Archives de catégorie : Vacance

Je ne devrais pas vous le dire…

…mais j’essaie d’oublier toutes les misères du monde. C’est difficile, je n’y parviens pas à chaque moment, de loin. Mais quand je nage dans les eaux de l’Atlantique, chaque matin et chaque soir, c’est comme si tout pouvait recommencer vraiment. La vague déferle, le ciel est empli de roses surprises, l’oiseau posé sur l’océan suit le courant et le vent. Il n’y a plus que l’immensité du son et de l’espace.

Oui, je suis dans l’Ouest, et je vous souhaite à vous aussi le meilleur.

Pause et silence

Je vais rester silencieux quelques jours, et je ne suis pas sûr de pouvoir valider chaque matin vos commentaires. Car cela commande (un peu) de temps, denrée devenue trop rare ces semaines-ci. Portez-vous au mieux, à bientôt.

PS : Je serais heureux d’avoir votre avis sur Planète sans visa. Ce que ce rendez-vous apporte selon vous. Il m’arrive, je vous l’avoue sans fard, d’avoir envie d’arrêter. Cinq ans et demi au compteur, quelque chose comme 1 400 articles exclusifs d’autres lieux, cela commence à faire. Sans coquetterie excessive, dois-je continuer ? Je n’en sais rien. Vous êtes, d’après le compteur interne, entre 4 000 et 4 700 visiteurs uniques quotidiens.

Brigitte Bardot et la chasse au loup (il vaut mieux être éléphant)

Bon, juste un mot sur Brigitte Bardot. Vous savez sans doute qu’elle a menacé de réclamer elle aussi, après Depardieu, un passeport russe (ici). Ce n’est pas fait, respirons encore un peu. Elle ne se lancera dans cette opération désespérée que si l’affreux pouvoir socialiste ne sauve pas deux éléphantes atteintes de la tuberculose, qui sont menacée d’euthanasie à Lyon. Je serais à la place de BB, je commencerais à rétropédaler gentiment, car les nouvelles qui nous viennent de Russie ne sont pas folichonnes.

Le président de la République de Sakha – autre nom de la Yakoutie – Yegor Borisov, vient de prendre un décret autorisant une chasse à mort contre les loups de cette région de Sibérie, plus vaste que l’Inde entière (ici). En trois mois, les chasseurs locaux sont priés de buter 3000 des 3500 loups de cette immensité. Ces monstres mangeraient – on s’accroche à la table – des rennes, ce qui déplairait aux autorités. Peut-être au Père Noël, qui sait ? Question horrifiée à Brigitte Bardot : va-t-elle demander un passeport ouzbek ?

Une belle année 2013 (et ceci n’est pas un hoax)

D’abord mes excuses pour avoir employé dans mon titre le mot hoax, qui signifie bobard. Pour une raison que j’ignore, le son m’en est agréable. Et pour le reste, du fond de mon âme, je vous souhaite, amis lecteurs de Planète sans visa, une vraie belle année 2013. D’un côté, nul n’est dupe, car la roue continuera sa route. Et de l’autre, cela fait du bien de partager un moment de paix et de joie. Aussi incroyable que cela paraisse, en ce moment précis, je suis heureux.

Heureux, pas béat. Aucun politique français – aucun responsable à ma connaissance – n’aura évoqué dans ses vœux la crise écologique, à quoi rien ne peut être comparé. Et dans ces conditions, dites-moi, pourquoi les écouter ? Moi, je pense en cet instant au marché aux poissons de Soumbédioune, sur une des plages de Dakar. Le retour des pirogues, le cri des gosses, les rires des mamas se disputant le poisson à peine débarqué, toute cette algarabía – un foutoir sonore – danse dans ma tête. Un jour d’il y a un moment, je suis allé avec l’un des pêcheurs juste en face, sur les îlots de la Madeleine, aujourd’hui parc national. J’y ai vu ce matin-là des milans noirs, plusieurs phatéons à bec rouge, un balbuzard. Le monde semblait pouvoir être sauvé. Et voilà ce que je pense, au moins quelques fragiles secondes : le monde peut être sauvé. Je vous embrasse.

Un grand jeu-concours (à la rencontre de Claude Allègre)

Je dois dire que Claude Allègre me fascine. Plutôt, je précise que le système médiatique à la botte d’une telle médiocrité, d’un tel aplomb dans l’invention, d’une telle arrogance dans le non-sens me paraît atteindre en la circonstance une limite bien proche du néant. J’ai vu avant-hier soir –  le 18 septembre – une émission de télévision où notre noble génie éructait à propos de tout, surtout de rien. Il avait un plan pour la Grèce, il voyait clair dans le lourd dossier des gaz de schiste, il insultait au passage les écologistes avec des arguments de troisième catégorie. C’était, comme de juste, le café du Commerce, avec un Pascal Bruckner égal à lui-même, c’est-à-dire autour de zéro. Le club de mes supporters doit savoir, à force, que je n’ai pas de télé. Je rassure les inquiets : je n’en ai toujours pas ni ne souhaite en avoir. Ça salit, comme avait dit à peu près le fameux visiteur du Salon de l’Agriculture à Sarkozy. Vrai, ça dégueulasse le cerveau, et je n’en ai qu’un.

Allègre. Je rappelle, car je l’ai déjà écrit, que j’ai attaqué Allègre dès 1997 à propos du climat. Je tenais alors une chronique hebdomadaire dans l’hebdomadaire Politis, et sauf erreur que je suis prêt à rectifier, j’ai été le premier à le critiquer publiquement, visant ce que j’appelais alors, et appelle toujours le crétinisme scientifique. Et j’écrivais, mais j’ai fait bien pire depuis : « On pourrait et il serait fort agréable de se foutre purement et simplement de Caude Allègre. Mais l’homme est socialiste, scientifique, et les médias lui déroulent constamment sous les pieds un tapis rouge. On l’entendait l’autre matin, sur France Inter, ridiculiser ceux qui tentent d’alerter le monde sur la crise écologique. Et peu avant dans sa chronique hebdomadaire de l’Express, l’ancien ministre y allait plus fort encore, si c’est possible. En résumé, notait-il, “ la situation écologique du globe ne cesse de s’améliorer” ».

Il y a quinze ans, Allègre n’était pas le bouffon bouffi d’aujourd’hui. Et quand je dis bouffon, je pense à cette part de la société qui conserve le sens de la critique. Car pour tous les autres, Allègre, pourtant convaincu d’imposture et de bidouillage dans le décisif dossier du climat, est encore tenu pour un grand scientifique iconoclaste. Et courageux. Bon, ne jamais oublier qu’il fut, à partir de 1997, l’un des principaux ministres de Jospin, dont il était – était ? – l’un des amis les plus proches. C’est cette pathétique baudruche qui vient de se désister d’un procès qui eût pourtant été éclairant.

Rappelons les faits. Le 18 juin 2009, Politis – je n’y travaille plus depuis 2003 -, publie une tribune sur Allègre signée Geneviève Azam, (économiste, université Toulouse-II), Jean-Yves Barrère (économiste, fondateur du Cedetim), Denis Clerc (fondateur d’Alternatives économiques), Benjamin Dessus (économiste, président de Global Chance), Jean Labrousse (ancien directeur de la météo nationale), Gus Massiah (président du Crid), Michel Mousel (ancien délégué aux risques majeurs), Jacques Testart (biologiste). Elle est fort rude, et vous pouvez la lire en totalité ici. Allègre y est passé à tabac, et mis en cause dans l’affaire, centrale dans sa vie publique, du volcan guadeloupéen de La Soufrière.

Le 8 juillet 1976, une éruption y commence, et Allègre, qui est directeur de l’Institut de physique du globe (IPG) à Paris, va y jouer un rôle que je qualifierai pour rire de discuté (ici). La tribune de Politis affirme : « À l’appui des dires des uns et des autres, des relevés sismiques, des observations locales, des analyses chimiques de gaz, des analyses d’échantillons de retombées, des enregistrements. Pierre de touche de la polémique, la présence ou non de « verre frais » dans les cendres de l’éruption, marqueur d’un épisode magmatique extrêmement dangereux. Et là, on apprend, à l’audience d’un procès qui oppose Allègre à Tazieff en 1991, que “plusieurs témoins entendus ont affirmé que, dès le début septembre, Claude Allègre a su qu’il n’y avait pas de verre frais dans les prélèvements et que les éruptions constatées étaient de nature phréatique. Il aurait interdit aux témoins de le dire (témoignages de Rose-Marie Chevrier, François Le Guern et Danielle Dajlevic), parce que le maintien de l’état d’urgence était plus favorable à l’octroi de crédits pour l’université (témoignage Le Guern)” ».

Si c’est vrai, c’est déshonorant, surtout pour un scientifique. Allègre se serait assis sur la peur des populations évacuées, sur l’angoisse de milliers de personnes, pour ne pas perdre une ligne de crédit. Mais dans un premier temps au moins, Allègre se rebiffe, et dépose plainte contre les auteurs de la tribune et Denis Sieffert, le directeur de Politis. Les neuf voyous sont poursuivis et mis en examen pour « diffamation publique envers un fonctionnaire public ». Et puis la justice, aussi pressée que la tortue de la fable, instruit la grande querelle. Politis mobilise des milliers de signatures, les « diffamateurs » fourbissent leurs armes et leurs témoignages, et finalement, la 17 ème chambre correctionnelle du Palais de justice de Paris programme deux audiences. La première ce jeudi 20 septembre, la seconde demain vendredi.

À ce stade, je puis vous garantir que beaucoup exultent tout en rongeant leur frein. Essayez, et vous verrez comme l’exercice est inconfortable. Je dois confesser que, moi-même, j’espérais vivement la confrontation. Mais, badaboum, voilà que Claude Allègre déclare soudainement forfait et se désiste de son action judiciaire (ici). Il n’y aura pas procès, et j’y vois la confirmation de ce que je sais depuis de si longues années : Allègre est un matamore, qui ne peut remplir son office que parce que ses opposants sont faibles et aisément impressionnables. Dès qu’il rencontre une force qui n’entend pas se coucher, il fuit, il se cache. Et c’est bien pourquoi j’entends vous parler du colloque prévu le 22 novembre 2012 au collège des Bernardins, à Paris (5ème), de 15 heures à 19 heures.

De quoi s’agit-il ? Allègre a lancé il y a deux ans, avec quelques excellents scientistes – Jean-Marie Colombani, Jean-Paul Fitoussi, Thierry de Montbrial, Vincent Courtillot, Jean-Claude Carrière, Luc Ferry, Albert Fert, entre autres – une improbable Fondation Écologie d’Avenir (ici). Comme il faut bien financer, on a fait appel à une poignée de philanthropes : Limagrain – OGM -, EDF – nucléaire -, Cristal Union – les biocarburants -, Alstom – les turbines du barrage des Trois Gorges -, Schlumberger, les services pétroliers. Ces belles personnes, toutes unies dans la défense d’une « écologie d’avenir », entendent le 22 novembre tenir une réunion sur la défense et l’illustration du nucléaire. Avec des pontes du CEA, d’Areva – son patron Luc Oursel est annoncé -, et d’EDF.

Alors voilà. Moi, je crois que notre société manque de fantaisie et d’occasions de bien rire. Et j’ouvre donc ici un jeu-concours qui récompenserait les meilleures idées d’animation de ce moment d’apologie de la terreur nucléaire. Après tout, ces colloques sont, comme le dit aimablement la publicité, « ouverts à tous ». Et donc à nous ? Je ne suggère pas d’aller casser le nez d’Allègre, ce qui constituerait pour lui un triomphe. Je ne préconise donc nullement l’affrontement physique. Mais rigoler n’a jamais tué personne, si ? Je me souviens de la campagne électorale de la présidentielle de 1974, lorsque je n’avais pas 19 ans. Un candidat d’une droite rance, extraordinairement réactionnaire, Jean Royer, avait reçu la visite dans ses meetings de joyeux lurons soufflant dans des capotes et de jeunes femmes montrant avec simplicité leur poitrine dénudée. Attention ! Ce jeu-concours ne vaut que si nous sommes capables d’inventer, d’innover, de rire vraiment au dépens de notre brave camarade pro-gaz de schiste, pro-amiante, pro-nucléaire. Des idées ? Avez-vous des idées ? Je serais ravi de les publier ici.