Archives de catégorie : Forêts du monde

L’Orang-outan, le WWF et les Anonymous (une leçon)

Qu’est-ce qui est important ? L’Orang-outan, le Gorille, le Chimpanzé et nous, avons hérité de cinq chromosomes semblables. Pour la raison que notre ancêtre commun les possédait. L’Orang-outan, sans doute moins imbécile, a commencé d’évoluer de son côté, en Asie, il y a environ 12 millions d’années. Loin de notre aventureuse destinée. J’aime énormément les serpents – j’en ai tenu de gros dans les bras, et des petits, venimeux, contre la peau -, les fourmis, les oiseaux, les libellules, les batraciens, les abeilles bien sûr, et des centaines d’autres bestioles de toute taille. Mais j’ai également passé un grand nombre d’heures devant les cages réservées aux orangs-outans du Jardin des Plantes de Paris. Non, inutile de me dire, je sais. Ce sont des taulards. Ils mériteraient qu’on foute le feu à leurs saloperies de cages, j’en suis bien certain. Mais depuis quand ne peut-on considérer, éventuellement aimer des prisonniers ?

J’aime profondément ces bêtes. Leurs gestes de contentement, leurs lubies, leur apparente mélancolie, la grâce de leurs membres s’ouvrant comme des fleurs, les liens noués entre les jeunes et les autres, le cuir de leur paume, leur cheveu roux, et fou. Et je repose la question : qu’est-ce qui est important ? Pour moi, un monde où ne pourraient plus vivre des orangs-outans libres serait une Géhenne pour tous. Je viens de lire un article inouï sur la dévastation de lieux jadis à l’abri de la folie économique (ici). À Bornéo, tronçonneuses et bulldozers détruisent une forêt tropicale si belle à mes yeux qu’écrivant ces mots ordinaires, j’en ai soudain comme un tremblement. Des barbares qui nous ressemblent tant arrachent des arbres et plantent à leur place des palmiers à huile qui se transformeront en nécrocarburant ou en obésité sans frontières, sous la forme de centaines de plats cuisinés industriels.

Je ne cherche pas de qualificatif. Selon moi, les organisateurs de ce massacre relèvent d’un procès de Nuremberg qui n’aura pas lieu. Il y a cinq ans, j’ai écrit un livre (La faim, la bagnole, le blé et nous) pour dénoncer le crime des biocarburants. J’avoue, un peu honteux désormais, que j’espérais un sursaut. Dieu sait que j’ai alerté, directement, la galaxie écologiste et altermondialiste. Rien. La plupart de ces messieurs-dames se vautraient alors dans les salons sarkozystes, pour y fêter leur Grenelle de l’Environnement. À Bornéo, mais aussi dans une partie croissante de l’Asie du sud-est, la forêt disparaît au profit de cette vérole appelée palmier à huile. Les plantations ne durent que quelques années, car au-delà, elles ne donnent plus assez de fruits. C’est l’abandon, suivi d’un autre massacre un peu plus loin. Bientôt, si ce n’est déjà fait ici ou là, la splendeur des forêts n’existera plus que dans les films. Pour les orangs-outans et tant d’autres merveilles, la fin de ces territoires signifie bien entendu la mort. Il resterait moins de 60 000 de ces primates en liberté restreinte.

L’Indonésie – qui occupe cette partie de Bornéo qu’on nomme Kalimantan – est le plus grand producteur d’huile de palme au monde, et la surface plantée de palmiers y a été multipliée par 27 en une vingtaine d’années. On parle d’augmenter la production d’encore 60 % d’ici 2020. Le soja dans le bassin amazonien, pour nourrir notre malheureux bétail. L’huile de palme des forêts pluviales d’Asie, pour nourrir nos bagnoles. Ce n’est pas une honte, c’est un crime collectif, et il est majeur. Dans les deux cas, une association se prétendant écologiste joue le rôle évident de fourrier. Et c’est le WWF, qui continue d’incarner la protection, alors qu’elle accompagne sans état d’âme la destruction accélérée du monde. En Amérique latine, le WWF a lancé une table-ronde sur le soja responsable en compagnie de Monsanto et Cargill. J’ai déjà tant écrit sur ce sujet que je n’insiste pas. C’est immonde (ici et ici). En Indonésie, idem. Le WWF, qui y trouve un intérêt financier, promeut une soi-disant Table ronde pour une huile de palme durable (ici) avec les responsables industriels du désastre. Il s’agit bien entendu d’une vulgaire caution, qui couvre par exemple l’usage massif du paraquat, l’un des pesticides les plus dangereux au monde, interdit bien sûr en France (ici). Vous avez bien lu : le WWF soutient des gens qui utilisent du paraquat dans les plantations. Les paysans qui triment au milieu des vapeurs méphitiques ne viendront jamais cracher leurs poumons dans les beaux bureaux du WWF-France, carrefour de Longchamp, Paris. Et je le regrette bien.

Or donc, l’huile de palme tue les orangs-outans, et le WWF fait semblant. Tout le monde n’a pas envie d’être gentil avec la marque au Panda. Je souhaite même ardemment que cette mystification soit de plus en plus combattue ouvertement. Et certains ne m’ont pas attendu. Ainsi, les hackers abrités sous le beau nom d’Anonymous (ici) ont-ils mené une action lucide contre le WWF d’Indonésie (ici). Vous trouverez ci-dessous les détails. À mes yeux, le WWF a choisi son camp, et ce n’est évidemment pas le mien.

Le site officiel de l’ONG WWF Indonésie piraté par les Anonymous

25 septembre 2012 – 1 commentaire

wwf_indonesia_logo Publié par UnderNews Actu

Ce n’est pas le premier piratage qui touche l’ONG de protection de la Nature. WWF avait vu son compte Twitter piraté et utilisé pour diffuser de la publicité puis son site des Philippines victime d’une intrusion en 2011. Cette fois, c’est le site Indonésien qui en a fait les frais, action revendiquée par les Anonymous. Explications.

Des Anonymous reprochent à l’organisation mondiale de protection de l’environnement de s’être accoquinée avec Monsanto et les créateurs d’OGM. Le site Internet indonésien du WWF (wwf.or.id) a été visité. Le pirate qui se déclare faire parti du collectif Anonymous et revendique une intrusion sur le serveur. Bilan : des bases de données diffusées sur la Toile.

L’hacktiviste, qui participe à l’opération « Stop Green mafia« , explique que l’association écologiste se serait rapprochée de Monsanto, Syngenta, Cargill, et d’autres sociétés en 2005 lors d’une table ronde sur le soja transgénique (RTRS) et la culture d’huile de palme.

Anonymous reproche à la WWF de ne pas avoir agi contre l’utilisation d’un pesticide basé sur le glyphosate. Un produit qui provoque cancer et altérations génétiques. « A Bornéo 13.920 hectares de la forêt vierge ont été détruits », soulignent Anonymous. « Seuls 80 hectares de la forêt ont été préservés de la destruction. Moins de 10 orangs-outans y vivent, aujourd’hui« . Le WWF certifie que les cultures de palmiers (destinés à la production d’huile)  ont été réalisées de manière efficace, en prenant compte du reboisement.

« WWF, comment pouvez-vous conclure que détruire les forêts, les animaux et la nature, est écologiquement durable ? Votre masque d’écologiste ne peut pas cacher la dévastation des cultures et des êtres vivants par Monsanto, Wilmar International et les autres grandes entreprises de l’agro-industrie génétique« .

L’Anonymous a diffusé adresses, logins, mots de passe et données privées internes à la WWF Indonésie.

Mais ce n’est pas fini. Il n’y a qu’à voir le Twitter @OpGreenRights pour s’en rendre compte. Le site World Wild Life subit de très lourdes attaques DDoS et se retrouve hors ligne depuis quelques jours consécutifs.

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Mélenchon et les Indiens de Sarayaku (ode à la « révolution citoyenne »)

Pour Grego

Habitué aux sports de haute voltige, je vais commencer, moi qui ai conchié tant de fois Jean-Luc Mélenchon, par lui rendre hommage. Attention, c’est un saut périlleux arrière retourné, et je ne suis pas sûr de bien me rattraper. Roulement de tambour. Les paroles de Mélenchon dans Libération (ici) m’ont paru sortir du cadre habituel de la simple propagande. Cette dernière y était bien sûr, mais pour qui s’en tient aux mots, nul doute qu’il y avait là une petite musique intéressante.

En deux mots, Mélenchon y affirme que le tournant de son Parti de Gauche vers l’écologie n’a rien de tactique. Il s’agirait d’une conversion profonde et sincère. L’avenir, bien que présenté d’une manière nébuleuse, appartiendrait à la « règle verte », à la « planification écologique ». Certaines formules prêtent tout de même à sourire, comme : « Il faut cesser de produire et d’échanger dans des conditions telles que la capacité de renouvellement de l’écosystème n’y répond plus. C’est simple, ça se chiffre et ça se planifie ». Mais au total, allez, une mention passable. Inutile d’insister, à ce stade, sur le but à peine caché de faire disparaître, à terme, le parti EELV. Au reste, je m’en fous bien.

Où sont passés les textes de 1992 ?

Pour être honnête ou tenter de, signalons les 18 thèses pour l’écosocialisme proposées au débat dans le Parti de Gauche (ici, puis chercher un peu). J’ai lu, ce qui ne doit pas être le cas de tout le monde. Si je veux être (très) gentil, je dirai que c’est rempli de proclamations et de bonnes intentions. Un peu comme le programme du parti socialiste d’avant 1981, que défendait d’ailleurs, à l’époque, Mélenchon. On a vu. Les programmes de partis sont comme des promesses. Des mirages. Et si j’essaie d’être franc, j’ajouterai qu’il s’agit de vieilleries assez consternantes. Le mot écosocialiste, désolé de faire de la peine aux mélenchonistes, a été employé à de nombreuses reprises dans le passé, et a même été défendu avec clarté par la Ligue communiste révolutionnaire il y a de longues années.

Le pire n’est pas là : il n’y a aucune analyse de la situation réelle du monde. De la dislocation déjà entamée de nombreuses sociétés sous le coup de la crise écologique. On se croirait en 1970. On y est, d’ailleurs. La crise diabolique du climat, la crise sans limites apparentes de la biodiversité, la crise mortelle des océans, la crise planétaire des sols fertiles ne sont pas au tableau. En somme, les questions politiques les plus essentielles ne font pas partie de la discussion publique. Quel étrange parti écosocialiste.

Retour à Mélenchon. Il est important de savoir ce que ce politicien pense. Non pour lui, je l’avoue, mais à cause des gens, souvent d’excellentes personnes, qui croient en lui. Mélenchon, dans l’article de Libération évoqué, se vante de textes qu’il aurait écrits sur l’écologie dès 1992. Qu’il les publie donc, que l’on puisse rire un peu ! Ne remontons pas à Mathusalem, seulement au 22 octobre 2012. Ce jour-là, l’agence chinoise Xinhua publie une dépêche (ici, en français) qui résume un entretien que lui a accordé Mélenchon. Que dit-il ? « Je considère que le développement de la Chine est une chance pour l’humanité ». Une telle phrase, je pense, a le mérite de la clarté, mais comme elle m’a littéralement soufflé, j’ai cherché une confirmation. Les bureaucrates chinois, staliniens dans l’âme, avaient peut-être tordu le propos de notre grand Leader Écosocialiste ?

La croissance chinoise est une chance pour l’humanité

Eh bien non. Le 28 octobre 2012, Mélenchon était l’invité de Tous Politiques sur France Inter (ici), et y parlait à nouveau de la Chine (à partir de la minute 44). Il y confirme sans détour que la « croissance chinoise est une chance pour l’humanité ». Je crois pouvoir affirmer, car à la différence de Mélenchon, je sais de quoi je parle, que notre Grand Homme de poche démontre ainsi qu’il n’a strictement rien d’un écologiste. L’inculture profonde, l’ignorance abyssale ne sauraient être une excuse pour raconter de telles inepties. Car la Chine, comme je l’écris en de nombreux endroits depuis une dizaine d’années, nous menace tous, elle d’abord, d’un krach écologique à côté duquel la Grande Dépression d’après 1929 ressemblerait à une dispute pour un bout de chocolat.

Je n’ai pas le temps de détailler, mais même ici, sur Planète sans visa, il est aisé de retrouver certains textes grâce au moteur de recherche. La Chine, qui devient la plus grande économie mondiale, n’a plus d’eau, plus d’air, plus de terres agricoles capables de supporter une croissance démentielle. Et elle ruine en conséquence, pour des siècles au moins, quantité de pays d’Asie – le Cambodge et le Laos sont en haut de la liste – et désormais d’Afrique, s’emparant aussi bien du bois que du pétrole ou encore de millions d’hectares de terres destinées à produire, in fine, la viande que réclame tant sa classe moyenne.

Dire que la croissance chinoise, qui n’est que dévastation, est une chance pour tous n’est pas seulement imbécile. C’est aussi criminel. Je pèse mes mots, si. Dans la même émission d’Inter, Mélenchon se répand comme à son habitude sur la supposée vitalité des gauches latino-américaines. C’est justement de cela que je voulais vous parler, comme en atteste le titre que j’avais placé tout là-haut avant de commencer ce roman-fleuve. Le 17 février 2013, l’Équateur vote pour l’élection de ses président et vice-président de la République. Le président actuel, Rafael Correa, se représente et espère l’emporter une nouvelle fois. Qui est-il ? Un homme de gauche, à coup sûr. Est-il plus proche de la ligne Chávez que de la ligne Lula ? C’est hautement probable, et ce qui est certain, c’est que Correa est l’un des grands inspirateurs de Mélenchon. Il a notamment popularisé l’expression un brin étrange connue sous le nom de « révolution citoyenne » que le Français arrange désormais à toutes les sauces. Pendant la campagne présidentielle du printemps dernier, Correa a envoyé à Mélenchon un vibrant message de soutien, rendu public, qui commençait ainsi : « Querido Jean-Luc ». Et finissait par ce vieux slogan guévariste : «  ¡ Hasta la victoria, siempre ! ».

Les 1200 habitants de Sarayaku

Je pense que cela suffit pour établir la grande proximité entre les deux hommes. Et je poursuis. Les élections équatoriennes approchent, et surtout, ne quittez pas, car je vais (probablement) vous apprendre quelque chose. L’Équateur est un pays deux fois plus petit que le nôtre, peuplé de 15 millions d’habitants. Entre Quito, la capitale, installée sur les flancs d’un volcan, à 2850 mètres d’altitude, et l’Amazonie équatorienne, il n’y a pas grand chose en commun. Dans la forêt légendaire, des peuples indiens survivent tant bien que mal. Mal. Et parmi eux les kichwa. Et parmi eux, les 1200 habitants du village de Sarayaku (ici). Ils vivent de, ils vivent avec la forêt depuis des milliers d’années.

Mais le pétrole ne vaut-il pas mieux que tout ? Voici un court résumé, emprunté à Frontière de vie (ici) : « Afin de développer l’exploitation du pétrole amazonien, l’Etat équatorien a emprunté des milliards de dollars à l’étranger, s’endettant de façon effrayante. Cercle vicieux, l’Etat ne peut espérer rembourser ses dettes qu’en augmentant encore l’exploitation pétrolière, ce qui implique une surexploitation dépassant toutes limites. 1.500.000 hectares de forêts sont déjà en exploitation. 500 km de routes ont été construites pour permettre l’installation de 400 puits de pompage. Ces puits génèrent quotidiennement 17 millions de litres de déchets toxiques non traités. Ces déchets sont déversés dans des bassins à ciel ouvert qui débordent lors des pluies tropicales et se répandent dans la forêt. Dans certaines rivières, toute vie a disparu ».

Un grand désastre, donc, synonyme de « développement », cette parole maudite qui réunit les droites comme les gauches. Mais Sarayaku résiste aux compagnies pétrolières depuis 25 ans. Surtout depuis qu’en 2003, ces frères humains ont réussi à foutre dehors des ouvriers payés par un pétrolier, défendus par 400 militaires, venus pour de premiers travaux. Il est impossible de seulement évoquer les principaux événements de cette saga. Elle fait des habitants de Sarayaku des héros de l’humanité. Et ils tiennent. Encore et toujours. Greg m’envoie de Colombie un article du quotidien de Bogotá El Espectador (ici, en espagnol). J’y apprends que Los hijos del jaguar, les fils du jaguar comme ils se nomment, sont au cœur du débat de la présidentielle en cours. Correa, ce fier combattant de la « révolution citoyenne » entend ouvrir un peu plus aux pétroliers l’Amazonie équatorienne,. D’un mot, l’Équateur est l’une des zones les plus riches en biodiversité de notre planète. Peut-être la plus riche. Sans doute. On y a recensé environ 1 600 espèces d’oiseaux, 4 000 d’orchidées, 382 de mammifères.

 Les Indiens vendus par Correa aux transnationales

Je lis une dépêche en espagnol de l’agence chinoise – décidément – Xinhua, en date du 29 novembre 2012 : « El gobierno de Ecuador convocó hoy a la XI Ronda Petrolera de Licitación 13 campos del suroriente del país para la exploración y explotación de crudo, en medio de la resistencia de comunidades indígenas de la Amazonía ». Le gouvernement de Quito vient de lancer des enchères pour l’exploitation de 13 champs pétrolifères au beau milieu de la résistance de communautés indiennes de l’Amazonie. Voici les propres mots du querido compañero de Mélenchon, Correa soi-même : « Bienvenidos todos los inversionistas que buscan esa rentabilidad razonable, pero con altísima responsabilidad ambiental ». Bienvenue à tous les investisseurs qui cherchent une rentabilité raisonnable, mais avec un haut sentiment de responsabilité environnementale : on croirait du Total dans le texte. Mélenchonistes éventuels, qui me lisez, épargnez-moi vos leçons : Correa vend son pétrole et les Indiens qui sont au-dessus aux transnationales.  Point final. Et tant pis pour le climat, et tant pis pour la biodiversité, et tant pis pour ces extraordinaires cultures indiennes qui sont pourtant, razonablemente, une partie de notre avenir possible.

Alors, désolé, je ne marche pas. L’écosocialisme vérolé que Mélenchon tente de fourguer en France à des crédules – chaque génération a les siens -, non merci. À moins, amis mélenchonistes, que je ne me trompe ? À moins que The Great Leader Chairman ne vole publiquement au secours des Indiens de Sarayaku, et désavoue son cher ami Rafael Correa ? Ce serait, pour le coup, une vraie nouvelle, susceptible de me faire changer d’avis sur ce que je tiens pour une pure foutaise. Tenez, il y a même un rendez-vous : en avril 2013, Correa prévoit l’organisation à Quito d’un forum mondial de sa soi-disant « révolution citoyenne ». Mélenchon a, je crois, prévu d’y aller. C’est le moment, camarade écosocialiste, de prouver que les mots et proclamations ont un sens.

Trois mots encore sur Notre-Dame-des-Landes

C’est bien triste pour moi, mais je n’ai pas été de la fête. Pour une raison impérieuse, que je ne peux donner ici, je n’ai pas pu aller à Notre-Dame-des-Landes samedi passé. Mais j’ai vu à quel point c’était splendide. Merci aux lecteurs de Planète sans visa d’avoir raconté leur voyage, et sachez que j’ai évidemment tout dégusté, jusqu’à la dernière ligne.

Combien étions-nous – car j’étais là tout de même – dans le bocage ? Nul ne le sait, mais enfin, déplacer des milliers, des dizaines de milliers de personnes d’un bout à l’autre de la France pour se crotter les pieds dans un chemin creux, cela relève de l’exploit. Ce que je ressens en pensant à ce rassemblement, c’est ce que les anciens navajos appelaient hozro. Un mot si puissant qu’on ne peut le traduire. Il signifie marcher dans la beauté du monde, être en harmonie avec lui, de plain-pied avec ce qui nous entoure, avec le jour qui lève. Oui, vous qui avez participé à cet événement, et vous tous qui l’avez soutenu d’ici ou d’ailleurs, vous avez – nous avons – vécu un instant hozro. Et personne ne nous le reprendra plus.

Quoi d’autre ? Le début fragile d’un mouvement qui se cherche et se cherchera longtemps encore. Le passage d’un monde dominé par les objets et les choses à un autre où règnerait l’esprit et les valeurs humaines les plus essentielles, ce passage ne peut que prendre du temps. Mais il n’y a rien de pire, au point où nous en sommes, que l’immobilité. Notre-Dame-des-Landes crée du mouvement, et qui est en mouvement avance. Vers où ? Commençons par marcher.

Pour le reste, et en quelques mots, voici ce qui me fait soutenir les combattants de Notre-Dame-des-Landes. Je le précise pour éviter tout malentendu, il n’est pas dans ma tête de hiérarchie. Dans le désordre qui m’habite, j’extrais :

– La vie. Près de 2 000 hectares habités par des êtres de toutes sortes, de l’arbre au ver, de la grenouille à la terre mouillée, du loriot au murin de Daubenton, de l’orchis brûlé à l’ache inondée. Ils étaient là avant nous, je leur souhaite ardemment d’au moins survivre à notre barbarie.

-Les gens. La rencontre, en 2008, avec Marie, Elisabeth, Paul et les autres a modifié, d’une manière invisible mais réelle, ma trajectoire. Ces habitants du bocage menacé m’ont fait sentir l’extraordinaire injustice qui leur est faite. Depuis, je pense à eux. Pas chaque jour, mais souvent. Ils comptent. Ils font partie de ma vie.

-Les zones humides. Nos si ridicules dirigeants n’ont jamais entendu parler de zones humides, ces territoires où l’eau est reine, essentiels à la régulation des rivières et de leurs crues, essentiels à la recharge des nappes, essentiels à la dépollution des conneries que tous les Ayrault de la Terre fabriquent et disséminent. 98 % du territoire convoité pour l’aéroport est une zone humide et l’ONU vient de publier son millième rapport – solennel, comme à l’habitude – sur la question. En un siècle, la planète a perdu la moitié de ses zones humides, et la France du drainage intensif, sans doute davantage.

-L’avion. Je déteste l’avion. Non pas le voyage en avion, et même si je n’utilise plus qu’avec la plus extrême parcimonie ce moyen de déplacement, je dois dire qu’il m’a souvent rendu heureux. Partir de Paris, débarquer à New York, ou Dakar, ou Alger, ou Managua, ou Tegucigalpa, ou Mexico, ou Moscou, ou Delhi, ou Miami, ou Londres, ou Lima, ou Buenos-Aires, ou Montreal, ou Nairobi, ou Dacca, ou Rome, ou Madrid, tant d’autres villes, cela me fut un immense plaisir. Mais dans le même temps, j’ai toujours su que l’avion était une façon désastreuse de penser le monde. En écrasant la distance, en compressant le temps, jusqu’à donner à la vitesse le pouvoir de décider à notre place. La vitesse est l’ennemie du genre humain, de la pensée, de la réflexion, de l’action même. Puis, j’ai toujours su, je crois, que l’avion signifie opposer ceux d’en-haut et ceux d’en-bas. Ceux qui prennent un taxi à la sortie de JFK et ceux qui croupissent dans les bidonvilles de Kayelitsha, Dharavi, Kibera ou Vila Cruzeiro. Ceux qui vont bronzer leur cul à Bali ou Saint-Domingue, à Djerba ou aux îles Maldives, et ceux qui vendent le leur ou celui de leurs gosses. Le tourisme de masse est l’une des formes les plus achevées de la destruction du monde et de ses cultures. Et l’avion est le prophète de ce criminel définitif.

-Le climat. Cette infâme trouvaille d’Airbus appelée A380 – premier vol commercial en 2007 – consomme, d’après ses ingénieurs, 15 % de kérosène en moins que ses prédécesseurs. Mais le plan commercial de l’avion misait – bien obligé – sur un triplement du trafic aérien en vingt ans. En somme, on consommera peut-être un peu moins par avion en 2025, mais beaucoup plus compte tenu de l’explosion du trafic. La loi française de 2005 oblige à réduire de 80 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. On ne le fera évidemment pas. Chirac, Hollande, Sarkozy seront morts depuis longtemps. Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est un déni flagrant, insupportable de la crise climatique dans laquelle leur « développement » nous a plongés.

Bien au-delà de ce que je viens d’écrire, la bataille de Notre-Dame-des-Landes apparaît de plus en plus comme une croisée des chemins. Où l’on continue droit devant, sur cette autoroute du malheur, où nous attendent la dislocation des sociétés humaines, la dévastation finale des écosystèmes, et des affrontements de nature biblique, ou bien nous bifurquons. Le chemin de traverse n’est pas la voie de la tranquillité. Il nous obligera à l’intelligence et à l’humilité. Au courage, à l’extrême solidarité, aux plus grands sacrifices. Comble de tout, rien ne nous garantira jamais le succès. Mais c’est en tout cas le sentier de la vie pour tous, sur cette Terre qui devient peu à peu inhabitable.

Il faut se convaincre que Notre-Dame-des-Landes est une cause supérieure, pour laquelle nous devons donner beaucoup. Du temps, de l’argent, des actes. La coalition des idiots et des salauds doit être défaite. Rien ne dit avec certitude qu’elle le sera. Rien ne m’ôtera de la tête qu’elle peut l’être.

Un magnifique Appel mexicain (pour Notre-Dame-des-Landes)

Ça ne pouvait pas mieux tomber pour Planète sans visa. Je venais à peine de mettre en ligne l’article précédent – je me permets de dire qu’il faut le LIRE –, que je recevais le beau texte de solidarité qui suit. C’est un signe des cieux. Un signe facétieux des dieux qui veillent sur nous. Peut-être. En tout cas, le Mexique que j’aime tant, ce Mexique des paysans, des Indiens et de leurs défenseurs envoie un abrazo fraternal à ceux de Notre-Dame-des-Landes. La boucle se boucle, il me semble.
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Le 25 octobre, dans le cadre de la rencontre/séminaire « Mexique – Europe : ils ne passeront pas », des centaines de personnes se sont réunies au Centre intégral de formation indigène/université de la Terre de San Cristóbal de Las Casas au Chiapas. Parmi les participants se trouvaient des internationaux, des habitants de San Cristóbal de Las Casas et de nombreux paysans et délégués des communautés de Bachajón, de Tila, de la forêt des Chimalapas (Oaxaca) ainsi que d’autres villages et hameaux du Chiapas, venus partager et écouter les expériences de résistance face aux mégaprojets, en Europe et au Mexique. L’initiative de cette lettre de soutien, signée depuis par de nombreuses organisations, personnes et collectifs mexicains, est née dans la foulée de ces rencontres.

DU MEXIQUE, LETTRE DE SOUTIEN À LA LUTTE DE NOTRE DAME DES LANDES

30 octobre 2012

Aux gens de Notre-Dame-des-Landes et de la France en résistance

À l’ACIPA, à l’ADECA, à la coordination des opposants au projet d’aéroport,

Aux associations « COPAIN »,  aux habitants et habitantes qui résistent et à tous les occupants et occupantes de « la Zone à défendre » ZAD,

Aux médias alternatifs et sincères,

À l’Autre Campagne et à la Sexta Internationale,

Aux luttes contre les mégaprojets et pour la défense de la Terre de toutes les parties du monde

Ici, au Mexique, c’est rage et indignation que nous ressentons après avoir été informés de l’expulsion et de la destruction de maisons, de forêts et de terres de culture par la police française à Notre-Dame des Landes, depuis le 16 octobre dernier. Une zone agricole est menacée par le gouvernement socialiste français et son premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui veut imposer sur ces champs de l’ouest de la France un nouvel aéroport de taille internationale, et ce malgré l’opposition des paysans et des paysannes, des jeunes et d’une bonne partie de la population. Nous savons que ce chantier est complètement inutile vu qu’il y a déjà beaucoup d’aéroports en France, et nous sommes au courant du réchauffement climatique global provoqué par la multiplication des avions que seuls les riches peuvent se payer. Nous savons aussi, car ils voulaient l’imposer aux villages d’Atenco dans l’État de Mexico, que la construction d’un aéroport entraîne à elle seule la convoitise pour les terres, l’urbanisation accélérée et l’implantation d’industries dans des zones encore rurales, où l’environnement a été préservé. Ce que ces projets amènent, c’est la division et le contrôle social de la population, et encore une fois ce sont les paysans qui se retrouvent spoliés par des constructions imposées de force et uniquement destinées aux gens de la ville ayant beaucoup d’argent.

Malgré l’énorme distance qui nous sépare, nous voulons vous dire que nos luttes sont semblables : votre lutte est un miroir de la situation de pillage que nous vivons sur nos terres. Il est important pour nous de nous informer de ce qui arrive en Europe, parce que ce sont des modèles qu’on veut nous imposer ici aussi et que nous non plus, nous ne voulons pas perdre nos terres, nos territoires et nos modes de vie.

Nous voulons vous dire également qu’au Mexique, nous luttons aussi contre le pillage des terres, comme c’est le cas des communautés de Tila et de Bachajon au Chiapas, où les terres sont menacées d’être spoliées pour des projets touristiques, ou bien encore dans l’Isthme de Tehuantepec, où les terres sont enlevées aux villages indigènes ikoots et binniza, et où sont imposées des centaines et des milliers d’éoliennes produisant de l’énergie pour les multinationales et où, tout comme à Notre-Dame des Landes, la police est envoyée pour surveiller les chantiers ; ou encore à Huexca, dans l’État de Morelos, où des CRS ont été envoyés il y a quelques jours pour imposer un gazoduc et une usine thermo-électrique d’une entreprise espagnole, et cela malgré les risques liés à la proximité du volcan Popocatépetl ; comme à Atenco, où le projet d’aéroport est toujours d’actualité ; comme ce qu’il se passe contre les communautés zapatistes au Chiapas, que le gouvernement veut  déposséder des terres récupérées grâce au soulèvement  de 1994 ; comme, enfin, dans des dizaines et des centaines d’autres villages et de communautés partout au Mexique, où ils nous dépossèdent de la terre et nous imposent des projets de mort, mines à ciel ouvert, barrages hydroélectriques, autoroutes, « villes rurales », et tant d’autres projets de « développement » qui cherchent à en finir avec nos communautés et nos terres collectives.

Ces projets inutiles bénéficient seulement aux entreprises telles que OHL, ENDESA, GAMESA, EDF, MALL, GOLDCORP, BLACKFIRE, IBERDROLA, MONSANTO, parmi d’autres. C’est à cause de ces entreprises qu’ils nous répriment et nous envoient la police et les CRS ; mais aussi qu’ils corrompent, achètent les élections et imposent des gouvernements, comme cela fut le cas du président Enrique Peña Nieto et de tant d’autres marionnettes politiques. Leur cupidité et leur désir sans limites d’imposer ces mégaprojets en arrivent même à l’ignominie d’instrumentaliser des groupes paramilitaires, d’imposer les cartels de la drogue et de payer des tueurs à gage pour nous assassiner.

Partout dans le monde, chaque jour nous voyons plus clairement jusqu’à quel point peuvent en arriver ceux d’en haut afin de mettre en place des politiques qui piétinent les peuples au bénéfice du pouvoir économique. Ils sont capables d’inventer une guerre d’extermination contre tous ceux qui s’opposent comme nous à leurs plans de mort. Mais chaque fois qu’ils nous frappent, nous sommes encore plus conscients du système destructeur auquel ils veulent nous soumettre.

Compagnons et compagnes, nous ne fraternisons pas seulement dans la lutte contre la répression : nous voyons aussi que nous partageons la même conscience que notre planète n’appartient pas aux hommes politiques et aux riches qui sont leurs collègues, mais bien aux peuples et aux êtres vivants qui l’habitent. Nous partageons aussi la pleine conscience du fait que nous luttons partout contre ces gouvernements qui se disent démocratiques mais qui nous imposent ces projets, nous divisent et nous détruisent pour satisfaire la dictature de l’argent.

C’est pour cela que nous voulons vous donner du courage dans votre lutte, dans cette étape difficile où ils saccagent vos maisons et vos terres. Nous voulons vous dire que bien que nous ne soyons pas près de vous, vous n’êtes pas seuls et seules. Nous sommes très nombreux à lutter jour après jour contre ces projets de mort pour défendre nos terres, nos territoires et nos façons d’être, c’est-à-dire pour défendre la vie. Nous sommes très nombreux à lutter contre les entreprises transnationales et les gouvernements corrompus. Ce qu’il nous manque seulement, c’est de nous rencontrer, nous écouter et mieux nous solidariser dans la lutte. C’est le moment de réfléchir et de nous organiser face à la soumission à laquelle ils nous condamnent. C’est le moment de nous retrouver sur cette planète qui se rebelle.

COMPAGNONS ET COMPAGNES :

NOUS NE SOMMES PAS SEULEMENT QUELQUES-UNS, NOUS SOMMES DES MILLIERS! PAS UN PAS EN ARRIÈRE!

NOUS SOMMES AVEC VOUS !

À BAS LES PROJETS DE MORT ¡

VIVE LA SOLIDARITÉ !

VIVE LA LUTTE DE NOTRE-DAME DES LANDES !

VIVE LA LUTTE CONTRE LES MÉGAPROJETS INUTILES!

Signatures:

COLLECTIFS  ET ORGANIZACIONS DU MEXIQUE

Collectif à l’initiative du forum « Mexique – Europe: ils ne passeront pas »; Front des Villages en Défense de la Terre (FPDT), Atenco ; Assemblée des Villages Indigènes de l’Isthme en Défense de la Terre et du Territoire APIIDT), Isthme de Tehuantepec ; Organisations Indigènes pour les Droits Humains à Oaxaca (OIDHO), Oaxaca; Communautés Paysannes et Urbaines Solidaires (COMCAUSA) ; collectif « la Rébellion de Tehuantepec », Isthme de Tehuantepec ; Groupe Solidaire de la communauté La Venta, Isthme de Tehuantepec ; Union des Communautés Indigènes de la Zone Nord de l’Isthme (UCIZONI) ; Radio Communautaire « Las voces de los pueblos » 94.1 Matias Romero, Oaxaca ; Assemblée Nationale des Victimes Environnementales (ANAA); Alliance Mexicaine pour l’Autodétermination des Peuples (AMAP) ; Mouvement Agraire Indigène Zapatiste (MAIZ) ; Réseau National de Résistance au prix cher de l’électricité (Mexique) ; Réseau Mexicain d’Action face au libre-commerce (RMALC) ; Lien Urbain de la Dignité, Puebla ; Nœud des droits humains, Puebla ; Secteur National Ouvrier et des Travailleurs de la Ville, des Champs, de la Mer et de l’Air de l’Autre Campagne ; Syndicat National des Travailleurs d’Uniroyal ; Coalition des Travailleurs Administratifs et Académiques du Syndicat des Travailleurs de l’Université Nationale Autonome de Mexico ; Collectif Action intelligente des chômeurs, étudiants et travailleurs ; Centre autonome d’apprentissage et de formation politique des travailleurs et travailleuses de l’Autre Campagne ; Dorados de Villa ; Communauté Autonome Ernesto Guevara de la Serna ; Communauté Autonome Ollin Alexis Benhumea Hernández ; Secteur des Travailleurs de l’Autre Campagne-Oaxaca ; La Otra Huasteca Totonacapan ; Brigade de rue de soutien à la femme « Elisa Martínez », A.C. ; Réseau Mexicain du Travail Sexuel ; Espace social et culturel LA  KARAKOLA (Mexico DF) ; collectif POZOL, Tuxtla Gutierrez ; Zapateando (média libre adhérent de l’Autre Campagne) ; Agence d’Information Indépendante Noti-Calle ; Notilibertas ; émission radio « Les fils de la Terre » ; revue La Guillotina, Mexico, D.F. ; Croix noire Anarchiste de México ; Nodo Solidale Mexico ; Collectif Azcapotzalco, Mexico DF ; Coordination Nationale « Plan de Ayala »-Mouvement National (CNPA-MN) ; Organisation zapatiste « Education pour la libération de nos Peuples » ; collectif «Caracol Matlatl », Toluca (Etat de México) ; revue électronique Désinformémonos ; Kolektivo « de Boka en Boka», San Cristobal (Chiapas) ; Commune autonome de San Juan Copala, Oaxaca ; Comuneros du village de San Pedro Atlapulco (Etat de México) ; Centre des Droits Humains Digna Ochoa, A.C. (Tonala, Chiapas) ; Conseil Autonome de la zone côtière du Chiapas ; Front civique Tonaltèque AC (Tonala, Chiapas) ; Réseau contre la Répression et pour la Solidarité – Chiapas.

INDIVIDUS

Manuel Antonio Ruiz, Lycée communautaire José Martí ; Ricardo Alvarado (Toluca, México) ; Sonia Voisin (Lyon, Francia), Priscila Tercero, Adhérantes de l’Autre Campagne ; Gloria Muñoz Ramírez; Marcela Salas Jaime Quintana ; Sergio Castro ; Adazahira Chávez ; Felix Garcia Lazcarez ; Dr. Alfredo Velarde Saracho ; Elsa Mocquet, La Milpa, A.C. (San Cristobal, Chiapas) ; Alèssi Dell’Umbria (Marsella-Oaxaca)

COLECTIFS DE SOLIDARITE EUROPEENS

Groupe B.A.S.T.A., Münster, Allemagne ;  Les trois passants, Francia ; Plate-forme de Solidarité avec le Chiapas et le Guatemala de Madrid, España; Caracol Solidario, Franche-Comté ; Espoir Chiapas/Esperanza Chiapas; Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte, Paris; Collectif Chiapas – Ariège ; Comitat Chiapas – Aude ; Nodo solidale, Italie; centre social « le Passe-Partout »  et « Groupe CafeZ », Liège (Belgique).

Je suis allé à Notre-Dame-des-Landes, et j’y retournerai

En pensant à Lilou

Pour ceux qui ne sont pas au courant, car il y en a. Ayrault, actuel Premier ministre et ancien maire de Nantes, veut imposer un deuxième aéroport à cette ville de 300 000 habitants. Il a ressorti pour cela un projet des années 60, qui nécessite de détruire un bocage de près de 2 000 hectares somptueusement préservés. Sur place, la bataille fait rage entre 200 à 300 jeunes qui occupent les arbres et les clairières, d’une part, et environ 1000 flics de l’autre.

Mardi passé, avant-hier, j’étais à Notre-Dame-des-Landes. Je ne peux pas vous raconter pour le moment, car j’y étais en mission commandée. Mais c’était d’une rare beauté. Le bocage convoité par les abrutis du projet d’aéroport est somptueux, gorgé d’eau, décoré de houx géants, d’aubépines, de chênes. On s’y enfonce dans une boue noire qui paraît pouvoir vous aspirer, on y rencontre un peuple sautillant de Hobbits – des jeunes squatters venus de France, de Belgique, d’Angleterre, d’Allemagne, d’Afrique du Sud, d’Australie – qui refusent l’argent et toutes les conneries du monde. Dans ce pays neuf fait pour Peter Pan, le Lapin Blanc, John le Lézard ou le chat du Cheshire, traverser le miroir est un véritable jeu d’enfants.

Vous suivez un chemin, en pleine forêt, encerclé par les bouleaux et les châtaigniers, et vous tombez sur une clairière où les Hobbits ont planté une maison sublime, faite de matériaux récupérés dans les déchetteries et poubelles de notre si pauvre univers. Ou vous vous retrouvez comme par magie au pied d’une cabane poussée dans les arbres, tenue par des cordes et des nœuds, sans l’ombre d’un clou ou d’une vis. Je vous résume : ceux qui refusent le grand massacre sont d’une part un collectif d’habitants, que j’ai rencontrés. Ils sont épatants, et s’appuient avec bonheur sur les 200 à 300 Hobbits dispersés dans les forêts alentour. Ajoutons quelques dizaines de paysans, dont la propriété serait en partie ou en totalité touchée par les sagouins de l’aéroport. Ne pas oublier les flics. Depuis le 9 octobre, ils sont entre 500 et plus de 1 000 à tenter de virer les Hobbits. Avec des dizaines d’engins, parfois des hélicos. Ils ont aidé à détruire quantité de cabanes, mais aussi des maisons en dur, qui étaient là depuis des lustres. Ces pauvres barbares n’ont visiblement pas conscience de la triste besogne qu’on leur fait accomplir.

Bon, stop, car j’ai à faire. J’ai à écrire. Encore un mot : le samedi 17 novembre, une grande manifestation nationale a lieu sur place. Il s’agira de réoccuper le bocage au nez et à la barbe des gardes mobiles. Et de rebâtir, poutres et planchettes en main, ce qui a été détruit. Si la flicaille ne gâche pas cette fête, cela sera sans doute grandiose. Parmi les lecteurs de Planète sans visa, quantité ont déjà demandé : mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Il y a des jours où je ne sais pas quoi répondre, mais en ce matin du 8 novembre 2012, je vous le dis sans hésiter : il faut aller à Notre-Dame-des-Landes. Il faut montrer que nous sommes là, bien là, et que ce lamentable aéroport ne doit pas être construit. Merde ! L’heure n’est pas à la dérobade. Il faut y être. Il faut en être. Pas de mot d’excuse.

Le site des Hobbits : http://zad.nadir.org/

Le site de l’Acipa, la grande association locale : http://acipa.free.fr/

Une vidéo : http://www.laseiche.net/les-chroniques-de-la-seiche/article/si-loin-si-proche-3-en-pays-de