on tire à vue sur les hommes. Son agenda ne prévoyait pas de discussion sur le nucléaire, mais comme elle est ministre d’État et exerce la tutelle d’EDF, la question des centrales EPR de Jaitapur a fatalement été évoquée.

Il y a moins de quinze jours, c’est Jean-Yves Le Drian qui était en Inde à son tour. Le ministre des Affaires étrangères, peu glorieux VRP du nucléaire made in France, semble y avoir débloqué ce fort lourd dossier, en panne depuis 2009. Résumé express : cette année-là, le groupe public Areva – devenu Orano – propose à l’entreprise du nucléaire indien Nuclear Power Corporation of India Limited (NPCIL) un projet qui n’est alors pas précisé. Fin 2010, on apprend qu’il s’agirait de construire 6 réacteurs de nouvelle génération dits EPR sur un plateau du village de Jaitapur, qui domine la mer d’Oman, au centre-ouest.

À ce moment, l’affaire est entre les mains d’Anne Lauvergeon, patronne d’Areva soutenue par le président Sarkozy. Mais Areva sombre dans des emmerdements financiers sans précédent, et du côté indien, aucune décision n’intervient, d’autant que la catastrophe de Fukushima en mars 2011, démontre une fois de plus la fragilité de cette industrie.

Pendant dix ans, tous nos gouvernants, à commencer par Hollande, puis Macron et déjà Le Drian, sont allés faire de la lèche à Delhi. Et en 2016, c’est EDF qui reprend le flambeau, activant tous ses réseaux. Cela en vaut la peine : Jaitapur, une fois terminé, serait la plus extravagante centrale nucléaire au monde, susceptible de fournir de l’électricité à 70 millions de personnes. Le coût ? Secret d’État, mais il faudra compter en dizaines de milliards d’euros, alors qu’EDF est endettée à hauteur de 42 milliards d’euros.

Si EDF vient de présenter une « offre technico-commerciale engageante » de 7000 pages, c’est sous une forme très inattendue : elle fournirait les équipements et l’ingénierie, mais laisserait la responsabilité de la construction au partenaire indien. Pourquoi ? Pour au moins deux raisons. Un, la construction de prototypes EPR à Flamanville (France) et Olkiluoto (Finlande) est devenue un cauchemar, avec des retards qui atteignent des années et des surcoûts de milliards d’euros. Mais aussi parce que Jaitapur est un sac de nœuds.

Sur place, cinq villages seraient évacués pour laisser place à l’atome-roi. Or la zone est considérée comme l’un des hot-spots – points chauds – de biodiversité en Inde et au-delà, et même si une partie des villageois ont accepté des transactions pour partir ailleurs, la résistance locale reste très forte, et a déjà entraîné mort et blessés chez les opposants.

Reste la question de la sécurité qui fait flipper tous les gens raisonnables. Dans une tribune publiée par le quotidien The Indu en janvier 2019, deux physiciens, Suvrat Raju et M.V. Ramana, mettent les pieds dans le plat et, soulignant les problèmes de sécurité rencontrés en Finlande et à Flamanville par les prototypes EPR, dénoncent les opacités du projet et les risques inouïs que courrait l’Inde.
Reste enfin la question géologique. De très nombreux rapports, depuis un demi-siècle, démontrent les risques sismiques de la zone, parcourue par une faille préoccupante. Le terrain, formé de latérite dégradée,résisterait-il à un tremblement de terre ? Jaitapur a connu trois secousses supérieures au niveau 5 de l’échelle de Richter en seulement vingt ans…Et certains évoquent même des risques, plus hypothétiques, de tsunami.

Résumons. EDF est dans une nasse financière qui se referme et a choisi la fuite en avant, la seule capable de la sauver, selon elle en tout cas, de la banqueroute. Mais comme la guêpe n’est pas folle, elle entend refiler la responsabilité de Jaitapur aux Indiens, l’important étant de signer le plus grand nombre possible de contrats au moment le chantier des EPR britanniques a du plomb dans l’aile.

Il n’y a besoin de chercher bien loin la moralité de l’histoire, car elle n’existe pas. Des politiciens français médiocres – de Sarkozy à Macron, passant par Pompili ou Le Drian – nous lancent sans nous tenir au courant dans une énième et terrible aventure nucléaire. Tout plutôt que reconnaître l’évidence : le nucléaire français, qui avait promis en 1971 la Lune, et une Lune presque gratuite, est une gabegie. Plutôt, une faillite morale, politique et financière.

L’éternel retour des algues vertes

Mais quelle surprise ! Comme chaque année au printemps, la Bretagne renoue avec ses chères – si chères – algues vertes. Comme chaque année, il vaut mieux incriminer la température et le soleil que le vrai responsable : l’élevage industriel.

C’est reparti pour un tour. La presse régionale bretonne – Le Télégramme (https://www.letelegramme.fr/cotes-darmor/saint-brieuc/deux-photos-qui-montrent-l-ampleur-des-echouages-d-algues-vertes-a-plerin-27-04-2021-12741505.php), Ouest-France, France 3 – publie ces dernières heures des photos navrées de la plage de Plérin, en baie de Saint-Brieuc (Côtes d’Armor). Faut reconnaître que ça craint : à perte de vue, des algues vertes dans ce que les Bretons appellent depuis des décennies la Baie des Cochons.

C’est drôle, mais sinistre, car ainsi qu’on le sait depuis des lustres, les algues vertes tuent. Elles étouffent évidemment, par prolifération, les écosystèmes côtiers, massacrant des milliers et millions d’êtres vivants qu’on ne montre jamais à la télé. Mais leur décomposition flingue volontiers, également, sangliers (https://www.lefigaro.fr/environnement/2011/09/06/01029-20110906ARTFIG00699-les-algues-vertes-coupables-de-la-mort-des-sangliers.php), chevaux (https://www.leparisien.fr/societe/algues-vertes-la-famille-d-un-joggeur-mort-en-2016-saisit-la-justice-18-07-2019-8119296.php) et même humains () faisant leur jogging sur les plages.

Cette année 2021 promet d’être de haute qualité, car les échouages d’algues sont très supérieurs à la moyenne. Une équipe du Centre d’Étude et de Valorisation des Algues (https://www.ceva-algues.com/document/etude-et-suivi-des-marees-d-algues-vertes-en-bretagne) a survolé les côtes bretonnes le 13 avril, et constate l’évidence : le niveau des températures et la forte luminosité jouent un rôle significatif dans le phénomène. Mais bien sûr, pas question de parler de la cause première que tout le monde connaît : l’élevage industriel concentrationnaire.

Pour la millième fois, expliquons l’affaire (https://www.fne.asso.fr/dossiers/algues-vertes-bretagne-cons%C3%A9quences-origines-solutions). Certes, des caractéristiques propres à la Bretagne, dont (souvent) la faible profondeur et la clarté des eaux côtières. Mais l’azote reste le grand criminel. Massivement présent dans les engrais industriels dits azotés, et dans les déjections animales – 14 millions de porcs sont abattus chaque année en Bretagne, sans compter les poulets, canards et bovins -, cet azote dépasse de très loin ce que les plantes peuvent utiliser.

La partie excédentaire se retrouve dans l’eau des rivières, puis sur les côtes, où elle dope la production d’algues, créant un phénomène d’asphyxie appelé eutrophisation. Par un tour de passe-passe bien connu, les profits restent chez les producteurs, et les dégâts sont à la charge de la société. Les différents programmes de « dépollution », comme celui appelé Eau Pure, ont mobilisé des centaines de millions d’euros d’argent public, en vain (https://www.eau-et-rivieres.org/lejouroujuin2002). Il y avait environ 5mg de nitrates dans un litre d’eau – en moyenne – des rivières bretonnes, et l’on ne descend guère au-dessous de 33 mg. L’affaire est parfaitement connue depuis 1971. Un demi-siècle d’atermoiements.

Le Monde Diplomatique est-il transhumaniste ?

Avouons-le tout de suite : je n’aime pas Le Monde Diplomatique. Ce mensuel créé en 1954 à l’ombre du Monde quotidien aura soutenu vaillamment tous les stalinismes possibles, de l’Union soviétique à Cuba, passant par la Chine maoïste. Il demeure la référence d’une bonne part de la gauche qu’on appelle radicale. Et il ne déteste pas, lorsque l’occasion se présente, à accuser les penseurs écologistes de se fourvoyer. Au mieux.

Dans le numéro de février, le Diplo a publié un article d’un certain Leigh Phillips. Cet Américain y attaque les décroissants – dont je ne suis pas – par la disqualification, les présentant comme des adeptes de Thomas Malthus, cet économiste qui annonçait de fatales catastrophes démographiques. Vieux truc. Phillips ne cite personne, ce qui est encore la meilleure façon de ne pas être démenti.

Le tout est indigent. Il rapproche ainsi le trou dans la couche d’ozone et le dérèglement climatique, dans des raccourcis qui sentent fort le climatoscepticisme nouvelle manière. Pour lui, qui se présente comme un progressiste à la mode du Diplo, seule la croissance économique pourrait permettre d’ensuite redistribuer de l’énergie et des services sociaux aux pays du Sud. Pas un mot sur les autres qu’humains, pas un mot sur les destructions écologiques majeures causées par notre façon de concevoir la vie, et de la mener.

Reconnaissons que des lecteurs du Diplo ont réagi et que la direction du journal – dont acte – leur a accordé une page de réponses dans son numéro de mars. Mais le texte de Phillips cache à autre chose (1). Il note ainsi gaillardement : « Grâce au progrès technologique et à des choix politiques, nous pouvons, si nous le souhaitons, évoluer. Et, lorsque nous nous heurtons à des limites naturelles, nous sommes capables d’innover pour les dépasser ». C’est absurde et même criminel, mais Phillips ne s’arrête pas en si bon chemin, ajoutant pour les sourds et mal-entendants : « Il est possible d’imaginer que nous nous téléportions un jour, car l’idée ne viole aucune loi physique ».

Se téléporter ? Cette idée si pertinente ne tombe pas du ciel. Phillips appartient en effet au Breakthrough Institute (thebreakthrough.org), un machin transhumaniste qui promet de régler toutes les questions de la crise écologique globale par un surcroît de technologie. À l’aide des OGM, d’une agriculture encore plus industrialisée, du nucléaire bien sûr et de la géo-ingénierie. Dès 2010, l’institut a publié un gros rapport avec l’American Institute Enterprise (2) sous le titre « Post-Partisan Power ». L’American Institute Enterprise (3) n’est pas loin d’être le pire. Néo-conservateur, libéral, proche des milieux militaires, accueillant en son sein un grand nombre de grands patrons, ce think-tank n’a jamais eu qu’un but : accélérer encore.

La direction du Diplo se serait-elle fait avoir ? Cette hypothèse optimiste, nullement confirmée dans le numéro de mars, appelle un commentaire : pour un journal qui ne cesse de donner des leçons à l’univers, ce serait comique. L’hypothèse plus vraisemblable est que cette vision rejoint pour l’essentiel celle du journal. Le progrès technologique viendra à bout de tous les soucis. Quelle que soit la vérité, il n’est pas interdit de s’interroger.

Dans le même numéro de février, on peut lire dès la première page un long papier titré « Qui veut la mort d’EDF ?». 100% idéologisé, il oppose les prédateurs d’un côté, de l’autre le service public. On peut souhaiter un service public de l’énergie – c’est mon cas – sans oublier, comme le fait pesamment l’article, le rôle-clé d’EDF dans la création de l’empire nucléaire. Et de ses directions, toutes liées à la noblesse d’État des polytechniciens, ingénieurs des Mines ou des Ponts. Sans oublier non plus le désastre d’une entreprise qui a promis la Lune et finalement creusé un trou de près de 50 milliards d’euros. Faut-il incriminer le poids important, dans la haute hiérarchie du Diplo, d’anciens staliniens, jadis grands admirateurs de l’atome ? Le progressisme, maladie sénile d’une gauche en perdition.

(1) terrestres.org/2021/02/18/la-decroissance-le-socialisme-sans-la-croissance/

(2) s3.us-east-2.amazonaws.com/uploads.thebreakthrough.org/legacy/blog/Post-Partisan%20Power.pdf

(3) wikipedia.org/wiki/American_Enterprise_Institute#Membres

Le clan Bayer-Monsanto à l’assaut du Mexique

On cherchera longtemps, chez nos ministres, pareil courage. Penser au retour des néonicotinoïdes. Qui est Víctor Manuel Toledo Manzur ? Un biologiste très célèbre au Mexique. Il a reçu de nombreux prix, écrit beaucoup d’articles scientifiques et fondé dès 1992 la revue Etnoecologíca (1), pionnière dans l’étude des relations entre peuples autochtones et nature.

En mai 2019, il accepte d’entrer au gouvernement comme secrétaire d’État à l’Environnement. Andrés Manuel López Obrador, dit AMLO, est président depuis décembre 2018, d’une gauche qui rappelle, mutatis mutandis, le parti socialiste français des années 80. Mais Toledo a un problème, et c’est qu’il est sincère. Il veut changer le pays, ce qui le conduira droit à la démission en août 2020.

Dans une tribune extraordinaire publiée par le quotidien La Jornada (2) fin février 2021, il décrit la puissance des lobbyistes du glyphosate, poison qui s’étend désormais sur 192 millions d’hectares, un peu moins que quatre France.

Or, dit-il, Bayer-Monsanto, géant du secteur, « possède une armée de scientifiques, techniciens, communicants, agents commerciaux, lobbyistes, espions, promoteurs ». Or, AMLO, en bonne part poussé par des gens comme Toledo, a décrété en décembre dernier l’interdiction du glyphosate d’ici 2024 et celle du maïs transgénique. Appliquée, cette décision signifierait la fin de l’importation de millions de tonnes de maïs transgénique venu des États-Unis, et un tremblement de terre planétaire.

AMLO tiendra-t-il ? Toledo évoque de l’intérieur l’action délétère de trois membres du cabinet présidentiel : Alfonso Romo, Víctor Villalobos, Julio Scherer. Il les accuse d’avoir mené des « acciones fraudulentas » – des actions frauduleuses – pour saboter la décision d’AMLO. Le Mexique, pays berceau du maïs originel, est en guerre, comme l’écrit Toledo. Lequel a subi un cambriolage au cours duquel des documents ont été volés et du glyphosate versé dans son jardin. Suivi d’une campagne de presse téléguidée sur sa vie privée. Il regarderait des films porno.

  1. http://etnoecologia.uv.mx/Etnoecologica/numeros.htm
  2. jornada.com.mx/2021/02/23/opinion/017a1pol

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Vive la fonte de la banquise !

Où l’on voit que le chemin le plus court est aussi le pire de tous. D’abord, ce que tout le monde sait : la banquise qui recouvre l’océan Arctique fond de plus en plus vite. Et dans les eaux russes du Grand Nord, cela semble pire qu’ailleurs. L’institut météo de Moscou Rosguidromet (1) note dans un rapport tout récent que la surface de glace, en comparaison des années 80, est de cinq à sept fois moindre. 2020 a été une année diaboliquement chaude et au total, le dérèglement touche bien davantage, en moyenne, la Russie que d’autres pays. Depuis 1976, la température aurait augmenté de 0, 51 degré par décennie.

D’autres que ceux de l’équipe Poutine en tireraient la conclusion qu’il faut décréter l’état d’urgence. Mais tout au contraire, miam. Miam, car si la banquise fond de plus en plus, les perspectives commerciales deviennent chaque jour plus exaltantes. Dans un entretien avec l’agence de presse russe (en anglais) Interfax (2), Vladimir Panov lâche sans gêne : « The Suez precedent has shown how fragile any route between Europe and Asia is ». Eh oui, le blocage du canal de Suez par un container a montré combien la route maritime la plus fréquentée entre l’Asie et l’Europe était fragile. Et Panov de vanter l’excellence de la Northern Sea Route, cette route du Nord qui s’ouvre chaque année davantage grâce au dérèglement climatique. Un détail : Panov est un pion important de l’une des grandes puissances financières russes : le champion du nucléaire Rosatom. En charge du « développement de l’Arctique.

  1. rcinet.ca/regard-sur-arctique/tag/rosguidromet/
  2. https://interfax.com/newsroom/top-stories/71429/

Mais d’où vient ce salopard de virus ?

Tout le monde en a marre, non ? Des milliers d’heures sur les radios et télés, des kilomètres de signes dans les gazettes auront été consacrés au coronavirus. Pour dire et répéter les mêmes choses dans un sens puis dans l’autre, et retour. Non ?

En mars 2020, quand nous n’en étions qu’au début, l’infectiologue Didier Sicard, pas plus con que tant d’experts de TF1 ou de France-Inter, s’interrogeait (1). Très au fait du sujet, il réclamait un examen en urgence des causes animales de la pandémie. Et comme il connaissait fort bien une partie de l’Asie, il ajoutait : « Ce qui m’a frappé au Laos, où je vais souvent, c’est que la forêt primaire est en train de régresser parce que les Chinois y construisent des gares et des trains. Ces trains, qui traversent la jungle sans aucune précaution sanitaire, peuvent devenir le vecteur de maladies parasitaires ou virales et les transporter à travers la Chine, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie et même Singapour. La route de la soie, que les Chinois sont en train d’achever, deviendra peut-être aussi la route de propagation de graves maladies ». 

La nouvelle Route de la soie, qui fait se pâmer tant d’économistes et autres crétins, reliera à terme la Chine – on y achève une quatre-voies de 5000 km –, l’Asie centrale et même l’Europe où un Viktor Orbán, clone hongrois de Trump, est en train de vendre son pays à Pékin. Précisons à l’attention des grincheux que je ne suis spécialiste de rien. Je vois, car je lis, qu’une affaire mondiale comme celle-là recèle d’innombrables mystères. En fera-t-on le tour ?

Mais cela ne doit pas empêcher de parler de ce que l’on sait avec une raisonnable certitude. Et nul doute que la crise écologique planétaire est le responsable principal de l’émergence de tant de virus menaçants. La logique en est dans l’ensemble connue : les activités humaines remettent en circulation des organismes vivants neutralisés par des relations biologiques stables depuis des millénaires, parfois des centaines de millénaires.

L’incursion des humains – braconniers suivant la piste des bûcherons – dans les forêts tropicales les plus intouchées ne pouvait manquer d’avoir des conséquences. Et ce n’est qu’un petit exemple. Quantité de virus dits émergents sont en effet des zoonoses, des maladies ou infections qui passent de l’animal à l’homme. Tel est le cas d’Ebola, des hantavirus, du SRAS, de la fièvre du Nil occidental, probablement du sida. Ce n’est qu’un aperçu, car l’on compte environ 200 zoonoses, dont beaucoup sont bactériennes.

Dès le 17 avril 2020 – il y aura bientôt un an -, 16 responsables d’autant d’organismes scientifiques différents écrivaient (2) : « La pandémie de Covid-19 est étroitement liée à la question de l’environnement : c’est bien, encore une fois, une perturbation humaine de l’environnement, et de l’interface homme-nature, souvent amplifiée par la globalisation des échanges et des modes de vie, qui accélère l’émergence de virus dangereux pour les populations humaines ».

Et les mêmes posaient une question qui devrait pétrifier nos responsables : « À la lumière de la crise sanitaire que nous traversons, il est paradoxal de constater que les études de médecine et de pharmacie continuent d’ignorer largement la biologie de l’évolution, et que celle-ci est récemment devenue facultative pour les deux tiers d’un parcours scolaire de lycéen ».

En clair, tout le monde s’en tape. Pourquoi ? Parmi les nombreuses raisons en cause, j’en retiens deux. Un, nos chefaillons actuels, qui incluent les écologistes officiels, sont d’une inculture monumentale. Ils ne savent pas, obsédés que sont la plupart par leur sort personnel et leur place dans l’appareil d’État. Deux, les rares qui entrevoient une lueur n’ont pas le courage de remettre en question le monde qui est le leur, son organisation, ses buts.

Il y faudrait la force d’un Gandhi et nous n’avons à notre disposition qu’une classe politique et administrative plus bas-de-plafond que le dernier des nains de jardin. Voilà pourquoi votre fille est muette.

(1)franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemie-de-covid-19

(2) lemonde.fr/idees/article/2020/04/17/la-pandemie-de-covid-19-est-etroitement-liee-a-la-question-de-l-environnement_6036929_3232.html

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Jean-Louis Beffa, héros méconnu de l’amiante

Le coût de l’amiante est tel qu’il ne sera jamais calculé vraiment. L’industrie en a longuement profité, et maintenant la société paie les dégâts, les milliers de morts chaque année, les vies disloquées. Des braves se battent depuis 25 ans devant les tribunaux, et parfois gagnent, et souvent perdent, et continuent pourtant.

En 2017, une expertise judiciaire estimait qu’on ne pouvait pas connaître la date précise d’une contamination par l’amiante, menant droit à un non-lieu en 2018. Les magistrats jugeaient alors impossible de retenir la responsabilité pénale de tel ou tel dirigeant d’une entreprise. En l’occurrence, il s’agissait de l’usine Everite située à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne. Gros soupir de soulagement patronal.

Mais la cour d’appel de Paris vient d’infirmer ce non-lieu, et renvoie le dossier à des juges d’instruction. Selon eux, en effet, et il s’agit de citations tirées de son arrêt, « c’est toute la période d’exposition qui contribue à la maladie et/ou au décès ». Du même coup, « chaque dirigeant successif peut avoir participé, à son échelle de responsabilité, à l’exposition des salariés aux fibres d’amiante ».

C’est déjà beaucoup moins drôle pour certains, car Everite était une filiale de Saint-Gobain, ce qui nous rapproche fatalement d’un certain Jean-Louis Beffa. Ce personnage central du capitalisme français est entré à Saint-Gobain en 1974, dont il a été le P-DG dès 1986, quand il était encore légal d’empoisonner le prolo avec l’amiante.

Le cas est d’autant plus intéressant qu’un Beffa, dans notre sainte république, semble intouchable. Ingénieur des Mines, un temps membre du club Le Siècle, il a été aussi des conseils d’administration ou de surveillance de GF Suez, de Siemens, de la Caisse des dépôts, de BNP-Paribas, etc.

Cerise amiantée sur le gâteau, Beffa fait partie dès 1994 du conseil de surveillance du journal Le Monde, qu’il préside depuis 2017. En Italie, travaillant des années sur des milliers de pièces, un tribunal d’appel à condamné en 2013 l’industriel de l’amiante Stephan Schmidheiny à 18 ans de taule. Beffa, quelle chance.

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Les Tartarin veulent la peau du Loup

Comment va le Loup en France ? Pas bien. Je rappelle qu’il est revenu naturellement d’Italie il y a une trentaine d’années, après avoir été totalement exterminé. Pas bien, donc, et c’est l’Office français de la biodiversité (OFB) qui le détaille dans un rapport, avec le CNRS (1). Attention, l’OFB, c’est pas les Naturalistes en lutte : les chasseurs, pour s’en tenir à eux, siègent à son conseil d’administration.

Il n’empêche que le texte est limpide. S’appuyant diplomatiquement sur des « points de vigilance », ses auteurs constatent qu’entre 2014 et 2019, la mortalité atteint 42%, toutes classes d’âge confondues, contre 26% avant 2014. Ce qui rapproche l’espèce du point au-delà duquel la population commence à décliner.

En ajoutant d’autres signes préoccupants, les rédacteurs de la note sortent un peu plus du bois, et ils écrivent : « Plusieurs signaux vont dans le sens d’une dégradation de la dynamique de la population ». Et appellent entre les lignes, mais sans détour, à une révision de la politique actuelle, qui vise, ça c’est Charlie qui le dit, à contenir les oppositions et satisfaire quelques clientèles électorales.

Il n’y a aucun mystère : depuis 2014, des centaines de loups ont été butés « légalement », malgré leur statut de protection. Ils seraient 580 et en cette année qui commence, l’État donne le droit d’en abattre 121. Courons donner des leçons aux paysans africains sur la cohabitation avec les éléphants. Et aux gueux de l’Inde sur la sauvegarde des tigres, si mignons à la télé.

(1) https://www.loupfrance.fr/mise-a-jour-des-effectifs-et-parametres-demographiques-de-la-population-de-loups-en-france-consequences-sur-la-viabilite-de-la-population-a-long-terme/

Giscard à la chasse (morituri te salutant)

Vous le savez, Giscard vient de mourir à l’âge de 94 ans. Un lecteur me remet en mémoire ce texte, publié ici en 2013. Ma foi, cela se lit toujours. Le voici.

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Amis lecteurs, c’est une première : je partage avec vous un article du journal Le Figaro, charmant quotidien aux mains d’un marchand d’armes. Et comme cela tombe bien ! Ce qui suit est en effet consacré à la chasse, telle que vue par l’un de nos grands chasseurs, Valéry Giscard d’Estaing. Je dois préciser pour les plus jeunes d’entre vous que Giscard a bel et bien existé. La preuve, c’est qu’il continue à tuer.

Cet homme renversant de sottise pseudo-aristocratique, confit dans un absurde sentiment de supériorité, a été président de notre pauvre République entre 1974 et 1981. Que reste-t-il ? Rien. Peut-être la photo jaunie, dans des collections anciennes, de Giscard invitant les éboueurs du quartier à partager son petit-déjeuner de l’Élysée. Tout le reste n’aura servi à rien, tout le reste n’est déjà plus qu’un infime tas de poussière sur les étagères du passé.

Si je vous offre sans rechigner le morceau de bravoure qui suit, c’est parce qu’il éclaire un pan de notre ténébreuse psyché. Pourquoi le mal ? Pourquoi la tuerie ? Pourquoi ces plaisirs si malsains ? Je n’en sais rien. Mais sous couvert de la grotesque personne de Giscard, cette interrogation lancinante m’arrache un sourire. J’espère qu’il en sera de même pour vous.

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Entretien paru dans Le Figaro du 3 novembre 20013

INTERVIEW – Poil ou plume, chasses présidentielles ou safaris privés, l’ancien président de la République a toujours revendiqué sa passion pour la chasse.

LE FIGARO. – Que signifiela chasse pour vous?

Valéry GISCARD D’ESTAING. – La chasse a été la première activité de l’homme. En France, c’était à l’origine un privilège féodal, qui a été aboli à la Révolution. Depuis, le nombre de chasseurs se compte par millions, c’est un sport national bien plus étendu que le foot. Une activité profondément ancrée dans l’humanité, un vaste monde.

Quelles sont vos chasses à vous?

Elles ont été diverses. J’ai d’abord eu le privilège de participer aux chasses présidentielles, à Rambouillet, à Chambord et à Marly. Le général de Gaulle ne chassait pas, mais, par tradition, il participait à la dernière battue, et j’en ai suivi quelques-unes avec lui.

J’ai aussi toujours chassé avec des amis, en France, pour le plaisir. Je continue d’ailleurs : je ne sais pas pourquoi on a écrit que je n’ai pas renouvelé mon permis de chasse, c’est inexact. Je traque des petits animaux, des perdreaux, des faisans. Je regrette d’ailleurs que les perdreaux gris, qui étaient par excellence le gibier français, aient disparu, à cause des pesticides. Je chasse parfois le cerf, animal emblématique dans tous les pays d’Europe. On doit pour cela attendre la saison du brame, sinon ils se terrent et on ne les voit pas. Si l’on veut rencontrer de grands cerfs, il faut se rendre dans les pays de l’Est, comme la Pologne, ce que j’ai fait régulièrement. Pour les grands animaux comme le buffle, l’éléphant ou les grandes antilopes, je suis beaucoup allé en Afrique, au Cameroun, au Gabon, au Kenya, en Tanzanie, dans les anciennes colonies françaises et anglaises. Mais j’ai cessé un jour, car ma fille, lorsqu’elle était petite, me le reprochait.

Quel plaisir de poursuivre ainsi un animal?

Chasser est un sport, on peut marcher des dizaines de kilomètres en pistant un animal. Mais le vrai plaisir est celui procuré par la nature. La chasse est souvent une solitude, et on se retrouve parfois seul face à la forêt. En Afrique, j’ai vu la planète telle qu’elle devait être depuis les origines. C’est vrai que le chasseur est dans une relation étrange avec les animaux : on ne tue plus pour la nourriture, l’industrie s’en charge désormais. Alors quand un grand animal tombe, on éprouve une sensation de nostalgie, une émotion triste. Tous les chasseurs connaissent ce sentiment curieux.

Vous avez tous les «anti»contre vous désormais.

L’espèce humaine s’urbanise de plus en plus, elle ne comprend plus la chasse. Nous sommes dans un monde où les «anti» font beaucoup de bruit, même s’ils ne représentent pas grand-chose. J’ai tout de même l’impression que les jeunes de la campagne continuent d’aimer et de pratiquer la chasse.

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Ci-dessous le lien de l’article :

http://www.lefigaro.fr/culture/2013/11/03/03004-20131103ARTFIG00028-valery-giscard-d-estaing-la-chasse-est-souvent-une-solitude.php?m_i=SfVSkXuiONQhJw10LxLszEl4WacUfSfkFAgfRIo0bZOuxfISl