Archives mensuelles : mai 2015

Combien ça coûte, au fait (l’état de nos poumons) ?

Tout d’abord, et avec mes excuses pour ceux que cela indiffère, des nouvelles de ma santé. J’ai été blessé par balles au cours de la Grande Tuerie du 7 janvier dernier, à Charlie Hebdo, et depuis, je vais d’hosto en hosto, de kiné en kiné et d’infirmière – plus rarement d’infirmier – en infirmière. Bon, ce n’est pas réglé, et cela ne le sera probablement jamais. Je bouffe de la morphine, et je retourne à l’hôpital la semaine prochaine. Pour autant, et j’espère que vous me croirez sur parole, je ne me plains pas. C’est le monde, qui est dur, pas mon sort. Quelques centimètres – quelques millimètres ? – plus haut ou plus bas, les balles qui m’ont frappé auraient ruiné les années qui me restent à vivre. Ce n’est pas le cas, du tout. Je ris, je pleure mes amis perdus, je ris encore et toujours. Le rire aura été le grand protecteur de mon destin.

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Ceux qui me connaissent savent ce que je pense de nos gouvernants provisoires. Je vomissais Sarkozy et ses suites; je vomis de même Hollande et ses séides en carton pâte. Vous n’avez peut-être pas l’âge de vous souvenir du référendum dit de Maastricht, en 1992. Mitterrand, alors président, avait pesé de tout son poids, et il était grand, pour que nous votions oui à ce traité, de loin le plus important depuis celui de Rome, en 1957. Et il l’emporta – sans moi – d’une courte majorité.

Treize ans plus tard, rebelote. En 2005, la droite et le parti socialiste se retrouvent une fois de plus du bon côté en défendant jusqu’à l’absurde le traité ouvrant la voie à une Constitution européenne. Et se font durement étriller par les électeurs, qui votent à 55 % contre. On a vu depuis que cela ne changeait rien et qu’en ces matières trop sérieuses pour être confiées à la démocratie, un référendum n’a de sens que s’il sert la politique en place. Car sinon, il est aussitôt oublié.

Mais où veux-je en venir ? Eh bien, voyez comme c’est drôle, l’Europe tant vantée par eux se retourne contre nos politiques. C’est le vieux sketch des frères Lumière – L’Arroseur arrosé, 1896 -, 120 ans plus tard. La Commission européenne menace en effet la France d’un procès retentissant sous deux mois, car notre pays ne défend pas assez sa population contre la pollution de l’air par les particules fines (ici). Nos si glorieux représentants n’ont strictement rien fait depuis…2005 – tiens , et depuis cette date, les valeurs légales ont été dépassées dans dix zones urbaines : Paris, Lyon, Grenoble, Marseille, Martinique, Rhône-Alpes (Vallée de l’Arve), PACA-ZUR (Zone urbaine régionale), Nice, Toulon, Douai-Béthune-Valenciennes.

Le lendemain – quel festival ! -, une étude paraît, cosignée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Rappelons que l’OCDE, temple du libéralisme, n’est pas l’ami de la maison. Que dit cette évaluation (ici) ? D’abord cette précision : elle porte sur l’Europe, mais en y incluant des pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne, comme l’Islande. Dans le périmètre considéré, la pollution de l’air coûterait 1 400 milliards d’euros chaque année. À comparer avec le budget de la France en 2015 – 372 milliards d’euros – et les efforts « historiques » de réduction de la dette promis par le gouvernement, soit 21 milliards cette même année 2015. J’ajoute que ces études sont nécessairement loin du compte. Qui saurait mesurer la peine, le stress, l’angoisse devant un môme atteint d’un asthme constant ? Un père subclaquant ? Une mère à l’hôpital, sous assistance respiratoire ? Il faudrait en fait interroger finement chacune des victimes, et l’on verrait alors cette évidence : nous sommes en face d’un tsunami.

En somme, nos Ridicules du pouvoir tiennent entre leurs mains une source d’économies inépuisable, mais ils n’en font rien. Mais ils n’en disent rien – ou si peu – car il leur faudrait alors agir et s’attaquer aux causes, dont évidemment la bagnole, les pesticides, la chimie de synthèse à l’œuvre dans tant de procédés de fabrication. Au lieu de quoi l’on a vu, en septembre dernier, Ségolène Royal renoncer à l’obligation de mesurer la qualité de l’air dans les crèches (ici). Pardi ! il aurait fallu fermer en catastrophe des centaines au moins de lieux d’accueil.

Quant à Marisol Touraine, officiellement ministre de la Santé, que peut-on dire de pareil ectoplasme ? Je me pose de temps à autre cette question simple : comment ose-t-on incarner des fonctions aussi exigeantes – la Santé, l’Écologie – et se comporter comme d’absurdes politiciennes de canton ? Je vous le dis exactement comme je le pense : je suis d’avis de déposer des plaintes pénales contre tous ces gens irresponsables. Je ne sais si c’est jouable sur le plan procédural, mais à coup certain, c’est ce que nous devrions faire. Des plaintes collectives, des class actions contre ces insupportables Suffisances. Au moins cela.