De l’art du go (contre un certain Grenelle)

Est-ce seulement une indifférence abyssale ? Ou bien du mépris ? Je ne sais. Le fait est que Sarkozy se moque de nous avec un grand aplomb. En visite en Allemagne le 10 septembre, il a insisté auprès de la chancelière Merkel pour qu’elle relance un programme électronucléaire.

Vous le savez sans doute, les Allemands, après des décennies de mobilisation, ont décidé un plan de sortie du nucléaire d’ici 2020. Contesté, certes, mais officiel. Sarkozy arrive, bardé de fiches concoctées par Areva et EDF, et puis fait son show. Comment mieux dire merde au mouvement associatif ?

Car enfin, quelle idée se fait-il des centaines de milliers de citoyens allemands qui ont oeuvré, souvent au-delà des catégories politiques classiques, pour que leur pays renonce à l’atome ? Je crains qu’elle ne soit guère différente de celle qu’il a des associations françaises, et du si fameux Grenelle.

Je ne vais pas faire le fat, mais j’aime prodondément le go. Ce jeu plurimillénaire est guerrier, ou mieux encore stratégique. Deux adversaires se font face, qui occupent peu à peu le go-ban avec des pierres – ou pions – noirs et blancs. Le go-ban est un damier de 361 intersections. Pour gagner, ce qui ne m’arrive pas chaque matin, il faut considérer l’ensemble du jeu. Les pierres dessinent des territoires, mais bien souvent, un coup majeur transforme une scène en son opposé. Un territoire virtuellement conquis devient une prison. L’illumination d’un instant découvre un paysage neuf.

Le Grenelle de l’environnement est une partie de go. Et les associations, attirées sur un terrain où elles s’enlisent, courent le risque évident de ne pas être comprises par la société. Or si Sarkozy est un tacticien redoutable, il demeure à mes yeux un mauvais stratège. Au go, cela ne pardonne pas. Certes, il est capable de faire des prisonniers, d’enfoncer un coin chez ceux d’en face, et d’effrayer le voisin. On peut le croire vainqueur déjà alors qu’il peut encore perdre, y compris la face.

Je suggère à mes amis écologistes de sortir dans la clarté et la dignité des commissions du Grenelle. Il se confirme, jour après jour, qu’elles ne sont là que pour enfumer renards et blaireaux. Les quelques mesures qui pourraient en sortir – et qui en sortiront peut-être – sont d’ores et déjà illisibles, incompréhensibles à tout autre que l’expert. Par mimétisme, le mouvement réinvente celui qui sait et comprend mieux que les autres. L’homme des bureaux. Des ministères. Celui des dossiers ficelés. Je réaffirme que le peuple a le droit et le besoin de comprendre les enjeux. Une réforme du Conseil économique et social, la réduction de la vitesse automobile – on parle de 10 km/h -, une amélioration de la « gouvernance écologique », tout cela sent la farce.

La guerre de position que mène Sarkozy est déjà perdue pour nous. Car il s’agit fondamentalement d’un leurre. Les grands de la cour l’ont d’ailleurs compris, savez-vous ? EDF ne siège pas au Grenelle, ni Areva. l’UIPP, l’industrie des pesticides, pas davantage. Ces vraies puissances savent où est le vrai pouvoir. Dans la coulisse. Dans l’antichambre. Dans le couloir, c’est-à-dire, en anglais , le lobby.

Il faut rompre et placer aussitôt, comme au go, la pièce maîtresse qui peut tout changer. Selon moi, il faut exiger, ensemble, l’organisation d’un référendum sur les OGM. Pas de moratoire ! Comme le disait fort justement l’autre jour le président du WWF Daniel Richard, la défense du moratoire ressemble étrangement à une acceptation différée.

Non, pas de moratoire. Mais un référendum. Si Sarkozy l’accepte, donnant la parole au peuple de notre pays, nous mènerons de conserve la plus belle campagne publique de l’histoire récente. Et nous gagnerons. Et la place de l’écologie chez nous en sera changée à jamais.

Car sous le parapluie d’une telle victoire, des millions d’enthousiastes se lanceraient à l’assaut de milliers de Bastille. Ce serait fête. Et populaire, croyez-moi. Et pour le cas où Sarkozy refuserait, il lui faudrait en assumer seul les conséquences. Je pense qu’il ne serait pas si difficile de lui faire porter le mistigri d’un échec historique sur le terrain de l’écologie.

Pour ma part, je suis prêt à crier : atari ! à Sarkozy et à sa petite équipe de bluffeurs. Atari, au go, signifie : attention, je m’apprête à vous mettre en échec. Ce coup est important, décisif peut-être. Oui, atari !

8 réflexions sur « De l’art du go (contre un certain Grenelle) »

  1. Tant que les verts français n’auront pas l’intelligence de s’extraire de la chicane politique et des chialeries faciles, ils ne s’adresserotn qu’à une petite partie de la population. Je méprise profondément les rétrogrades crispés qui sont tombés sur le poil de Hulot, au mépris des regles du jeu médiatique. Avoir raison dans une salle de MJC ne sert à rien, définitivement. Le sectarisme vert à la papa est un danger pour nous tous.

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