Archives mensuelles : octobre 2013

La grosse truanderie des barrages coréens

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 2 octobre 2013

Au pays du matin calme, on se paie des journées agitées. Derrière un gigantesque programme de barrages – terminé -, des flots de fric détournés au profit des nobles entreprises du pays.

Le « Projet des Quatre fleuves ». Sans aucun doute, l’une des plus belles arnaques des temps modernes. Et elle profite – Dieu quelle surprise ! – aux principales transnationales d’origine coréenne, soit Hyundai, Samsung et Daewoo, au travers de leurs filiales dans le secteur de la construction. Faut-il le rappeler ? Hyundai, c’est la bagnole, l’électronique, l’armée. Samsung, l’électronique aussi, la bagnole aussi, le téléphone portable. Daewoo, l’électronique encore, l’armée encore, la bagnole encore. Les trois tiennent la Corée, plus un paquet de politiciens locaux, ce qui peut toujours servir.

L’excellent Lee Myung-bak, président de février 2008 à février 2013, a bossé toute sa vie chez Hyundai, où il a gagné le surnom de « bulldozer », mais cela n’a rien à voir, car autrement, ce serait grave. En 2009, il lance un plan qui vise à changer la géographie physique de la Corée, assise depuis toujours sur les bassins versants des fleuves Han, Nakdong, Geum et à un degré moindre de celui du Yeongsan. Les quatre doivent être redécoupés par les ingénieurs et les machines, endigués par 16 grands barrages et quantité d’aménagements en béton brut, celui que préfèrent les aménageurs.

Pourquoi ? La question est vilaine. Et la réponse officielle est impeccable. Il s’agit de « restaurer » les rives abîmées des si jolis fleuves, prévenir les crues, favoriser le tourisme, assurer la production d’eau potable, etc. On en oublie, car la liste est longue. De 2009 à 2011, travaux, lourds engins, vastes profits. 80 % du programme se voit terminé en seulement deux ans. De multiples sondages montrent que 70 % de la population est contre les travaux, des centaines de comités se mobilisent, l’Église catho, puissante localement, et d’autres mouvements chrétiens hurlent à la mort. M. Bulldozer s’en tape, avance, et finit dans les temps.

Dès les premières semaines, des dizaines de milliers de riverains sont privés d’eau potable. Un mois plus tard, on apprend que près de 13 000 tonnes de déchets ont été abandonnées sur place. C’est le début d’une série d’épouvante. Malgré les barrages, ou plutôt à cause d’eux, des marées vertes se forment au long du fleuve Nakdong, corseté de barrages et privé ainsi de toute dynamique naturelle. On relève en août 2013 jusqu’à 15 000 cellules d’algues vertes par millilitre d’eau.

Parallèlement,  les bouches commencent à s’ouvrir, comme disait l’autre, et une commission d’enquête est lancée en mai de cette année. Les chiffres tombent. Le chantier de M. Bulldozer, qui devait coûter 10 milliards d’euros, dépasse 15,4 milliards. Les 960 000 emplois promis au départ ne dépassent pas 10 000. 15 des 16 barrages construits sont en très mauvais état, victimes de graves malfaçons. Et c’est alors, le 12 septembre, qu’éclate l’invraisemblable affaire Chang Sung-pil.

Il apparaît que ce dernier, nommé à la tête de la Commission d’enquête par quelque facétieux, est en réalité en cheville avec les constructeurs. Pensez ! il a bossé discrètement, de 2007 à 2009, pour Yooshin Engineering, groupe soupçonné d’entente illégale dans l’attribution des marchés liés aux barrages. Coincé comme il n’est pas permis, Chang démissionne, déclarant avec un flegme qu’on lui envie : « Je ne crois pas que je puisse continuer à occuper ce poste ».

Un autre Coréen, Choi Yul, est en taule depuis mars 2013 pour avoir protesté contre la construction des barrages. Écologiste d’une autre trempe que les zozos d’ici, il a créé la Fédération coréenne des mouvements écologistes (KFEM), adhérente des Amis de la Terre. De sa prison, il a envoyé une lettre dont Charlie extrait ces quelques mots : « Si être membre du mouvement écologiste me rend coupable, alors j’accepte avec joie ma condamnation. Je laisse à l’environnement, qui est le tribunal du futur, le soin de me juger ».

De leur côté, Hyundai, Samsung, Daewoo et leur ancien président d’ami font la gueule. Car le « Projet des 4 fleuves » devait être vendu clés en main à l’Algérie, à la Thaïlande, au Paraguay, au Maroc. Faudrait voir à mieux truander.

À ceux du Vercors et des environs

Les gens de l’association naturaliste Mille Traces sont d’excellentes personnes, et je me fais un (minuscule) devoir de répercuter leur appel au peuple du Vercors. Voici :

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Chantier écovolontaire de restauration d’une mare

Les 19 et 20 octobre prochain, nous réalisons le chantier de restauration de la mare des Ruilliers sur Saint Agnan en Vercors. Il s’agit de poser une clôture, de couper une partie des roseaux et de curer une partie de la vase.

Pour ce faire, nous recherchons des bénévoles, les personnes extérieurs au plateau du Vercors seront accueillies pour la nuit du samedi au dimanche. Le samedi soir nous prévoyons une choucroute collective, nous comptons sur chacun pour les extras (entrées, desserts, boissons).

Afin de limiter le coût nous cherchons aussi du matériel :

  • prêt de Waders,
  • prêt de cuissardes
  • prêt de tailles haies
  • prêt de coupes branches
  • prêt de cisailles à gazon,
  • prêt de croissants emmanchés
  • prêt de masses
  • des isolateurs électriques
  • des piquets de clôture1,50m
  • du fil électrique de clôture

Afin d’organiser au mieux l’opération,

merci de vous manifester au plus vite et si possible d’ici le 13 octobre 2013 !

En savoir plus : Zone humide des Ruilliers
Mille traces
Rousset en Vercors
26420 Saint Agnan en Vercors
Tel / Fax : 04 75 48 13 77

Mail : contact@mille-traces.org
Site : http://www.mille-traces.org

Hollande, sa Conférence, son foutage de gueule

Cet article a paru dans Charlie Hebdo le 25 septembre 2013

Même pas drôle. Le gouvernement a organisé la semaine passée une Conférence environnementale avec des écolos au pied. Au programme : rien. À l’arrivée : que dalle.

Conférence environnementale. Commencée vendredi, terminée samedi, oubliée dimanche. C’est plus chiant qu’on ne croit à écrire, mais le raout convoqué la semaine passée par Hollande n’aura été que petite politicaillerie. La planète crame pour de vrai, et nos zozos socialos la jouent Quatrième République, donnant un peu à tout le monde. Quelques miettes ici, trois rogatons là. Dernière trouvaille en date : une invention technocratique présentée comme une taxe sur l’énergie, qui pourrait rapporter des merveilles à la saint-glinglin, à moins qu’elle ne disparaisse dans le trou noir du budget de l’État. Ça s’est vu ? Pardi ! c’est la règle.

Commençons par le cadre : ce vendredi 27 septembre, le GIEC devrait rendre public son cinquième rapport sur l’état du climat planétaire. Des fuites annoncent ce qu’on savait déjà : les semblants de digue n’ont pas tenu, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, de même que le niveau des mers et les extrêmes climatiques. On va droit au bordel géant, avec des centaines de millions de réfugiés chassés de chez eux par la montée des eaux ou des températures. Le petit père Pachauri, prix Nobel de la paix et président du GIEC : « Il est minuit moins cinq ».
Pas pour Hollande. Pour notre bon président, ce sera toujours l’heure de lire L’Équipe, dont on sait que c’est une priorité matinale. À côté du classement de la Ligue 2, rien ne vaut. Tout le microcosme « vert » sait qu’il ignore tout, absolument tout, des questions de base posées par la crise écologique. Et que, par-dessus tout, il s’en tape. Ayrault de même. Les Verts idem, qui sont mieux accrochés à leurs banquettes que la patelle à son bout de granit.

La vérité, approximative, est ailleurs que dans les salons. Pour être sûr de bien tenir sa Conférence de pépères, Hollande a fait lourder les rares qui auraient pu gêner les images pour TF1. Le « Rassemblement pour la planète » a ainsi été exclu sans explication, alors qu’il réunit tous les bons connaisseurs des liens évidents entre santé et environnement.

Exeunt l’association « Générations futures », qui est derrière toutes les mobilisations contre les pesticides, ainsi que le « Réseau Environnement Santé » (http://reseau-environnement-sante.fr), en pointe sur tous les sujets. À la place, on a invité huit associations, dont quatre appartiennent à France Nature Environnement (FNE), des gens bien élevés dont 70 % des recettes viennent de l’État et des collectivités locales. Pas de « Générations futures », mais un siège pour les surfeurs si gentillets de Surfrider.

Toute la Conférence aura été du même tonneau. Pendant qu’on faisait semblant de parler agriculture et eau, les vraies décisions étaient prises ailleurs. Le 14 septembre, à Rennes, Ayrault annonçait que les porcheries de moins de 2 000 bêtes n’auraient plus besoin d’enquête publique, ni d’étude d’impact. Avec une simple déclaration, on peut désormais conchier tous les environs. Pour ne pas faire de jaloux, le sous-ministre à l’Agriculture Guillaume Garot rendait visite le 19 septembre au « restaurant » KFC de Paris-Alésia. KFC, rappelons-le, c’est Kentucky Fried Chicken, une chaîne de fast-food qui a une ribambelle de casseroles au cul. Et alors ? Garot était sur place pour contresigner un partenariat.

Même cohérence à propos de la biodiversité. Tandis qu’une table ronde blablatait sur le sujet à la Conférence environnementale, on chantait sur le terrain une autre chanson. Le 15 septembre, le ministère de l’Écologie autorisait les chasseurs à buter des loups dans le Var et les Alpes-Maritimes au cours de leurs simples battues au gibier. Or le Loup est protégé par une convention internationale, et ce feu vert aux tueurs ramène en fait, et tranquillement, au XIXème siècle. Pareil ou presque dans les Pyrénées, où les défenseurs de l’ours en sont réduits à lancer un appel à la surveillance des braconniers (contact : vigie@ferus.org), qui gueulent de plus en plus forts, assurés qu’il sont de l’impunité.

La place manque et manquera toujours pour le reste. Sarkozy avait inventé le Grenelle de l’Environnement. Hollande a sa Conférence. Rien de neuf sous l’implacable soleil. Vert.

Je ne devrais pas vous le dire…

…mais j’essaie d’oublier toutes les misères du monde. C’est difficile, je n’y parviens pas à chaque moment, de loin. Mais quand je nage dans les eaux de l’Atlantique, chaque matin et chaque soir, c’est comme si tout pouvait recommencer vraiment. La vague déferle, le ciel est empli de roses surprises, l’oiseau posé sur l’océan suit le courant et le vent. Il n’y a plus que l’immensité du son et de l’espace.

Oui, je suis dans l’Ouest, et je vous souhaite à vous aussi le meilleur.