Archives de catégorie : Chasse

Chirac en superforme (sur les chasseurs)

Je viens d’attraper ce qui suit sur le site de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Allain Bougrain Dubourg, son président, rapporte une anecdote hallucinante concernant Jacques Chirac. Jacques Chirac et les chasseurs. Je vous le dis, les gars et les filles, ça va sévèrement buzzer. Ce type aurait-il l’intention de déconner pour de bon ?

Le papier de Bougrain Dubourg :

Jacques Chirac : les chasseurs en question

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L’échange d’amabilités entre Jacques Chirac et François Hollande, en Corrèze, a généré des interrogations de la part des observateurs : humour ou acte manqué ?

Chasseur - Crédit : FotoliaCe doute me ramène au 13 décembre 2010. Ce jour-là, suite à la proposition de Nelly Olin, ancienne ministre de l’environnement du gouvernement Villepin, nous rencontrons le Président à sa fondation. Au cours de la conversation, nous abordons le dossier chasse. Le Président se montre alors brusquement, disons vindicatif.

N’ayant pas souhaité prendre de notes lors de cet entretien, c’est de mémoire que je rapporte ses propos :

« Ceux-là, ils finissent par m’agacer. Comment peut-on tuer une bête sans défense ? Lors d’un accident de chasse quand l’un a tiré sur l’autre, je me dis que ça en fait un de moins ».

Nelly Olin tempère alors immédiatement le Président : « Monsieur le Président, vous ne pouvez pas dire une chose pareille ! ».

Et le Président d’enchaîner : « Non seulement je le dis mais je le répète et vous pouvez le dire à qui vous voulez ! ».

Le Président faisait-il de l’humour ou révélait-il un acte manqué ? L’actualité du moment m’amène à me poser la question.

Allain Bougrain Dubourg
Président de la LPO

Ce qu’est réellement une forêt (et un village Potemkine)

Ce qui suit n’est qu’un exemple d’une manipulation mondiale. D’une mise en scène planétaire visant à dissimuler la réalité de la destruction de nos seuls joyaux. Je vous le dis simplement : imaginez l’émeraude du duc de Devonshire, et ses 1384 carats. Un barbare ordinaire l’écrase sous vos yeux d’un coup de marteau. Elle n’est plus. Et un autre soudard, de passage, tente de vous convaincre que cette pierre synthétique, qu’il a acheté trois sous, pleine de discrètes bulles d’air, c’est la même chose. En plus beau, qui sait ?

Si vous marchez dans la supercherie, laissez-moi vous plaindre. La beauté authentique est aussi une vérité. Un mouvement de l’âme qui ne peut se travestir. Où veux-je en venir ? À un terrifiant rapport du ministère de l’Environnement et des Forêts de l’Inde. Vous n’aurez pas forcément la patience de regarder de près, en langue anglaise qui plus est, le rapport de 226 pages que les bureaucrates de service ont pondu sur l’état des forêts de ce monde lointain (lire ici). Ai-je tout lu moi-même ? Non, bien sûr. Je me suis contenté des appréciations qui portent sur la forêt indienne en général. Et pour vous dire modérément ce que je pense avec violence, ces gens se foutent de tout.

À les croire, il faudrait admettre que la forêt, dans ce pays où la nature comme les hommes sont également martyrisés, avance sans relâche. Je cite : « Forest cover of India has shown an increased trend in the last decade despite the ever increasing pressure on forests due to population growth ». Je traduis ce morceau de pure science-fiction. En dépit de la pression accrue sur les forêts due à la croissance de la population, la surface des forêts indiennes marque une tendance à la hausse au cours des dix dernières années. Y a-t-il des chiffres ? Vous pensez bien que des bureaucrates en chef ne se déplacent jamais sans chiffres. Les voici : entre 1997 et 2006/2007, les forêts de l’Inde auraient grossi de 3,13 millions d’hectares. Les trois quarts d’un pays comme la Suisse. 31300 km2 de mieux. Dans un pays surpeuplé. Dans un pays livré pieds et poings liés à l’industrie transnationale. Est-ce crédible, les amis ?

Non, ce n’est pas crédible pour un rond. La suite est affreuse, mais bien plus proche du vrai. Les chercheurs Jean-Philippe Puyravaud, Priya Davidar et William F. Laurance viennent de publier une étude dont voici le titre traduit de l’anglais par mes soins : « La destruction secrète des forêts primaires de l’Inde ». Il s’agit d’un « article accepté », pour reprendre le jargon scientifique, à paraître dans la revue Conservations Letters (ici). Que dit le trio ? Que les bureaucrates indiens confondent allègrement forêt primaire et plantations industrielles d’arbres. Que les quatre écosystèmes forestiers prodigieux de l’Inde – la forêt tropicale humide des Western Ghats, la forêt de mousson proche de la Birmanie, la forêt de montagne himalayenne, la forêt pluviale des îles Nicobar – sont plongés dans un déclin majeur.

Les chiffres ? Accablants. Les forêts primaires seraient passées de 514 137 km² en 1995 à 389 970 en 2005. Non seulement l’Inde a perdu 80 % de sa surface forestière d’origine – 80 % ! qui peut imaginer ? -, mais la baisse se poursuit au rythme de 1,5 à 2,7 % de ce qui reste, suivant les années. Or donc, la réalité s’appelle en bon français un cataclysme écologique. Mais qui s’en soucie, dites-moi ? La coalition de la mort, la confrérie du désastre tient en mains une arme de destruction massive qu’on appelle en général le vocabulaire. Qui tient les mots tient les hommes. Et qui tient la légitimité de la parole publique conservera longtemps le pouvoir.

Les bureaucrates indiens, comme Lula au Brésil, comme les corrompus d’Indonésie, comme les maîtres de la Chine, comme les ministres à comptes numérotés du bassin du Congo ont tous appris la même leçon. Une forêt est une collection d’arbres vus du ciel. Les peupliers transgéniques, les eucalyptus destinés aux biocarburants valent une grandiose cathédrale d’arbres majeurs, tous différents, entretenant mille milliards de connections entre eux. Une monoculture puant la mort à cent lieues vaut un écosystème ayant atteint son climax, stable depuis des centaines de siècles. Ces gens sont en train de gagner la mère des batailles sous nos yeux de Candide. Ils disent que la forêt avance à mesure qu’elle disparaît. Cette fois, nous sommes en 1984. Cette fois, « La guerre, c’est la paix », « La liberté, c’est l’esclavage », « L’ignorance, c’est la force ».

Nous allons vers un monde sans forêt, dans lequel les marchands auront conservé des rangées d’arbres le long des routes, comme Grigori Alexandrovitch Potemkine, prince de son état, faisait bâtir de faux villages sur le parcours du carrosse impérial de sa belle, Catherine, pour lui faire croire à la prospérité générale. Le monde devient un gigantesque village Potemkine.

Les baleines bleues lancent-elles un message ?

 Reconstitution de Pakicetus

Mais qui est donc ce curieux animal ? Vous le saurez si vous avez le courage de lire ce qui suit. Et sinon, je n’ose tout simplement pas y penser. Attention, ça commence.

Ne croyez surtout pas les vedettes actuelles, aussi titrées soient-elles. Ne les croyez vraiment pas. Un garçon comme Aristotélês, autrement dit Aristote,  né pense-t-on 384 années avant Jésus, n’était-il pas un intellectuel de haut vol ? Cela ne l’empêchait pas, à l’occasion, de proférer de graves sornettes. Ainsi pensait-il, et disait-il, que les cétacés appartenaient à la vaste famille des poissons. J’espère vivement n’avoir vexé personne en rappelant cela, sachant que beaucoup de nous croient encore la même chose. Or, et mille excuses à Aristote, mais les cétacés ont des poumons. Il leur faut régulièrement remonter à la surface des eaux, faute de quoi, ils se noient.

Ben oui, c’est comme ça. Mais au fait, un cétacé, c’est quoi, tonton ? Un monstre marin, mon petit, K?tos comme l’appelaient les Grecs anciens. On met dans ce grand sac à merveilles les baleines, les dauphins, les marsouins, les narvals. Entre autres. On a donc pensé longtemps qu’ils étaient tous des poissons. Il faut dire que si les dauphins d’eau douce n’ont pas à plonger profondément, certaines baleines sont, elles, capables de tenir sous l’eau plus d’une heure, comme la baleine boréale. Pour un observateur d’il y a 2400 ans, au temps d’Aristote, cela ne pouvait signifier qu’une chose : ces animaux étaient des poissons. De gros poissons. De monstrueux poissons.

Les temps ont bien changé. Ils changent sans arrêt, d’ailleurs, c’est un peu énervant. Connaissez-vous le naturaliste Peter Artedi ? Si oui, j’ai affaire à forte partie. Ce Suédois, né en 1705, est mort noyé, comme une vulgaire baleine, en 1735. À seulement trente ans. Mais il était génial, soit dit en passant. Et comptait parmi ses amis un autre Suédois, Carl von Linné, qui hérita de ses manuscrits. Et publia deux livres d’Artedi après sa mort, Bibliotheca Ichthyologica et Philosophia Ichthyologica. Je précise que l’ichtyologie est cette branche des sciences naturelles qui s’intéresse aux poissons. Artedi était sans doute génial, mais il avait tout de même placé les cétacés parmi les poissons, les appelant plagiures. Dans les premières éditions de son grand œuvre, Systema Naturæ, Linné reprit sans hésiter la classification d’Artedi, avant de se ressaisir et d’enfin ranger les cétacés dans la classe des mammifères. Ouf !

Tout cela était bien joli, mais parfaitement insuffisant. Car que fichaient donc des mammifères au milieu des océans, dites-moi ? Et en effet. Comme je ne suis pas en train d’écrire un livre, je suis bien obligé d’écourter. Alors voilà. Grâce à la paléontologie, grâce à la découverte de plusieurs fossiles, on a fini par comprendre que les cétacés avaient suivi un bien étrange chemin. Chacun sait que la vie est – semble – née d’un bouillonnement au fond des océans. Et que nous viendrions donc de l’eau. En ce cas, les cétacés ont joué une autre carte. Ils étaient sur terre, ils se sont mis à nager, et fort bien.

Restait à trouver leurs ancêtres terrestres. On a cru longtemps qu’ils étaient des sortes de charognards, carnivores en tout cas, avant d’obtenir de nouvelles informations obtenues par des analyses génétiques. En résumé, on pense aujourd’hui que les cétacés font partie d’un ordre de mammifères ongulés appelés cétartiodactyles, car ils possèdent un nombre pair de doigts, deux ou quatre. On trouve dans ce fourbi les cétacés bien entendu, mais aussi les pécaris, les sangliers et donc les porcs, les ruminants, les hippopotames. Selon les spécialistes, dont je ne suis évidemment pas, cette nouvelle donne serait confirmée par la découverte d’un fossile au Pakistan, en 1983. Le fossile d’un Pakicetus, celui-là même qui est reconstitué en haut de cette page. Quand vivait-il ? Oh, disons 50 millions d’années.

Amis lecteurs, vous n’allez pas le croire, mais cette espèce de hyène abîmée a donné naissance, tout bien considéré, au plus gros animal ayant jamais existé – en attendant mieux, peut-être – sur notre planète, j’ai nommé : la baleine bleue. La baleine bleue est un animal en tout point mythologique. Elle peut dépasser 30 mètres de longueur et peser 170 tonnes, soit autant qu’un troupeau d’éléphants. Vous pensez bien que de braves chasseurs comme nous sommes n’allaient pas laisser passer une occasion pareille. Au début difficile, faute de moyens techniques, la chasse à la baleine bleue devint peu à peu une promenade de santé, à coup de bateaux à vapeur et de harpons propulsés par des canons. Entre 1930 et 1931, nous aurions tué 29 400 baleines bleues dans les seules eaux de l’Antarctique. On pense qu’au pire moment, il ne restait plus dans cette zone magique que 0,15 % de la population de baleines bleues d’origine.

Ailleurs était à peine mieux. In extremis, le massacre fut stoppé, juste avant l’extinction. Il semble, mais il faut être prudent, que depuis le début des mesures de protection, il y a quelques décennies, la population mondiale a légèrement augmenté. Mais quelle sinistre différence avec la stupéfiante diversité, avec la merveilleuse profusion d’antan. Autour de l’Antarctique, il ne resterait que 1 % des effectifs du passé d’avant la chasse criminelle des hommes. 1 %. Et voilà que j’apprends – tel est le motif véritable de mon article – que le chant de la baleine bleue a changé (ici). Le chant est à la baleine ce que la parole est à notre espèce. C’est du moins ce que je crois, sans nulle preuve, bien sûr. En tout cas, le mâle de la baleine bleue entonne, sous l’eau, de prodigieuses mélopées qui montent à 190 décibels, ce qu’atteignent à peine nos abominables avions de ligne à réaction.

Ce chant peut parcourir sans peine 100 km, parfois bien plus s’il est porté par des courants marins favorables. Eh bien, deux Américains, Mark McDonald et John Hildebrand, viennent de comparer des centaines d’enregistrements de chants de baleines bleues, effectués depuis les années 1960. Et il n’y a aucun doute : ce chant est émis dans des tonalités de plus en plus graves. Ce ne peut être le fait du hasard, expliquent les chercheurs. Quoi que ce soit – stratégie sexuelle, pollution croissante des océans -, il se passe quelque chose chez les baleines bleues. Sans jeu de mots, quelque chose de grave, au moins d’important.

Moi, je suis totalement ignorant dans ces savantes matières, mais je m’interroge comme humain, un humain qui partage avec ces cathédrales de la vie sauvage la même planète. Que se passe-t-il, grands dieux ? Que se passe-t-il ? Au risque de paraître bêtasse, au risque d’être moqué, je me demande s’il ne s’agit pas d’une sorte de message. Les animaux ne sentent-ils pas le danger, bien mieux que nous ? Dans toutes les catastrophes naturelles, l’on voit les animaux sentir bien mieux que nous l’imminence du danger. Tel a été le cas, semble-t-il, avec le tsunami sur les côtes asiatiques, à la fin 2004 (ici).

Alors, et je vous le demande sans verser dans le New Age pour autant : les baleines bleues, qui sont dotées d’une intelligence dont nous ne savons rien, mais apparemment stupéfiante, les baleines bleues ne sont-elles pas en train de lancer un avertissement solennel et universel ? Que les rieurs rient, j’ai l’habitude.

PS : afin de limiter la liste innombrable d’éventuels malentendus, je précise que le soubassement du texte ci-dessus n’est pas une théorie, ni même une hypothèse. Il ne s’agit que d’une rêverie. La mienne.

Frédéric Nihous, chasseur de borloo (le petit oiseau va sortir)

Je rajoute une couche amère au débat sur la chasse. Tandis que certains – je ne cite personne, mais suivez tout de même mon regard – ne veulent plus entendre parler de la moindre confrontation, d’autres astiquent leurs gibecières. Tel est le cas d’un pauvre gars bien de chez nous appelé Frédéric Nihous. Ne lui faites pas mal ! N’y touchez pas ! Il est la campagne française, celle qui ne ment pas lorsqu’on tire sur le perdreau. Il est l’âme rurale du pays, malmenée par ces forbans des villes. Il est le président de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT), le parti des chasseurs.

Le pari n’était pas gagné, car ce commandant en chef a d’abord été un simple soldat de la Grande Armée. Né en 1967, il « touche » son premier fusil à l’âge de quatorze ans, des mains de son papa. Ensuite il fait de la politique – au RPR, ancêtre de l’UMP -, ensuite il fait de la politique, à CPNT. Nihous, attention les yeux, a fait des études, et possède deux DEA, mais si. Et il a réussi à éliminer l’ancienne tête de CPNT, l’inénarrable Jean Saint-Josse. Le voilà donc roitelet au pays des palombes et des grosses bedaines. Ma foi, encore bravo.

Mais Nihous n’a jamais oublié un précepte de base de la politique telle qu’il l’a pratiquée, telle qu’il la pense encore. Pour peser sur quelqu’un, il n’y a rien de tel que de le tenir par les couilles. Cela paraît paradoxal, et c’est sans nul doute grossier, mais pensez-vous qu’on parle autrement dans les huttes de chasse ? Je crois que c’est un poil pire. Donc, Nihous, et une paire de couilles. Laquelle ? Mais celle de Jean-Louis Borloo, bien sûr ! Tandis que notre ministre fait le beau à Copenhague – comme il est crédible, dans son rôle de sauveur, n’est-ce pas ? -, Nihous aligne ses comptes d’apothicaire sur un coin de table mal éclairée. On imagine la toile cirée, la lampe à huile, le père et la mère qui se réchauffent au coin de la cheminée. Ambiance ruralité.

Vous lirez dans la partie Commentaires ci-dessous le texte complet d’une lettre adressée par Nihous à Borloo. Elle est insultante, non pour ce dernier, qui ne compte guère, mais pour la République. Nihous y écrit, tel un maître-chanteur, que si Borloo ne tient pas les engagements précis qu’il aurait pris devant les gens de CPNT, il y aura des représailles électorales en mars, au moment des régionales. C’est d’une bassesse déconcertante, d’une vulgarité à peu près sans égale. Borloo, à en croire Nihous, aurait promis au moins trois choses, qui seraient autant de trophées à placer au-dessus du buffet du salon.

1/, « Le premier de ces symboles attendu impatiemment par les chasseurs français est la chasse des oies et de quelques canards de surface (notamment le siffleur) en février ». N’est-ce point magnifique, de vouloir s’attaquer à des oiseaux qui préparent dans le froid leur saison nuptiale ?

2/,« Le deuxième symbole important est la chasse ardéchoise du pigeon ramier début mars ». Cela vise en effet un symbole, qui s’appelle col de l’Escrinet. Une directive européenne – une loi, donc – de 1979 protège le passage des oiseaux revenant d’Afrique, mais depuis des lustres, les chasseurs locaux braconnent le ramier à l’Escrinet avec la complicité de l’administration. On comprend que Nihous veuille une autorisation en bonne et due forme. Et j’ajoute que la Ligue ROC – ça y est, je récidive – compte parmi ses membres Gilles Pipien, qui fut directeur de cabinet de Roselyne Bachelot quand elle fut ministre de l’Environnement après 2002. Un Gilles Pipien qui vint à l’Escrinet, en mars 2003, pour…y soutenir les chasseurs bracos.

3/,« Enfin, concernant un autre dossier symbolique, le bon sens impose lui aussi que la chasse ne puisse être freinée en montagne au motif de la présence soit d’espèces chassables (quel paradoxe !) comme le grand tétras, soit par vitrification de la montagne pour éviter le dérangement de quelques spécimens lâchés (comme l’ours) mais qui a pour effet du coup de créer de nouveaux problèmes sur des activités ludiques et traditionnelles (notamment la chasse) qu’économiques et sur la vie des “gens de montagne” ». Ben oui, pourquoi y a-t-il encore des entraves en montagne ? Que foutent donc les bouffeurs de tétras tout cru ? On se le demande.

C’est donc ce Nihous-là qui, serrant très fort los cojones du ministre, achève – oui, le mot juste – sa lettre de menace par ces mots : « Comment croire enfin que les chasseurs-électeurs pratiquant cette chasse populaire, notamment dans les régions intéressées, puissent aller voter le 14 mars pour les listes de la Majorité, UMP en tête, quelques semaines seulement après que cette même Majorité leur aurait refusé ces symboles permettant une chasse raisonnée et durable en … février et début mars ? Ceci serait proprement impensable et illusoire !

« Les chasseurs, plus encore dans les régions concernées, ne pourraient assurément avoir un comportement électoral raisonnable face à une (non)décision irraisonnable prise en dépit du bon sens et qui ne pourrait être considérée que comme un « coup de couteau dans le dos » et un argument électoral de premier choix pour la gauche dans les régions.

« Vous m’aviez fait part le 7 octobre, comme lors de votre discours devant la FNC en mars dernier, de votre volonté ferme et résolue de régler les problèmes, de corriger les erreurs passées, et de rétablir la chasse, en tant qu’acteur à part entière de l’écologie et de la ruralité, dans nombre de ses droits légitimes ».

Et voilà où nous en sommes. Chantage. Menaces. Tentative d’extorsion de décision publique (j’ignore si ce dernier point existe en droit). Mais il faudrait donc se montrer raisonnable et conciliant. Moi, je préfère penser aux oiseaux. Le programme scientifique STOC montre que, de 1989 à 2007, les oiseaux communs ont vu leur nombre baisser de 18 %. Une moyenne incroyable de 1 % par an. Cela ne leur suffit pas. Cela ne leur suffira jamais.

Mésaventures du ROC (de Théodore Monod à Hubert Reeves)

Je vous prie de faire circuler ce texte dans tous les réseaux que vous connaissez, car l’ignorance est la pire des entraves.

Je pensais ne pas avoir de temps avant la semaine prochaine, mais il apparaît que ce temps rêvé n’existe pas. Ce sera pire qu’aujourd’hui, et je me dépêche donc de vous envoyer ce qui suit. Le Rassemblement des opposants à la chasse (ROC) a été créé en janvier 1976 par des militants – le mot signifiait quelque chose – du nom de Serge Boutinot, Jean-Claude Nouët, Théodore Monod, Bernard Groslier, Paule Drouault. En cette époque engloutie, le dessinateur Reiser, dans Charlie, ne manquait jamais une occasion de flinguer ces connards de viandards. Nul n’avait encore peur d’appeler un chat un chat. Et un chasseur un tueur de vie.

Théodore Monod, un homme que j’ai toujours chéri, écrivait ceci : « Je n’aime pas la chasse parce qu’elle est devenue un passe-temps, un divertissement, un jeu : on continue, hélas, à tuer, et avec des armes de plus en plus efficaces, mais désormais par simple plaisir, pour s’amuser…

On souhaiterait ne plus voir ressassée indéfiniment l’objection banale : avant de secourir les animaux, il faudrait songer aux hommes… Comme s’il s’agissait, parce que l’on veut mettre fin à des massacres de baleines, de jeunes phoques, de panthères ou d’orangs-outangs, d’oublier la détresse des enfants, les pauvres maisons écrasées par les bombes ou les cris des torturés…Il ne s’agit pas de ceci ou de cela, et l’on voudrait être bien certain que les infatigables ressasseurs de ce misérable et si commode argument, s’ils refusent la pitié pour les bêtes au nom d’une priorité, se trouvent bien eux-mêmes aux avant-postes dans le combat pour l’homme. Ce n’est pas évident. Pour beaucoup d’entres eux, ce n’est pas, on peut le craindre, l’un ou l’autre mais bien : ni l’un ni l’autre ». Et le professeur Jean-Claude Nouët : « L’homme n’a aucun droit naturel d’utiliser la biosphère selon sa fantaisie, au gré de son profit et de son divertissement; le faisant, il abuse d’un droit qu’il s’est attribué à lui-même et qui s’apparente au “droit du plus fort”, c’est-à-dire au plus abominable des droits ».

Puis l’eau a coulé sous les ponts. Puis est arrivé à la présidence du ROC un certain Hubert Reeves, qui a imposé un changement de nom. Il était déjà l’heure de po-si-ti-ver. Le ROC est ainsi devenu la « Ligue ROC pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non-chasseurs (ici) ». J’ai eu l’occasion de dire mon sentiment sur cette évolution (ici), qui est navrante en tout point. Cette Ligue, jadis association vivante, aujourd’hui très proche des dirigeants de FNE, dont elle est d’ailleurs membre, marche dans les arrangements du Grenelle de l’Environnement sans jamais regarder derrière elle. Et c’est rude.

Je rappelle rapidement mon point de vue. Sarkozy et Borloo ont monté une formidable machine de guerre politique appelée Grenelle de l’Environnement. Il s’agissait, il s’agit toujours d’apparaître comme de véritables écologistes, et pour cela d’intégrer pratiquement à la machine étatique le plus grand nombre possible d’associations écolos. En échange de clopinettes, celles-ci ont accepté, à des degrés très divers, il est vrai, de légitimer ce processus politicien. Lequel n’a qu’un but : permettre à Sarkozy,  au premier tour des présidentielles de 2012, de siphonner des voix écologistes très précieuses pour creuser l’écart avec l’adversaire principal, qu’il s’appelle Bayrou ou qu’il soit socialiste.

Bien entendu, il y a nécessairement un peu de sincérité des deux côtés de la table, faute de quoi rien ne marcherait. Mais l’essentiel est calcul, médiocre, comme tout ce que touche ce pouvoir. Une association comme la Ligue Roc, pour cause de bonne conduite, a désormais toutes ses entrées dans les ministères, et jusqu’à l’Élysée. Pensez ! Quel tableau de chasse ! La Ligue Roc à fond dans le jeu présidentiel, mais cela vaut de l’or. Pendant ce temps, l’association a été soigneusement vidée de toute substance. Elle n’est même plus l’ombre de ce qu’elle fut. Elle en serait plutôt le fantôme, et je n’exclus pas que le grand Monod revienne un jour secouer ces lamentables joueurs de bonneteau. Car il y a du bonneteau, dans cette façon de parler de biodiversité et de nature sans que jamais aucune vraie victoire contre la destruction ne soit annoncée.

En tout cas, pour la première fois à ma connaissance, la Ligue nouvelle manière craque enfin aux yeux de tous. Dans une lettre ouverte cinglante, cinq administrateurs de l’association en démissionnent avec fracas. Il s’agit de Michèle Barberousse, adhérente depuis 1977; de Francis de Frescheville, adhérent depuis 1988; de Pierre Jouventin, démissionnaire depuis février 2009; de Viviane Laurier, adhérente depuis la création en 1976; de Jean-Paul Péronnet, adhérent depuis 2000. Leur texte est sans appel, et vous pourrez le lire (un peu plus tard ) dans la partie Commentaires ci-dessous, en son intégralité.

Disons calmement que c’est grave. Ou ces gens-là disent vrai, ou ils mentent. Mais s’ils disent vrai, ce que je crois bien entendu, il faut oser parler de captation d’héritage. Est-il seulement concevable que dix personnes, dont deux salariées de l’association, puissent, dans le cadre d’une Assemblée générale, représenter les deux tiers du vote des membres ? Lisez donc cet extrait : « À la demande d’Hubert Reeves, la Ligue Roc ne s’oppose plus. Elle sert de caution aux ministères. Malgré les revers et les affronts subis, elle persiste à rencontrer autour d’une table ronde les représentants des chasseurs, de plus en plus favorisés par les pouvoirs publics ». Un autre : « La Ligue Roc n’est plus, comme avec Théodore Monod, une association militante d’opposition à la chasse ou à ses méfaits, mais de plus en plus une fondation suiviste qui a renoncé à promouvoir des idées non politiquement correctes et qui rend plus de comptes à ses sponsors qu’à ses adhérents. Ce grand tournant s’est fait à l’insu de ces derniers, les démissions précédentes ayant été discrètes. Les anciens adhérentes du ROC doivent tout particulièrement être informés ».

Enfin : « La vice-présidente, Nelly Boutinot, contrôle totalement le fonctionnement de l’association : les administreurs ne peuvent correspondre avec leur président [Hubert Reeves] que par son intermédiaire. Les administrateurs ne peuvent pas correspondre avec le comité d’experts qu’elle a mis en place, ni réciproquement. Les administrateurs ont interdiction de correspondre entre eux sans en informer le directeur salarié [Christophe Aubel]. Bien qu’il ne participe pas aux Conseils d’administration, Hubert Reeves en impose l’ordre du jour, sans que les administrateurs puissent y faire inscrire tous les sujets qu’ils jugent importants, par exemple la politique suivie ». Les choses sont-elles assez claires comme cela ? Je le crois. Je suis même sûr que vous trouverez un usage idoine pour ces informations très dérangeantes, et même un petit peu davantage. Je le dis pour la énième fois : le mouvement de protection de la nature en France, disons le mouvement écologiste, est à repenser de fond en comble. Première nécessité : un vrai bilan, aussi délicat à tirer qu’il puisse être. Deuxième ardente obligation : inventer quelque chose de neuf. Et de mieux. Vite.