Le cochon, le progrès et le rire de l’homme

Vous me permettrez de vous présenter un homme politique admirable, le député UMP Marc Le Fur. Élu des Côtes d’Armor, membre du « Club des amis du cochon » à l’Assemblée nationale, il se bat comme un beau diable pour que vive la Bretagne. Enfin, une certaine Bretagne. Celui que tous appellent « le député du cochon » – allez savoir pourquoi – a donné en janvier 2007 un entretien retentissant au magazine hélas méconnu Porc magazine, que je vous recommande au passage.

Que dit-il ? Que les porcheries industrielles sont l’avenir, un bel avenir pleinement désirable. Citation immédiate qui clouera le bec des moqueurs, je l’espère : « Les producteurs de porc sont de véritables chevaux de course entravés dans leur envie d’entreprendre et leur volonté d’être compétitifs ». Oui. Tel. Marc Le Fur aime tant ses porchers qu’il concocte pour eux, perpétuellement dirait-on, de nouveaux projets de loi. Contestés, il va de soi, par quelques mauvais coucheurs, au premier rang desquels l’association Eau et rivières. Je ne vous donne pas la liste des faits d’arme législatifs de M. Le Fur, car vous pouvez trouver vous-même.

Tout de même ceci : en 2005, à l’occasion d’un débat parlementaire, Marc Le Fur et trois amis députés ont tenté de faire passer un amendement révolutionnaire. Considérant que l’administration, cette rosse, s’en prend aux éleveurs industriels sans la prévenance qu’ils méritent, Le Fur réclamait que, dorénavant, on prévienne ces sympathiques travailleurs de tous les contrôles à domicile. Commentaire d’Eau et Rivières, et sachez que le gras figure bel et bien dans le communiqué d’origine : l’amendement « revient à interdire tout contrôle inopiné et à empêcher les agents de terrain de verbaliser les infractions qu’ils constatent à l’occasion de leur mission. Cet amendement permettrait aussi aux exploitants en infraction ou responsables d’un accident de pollution (…) de masquer les preuves et de tenter de dissimuler par avance toute situation irrégulière ».

Bon, la présentation est faite. Voici le plat de résistance. Je lis ce lundi 8 octobre sur le site du journal économique Les Échos (1) une tribune signée Marc Le Fur. Laquelle a hérité d’un titre facétieux, dont je redoute qu’il n’ait été choisi après lecture par quelque journaliste sceptique : Les biocarburants roulent vers l’inconnu. Je serais à la place de notre honorable député, je protesterais aussitôt. Car où est l’inconnu ? Pemière citation : « Par un curieux balancier de l’histoire, le monde rural apparaît donc, grâce au développement des biocarburants, de nouveau susceptible d’impulser le progrès ». Bien, déjà un premier point : nous sommes dans le sens du progrès. Me voilà autant soulagé que vous.

Le reste est aussi grand que ce court extrait. Marc Le Fur semble préoccupé par la concurrence, et appelle à un sursaut de l’Europe, qu’il ne croit possible qu’à une condition : laisser tomber le biodiesel. Je vous avoue que je ne comprends pas tout. Le biodiesel, c’est chez nous le colza et le tournesol. Le lobby est bien implanté, il est soutenu en haut lieu, il a donc le vent en poupe. Or Le Fur, à mots couverts, s’en prend à ces excellentes personnes, qui ont déjà tant oeuvré. Et il évoque les biocarburants de la deuxième génération, que personne n’a encore vus, et qui pourraient s’accompagner d’un boom sur les arbres transgéniques et des graminées comme l’herbe à éléphant, originaire de Chine.

N’importe. Je vous annonce en exclusivité la naissance d’un sous-lobby des biocarburants, qui prépare la deuxième manche. La première génération a été et demeure une catastrophe planétaire ? Qui détruit les forêts tropicales, affame les peuples et aggrave la crise climatique ? Ce n’est pas grave, voyons la suite. Croyez-en la sagesse d’un Marc Le Fur. La Bretagne a tué son paysage, arraché au moins 160 000 km de talus boisés en quelques décennies (selon des estimations prudentes), pollué ses eaux pour un siècle peut-être, et elle fabrique comme à l’usine des porcs que plus personne ne veut boulotter. Ce n’est pas grave, puisque c’est le progrès.

Deuxième citation, et dernière : « Nous sommes donc face à un choix économique, écologique et stratégique majeur : celui de la constitution d’une filière biocarburant performante, propre, assurant notre indépendance agricole et permettant une utilisation rationnelle de notre espace rural ». Rationnellement, ou plutôt raisonnablement, on me permettra une minute de rire ininterrompu.

(1) Non, ce n’est pas un truc pour vous attirer ailleurs. Le lien vers Les Échos ne fonctionne pas. Mais vous pouvez lire M. Le Fur sur : http://fabrice-nicolino.com/biocarburants/index.php

3 réflexions sur « Le cochon, le progrès et le rire de l’homme »

  1. j’ai podacaster l’émission terre à terre où Fabrice Nicolino m’a fait prendre POUR LA PREMIERE FOIS que les biocarburant sont tout le contraire d’un miracle. hier, France 5, une écologiste propose de reformer un couvert végétal les anciennes terres de forêt qui après culture sur brulis sont devenu incultes. (un peu comme mon cerveau après les élection présidentielle). et en plus : ça permet de faire des Bofcarburants. ma question est la suivante :

    si l’agrocarburant-agriculture permet par des plantes plus ou moins transgéniques de transformer le sahara en forêt vierge (c’est une image). l’écologie planetaire peut-elle y gagner quelque chose ? à partir de quel degré ?

  2. Voila des nouvelles qui ont de quoi remplir de bonheur tous ceux qui se battent contre les moulins, en l’occurence les usines de viande sur pattes (notamment notre association http://www.acipe.fr a fort à faire avec un projet inique de cochonnerie industrielle à Chauvigny et vient d’émettre une pétition à laquelle le maximum de signatures serait bienvenu)

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