Archives mensuelles : mai 2008

Les droits véritables de l’humanité (Sur Lévi-Strauss)

Dans quelques jours, Claude Lévi-Strauss devrait avoir 100 ans. Pourquoi vous parler aujourd’hui de ce fabuleux vieillard ? C’est simple : au moment où sort chez Gallimard un livre qui rassemble l’essentiel de son oeuvre écrite (dans la collection La Pléiade), je pense à un texte récent de lui, qui m’avait beaucoup marqué au moment de sa publication.

En mai 2005, Lévi-Strauss reçoit un prix prestigieux, Catalunya, décerné par la Generalitat de Catalunya, autrement dit le gouvernement régional de Catalogne, installé à Barcelone. Pour l’occasion, cet homme qui va sur ses 97 ans écrit un texte magnifique (voir ici).

Voici un premier extrait, d’une grande netteté : « Toujours en deçà et au-delà de l’humanisme traditionnel, l’ethnologie le déborde dans tous les sens. Son terrain englobe la totalité de la terre habitée, tandis que sa méthode assemble des procédés qui relèvent de toutes les formes du savoir : sciences humaines et sciences naturelles ».

Et aussitôt un deuxième, plus parlant que bien des bavards de ma connaissance : « La population mondiale comptait à ma naissance un milliard et demi d’habitants. Quand j’entrai dans la vie active vers 1930, ce nombre s’élevait à deux milliards. Il est de six milliards aujourd’hui, et il atteindra neuf milliards dans quelques décennies à croire les prévisions des démographes. Ils nous disent certes que ce dernier chiffre représentera un pic et que la population déclinera ensuite, si rapidement, ajoutent certains, qu’à l’échelle de quelques siècles une menace pèsera sur la survie de notre espèce. De toute façon, elle aura exercé ses ravages sur la diversité, non pas seulement culturelle, mais aussi biologique en faisant disparaître quantité d’espèces animales et végétales ».

Enfin, cette merveille, à mon goût tout du moins : « Aussi la seule chance offerte à l’humanité serait de reconnaître que devenue sa propre victime, cette condition la met sur un pied d’égalité avec toutes les autres formes de vie qu’elle s’est employée et continue de s’employer à détruire.

Mais si l’homme possède d’abord des droits au titre d’être vivant, il en résulte que ces droits, reconnus à l’humanité en tant qu’espèce, rencontrent leurs limites naturelles dans les droits des autres espèces. Les droits de l’humanité cessent au moment où leur exercice met en péril l’existence d’autres espèces ».

Bien entendu, le gras dans le texte ci-dessus est de Lévi-Strauss lui-même. Bien entendu. Je dois dire que j’adhère sans la moindre réserve. Les droits de l’humanité, en effet, doivent cesser dès lors que leur application se retourne contre la vie de tous, hommes compris. J’ajouterai un commentaire : je pense qu’ils doivent être suspendus et subordonnés à la pleine compréhension des devoirs de l’homme, nouvelle frontière de l’esprit. Je suis bien certain, au fond de moi, que nous devons proclamer au plus vite ces derniers comme un impératif catégorique. S’imposant à tous, par définition.

L’heure n’est plus aux faux semblants. Il faut, il faut vraiment repenser le monde, avant – éventuellement – de le transformer. 1789 a été une étape marquante de notre vie ensemble, une date glorieuse, d’un certain point de vue. Mais on ne peut plus prétendre que les droits de l’homme – réduits à ceux de l’individu au service de la marchandise -, demeurent un horizon indépassable. Car ils ne le sont pas.

J’entends déjà certains cris, légitimes. Ne plus respecter les droits de l’homme ? Eh si, justement ! Mais en les intégrant à un point de vue plus vaste, qui leur permette de jouer encore leur rôle. Et ce rôle n’est pas d’étendre la destruction de tout, mais au contraire de permettre à l’aventure humaine de se poursuivre encore longtemps. Pas au détriment de la vie, du vivant, des formes innombrables habitant notre terre. Avec elles au contraire, par elles, pour elles et pour nous. Ce programme s’imposera-t-il ? Je n’en sais rigoureusement rien, mais j’aimerais. Et une respectueuse salutation pour Claude Lévi-Strauss, penseur de l’homme profond et véritable.

P.S on ne peut plus secondaire : Lévi-Strauss est partout célébré, ces jours-ci. Un nombre incalculable d’analphabètes le saluent comme s’il était un monument historique. Ce qu’il est, d’ailleurs. Combien, parmi eux, ont pris le temps de lire ne serait-ce qu’un paragraphe ? Tenez, pour la route, ce grand classique qui ouvre Tristes tropiques : « Je hais les voyages et les explorateurs ».

Quatre ministres magnifiques (Méhaignerie, Nallet, Rocard, Vasseur)

Je me doute bien que vous n’avez pas tous lu l’article dont je vais vous parler. Il s’agit d’une tribune publiée dans le journal Le Monde du 30 avril 2008. Elle est signée par quatre anciens ministres français de l’Agriculture : MM. Pierre Méhaignerie, Henri Nallet, Michel Rocard et Philippe Vasseur. Deux sont socialistes, deux sont libéraux, la balle est donc pour moi.

Pour plus de sûreté, je vous mets sous mon propos le texte lui-même, car on ne sait jamais, avec le Net. La référence volatile d’un petit clic pourrait disparaître sans préavis, et nous aurions alors perdu un morceau d’histoire, ce qui serait infiniment dommage. Je ne peux ni même ne veux faire ici la critique complète de la prose des anciens ministres. Cela serait long et fastidieux, et vous savez lire comme moi.

Allons au but : ils cherchent à combattre le retour des famines de masse, provoqué à 100 % par le système agricole qu’ils défendent bec et ongles depuis plus de trente ans. Eh oui, le temps passe, et ce pauvre Méhaignerie, ci-devant ingénieur agronome, a été secrétaire d’État, puis ministre de l’Agriculture entre le tout début de 1976 et la chute fatale de Giscard en 1981. Vasseur a été deux ans ministre de l’Agriculture dans les gouvernements Juppé, entre 1995 et 1997. Difficile de dire plus de mal de lui qu’il n’en écrit lui-même sur son blog. Je vous recommande, pour la profondeur de la pensée, ce morceau sublime. Tempêtant en juillet 2007 contre le bioéthanol tiré de la canne à sucre brésilienne, il notait avec finesse : « Ce serait tout de même un comble que la France « grande puissance agricole » se mette à rouler avec de l’éthanol importé ! ». Je le dis à tout hasard, c’est du premier degré.

Passons à Rocard. On ne devrait pas pouvoir tirer sur une ambulance, mais puisque la loi le permet, j’épaule et je vise. Rocard. Qui aura tout raté. Qui aura prétendu faire la révolution et termine sa vie en commissionnaire de Sarkozy. Mais qui fut au passage ministre de l’Agriculture de la gauche au pouvoir de 1983 à 1985. Et de l’Aménagement du territoire avant. Et même Premier des ministres après. Quant à Henri Nallet, il tint la charge suprême agricole à deux reprises, de 1985 à 1986, puis de 1988 à 1990. Cette gentille bande des quatre vient donc de publier un texte rempli et même dégoulinant d’humanisme. Avec un titre parfait, dont je leur envie la force et la clarté : « Que faire contre la faim ? ».

Qui l’a écrit ? J’aimerais le savoir. L’un d’eux ? Possible. L’un de leurs innombrables nègres du passé ? Possible, probable. Ce n’est pas grave. Le contenu est d’une telle richesse que je dois me concentrer un peu. Comme l’avait fait Chirac quelques semaines auparavant – lui aussi, tiens, un ancien ministre de l’Agriculture -, nos quatre héros plaident pour l’agriculture vivrière. Vous savez bien, cette petite invention locale qui permet de nourrir les hommes depuis 8 000 ans.

Pardi ! Si ces pauvres garçons du Sud se mettaient à produire pour eux et leurs proches, plutôt que pour ce système mondialisé de concurrence infernale, cela n’irait-il pas mieux, tout bien réfléchi ? Mais si, voyons ! Par ailleurs, si les vilaines institutions internationales – Banque mondiale, OMC, OCDE, FMI – que la France déteste tant arrêtaient de faire des misères à tout le monde, est-ce qu’on ne mangerait pas davantage ? Mais si, enfin, c’est l’évidence !

Seulement, n’est-ce pas, il y a tout de même quelques conditions. On ne produit pas de la bonne nourriture avec de bons sentiments. La clé – ô que ces grands hommes méritent leur destinée ! – du progrès repose sur un impératif : il faut « acheter des machines, des engrais, des semences à partir de programmes d’aides ». Venus d’Europe ? Cela n’est pas précisé, mais cela ne sera pas nécessaire. Car seule l’Europe est assez philanthropique pour de telles actions de grâce. Les Américains, eux, sont des gredins, qui se sont jetés sur les biocarburants, au risque certain de déséquilibrer le marché alimentaire mondial.

L’Europe, elle, ferait le contraire. Non pas en abandonnant tout soutien à une filière criminelle, mais au contraire, en la poursuivant. Car quand les Américains font des biocarburants, bah, ils se comportent en Américains. Tandis que nous aiderions, en suivant cette voie audacieuse, à stabiliser le prix des céréales à un haut niveau, tout en liquidant de fâcheux excédents. Ce serait beau, ce serait grand, ce serait, en un mot comme en cent, Français.

J’ajouterai deux ou trois phrases plus nettes. Ces quatre hommes ont modelé depuis des lustres l’agriculture française et en ont fait la deuxième plus grande exportatrice au monde. Notre paysannerie a disparu, notre pays est pollué jusqu’aux plus profondes de ses nappes phréatiques, nos produits ont constamment déferlé sur les marchés du Sud, dopés par des subventions publiques dont ils sont les premiers responsables.

Le modèle industriel de l’agriculture fait certainement partie de nos plus grands désastres nationaux. Et ces hommes suggèrent de l’appliquer au reste du monde, notant sans y penser : « L’Europe n’a pas agi autrement lorsque, au lendemain de la seconde guerre mondiale, il lui a fallu reconstruire son appareil productif agricole et nourrir une population urbaine croissante ». Leur grande idée cinglée est donc de recommencer là-bas ce qui a si bien marché ici, pour le plus grand bien de l’industrie agricole made in France. Je les crois sincères. Je suis tout près de les plaindre, car à ce stade, n’est-ce pas, la cruauté est bien inutile. Au passage, notons qu’ils radotent une vérité profonde qui a du mal à pénétrer les esprits : la gauche comme la droite pensent exactement la même chose.

Ci-dessous, la tribune de nos chers et tendres anciens ministres.

Que faire contre la faim ?

Les émeutes de la faim en Afrique, en Asie et en Amérique latine ont déclenché un mouvement de compassion dans l’opinion publique qui pousse les responsables de la communauté internationale à prendre des mesures d’urgence en faveur des populations les plus touchées. Mais l’émotion retombée, si des mesures plus radicales et structurelles ne sont pas prises, les drames auxquels nous assistons pourraient se reproduire, à une plus grande échelle encore, sous le simple effet de la croissance démographique et l’augmentation de la demande des pays émergents. La gravité potentielle de cette situation mérite qu’on cherche, au-delà de nos divergences politiques légitimes, des idées simples autour desquelles les responsables de la planète pourraient unir leurs efforts.

Il a suffi d’un faible déficit de production de céréales (- 10 %) au moment où quelques pays émergents comme la Chine augmentaient leur demande pour provoquer une forte hausse du prix du marché, amplifiée par la technique financière des produits dérivés et les possibilités de spéculation.

Ainsi, après une quarantaine d’années de baisse des prix mondiaux des céréales (- 60 %), alors que la production augmentait (+ 100 %), deux ans ont suffi pour que les prix doublent… Le caractère très volatil des prix agricoles, contre lequel on cherche à se prémunir depuis le XVIIIe siècle, a un effet ravageur dans un monde totalement concurrentiel, où les prix des transactions s’établissent sur les coûts de production des producteurs les plus compétitifs. A son point le plus bas, la tonne de blé valait, il y a quelques années, 50 dollars… A ce prix, aucun paysan producteur de cultures vivrières des pays en développement ne peut résister à la concurrence des céréales importées. Il abandonne la production et part grossir la foule des urbains pauvres. Et quand le prix remonte (aujourd’hui 400 dollars la tonne), ce sont les salariés et les chômeurs de ces mêmes pays qui ne peuvent plus acheter… Les gouvernements de certains pays en voie de développement se sont longtemps satisfaits de cette situation qui permettait de nourrir au plus bas prix les populations urbaines. Ce n’est plus possible dans la situation actuelle du marché, et les peuples affamés se révoltent.

Ce sont donc l’instabilité des prix agricoles et la concurrence des grands pays producteurs qui ont découragé les agriculteurs des pays du Sud. Les grandes institutions internationales (Banque mondiale, OMC, OCDE, FMI…) peuvent bien aujourd’hui faire de beaux discours sur le développement agricole, elles ont contribué, pour leur part, au cours des années 1980 et 1990, à le rendre impossible dans les pays pauvres en les mettant à la merci d’un marché inaccessible et déloyal…

80 % des 3 milliards de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté habitent dans les zones rurales, et la plupart sont des paysans. L’objectif majeur doit donc viser à les encourager à produire pour se nourrir et nourrir leurs concitoyens. Comme le suggère la FAO, il faut profiter de la haute conjoncture des prix agricoles pour favoriser leur « décollage » et acheter des machines, des engrais, des semences à partir de programmes d’aides. Puis leur permettre de maintenir des niveaux de prix rémunérateurs pendant une période assez longue assurant la stabilité sans laquelle il n’y a pas de développement agricole possible.

L’Europe n’a pas agi autrement lorsque, au lendemain de la seconde guerre mondiale, il lui a fallu reconstruire son appareil productif agricole et nourrir une population urbaine croissante. Elle a mené une vigoureuse politique publique d’encouragement à la production, assuré la stabilité des prix et protégé ses producteurs par un tarif extérieur commun. C’est ainsi qu’elle est parvenue à sauvegarder depuis un demi-siècle la sécurité de son approvisionnement alimentaire.

Le développement des agricultures vivrières est donc la tâche urgente et prioritaire que doit se donner la communauté internationale, car c’est d’abord dans ces pays que la population va croître très vite dans les prochaines années. C’est dans le Sud que se jouera l’avenir alimentaire de l’humanité. Il ne peut pas être laissé aux seuls soins du marché, des surplus du Nord et des bonnes opérations des spéculateurs. Il faut qu’il soit l’affaire des paysans du Sud et de leurs responsables avec le soutien et la protection des pays mieux dotés. Il faut que les actes suivent et que l’aide publique au développement revienne au coeur des politiques de solidarité.

Cet effort pour l’autonomie alimentaire des pays du Sud correspond à l’intérêt bien compris des pays du Nord. En effet, si la demande alimentaire est pour partie satisfaite localement en Afrique et en Asie, les grands pays producteurs du Nord pourront à leur tour modifier radicalement leurs politiques agricoles dans le sens exigé par l’opinion publique : plus de qualité et moins de pollution consécutive au grand mouvement d’intensification qui a permis à la fois la libéralisation des marchés et la baisse des prix. Ils pourront même, sans mauvaise conscience, consacrer une petite fraction de leurs terres arables à produire des biocarburants afin de contribuer à la diversification nécessaire de leurs sources d’énergie, dès lors que leur bénéfice pour l’environnement est globalement démontré.

Si le programme de biocarburants des Etats-Unis a détourné de la consommation humaine une partie du maïs, provoquant la hausse du prix de cette céréale consommée par les Mexicains, les projets européens en matière de biocarburants n’auront pas les mêmes effets. Les céréales que l’on se propose de transformer en carburants représentent 5 % à 7 % de la production européenne, exactement les surplus dégagés jusqu’ici par le marché et bradés aux pays déficitaires avec des subventions à l’exportation qui ont justement mis à mal les productions agricoles du Sud ! On ne peut donc pas reprocher à l’Europe à la fois de vendre à bas prix ses surplus et d’affamer l’humanité lorsqu’elle décide de les utiliser à d’autres usages !…

Ajoutons que les biocarburants contribueront à stabiliser les prix des céréales et des graines à un niveau relativement élevé, ce qui est absolument nécessaire pour les paysans du Sud. Enfin, certains biocarburants, produits à partir d’oléagineux, fournissent des tourteaux riches en protéines qui se substituent aux céréales et aux tourteaux de soja importés pour l’alimentation animale.

L’agriculture européenne doit donc s’inscrire résolument dans un effort global pour mettre en oeuvre, comme vient de le demander l’ONU, « une nouvelle politique agricole mondiale » : développement massivement encouragé des agricultures du Sud, réorientation des agricultures du Nord vers plus de respect de l’environnement et des économies d’énergie, renforcement et gestion multilatérale de l’aide alimentaire d’urgence…

Ce programme, simple, forme un tout. Il y a interdépendance entre le développement de l’agriculture vivrière au Sud et la réorientation de l’agriculture au Nord. Il peut, aujourd’hui, être entendu de l’opinion publique et recevra l’appui de la majorité des agronomes et des économistes ruraux. Pour en décider, il faudra cependant une détermination politique farouche, mais elle commande, en partie, le reste de l’histoire. La présidence française de l’Union sera une occasion de placer l’Europe au premier rang de cette belle bataille pour l’humanité.

Pierre Méhaignerie, Henri Nallet, Michel Rocard et Philippe Vasseur ont été ministres de l’agriculture

Signé de notre sang (une bonne idée)

J’étais il y a quelques jours à La Chapelle-sur-Erdre, pour y parler de pesticides – grrr -, et quelqu’un que je ne voyais pas bien, dans la salle, a lancé une idée qui trotte dans ma tête depuis. Ce quelqu’un était quelqu’une, qui se reconnaîtra sans doute. J’avais expliqué un peu avant que nous tous – vous comme moi, hélas ! – avions les traces dans notre sang de l’empoisonnement universel dont l’industrie nous a fait le cadeau.

Pour moi, cette histoire a commencé au début de 2003. J’avais lu le résultat dingue d’une étude menée aux États-Unis par une ONG puissante autant qu’intelligente, Environmental Working Group (EWG). Et aussitôt écrit un article, longtemps le seul, je crois, à parler de tout cela en France (dans le numéro 738 de Politis). C’est tragiquement simple : en analysant le sang et l’urine de volontaires dispersés sur le territoire américain, des médecins y avaient découvert en moyenne 91 produits chimiques toxiques, dont de nombreux pesticides.

Depuis, on a fait bien mieux, c’est-à-dire bien pire. Le WWF a mené la même opération en Europe en 2004, auprès d’une quarantaine d’élus de différents pays, dont l’ancien ministre de l’Environnement français Serge Lepeltier. En moyenne, 41 saloperies différentes retrouvées. EWG a prouvé enfin que le sang du cordon ombilical des nouveau-nés était lui aussi lourdement contaminé.

Une telle situation devrait bien entendu provoquer des révoltes de masse, qui ne se produisent pourtant pas. N’entrons pas dans le ténébreux débat sur les causes de notre apathie collective. Et tentons tout de même d’avancer ensemble. Je reviens à l’idée proposée par mon interlocutrice de La Chapelle-sur-Erdre, et si je la modifie au passage, qu’elle me pardonne. Elle propose, et je soutiens ardemment, l’idée de lancer un plan massif de détection de notre intoxication personnelle.

Elle pense, comme moi, que la réalité indiscutable du poison chimique reste une abstraction. Elle pense, comme moi, que rendre visible, publique, proche, cette réalité aiderait à la mobilisation. On pourrait – et là, c’est moi qui parle – créer des collectifs partout où c’est possible. Dans une école, une fac, une boîte, un quartier, un village, que sais-je ? Trouver un ou des volontaires décidés à donner son sang pour faire un véritable bilan. Et publier, et alerter, et ameuter même.

Il me semble que, de cette manière, l’information pénétrerait d’une façon différente dans les esprits anesthésiés que nous croisons chaque matin. En cas de succès, possible sinon certain, nous pourrions envisager la naissance d’un mouvement national contre la contamination. Et demander des comptes à ceux qui ont permis ce désastre. Et réclamer des mesures qui ne seraient pas grotesques, comme celles concédées au Grenelle de l’Environnement d’octobre passé. Nous pourrions, oui, nous pourrions réclamer enfin un plan de sortie de la chimie de synthèse. Je le sais, c’est fou. Mais ne sommes-nous pas déjà dans une très grande folie ?