Je ne hais pas Le Monde

Un deuxième article, et le même jour ? Oui, hélas pour vous. Et sur la presse encore ? Sur la presse encore. Levons tout malentendu : non, c’est juré, je ne déteste pas le journal Le Monde. Enfin, pas plus que les autres journaux. Au reste, je le lis depuis l’âge de 14 ans. Un sacré bail. Mais si je me sens obligé de préciser, c’est que j’ai déjà critiqué au lance-flammes l’un de ses titres de une il y a quelques jours.

Non, je ne le déteste pas. Cette preuve immédiate : dans l’édition parue ce mardi 25 septembre à Paris, il y a un bon article en page 21 : La ruée vers l’or sale. Écrit par Hervé Kempf, il décrit l’exploitation survoltée des sables bitumineux dans la province canadienne de l’Alberta. Le principe est connu : on détruit tout, il ne reste que ruines, dévastation, pollution éternelle. Pour extraire du pétrole et détruire le climat.

Je dois ajouter, car je n’ai rien à cacher, que je connais bien Hervé, que j’aime dîner à l’occasion chez lui, et que j’ai de l’affection pour lui et sa famille. Mais je dois dire aussi que j’aurais eu le même jugement sur son papier si je ne l’avais pas connu.

Donc, une bonne enquête. Et dans le même numéro, page 3, un article merdique. Est-ce la faute du journaliste, dont vous retrouverez aisément le nom sans moi ? Je ne sais quoi penser. Ce papier est en tout cas « édité », comme on dit dans notre jargon, de manière lamentable. En une, ceci : « Borloo regonflé ». En page trois, l’article lui-même, intitulé : « Borloo n’a plus le blues ». Écrit par un journaliste politique.

Va-t-on apprendre quelque chose ? On l’aimerait, car l’ensemble prend une page du plus grand journal français. Mais c’est de la com’. De l’autopromotion organisée par Borloo et son cabinet. L’idée générale, c’est que le ministre de l’Écologie va étonnamment bien. Qu’il est en train de niquer tout le monde, à commencer par ces niais d’écologistes qui participent au Grenelle de l’Environnement. J’exagère ? Non. Citation : « Pour son grand rendez-vous avec les associations, les ONG et les acteurs de l’économie écologique {sic}, il a, plus concrètement {Borloo}, en bon avocat d’affaires, préparé deux ou trois « deals » censés assurer un succès médiatique ».

Est-ce drôle ? Oui. Le Monde écrit sans se troubler que tout cela n’est que mise en scène et en musique. Est-ce assez ? Non. L’article entier est vide de la moindre information. Le cabinet a « vendu » au journaliste de service l’idée d’un Borloo qui se requinquerait peu à peu, après l’humiliation de son départ forcé de Bercy, siège du ministère des Finances. D’ailleurs, le journaliste du Monde s’embrouille lui-même dans la manoeuvre. Il lâche, entre autres perles : « En cette rentrée, Jean-Louis Borloo tente de reprendre pied ».

Sauf erreur de ma part, cette phrase est au présent. Il tente, il n’y est pas, pas encore, parvenu. Mais tout le papier signale qu’il est en pleine forme, qu’il pète les flammes, et une photo le montre dans un wagon TGV, filant à grande vitesse vers son destin, magnifique à coup certain. Un article de publicité politique, c’est ça. Croyez-moi, ça m’emmerde.

Dans un registre plus intime, et profond, je consacre une partie de ce mercredi 26 septembre au souvenir d’André Gorz, qui s’est tué avec son épouse Dorine. Je relis certains de ses textes flamboyants, dont Adieux au prolétariat, Métamorphoses du travail, Critique du capitalisme quotidien. Et comment oublier cette lettre d’amour, sublime et angoissante, à sa si chère femme ? Comment oublier Lettre à D. ? Mon Dieu, comme cet homme a compté !

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