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Ceci n’est pas une provocation (contre Mélenchon)

Grincheux, colériques, mélenchonistes énamourés, épargnez-vous la lecture de ce qui suit. On n’y trouvera pourtant aucune de ces grossièretés dont Mélenchon s’est fait le professionnel. Et par ailleurs, jurons une fois encore que cet homme – la personne, l’individu – m’est absolument indifférent. Non, ce qui me préoccupe bien sûr, c’est sa prétention ridicule à incarner l’écologie, entraînant derrière lui quelques milliers de gens, dont certains pourraient combattre là où c’est utile et même indispensable.

Mais passons aux faits. Je viens de lire un texte sur le site Slate.fr, dans lequel Mélenchon se livre une fois de plus (ici). Bon, comme je ne suis pas si méchant, je passe sur sa manière de réécrire son histoire personnelle – l’épouvantable secte OCI, puis 31 ans de bagarres souterraines et bureaucratiques au sein du parti socialiste -, jusqu’à accepter de Lionel Jospin un poste de sous-ministre entre 2000 et 2002. Précisons tout de même que Mélenchon aime et admire Mitterrand et Jospin, ce qui le qualifie assez bien. Mais, oui, passons, même s’il est difficile d’entendre ce Great Leader Chairman prétendre qu’il aurait eu plusieurs vies, quand il n’a en a eu qu’une, celle de politicien de seconde zone.

De quoi rêve notre Immortel écologiste ? De Youri Gagarine : « Le ressac actuel ne durera pas. J’ai connu le bonheur de voir Youri Gagarine aller dans l’espace. Je vous souhaite de connaître un émerveillement pareil. J’ai 63 ans et ce souvenir me perce encore! Le monde était un objet à notre portée. Il le redeviendra. » Eh bien, ma foi, quel imaginaire de pacotille ! Plutôt, quel imaginaire révélateur, et du plus mauvais ! Laissons de côté le système politique immonde qui a permis à Youri Gagarine d’être, le 12 avril 1961 le premier homme dans l’espace. Cela n’est pas rien, car il est derrière cet vaillant spationaute des millions de morts – peut-être cinquante.

En revanche, il n’est pas question d’oublier le reste. Et le reste s’appelle domination de l’Homme sur la Nature, qui le fonde pourtant. Mélenchon est bien sûr homme de son temps, ce temps qui nous mène à la ruine de tout. La fameuse « conquête » spatiale chère au cœur de Mélenchon n’est jamais que la poursuite du même cauchemar d’asservissement de tout ce qui n’est pas humain. Elle est le pendant – au ciel – de ce que fut la sinistre conquête de l’Ouest par des imbéciles, qui conduisit, sur Terre, à la mort de la Grande Prairie et à l’extermination des Indiens. Cessons de jouer un instant : la Nasa, c’est la bande de Cortés dévastant Tenochtitlan-Mexico, la plus belle ville du monde au début du XVIème siècle.

Je me doute que j’en choquerai plus d’un, mais je livre le fond de ma pensée. Les aventures dans l’espace ont dispersé des milliards de déchets dont nul ne sait ce qu’ils deviendront. Je dis bien : des milliards, car c’est attesté. Extrait éclairant d’un rapport de Robin des Bois (ici) : « Aujourd’hui, aucun vol spatial habité ou satellite ou encore mission interplanétaire  n’est à l’abri d’une collision destructrice avec un déchet. Sur Terre, nul non plus n’est à l’abri d’un déchet tombé de plus haut que le ciel, d’une rentrée incontrôlée sur la planète mer, pas même une baleine. Les déchets spatiaux contribuent à la pollution lumineuse de l’espace et perturbent les observations des astronomes. Les réacteurs nucléaires embarqués sur les satellites masquent le bruit de fond radioactif du cosmos en émettant des flux de rayons gamma artificiels même quand les satellites ne sont plus en fonction. Tout ça pour internet, GPS, téléphone et radio satellitaires, autant d’activités commerciales, de moyens de communication et de divertissement qui rapportent infiniment d’argent et produisent des déchets à l’infini sans la moindre contrainte à verser une TGAP -Taxe Générale sur les Activités Polluantes- spatiale ».

Je vous le dis, et vous en faites ce que vous voulez : cet esprit-là nous a conduit droit au gouffre. Comme on a tous les droits et aucun devoir, on avance, et on écrase. Les poissons, le climat, les forêts, la Loire, les coccinelles, demain Mars et le Soleil. Au reste, Mélenchon est un lourd récidiviste, car il appelle ouvertement à « l’exploitation » des océans (ici), sans dire un mot sur le grand massacre de la pêche industrielle, qui s’attaque de la façon qu’on sait à cette si magnifique matrice universelle.

Je sais que la quête sans fin est dans l’homme, et je sais que cela ne cessera pas. Seulement, et compte-tenu des enjeux, je crois que tout responsable devrait contribuer à faire émerger au moins une piste pour éviter le pire. Ma piste à moi s’appelle, ainsi que pour vous, je l’espère, l’esprit. Considérer la matière comme un infini « à notre portée »,  pour parler comme Mélenchon, c’est l’assurance de ne rien laisser debout. Mais ne nous ne sommes, par chance, qu’aux prolégomènes d’une vraie révolution possible, celle de notre esprit. L’infini est là aussi, et celui-là, pour l’heure en tout cas, ne présente pas les mêmes risques insensés. L’esprit, c’est une recherche aussi, plus vaste que celle d’un espace qui se dérobe à mesure que l’on avance. La tentative de mieux comprendre ce qui fait les humains. Celle de mieux se comprendre soi-même, de mieux comprendre les autres. Celle de partager le temps, le travail, celle de mieux aimer, celle de mieux éduquer ses enfants. Celle de mieux cultiver nos terres martyrisées.

Vous poursuivrez vous-même une liste sans horizon décelable. Oublions un peu, beaucoup la matière et célébrons sans gêne et sans fin l’esprit humain, dont une partie au moins est noble, sublime, fabuleuse même. Je crois pouvoir dire que je n’aime pas le mensonge. Et je n’aime évidemment pas, dans ces conditions-là, Mélenchon. Encore une fois, je me moque bien de l’individu, que je ne rencontrerai sans doute jamais. Mais, à une échelle lilliputienne, il entraîne dans une sombre impasse, ainsi que le firent jadis les staliniens, nombre de personnes que je sais vaillantes. Je dois dire que cela me peine. Mais je sais que je n’ai aucune chance de les convaincre. Así es la vida.

Commune présence (en 2014)

En ce premier jour de l’année 2014, je ne vois pas quel cadeau plus sincère je peux vous faire. Il s’agit d’un poème de René Char, paru dans l’anthologie Commune présence, et que vous dire d’autre ? Ces mots m’habitent et me transportent depuis des lustres. À vous d’en profiter avec moi. Je vous souhaite au profond de moi une belle année 2014.

Commune présence

tu es pressé d’écrire
comme si tu étais en retard sur la vie
s’il en est ainsi fais cortège à tes sources
hâte-toi
hâte-toi de transmettre
ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
effectivement tu es en retard sur la vie
la vie inexprimable
la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir
celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
au bout de combats sans merci
hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière
si tu rencontres la mort durant ton labeur
reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
en t’inclinant
si tu veux rire
offre ta soumission
jamais tes armes
tu as été créé pour des moments peu communs
modifie-toi disparais sans regret
au gré de la rigueur suave
quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
sans interruption
sans égarement

essaime la poussière
nul ne décèlera votre union.

C’est difficile à exprimer (la fin d’une année)

Il ne reste que six heures à cette année 2013, et je pense à vous tous, qui venez ici. Combien êtes-vous ? Depuis une panne non réparée du compteur interne, il y a plus d’un an, je ne sais. À l’époque, il y avait entre 4500 et 5000 visites par jour, ce qui me paraissait énorme, inespéré. Je ne prétends évidemment pas que tous les visiteurs sont d’accord avec moi. Mais en tout cas, ils reconnaissent implicitement qu’il y a – peut-être – une « autre façon de voir la même chose », qui est le sous-titre de Planète sans visa.

Je ne sais pas si vous l’avez tous remarqué, mais mon rythme a changé. Je publie moins. Pendant de longues périodes, j’écrivais chaque jour ou presque, donnant le tournis à mes lecteurs les plus réguliers. Oui, je publie moins, et plus tout à fait le même genre de papiers, me semble-t-il. Sachez que rien n’est définitif, et que les derniers mois ont été très occupés. Je travaille en effet sur un nouveau livre, qui devrait paraître en septembre 2014. Il me coûte énormément de temps et d’énergie, bien davantage que les autres. Mais j’ai le pressentiment qu’il pourra être utile, peut-être un peu plus que les autres. Je tâcherai de vous en parler clairement dès que l’horizon sera éclairci, dans un mois ou deux. En attendant, je peux juste vous dire qu’il parle de chimie. Eh oui !

Quant au reste, malgré tout ce ce que j’ai pu vous écrire, malgré tout ce qui traverse ma tête chaque seconde ou presque, je maintiens en moi l’espoir d’un monde possible. Habitable, désirable qui sait ? Je ne suis pas un chevalier de l’Apocalypse, malgré certaines apparences dont je suis le seul responsable. J’ai depuis longtemps choisi la vie, et c’est à elle que je rendrai hommage ce soir, passé minuit. Je vous assure que je pense à vous, pas seulement aux fidèles et aux soutiens. À vous tous, dont la présence est évidemment essentielle. Permettez que je vous embrasse pour ces dernières heures de l’année. Et sans faute, ici, l’an prochain.

S’il n’est pas trop tard (Noël 2013)

Je plaisante. Il ne saurait être trop tard pour fêter Noël. Surtout le père Noël, dont l’absence, tout au long de l’année, se fait rudement sentir. Un souvenir : quand j’étais gamin, j’ai tout normalement demandé une baguette magique à ce vieux père barbu qui exauçait si facilement les rêves les plus fous. J’attends encore, mais je n’ai pas renoncé pour autant. Que fait donc l’homme des bois, des rennes et du si vaste traîneau ? S’est-il syndiqué ? Est-il passé dans l’essoreuse de la NSA ? Pourquoi n’entend-il pas les demandes si raisonnables de ses clients soi-disant chéris ? Je reconnais que c’est un passionnant mystère.