Mais comment changer d’air (en Chine) ?

Cet article a été publié le 19 novembre 2014 par Charlie Hebdo

Entrez, entrez découvrir les 365 photos de l’artiste Zou Yi ! À Pékin, l’air est devenu si dégueulasse que le lycée français met des filtres à l’entrée des bâtiments. Les vrais chiffres de la pollution ? Secret d’État (totalitaire).

On connaît la chanson : quand ça devient trop dur, on ferme les écoutilles. Cela s’appelle le déni, parade psychologique qui permet à certaines femmes enceintes d’oublier qu’elles le sont. Et qui rend la plupart des gens – éduqués, sensés, « intelligents » – aveugles en face de la très grande nouvelle de ce temps : le dérèglement climatique. Dans ce domaine, les nouvelles sont riantes : l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ramassis mondial de productivistes, prévoit une hausse de 37 % de la consommation mondiale d’énergie d’ici 2040, dans moins d’un quart de siècle. Et dans ces conditions, un seul mot s’impose : l’Apocalypse. Demain. Demain matin. Pour tous.

En Chine, on en est encore aux galéjades, à la pollution si classique de l’air et aux doigts dans le cul pour voir si ça fait mal. Le 23 janvier 2013, un habitant de Pékin, Zou Yi, décide de photographier chaque jour (1) l’immeuble qui lui fait face. Fenêtres sur cour, façon délire postmoderne. Zou Yi entend documenter l’extraordinaire dégradation de la qualité de l’air dans la capitale chinoise. Ce qui donne un cliché par jour, pendant un an. Le plus souvent, les fenêtres disparaissent dans un gris sombre, ou dans le noir. Pékin, la ville où l’on marche à tâtons.

Pour mesurer les dimensions bibliques de cette affaire, trois historiettes. Un, le lycée français de Pékin n’a plus la moindre confiance dans l’air qu’on respire localement. Il défend sa croûte, pas ? Des expatriés, des étrangers venus bosser en Chine six mois ou six ans ne veulent plus venir en compagnie de leurs gosses. Le lycée, plein d’imagination, proposera sous peu un établissement à air filtré. Fabius, ministre des Affaires étrangères, est passé sur place le 19 octobre pour poser la première pierre d’un nouveau bâtiment. On respire.

Deuxième illustration, qui date de ces tout derniers jours. Pékin accueille un sommet de chefs d’État de la zone Asie-Pacifique, ou APEC, mais consciente de ses devoirs d’hôte, se demande comment offrir à ses invités un air moins pourrave que d’ordinaire. Comme les bureaucrates ont tous les pouvoirs, ils ferment à moitié ou aux trois quarts 2 000 usines de l’agglomération, et traquent les peigne-culs qui osent allumer leurs fours, cuisinières ou chaudières à charbon. C’est-à-dire la totalité du peuple. Malgré ces beaux efforts, les chefs d’État doivent avaler le même air dégueulasse que les ploucs de la région.

Troisième grandiose exemple : la destruction, pour plus de sûreté, du thermomètre. Si on ne mesure plus, où est le problème ? La Chine vient d’interdire la publication – jusqu’ici disponibles sur le Net – de données américaines. L’ambassade US à Pékin, qui effectue ses propres contrôles, mettait à la disposition du public des mesures précises de la qualité de l’air dans la capitale. Comme on se doute, fort loin des chiffres officiels. Que sait-on ? L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une limite maximale de 25 microgrammes au mètre cube d’air de particules fines PM 2,5. Ce sont de loin les plus dangereuses, car elles ne dépassent pas 0, 0025 millimètre de diamètre, et grâce à leur petitesse, elles se fixent aisément dans les alvéoles des poumons, où elles finissent par provoquer les pires saloperies. À Pékin, les PM 2,5 atteignent et dépassent régulièrement 550 microgrammes, soit 20 fois ce qu’il ne faudrait jamais avaler.

Ce que ne raconte pas l’histoire, c’est notre contribution nette au grand massacre en cours des Chinois. Hollande et Sarkozy avant lui sont prêts à tout pour relancer leur croissance  adorée, qui passe fatalement par la Chine. En échange de nos turbines, de nos trains, de nos centrales nucléaires, la Chine nous envoie des montagnes de jouets, de colifichets à deux balles, de vêtements et d’ordinateurs. Qui ne poussent pas dans les arbres. La croissance et notre connerie – deux synonymes – tuent le monde. Charlie espère n’offenser personne.

(1) http://online.thatsmags.com/post/photos-this-is-what-one-years-worth-of-beijing-pollution-looks-like

20 réflexions sur « Mais comment changer d’air (en Chine) ? »

  1. Pas toujours facile d´éviter d´acheter chinois. Mais, autant que possible, pratiquez le boycott des saletés faites en Chine, des trucs produits dans des conditions humaines et écologiques désastreuses, de mauvaise qualité et souvent dangereux pour la santé de ceux qui les utilisent (voir jouets et vêtements).Préférez les alternatives, ou renoncez, quand les finances ne permettent pas l´acquisition d´articles produits « localement ». J´en ai déjà si souvent parlé autour de moi, mais on me cloue le bec avec l´argument massue : »Ben oui, vous avez raison, MAIS c´est tellement bon marché »!!! Ben voilà, c´est bon marché alors on achète. Que le sang et la sueur des esclaves chinois collent aux décorations de Noël, on s´en bat l´oeil, on ne le voit pas (le sang, pas l´oeil!). Ce qui compte, c´est « beaucoup pour pas cher »!
    Mais non, Charlie n´offense personne, il dit simplement la vérité, toute crûe. Tant pis si certains s´en trouvent blessés, c´est qu´ils n´auront rien compris.

  2. Et quand on sait qu’en plus, ils n’ont pas non plus d’eau potable, ou si peu, comme tu en as souvent parlé ici, Fabrice, ils sont (c’est à dire nous sommes) mal barrés.

    À Carhaix, devrait ouvrir fin 2015 une usine de lait en poudre, dont le propriétaire est Synutra, grosse entreprise chinoise.
    Leur hygiène ne leur permettant pas de produire eux-mêmes du lait en poudre pour les bébés, les capitalistes chinois préfèrent s’installer en Bretagne, y récupérer le lait des vaches « locales » et en faire du lait en poudre.

    Leurs ambitions en termes de quantités sont énormes : l’usine fonctionnera en 3×8 et les vaches devront bosser plus (sic). C’est dit clairement, avec ce qu’ils croient être de l’humour, dans certains articles.

    Ça signifie que les 1000 vaches en Bretagne, d’une manière ou d’une autre, c’est pour demain. Ça signifie qu’on surveille de près.

    Il ne nous manquait plus que ça.

    Le maire de Carhaix, bonnet rouge, partisan à fond les gamelles d’une agriculture productiviste, a bouclé les contrats et en est tout joyeux.

    Et alors ?
    Et alors, pour faire du lait avec de la poudre de lait, il faut rajouter de l’eau, si possible potable. Et l’eau potable, elle manque, en Chine.

    Au point que ce projet, non content d’être destructeur en Bretagne, est en plus absurde.

    « La pollution de l’eau serait à l’origine de 118 000 morts par cancer pour l’année 2004. […] Environ 190 millions de Chinois souffriraient de maladies liées à la consommation d’une eau insalubre. »

    Voilà ce que dit, entre autres, l’article de Médiapart dont voici le lien :

    http://blogs.mediapart.fr/blog/habitus/201114/usine-lait-de-carhaix-pas-deau-en-chine-pour-le-lait-en-poudre

  3. bon marché…il faudra répondre  » ne trouvez donc rien à redire aux chefs d’entreprise qui délocalisent en créant du chômage pour vos enfants …eux aussi ils cherchent le « bon marché; pourquoi ce critère de « bon marché » ne fonctionneraI
    t il pas pour le cout de la main d’oeuvre?

  4. Ha! ben…. merdalor, moi qui viens d’acheter des tout mignons pandas en peluche du WWF fabriqués en Chine…

    En pénitance pour moins polluer chez nous je vais construire une centrale solaire avec des panneaux chinois montés par des esclaves hongrois.

    Ha mais!

  5. « J’ai fait des études d’écologie végétale, c’est quelque chose que l’on sait assez peu sur moi. Mais je trouve que le sujet est abordé avec une absence de sérieux. Quand un équilibre biologique est détruit, ce n’est pas très grave car un autre se forme sur une autre base. Cela se passe depuis l’origine de la Terre. Il faut sauver les conditions d’existence sur la planète mais des modifications climatiques, il y en a toujours eu. Des espèces disparaissaient bien avant l’existence de l’homme. Qu’une transformation écologique soit liée pour une fois à l’apparition de l’homme ne me choque pas plus que ça car les équilibres écologiques se sont déjà modifiés depuis des millions d’années. »
    (Michel Houellebecq)

    Comme quoi, « jusqu’ici tout va bien » (La Haine)…

  6. J’étais aujourd’hui au forum Les respirations, le dixième du nom mais le premier à Paris et qui pour cette occasion se présentait comme la première conférence évènement sur la qualité de l’air. Il y avait des personnalités scientifiques, politiques, technocrates, industrielles…Sébastien Vray de l’association RESPIRE a apporté un bon air de révolte dans cet océan de discours parfois intéressants mais toujours trop sages. Madame Hidalgo fit savoir qu’elle était très déterminée à mener à bien un programme d’action qui sera présenté début 2015 au Conseil de Paris ( portant notamment sur le Diesel ). Entre le matin et l’après-midi on entendit des déclarations un peu contradictoires sur le diesel. Mais c’est la représentante de Sofiprotéol qui donna le ton, parlant dans le dernier atelier de la journée : le biodiesel mes amis, voilà la solution. Cette position ne fut commentée par personne : Brice Lalonde et Denis Baupin n’exprimèrent aucune réserve, pas la moindre. Baupin reconnaissant que les écologistes ne pouvaient plus éviter de se prononcer sur les caractéristiques techniques des voitures particulières avança que plusieurs types de carburations étaient envisageables, y compris des biodiesels de deuxième ou troisième génération (une habileté tactique/rhétorique ou une conviction ?).
    Une personne de la salle questionna la représentante de sofiprotéol à peu près ainsi ( ça passait par des billets et non par un micro ): sofiprotéol par la vente de pesticides améliore la qualité de l’air ? On rit beaucoup ! heureux les simples d’esprits !
    Droite dans ses bottes Kristell Guizouarn répondit facilement que non non non, Sofiprotéol ne vendait aucun produit phyto. et que d’ailleurs sofiprotéol se faisait un devoir de promouvoir les bonnes pratiques….?????

  7. …et concernant le dernier « accord » USA-Chine tous le regardèrent comme une avancée positive( même Valérie Masson-Delmotte du GIEC).

  8. Un malheureux aveux d’ignorance crasse de la part de Michel Houellebecq : il a oublié un élément essentiel qui est le facteur temps. Une paille…!
    C’est triste autant de stupidité.
    Depuis des millions d’années, jamais le rythme d’extinction des espèces n’a été aussi rapide.
    C’est en cela que la situation est bien plus grave que ce qu’il parvient péniblement à comprendre de façon péremptoire…
    Comme je suis fatigué de ces étalages de contre-sens… (ce n’est pas toi que je vise, @Franc, mais seulement Houellebecq)…

  9. Au niveau pollution, et gaspillage énergétique (plus de 7 réacteurs nucléaires rien qu’en France), les ordinateurs, iphone et compagnie décroche la première place, pas seulement en Chine, mais aussi chez nous, ainsi que dans les pays qui produisent les pièces qui seront assemblées en Chine, au Congo ou est extrait le coltan, au Canada où sont exploités les sables bitumineux…

  10. Un ordinateur fonctionne toujours après 15 ans. Le problème est que pour un non initié comme moi qui ne sait pas sélectionner les mises à jour, il devra en acheter un autre au bout de 8 ans s’il veut rester connecté au web. Il y a énormément à gagner en luttant contre le gaspillage lié à l’informatique et à la téléphonie, dont les ondes ne sont pas exemptes de nocivité.

  11. Sur un point, Houellebeck a raison, il y aura toujours de la vie sur Terre, le problème est que si nous ne faisons rien, une grande partie des espèces vont disparaitre, l’homme compris.

  12. Changer d’air est devenu une priorité, et pas qu’en Chine, en agissant au niveau de ces 4 domaines : informatique,
    bidoche,
    transports,
    et bâtiments :isolation, éclairage,
    nous pourrions réduire de plus de moitié notre empreinte écologique et cela sans vivre moins bien et sans retourner à l’âge de pierre comme le prétendent des scientistes.

  13. Bon, si Fabius va inaugurer un nouveau bâtiment à air pur au lycée français à Pékin, nous sommes sau-vés ! Le ministre du Rainbow-warrior est vraiment au-dessus de tout, magnifique.
    Si le PS n’existait pas, il faudrait (presque!) l’inventer.

  14. Une citation de Pierre Rhabbi, on ne peut plus synthétique : « Est-ce que la nature a besoin de nous ? Non. Est-ce que l’homme a besoin de la nature ? Oui. A bon entendeur salut. »
    A écouter dans la conférence de presse du 2 octobre (27’minutes) de présentation du livre Nos voies d’espérances : http://www.actes-sud.fr/nos-voies-desperance

  15. Au forum Les respirations, il a été beaucoup question de « ville durable ». [dans une vidéo, Eric Orsenna s’exprimant sur le sujet, prit le temps de dire sa désaffection pour ce terme de durable auquel il préférait celui de soutenable, traduction fidèle de l’expression anglosaxonne ; mais il fut bien le seul à accorder de l’attention à la terminologie]. Il y eut des architectes, des urbanistes…
    Anthony Béchu revenait de Chine où il travaille à l’élaboration d’une écocité à Shenyang. Je ne connais pas cet homme, son travail, aussi je ne saurais dire ce que vaut cette entreprise ; ce qui retint mon attention c’est que, à l’entendre, les chinois, sur ce chantier précis ou de façon plus générale ( ce n’était pas clair) procéderaient à un revirement consitant à faire revenir des maraîchers à proximité des villes, souvent mégalopolistiques. Béchu travaille en lien avec L’Académie des Technologies de France et son Agence me semble familière des Grandes Constructions , alors…
    D’ailleurs, puisque l’état d’esprit des Respiration c’était « pensons positif » on trouvait dans un autre atelier Rémi Dorval de La Fabrique de la Cité ( Vinci) et aussi l’usine à gaz Vivapolis (« Avec VIVAPOLIS, la France se dote d’une véritable vitrine de l’excellence de cette offre à
    l’international. Cette marque, qui fédère les acteurs français de la ville durable – grands
    groupes et PME – permet aux entreprises de se présenter groupées sur les marchés
    étrangers et dans les salons internationaux, facteur indiscutable de réussite à l’export »). De fait, in smartgrid we trust, telle serait la devise de ces durhabiles, qui ne sont pas loin de nous proposer Centerparc comme idéal ( le mot « social », je crois ne jamais l’avoir entendu de la journée ; pas plus que « nucléaire »). Également présent, Etienne de Vansay représentant FIMEA ( https://fimea.wordpress.com/ ) . Parmi les propos qu’il a tenus, j’ai relevé que les bâtiments HQE superconfinés pouvaient éventuellement présenter des problèmes relatifs à la qualité de l’air intérieur. Ce fut dit en passant, au milieu d’autres propos, mais n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

    Un bouquin récent parlait de l’écologie/économie de l’attention ; Les Respirations, résolument à la pointe du progrès, ont fait intervenir une animatrice – et chasseur de tête- du mouvement Eklore pour un atelier Respi-relax dont on prendra le pouls ici : http://dojoevents.fr/events/soiree-open-meditation-pour-entrepreneurs/ Il y avait la méthode Coué, il y a aujourd’hui Ekleure.

  16. Erratum : je manquais un peu d’air ( LeuRRe : Morceau de cuir rouge en forme d’oiseau garni de plumes servant à faire revenir l’oiseau sur le poing du fauconnier.)

  17. Les prodigieuses réalisations de la Chine dans son entreprise sur les droits de l’homme démontrent pleinement qu’elle a pris la voie correcte du développement des droits de l’homme qui convient à ses conditions nationales

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