Barbares aux couteaux étoilés (un oeillet à la boutonnière*)

Je n’ai guère le droit, je le crains et je le crois, d’aborder la question réelle de la ville réelle. C’est-à-dire cette incroyable violence faite aux femmes, aux hommes et aux enfants condamnés à la Géhenne pour être nés au mauvais endroit. Je n’ai pas le droit, je le prends. Fin mars, une bureaucratie de l’ONU – ONU-Habitat – réunissait à Rio de Janeiro un conclave douillet censé réfléchir à l’avenir des villes du monde (ici). Notre beau pays était représenté, c’est dire à quel point nous nous sentons concernés, par le sénateur Yves Dauge, urbain urbaniste, et socialiste s’il vous plaît. Si. L’ouverture. L’un des ultimes feux follets de cette belle idée sarkozyenne.

De quoi a-t-on discuté à Rio ? De ceci, et c’est rigoureusement sic : « le droit à la ville, l’accès au logement, la diversité culturelle et l’identité dans les villes, gouvernance et participation, urbanisation durable ». Je ne crois pas que les braves personnes de l’ONU aient déposé leurs bagages au Morro da Providência ou au Complexo do Alemao, car ce sont des bidonvilles. Il y pue, il y pleut des balles, on y attrape la grippe et le typhus. Pour la seule année 2007, la police de Rio a abattu 1260 personnes, dont la quasi-totalité vivaient dans des bidonvilles. Et comme vous le savez sans doute, des trombes d’eau sans précédent à Rio depuis quarante ans ont donné naissance à des fleuves de boue, lesquels ont englouti des pans de collines, et donc des morceaux de bidonvilles. Oui, les bidonvilles sont loin des plages de Copacabana, cela se comprend. Combien de morts cette fois ? Je vous l’annonce en exclusivité : on ne le saura jamais. Il y a les morts qu’on dénombre et qui passent à la télé. Et les autres.

Revenons-en à nos bureaucrates du « Forum urbain mondial », réunis par milliers entre le 20 et le 26 mars dernier. Pour la façade et le décorum, on aura donc parlé de la ville. Et pour de vrai, de la succession de la directrice du machin, la Tanzanienne Anna Tibaijuka. Oui, la pauvre s’en va, après dix ans de petits fours et de réunions internationales. Mais par qui diable la remplacer ? Le choix semble d’une grande clarté. D’un côté l’Ougandaise Agnes Kilabbala; de l’autre le Catalan et ancien maire de Barcelone Joan Clos. Une femme, un homme. Une Noire, un Blanc. Le Sud, le Nord. Oui, tout paraît limpide. D’où vient alors ce sentiment de détestation des deux, et du reste ?

La ville est perdue. Voilà l’explication que je me donne. Le mythe puissant et presque indéracinable de la ville résiste encore à toutes les réalités. Pourtant, quoi de commun entre Uruk, la ville de Gilgamesh et – peut-être – de l’écriture, et disons Lagos, capitale nigériane devenue proprement invivable pour les pauvres ? Quoi de commun entre Sumer, les Amorrites, les milliers d’années de pensée et de civilisation et le désastre de tant de millions de personnes qui n’ont plus aucun ailleurs à imaginer ? Les villes ont perdu la partie, définitivement. Et les bureaucrates internationaux qui maintiennent la fiction d’un « progrès » perpétuellement remis à demain sont des tricheurs. Des arnaqueurs.

En 1950, le monde comptait 30 % d’urbains. Et 50 % en 2007. Et sûrement 60 % en 2030 ou avant. Et probablement 70 % en 2050 ou avant. Ou jamais, qui sait ? Les chiffres officiels, qui sont burlesques – qui décide, et comment ? -, sont aussi les seuls disponibles. L’ONU estime donc que 777 millions d’humains vivaient dans des bidonvilles en 2000, et qu’ils étaient 830 millions en 2010. On voit l’amélioration. L’avenir est encore plus prometteur, car l’on estime que la quasi-totalité des trois milliards d’humains supplémentaires attendus d’ici 2050 seront des bidonvillois. Des Bidonvillais. Des merdes.

Comme la parole appartient en totalité à ceux qui roulent en bagnole et vivent dans des centre-villes, on ne sait pratiquement rien du sort des pauvres. D’ailleurs, le saurait-on qu’on ne pourrait se mettre à la place de qui doit faire vingt kilomètres à pied pour vendre deux bricoles sur la place d’un marché. C’est impossible. C’est impossible. Mon ami Patrick me racontait ces derniers jours un voyage qu’il vient de faire à Bamako, au Mali. Cette ville comptait 2500 habitants en 1884. 100 000 en 1960, au moment de l’indépendance. Trois millions aujourd’hui, répartis sur 40 km de longueur. Patrick me parlait des vapeurs d’essence frelatée qui embrument et empuantissent jusqu’à la nausée le centre improbable de cette ville impossible. Des mamas assises sur le trottoir vendent un ou deux colifichets chaque jour, le nez dans cette horreur pendant des heures.

Qui dira ? Personne. J’ai voyagé dans le Sud, naguère, et j’ai vu. Il n’y avait pas besoin d’être grand clerc pour saisir l’impasse tragique dans laquelle les villes du monde s’engloutissaient. Je me souviens par exemple de Dakar, ancienne capitale – mais si ! – de l’Afrique occidentale française (AOF). De Constantine. De Managua. Je me souviens de ma tristesse d’alors, qui n’a jamais disparu. En 1975, il y avait cinq villes de 10 millions d’habitants et plus. Il y en a 19, qui regroupent 275 millions d’habitants. Il y en aura 23 dans cinq minuscules années. Mumbai – Bombay – dépassera alors les 26 millions, Lagos les 23. J’ai toujours su, je crois, en tout cas ressenti, que ces espaces étaient maudits. Qu’il n’y aurait jamais de vraies routes, de médecins, d’égouts, d’eau potable, de chiottes présentables. Je l’ai toujours su.

Tous ceux qui prétendent le contraire mentent, par intérêt ou sottise. La seule voie est (probablement) à rechercher du côté des habitants des bidonvilles eux-mêmes. Il existe dans ces lieux oubliés de la conscience une immense jeunesse, qui pourrait sans doute se mobiliser. L’argent existe, on le sait, chez ces ignobles salauds de spéculateurs et d’agioteurs. Il faudra bien qu’ils rendent gorge, de gré ou de force, mais en attendant, il manque cruellement une connexion essentielle entre eux et nous. Entre notre destin de petits-bourgeois de la planète et celui de ces frères si lointains. Avez-vous entendu l’une de nos Excellences de droite ou de gauche seulement évoquer cette question pourtant capitale ? Non, certes. Et pourtant, nous continuons à leur accorder nos voix, comme si.

Comme si quoi ? Nous ne changerons pas volontiers. Nous ne nous mettrons en mouvement que contraints, poussés en avant par les baïonnettes du monde. Mais nous pouvons, mais nous devons au moins réfléchir et mettre en ordre nos pensées avant ce moment désormais fatal. Les réorganiser. Les hiérarchiser. Cesser de croire qu’un pet de madame Royal ou un rot de monsieur Sarkozy pèsent davantage que le sort de milliards d’autres que nous. Pour commencer, je suggère d’ouvrir les yeux sur ce que nos villes à nous sont devenues. Car elles sont hideuses. Car l’entrée par la route dans Saint-Brieuc, Strasbourg, Toulouse, Montpellier, Orléans, Bordeaux, Paris lève le cœur. L’immondice de la marchandise – zones industrielles, centres commerciaux, panneaux publicitaires – a détruit ce qui fut vivant. Ce qui a été nôtre âme commune pendant des siècles.

Bien entendu, ce désastre bien réel n’a rien à voir avec l’épouvante des slums, des gecekondus, des bustee, des kachi abadi, des ranchos, des ciudades perdidas, des mudduku ou des favelas. Bien sûr. Reste que le premier mouvement consiste à regarder autrement. À parler différemment. À chasser le bidonville de nos cerveaux. Car tel est bien le malheur général : la « bidonvillisation » de l’esprit humain.

*Il m’est revenu cette image, empruntée à Bernard Lavilliers. Celle de l’extrême violence, celle de l’extrême contraste.

22 réflexions sur « Barbares aux couteaux étoilés (un oeillet à la boutonnière*) »

  1. Je me demande parfois comment l’esprit humain (enfin là, prosaïquement, nos élus locaux) peut concevoir sans sourciller une telle laideur. Je parle des abords de nos villes.

    Quant aux mégalopoles, aux bidonvilles, le coeur se serre devant un tel désastre…

  2. bonjour Fabrice, bonjour tout le monde, sympa de te lire à nouveau!
    Si touchée par le désarroi que tu sais si bien transmettre, qui permet de mesurer la dureté de la situation de Anna Tibajiuka! car c’est effectivement excessivement dur!
    « Oui, la pauvre s’en va, après dix ans de petits fours et de réunions internationales.  »
    trop déprimant!
    je reposte ce document photographique très détaillé faites bien défiler jusqu’au mot « enter » et ensuite au choix: Afrique, Amérique du Sud, Asie (audiovisuel)
    réalisé par un photographe de l’agence Magnum et qui illustre si bien ton propos
    http://www.theplaceswelive.com/

  3. Nos « élites » n’ont même pas d’excuse véritable, cher Fabrice. Il existe dans nos contrées, non pas des bidonvilles certes, mais des « bidonquartiers ». L’humble usager des transports en commun que je suis en a croisé du regard en région parisienne (Seine-Saint-Denis) et dans la métropole lilloise. La solution préconisée par M. Besson et ses amis du gouvernement : on rase, comme cette « jungle » de Calais, qui avait remplacé feu le « camp de réfugiés » (sic) de Sangatte. Supprimez les « habitations » des pauvres, vous ne supprimez pas la pauvreté et la misère. Vous les déplacez. Et elle se concentrera de nouveau ailleurs… Bonne journée.

  4. Bonjour,

    Les hommes,

    http://cbudde.free.fr/IMG/jpg/bidonvilles_Inde.jpg

    http://www.fgautron.com/weblog/wp-content/CRW_0180s.jpg

    Les animaux,

    http://a33.idata.over-blog.com/0/02/23/33/pototos-7/punaruu20112003_3_.jpg

    http://romuald-vieux.net/wp-content/uploads/2010/01/Caniche-13.jpg

    C’est dans la tête de certains êtres « intelligents » qu’il faudrait commencer a faire un grand nettoyage!

    PS.Heureuse de vous retrouver,cher Fabrice.Je me languissait de votre jolie poubelle…Bien a vous.Si,si,véridique.

    Bises a tous,Léa.

  5. Contre le gigantisme des villes:

    « Le développement des Slow Cities repose sur le refus des grandes villes dont l’échelle est sans mesure avec les capacités humaines de perception et de déplacement. C’est pourquoi les Slow Cities comprennent obligatoirement moins de 60 000 habitants. La critique du gigantisme est consubstantielle à celle de la vitesse. L’un des enjeux pour les prochaines décennies sera donc de vider progressivement les mégalopoles qui ne peuvent, du simple fait de leur gigantisme, développer une politique de la lenteur et de la relocalisation.

    un modèle dont pourrait s’inspirer madame Voynet?

    http://carfree.free.fr/index.php/2008/03/04/cittaslow-les-villes-lentes-contre-la-frenesie-automobile/

    Le mouvement a donc débuté en Italie, où il s’est rapidement étendu à une cinquantaine de villes. Il est désormais actif sur le plan international. Les municipalités qui souhaitent participer, doivent souscrire à une charte qui comporte 6 axes d’action : l’environnement, les infrastructures, l’urbanisme, la mise en valeur des produits locaux, l’hospitalité et la sensibilisation de la population. Une fois qu’elles ont obtenu le label “Citta Slow”, les
    municipalités s’engagent à ce que toutes leurs actions soient conformes aux exigences de la charte. Chaque année, un prix récompense une ville particulièrement méritante.

    Comment devenir une ville lente

    L’adhésion au réseau Cittaslow implique des améliorations concrètes de la qualité de vie des habitants dans les 6 domaines d’action de la charte, …L’éloge de la lenteur est aussi celui du temps nécessaire à la maturation, au doute, à la délibération, au choix. Les habitants des villes lentes mènent donc une réflexion sur la temporalité nécessaire au respect de la démocratie : il faut déjà en finir avec la foi illimitée dans le temps qui vient, que véhicule, par exemple, le scientisme ambiant. La démocratie comme l’éducation a besoin de lenteur.

    Le réseau Cittaslow a adopté un manifeste qui comprend 70 recommandations et obligations : mise en valeur du patrimoine bâti existant plutôt que construction de nouveaux bâtiments; volonté de réduire fortement les consommations énergétiques; promotion des technologies « vertes » pour assurer les besoins énergétiques indispensables; diminution des déchets et développement de programmes de recyclage; multiplication des zones piétonnes avec le souci de ne pas en faire des lieux voués au seul commerce; développement des commerces de proximité avec interdiction progressive des grands centres commerciaux…; ….. avec la volonté de limiter le nombre d’automobiles; développement de la solidarité intergénérationnelle; exclusion des OGM et des « temples » de la restauration rapide; développement d’une véritable démocratie participative, etc.

  6. Bonjour Fabrice,

    Votre texte m’a illico embarquée en pensée et en souvenir dans le film réalisé par Maurice Pialat « L’amour existe ». Vous y retrouverez, j’en suis sûre, tout ce qui fait votre joie.
    http://www.youtube.com/watch?v=VJgp8_yOJAc
    puis : http://www.youtube.com/watch?v=tju683zLPaw

    A bientôt,

    —-
    Ci-dessous, la restranscription du texte (voix off) :

    Longtemps j’ai habité la banlieue. Mon premier souvenir est un souvenir de banlieue. Aux confins de ma mémoire, un train de banlieue passe, comme dans un film. La mémoire et les films se remplissent d’objets qu’on ne pourra plus jamais appréhender.

    Longuement j’ai habité ce quartier de Courbevoie. Les bombes démolirent les vieilles maisons, mais l’église épargnée fut ainsi dégagée. Je troque une victime contre ces pierres consacrées ; c’était un camarade d’école ; nous chantions dans la classe proche : « Mourir pour la patrie », « Un jour de gloire vaut cent ans de vie ».

    Les cartes de géographie Vidal de Lablache éveillaient le désir des voyages lointains, mais entretenaient surtout leur illusion au sein même de nos paysages pauvres.

    Un regard encore pur peut lire sans amertume ici où le mâchefer la poussière et la rouille sont comme un affleurement des couches géologiques profondes.

    Palais, Palace, Eden, Magic, Lux, Kursaal… La plus belle nuit de la semaine naissait le jeudi après-midi. Entassés au premier rang, les meilleures places, les garçons et les filles acquittent pour quelques sous un règne de deux heures.

    Parce que les donjons des Grands Moulins de Pantin sont un « Burg » dessiné par Hugo, le verre commun entassé au bord du canal de l’Ourcq scintille mieux que les pierreries.

    A quinze ans, ce n’est rien de dépasser à vélo un trotteur à l’entraînement. Le vent d’hiver coupait le polygone du Bois de Vincennes ; moins sévère que le vent de l’hiver à venir qui verrait les Panzers répéter sur le terrain.

    Promenades, premiers flirts au bord de la Marne, ombres sombres et bals muets, pas de danse pour les filles, les guinguettes fermeraient leurs volets. Les baignades de la Marne, Eldorado d’hier, vieillies, muettes et rares dorment devant la boue.

    Soudain les rues sont lentes et silencieuses. Où seront les guinguettes, les fritures de Suresnes ? Paris ne s’accordera plus aux airs d’accordéon.

    La banlieue entière s’est figée dans le décor préféré du film français. A Montreuil, le studio de Méliès est démoli. Ainsi merveilles et plaisirs s’en vont, sans bruit

    « La banlieue triste qui s’ennuie, défile grise sous la pluie » chantait Piaf. La banlieue triste qui s’ennuie, défile grise sous la pluie. L’ennui est le principal agent d’érosion des paysages pauvres.

    Les châteaux de l’enfance s’éloignent, des adultes reviennent dans la cour de leur école, comme à la récréation, puis des trains les emportent.

    La banlieue grandit pour se morceler en petits terrains. La grande banlieue est la terre élue du P’tit pavillon. C’est la folie des p’titesses. Ma p’tite maison, mon p’tit jardin, mon p’tit boulot, une bonne p’tite vie bien tranquille.

    Vie passée à attendre la paye. Vie pesée en heures de travail. Vie riche en heures supplémentaires. Vie pensée en termes d’assistance, de sécurité, de retraite, d’assurance. Vivants qui achètent tout au prix de détail et qui se vendent, eux, au prix de gros.

    On vit dans la cuisine, c’est la plus petite pièce. En dehors des festivités, la salle à manger n’ouvre ses portes qu’aux heures du ménage. C’est la plus grande pièce : on y garde précieusement les choses précieuses.

    Vies dont le futur a déjà un passé et le présent un éternel goût d’attente.

    Le pavillon de banlieue peut être une expression mineure du manque d’hospitalité et de générosité du Français. Menacé il disparaîtra.

    Pour être sourde la lutte n’en est pas pour autant silencieuse. Les téméraires construisent jusqu’aux avants-postes.

    L’agglomération parisienne est la plus pauvre du mon-de en espaces verts. Cependant la destruction systémati-que des parcs an-ciens n’est pas achevée. Massacre au gré des spéculations qui sert la mode de la ré-sidence de faux luxe, cautionnée par des arbres centenaires.

    Voici venu le temps des casernes civiles. Univers concentrationnaire payable à tempérament. Urbanisme pensé en termes de voirie. Matériaux pauvres dégradés avant la fin des travaux.

    Le paysage étant généralement ingrat. On va jusqu’à supprimer les fenêtres puisqu’il n’y a rien à voir.

    Les entrepreneurs entretiennent la nostalgie des travaux effectués pour le compte de l’organisation Todt.

    Parachèvement de la ségrégation des classes. Introduc-tion de la ségrégation des âges : parents de même âge ayant le même nombre d’enfants du même âge. On ne choisit pas, on est choisi.

    Enfants sages comme des images que les éducateurs désirent. Jeux troubles dans les caves démesurées. Contraintes des jeux préfabriqués ou évasion ? Quels seront leurs souvenirs ?

    Le bonheur sera décidé dans les bureaux d’études. La ceinture rouge sera peinte en rose. Qui répète aujourd’hui du peuple français qu’il est indiscipliné. Toute une classe conditionnée de copropriétaires est prête à la relève. Classe qui fait les bonnes élections. Culture en toc dans construction en toc. De plus en plus la publicité prévaut contre la réalité.

    Ils existent à trois kilomètres des Champs-Élysées. Constructions légères de planches et de cartons goudronnés qui s’enflamment très facilement. Des ustensiles à pétrole servent à la cuisine et à l’éclairage.

    Nombre de microbes respirés dans un mètre cube d’air par une vendeuse de grands magasins : 4 millions

    Nombre de frappes tapées dans une année par une dactylo : 15 millions

    Déficit en terrain de jeux, en terrain de sport :75%

    Déficit en jardin d’enfant : 99%

    Nombre de lycées dans les communes de la Seine : 9. Dans Paris : 29

    Fils d’ouvriers à l’Université : 3%. A l’Université de Paris : 1,5%

    Fils d’ouvriers à l’école de médecine : 0,9%.

    A la Faculté de lettres : 0,2%

    Théâtre en-dehors de Paris : 0. Salle de concert : 0

    La moitié de l’année, les heures de liberté sont dans la nuit. Mais tous les matins, c’est la hantise du retard.

    Départ à la nuit noire. Course jusqu’à la station. Trajet aveugle et chaotique au sein d’une foule serrée et moite. Plongée dans le métro tiède. Interminable couloir de correspondance. Portillon automatique. Entassement dans les wagons surchargés. Second trajet en autobus. Le travail est une délivrance. Le soir, on remet ça : deux heures, trois heures, quatre heures de trajet chaque jour.

    Cette eau grise ne remue que les matins et les soirs. Le gros de la troupe au front du travail, l’arrière tient. Le pays à ses heures de marée basse.

    L’autobus, millionnaire en kilomètres, et le travailleur, millionnaire en geste de travail, se sont séparés une dernière fois, un soir, si discrètement qu’ils n’y ont pas pris garde.

    D’un côté les vieux autobus à plate-forme n’ont pas le droit à la retraite, l’administration les revend, ils doivent recommencer une carrière.

    De l’autre, les vieux travailleurs. Vieillesse qui doit, dans l’esprit de chaque salarié, indubitablement survenir. Vieillesse comme récompense, comme marché que chacun considère avoir passé. Ils ont payé pour ça. Payé pour être vieux. Le seul âge où l’on vous fout la paix. Mais quelle paix ? Le repos à neuf mille francs par mois. L’isolement dans les vieux quartiers. L’asile. Ils attendent l’heure lointaine qui revient du pays de leur enfance, l’heure où les bêtes rentrent. Collines gagnées par l’ombre. Aboiement des chiens. Odeur du bétail. Une voix connue très lointaine… Non. Ils pourraient tendre la main et palper la page du livre, le livre de leur première lecture.

    Les squares n’ont pas remplacé les paysages de L’Ile de France qui venaient, hier encore, jusqu’à Paris, à la rencontre des peintres.

    Le voyageur pressé ignore les banlieues. Ces rues plus offertes aux barricades qu’aux défilés gardent au plus secret des beautés impénétrables. Seul celui qui eût pu les dire se tait. Personne ne lui a appris à les lire. Enfant doué que l’adolescence trouve cloué et morne, définitivement. Il n’a pas fait bon de rester là, emprisonné, après y être né. Quelques kilomètres de trop à l’écart.

    Des années et des années d’hôtels, de « garnis ». Des entassements à dix dans la même chambre. Des coups donnés, des coups reçus. Des oreilles fermées aux cris. Et la fin du travail à l’heure où ferment les musées. Aucune promotion, aucun plan, aucune dépense ne permettra la cautérisation. Il ne doit rien rester pour perpétrer la misère. La leçon des ténèbres n’est jamais inscrite au flanc des monuments.

    La main de la gloire qui ordonne et dirige, elle aussi peut implorer. Un simple changement d’angle y suffit.

  7. Bonjour à tous,

    Chapeau bas pour cette feuille….Les médias traitent ce qui se passe au Brésil, plutôt comme un épisode de catastrophe naturelles.(intempéries…).C’est vraiment désolant.les morts sont tous concentrés dans les favelas.

    Çà fait plaisir de te relire.

    Yves.

  8. Heureusement que nous sommes attachés à la fidélité de quelques chiens qui tirent nos solitudes hors des ornières de la vie !

  9. Léa elles sont bien ces photos, (une vient de magnum;
    des bises à Chrsit64;

    A propos de ce mouvement cités slow:

    http://www.fondation-nicolas-hulot.org/engagement/eco-reportages/citta-slow

    « Aucune ville française ne fait partie du réseau « Città Slow ». Dommage, car ce n’est pas juste un label qu’on affiche à l’entrée de la ville. C’est avant tout une démarche, un mode de gouvernance, qui prône le respect de l’environnement et la solidarité entre les citoyens.

    Un exemple simple : dans la province de Pérouse, en Italie, neuf villes, très en retard sur la question des déchets, se sont associées pour inciter les habitants à trier leurs déchets. Par le biais d’une carte magnétique, chaque personne qui apporte ses déchets triés à la déchetterie peut enregistrer la quantité déposée et bénéficier, en retour, d’une remise sur son impôt local. Un dispositif qui a permis d’augmenter le taux de recyclage de 15 % à 35 %.

    Et les progrès continuent. Mais « Città Slow » ne se limite pas à rectifier l’existant. Le Label engage les élus (et leurs successeurs) à faire toujours plus d’efforts pour améliorer la qualité de vie de leurs citoyens. A ceux qui craignent des excès de localisme, « Città Slow » répond que le réseau permet simplement le partage et la circulation des bonnes pratiques. Car les enjeux du développement durable sont communs à l’ensemble de la planète et la solidarité entre acteurs du changement peut se jouer à différentes échelles. »
    concrets et pragmatiques et pas prétentieux , comme (peut-être) dame Voynet en son donjon municipal scrutant l’avenir des ses gueux, pardon de la population.

  10. J habite à Casablanca la ville est infernale, les bidonvilles nombreux il m arrive d y etre invité et malgrés tout il y a de la joie et de la vie certaine fois bien plus que dans les villas de plusieurs centaines de mètres carré qui les jouxtent sans aucune pudeure… et la vie continue… ce n est pas possible, bien sur qu un jour tous ces pauvres gens laissés sur le bord se lèveront et réclameront leur part du gateau.

  11. Un lien sur les enfants des rues:
    http://www.droitsenfant.com/rue.htm
    Certains servent de « réservoirs » pour le monstrueux trafic d´organes. Rares sont ceux qui survivent aux « opérations chirurgicales » effectuées dans la nuit. On ne retrouve bien souvent qu´un petit corps mutilé auquel il manque un ou plusieurs organes.
    C´est un sujet qui me tient particulièrement à coeur et sur lequel j´ai travaillé, mais si Fabrice le considère comme hors-fil, il peut effacer ces quelques lignes.

  12. A propos de Bombay et de ses bidonvilles vécus et racontés de l’intérieur : ne pas hésiter à lire le roman autobiographique « Shantaram » de Gregory David Roberts. Cet Australien, après s’être évadé de prison dans son pays, est allé refaire sa vie à Bombay. Il a vécu de longs mois dans un de ses bidonvilles, où il s’est improvisé médecin. On sort à la fois horrifié et émerveillé de ce témoignage.

    J’aimerais rebondir sur la fin de ton texte, Fabrice : la « bidonvillisation » des esprits. Je vois un certain rapport entre mes pensées et une ville moderne : je consomme sans arrêt les pensées des autres (par internet, la radio, les livres…), une telle quantité de pensées que je ne peux sans doute pas en assimiler plus de 5 ou 10%. Autrement dit, mon cerveau est pollué par les pensées, comme une ville par la consommation, les déchets, etc… Les concepts et les représentations ne sont-ils pas après tout les « habitants » de mon cerveau ?!

    Est-ce quelque chose de similaire que tu veux dire par « chasser le bidonville de nos cerveaux » ? Y aurait-il un lien entre notre hyper-consommation conceptuelle et l’état des villes ?
    Ou bien est-ce que je suis en train de chercher midi à 14h ?

  13. Cher Emmanuel,

    Ma foi, non, je ne crois pas que tu cherches midi à quatorze heures. Cela me paraît plein d’intérêt, et nous oblige, moi le premier, à réfléchir. ? Nada ni nadie nos podrá apartar de este camino. De veras.

    Fabrice Nicolino

  14. Emmanuel, c’est rudement intéressant. On dirait bien qu’il y a un lien. Vous souvenez-vous de l’aveu non-déguisé de celui qui vend du temps de cerveau à un fabricant de soda ? De ces « marques » surpuissantes venus remplacer les anciennes « enseignes » et qui ont besoin de villes pour écouler leurs stocks de merdes (Troyes…) ? Vous dites consommer les pensées des autres mais sont-ce de « vraies » pensées, des pensées pensées, ou bien l’expression des autres, ou encore les produits culturels manufacturés des autres ?

    Notre cerveau n’est qu’à nous, non ? Ici, je me permets de vous suggérer la lecture de « Propaganda » de E. Bernays à la Découverte. Et je lirai le livre que vous conseillez car j’étais en Inde du Nord récemment à construire une machine qui produit de la vapeur au solaire – je ne suis toujours pas revenue de ce que j’y ai vu.

  15. il y a quelque chose qui doit m’échapper, mais je ne lis que très rarement des textes faisant part d’expériences (positives ou pas et sorties des stéréotypes) menées en France et EUROPE! je ne comprends pas pourquoi il est besoin d’aller à l’autre bout de la planète alors qu’autour de nous, il y a ce grand continent européen dont nous sommes les citoyens munis de droits politiques (droit de pétition par exemple)qui connait aussi beaucoup de misères;
    peut-être est-ce le reflet de ce que l’on appelle son déclin? avons-nous le sentiment de faire partie de ces terres? celles de nos ancêtres à nous tous?

    quoiqu’il en soit des pauvres et des misérables il y en a énormèment ici: Russie, Angleterre, France; France, il suffit de regarder dans les rues parisiennes : de pis en pis, j’ai honte de voir ces vieilles femmes réduites à dormir à l’abri de mauvais cartons, à l’entrée du métro! dans les années des mes études certes il y avait des clochards mais pas toute cette pauvre humanité laissée à elle-mêm; alors il est moins excitant de parler de çà: il vaut mieux aller faire de l’humanitaire ailleurs: généralement très bien payé et prestigieux! plus que ces idiots du samu social, mal payés et totalement anonymes, les petits pompiers de la misère.
    Si la politique sert encore à quelque chose c qd mêm ici qu’il nous est possible d’agir d’abord; France telecom : qui a laissé son fournisseur d’accès orange? on accepte sans problème notable que ces pauvres mecs n’aient plus comme issue que la mort?

  16. «Grande class action contro
    le società delle carte di credito»
    Une Class action est en cours contre les cartes de crédit.
    Grâce à une loi votée en 2009, « la class action » est possible aux consommateurs-citoyens ; la banque nationale à interdit l’édition de nouvelles cartes « american express » aussi contre le crédit revolving; Ici tous ces sujets font l’objet de débats dans la presse, Laurence Parisot a rejeté cette possiblité au motif que les « entreprises française sont trop fragiles »; d’accord pour la concurrence chinoise mais pas pour la défense des conso.
    attendons-nous encore à des articles infamants contre ce pays qui ose résister aux maitres!

  17. Marie – je crois que « l’humanitaire ailleurs » dont tu parles à juste titre s’est beaucoup développé en lien précisément avec la notion de « développement » portés par les pays riches. Nous (vieille Europe) nous nous sommes pensés comme « développés » et avons mis en place notre aide vers des pays dits « sous-développés » ou « en voie de… ». Impossible de nous considérer nous-mêmes comme sous développés, évidemment…

    A mon sens, le système d’aide humanitaire tel qu’il existe actuellement fait intégralement partie du système capitaliste et n’a rien d’admirable.

    Je crois que s’il y a peu d’expériences en Europe parce que c’est un vieux continent, de surcroît très étranglé par l’administration et/ou la corruption. Tout cela existe ailleurs mais dans d’autres pays, il y a une présence de la débrouille qui permet de faire avancer beaucoup de choses sur le terrain. Je trouve pour l’instant que c’est très difficile de faire des choses spontanément, à la confiance, sans (au minimum) un statut d’association, avec une assurance, un visa du préfet, etc. Ailleurs, certains besoins sont tellement criants que c’est plus facile d’avancer. Par exemple, pour l’Inde, avant d’y aller nous avons fait le tour de tout ce qui était possible en France, et bien peu est concrètement possible sorti de solutions à très courts termes reposant sur de lourds programmes subventionnés. Après quelques échanges de mails, aucun entrepreneur français n’aurait mis gratuitement son usine à notre disposition pour élaborer une machine solaire capable de faire tourner un moteur à vapeur en échange de notre travail lui aussi gratuit. C’est juste pas possible dans le cadre de pensée français, même dans le milieu alternatif.

    Cela dit il me semble que si on supprimait le travail associatif en France, qui prend en charge tant de choses que le gouvernement ne porte plus, eh bien les coutures craqueraient de partout. L’humanitaire bien payé c’est une toute petite élite, pour le reste, ici comme ailleurs, c’est comme tu dis « les petits pompiers de la misère ».

  18. merci Eva; le lien ci-dessous est très instructif et son contenu à diffuser: idées simples sur la crise.

    Discours de François ASSELINEAU qui fait le point sur la situation économique et politique lors d’une réunion des adhérents et sympathisants d’Ile-de-France de l’UPR, le 13 février 2010 à Paris. Vous apprécierez toute la différence entre ce que nous raconte notre classe politique et la gravité de la situation. La question qui se pose, plus que jamais : « jusqu’où va-t-on descendre ? »

    http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/francois-asselineau-nous-sommes-25847

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