Un discours d’anthologie (Notre-Dame-des-Landes à Rennes)

Samedi passé, manifestation de soutien aux combattants de Notre-Dame-des-Landes, à Rennes. Voici le texte qui a été lu au nom des habitants de la ZAD. Zad pour Zone d’aménagement différé, dans la langue orwellienne de Vinci le bétonneur et du parti socialiste son acolyte. Zad pour Zone à défendre dans la bouche de nos amis du bocage. Lisez et n’oubliez pas : LE 17 NOVEMBRE, IL FAUT Y ÊTRE !

Amis d’ici, amis d’ailleurs,

Quelque chose est en train de se passer à Notre-Dame des Landes. Quelque chose qui les dépasse, ces Césars de pacotille, le préfet Mr Delaverné comme le premier ministre, Jean Marc Ayrault.

Les machines détruisent, les flics gazent, expulsent, frappent, et arrêtent… mais la lutte se renforce ! Le temps de la négociation, des accords, des compromis et des petits jeux électoralistes est révolu. Le temps de la division, savamment orchestré, entre habitants et paysans, entre squatteurs et « militants historiques », entre « gens du cru » et étrangers, est derrière nous. Aujourd’hui, nous faisons bloc ! Toutes les tactiques se complètent pour s’opposer aux expulsions, aux destructions et aux débuts des travaux. L’aéroport n’est plus seulement un projet, une abstraction, un monstre de papier qu’on attaque à coup de contre-expertise. C’est une réalité humaine et matérielle : C’est nos voisins poussés au départ par Vinci/ AGO… C’est les maisons et le cabanes détruites au tractopelle… C’est nos ami-e-s jetés des arbres, à la rue, à l’arbitraire de la justice… C’est le renforcement de l’occupation militaire du territoire. Mais c’est surtout la lutte qui prend un sens et une ampleur nouvelle. C’est surtout les actes de résistance et toutes les solidarités qui s’expriment ici comme ailleurs.

Dans le bocage avec celles et ceux qui s’organisent : rassemblements, manifs, défense des lieux de vie, ouverture de maisons, occupation de routes, défense de la forêt, cantines collectives, assemblées, ravitaillement, reconstruction…Les habitats sont détruits mais les habitants sont encore là. Et tant que nous sommes là, il faut qu’ils comprennent que les travaux du barreau routier (prévu pour février 2013) et la destruction de la forêt de Rohanne (prévue en décembre 2012) ne pourront pas commencer ! Le 17 novembre pour la manif de réoccupation, soyons nombreux-euses sur le terrain pour leur montrer qu’on reste et que nous reconstruirons plus vite qu’ils ne détruisent. La lutte se diffuse au delà de la Zone à Défendre, avec la création de collectifs contre l’aéroport et son monde, avec le foisonnement de gestes solidaires.

Contre Vinci et le parti socialiste, contre tous les projets d’aménagement du territoire… De la prise d’antenne sauvage au rassemblement public, du sabotage au défilé de tracteurs, du concert de soutien au parking Vinci perturbé….Plus la lutte se renforce sur le terrain, plus elle se répand , et plus la possibilité de l’arrêt immédiat du projet d’aéroport se rapproche ! Le mouvement s’élargit, de Val de Suza à NDDL, pour contrer tous les Césars qui veulent aménager nos territoires et nos vies, continuons de construire de multiples foyers de résistance irréductible. A Vinci qui nous dit Dégage,on aménage, nous répondons que nous ne partirons pas comme ça et que nous résisterons partout ici comme ailleurs.

Les habitants de la ZAD

PNG - 407.1 ko

INFOS SUPPLÉMENTAIRES ET PRATIQUES

- Cet appel à réoccupation a été lancé par le réseau Reclaim The Fields et des occupant.e.s de la ZAD qui avaient occupé des terres en friche avec plus d’un millier de personnes en mai 2012 pour y implanter la ferme maraîchère « Le Sabot » . Nous invitons aujourd’hui tous les groupes qui le souhaitent à relayer cette initiative et à rejoindre l’organisation du 17 novembre.

- Au-delà d’une manifestation, il s’agit avant tout d’une action collective qui gagnera en puissance avec une présence longue et active du plus grand nombre. Prévoyez d’être là pendant le week-end et plus si possible pour amorcer l’occupation, continuer les constructions, les défendre, et en faire émerger des idées pour la suite.

- Amenez des outils et matériaux divers et variés, des bleus de travail, du son, des créations loufoques, des radios portatives, des tartes à partager et une détermination sans faille.

- Il sera possible d’arriver dès la veille. Un espace de campement sera annoncé dans les jours précédant la manifestation.

- Vu l’énergie nécessaire à la résistance aux expulsions d’ici là et l’épuisement conséquent pour les occupant-e-s, la réussite de cette manifestation dépend de manière cruciale de l’implication des collectifs et individu-e-s solidaires partout ailleurs. Nous appelons à ce que s’organisent des réunions publiques, relais d’information et co-voiturages dans chaque bourg en vue du 17 novembre.

- Des affiches et tracts photocopiables sont disponibles sur le site ou en format papier sur nantes (B17) ou sur la ZAD (Vache-rit). Tout soutien financier est le bienvenu (par chèque à l’ordre de “Vivre sans aéroport”, La Primaudière 44130 NDDL ; par virement : 20041 01011 1162852D32 36)

Comme la situation change chaque jour, guettez régulièrement les infos sur le site : http://zad.nadir.org/

En vue du 17 novembre, on cherche des poutres, matériaux de construction et d’escalade, cuisines collectives, chapiteaux, musiciens, batukadas, cabanes en kit, outils, tracteurs….

Pour tout échange, coup de mains, relais, propositions : reclaimthezad@riseup.net

David Assouline est amusant (à propos de Notre-Dame-des-Landes)

Vous ne connaissez pas David Assouline, et sauf grave erreur de ma part, vous ne perdez guère. Moi non plus, je ne le connais pas. Mais je dois avouer que le repas d’anniversaire d’un copain, il y a une dizaine d’années, m’a conduit à dîner non loin de lui. Et c’est tout. Qui est-il ? Un sénateur. Non, on ne rit pas. Pas encore. Âgé de 53 ans, Assouline a été de nombreuses aventures de l’extrême-gauche française. Il a été membre, entre autres, de la défunte LCR, plus tard que des Julien Dray et consorts. Disons jusqu’au début des années 90. Et puis, en 1995, changement de programme : le bolchevique, fier militant de fer, rejoint le parti socialiste, après tant d’autres.

Y aura-t-il de la place pour lui ? Eh bien oui, un strapontin, de sénateur comme je l’ai écrit plus haut. Mais il est aussi – mazette – porte-parole de ce parti socialiste qui l’a propulsé en haut de l’affiche. Oh quel destin ! Voilà que j’apprends par Le Figaro (ici) qu’une « vague de vandalisme anti-PS » déferle sur notre vieux pays. Depuis la mi-octobre, une quinzaine de permanences socialos ont été taguées, insistant à chaque fois sur la responsabilité écrasante du PS dans le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Notez qu’il ne s’agit que d’inscriptions à la peinture. Aucun chef socialiste n’a été pendu. Aucune bombe n’a déchiqueté une réunion de section. De la peinture.

C’est alors que surgit des décombres David Assouline. Un type qui aura passé l’essentiel de sa jeunesse dans des organisations gauchistes. Je précise pour ceux qui ne le sauraient que la LCR, pour ne prendre qu’elle, a assumé, au long de son histoire, de très nombreux heurts physiques avec ses adversaires. Et par exemple avec des policiers – largement aussi « républicains » que ceux qui dévastent Notre-Dame-des-Landes en ce moment -, envoyés par dizaines à l’hôpital après une rencontre avec le service d’ordre de ce qu’on appelait jadis La Ligue. Autrement dit, Assouline est l’héritier en ligne directe d’un courant qui a pratiqué et défendu la violence partout dans le monde. Et qui considérait la social-démocratie qu’adore aujourd’hui Assouline comme un ennemi de la révolution. Je ne juge rien, je rappelle.

Donc, Assouline surgit et déclare, apparemment sans rigoler de lui-même : « Aucune pseudo-cause ne peut justifier de tels actes de vandalisme politique. Il doit y avoir maintenant une réaction énergique pour arrêter là cette dérive qui constitue une atteinte insupportable à la démocratie ». J’aime beaucoup cette « pseudo-cause », car elle signifie au passage, selon moi, que monsieur le sénateur Assouline ne sait plus, s’il l’a su un jour, ce qu’est une cause à défendre. Pour le reste, tout y est : Assouline est sur la voie de Jules Moch, ministre socialiste des flics sous la Quatrième République, pour laquelle il n’existait d’autre cause que le maintien au pouvoir de ses ministres. Réaction énergique, dérive, atteinte insupportable à la démocratie. On croirait un gag. C’est sérieux. La vieillesse est un naufrage.

Lever un malentendu (rajout du 11 novembre) : Mouton noir, mais avant lui H., m’a fait part de son désaccord avec la dernière phrase du petit papier ci-dessus. Voici ce qu’il m’écrit : « Cher Fabrice,
je souscris totalement à ta critique, mais je trouve dommage que ta dernière phrase gâche tout: quand tu écris « La vieillesse est un naufrage. », je crains fort que tu ne tombes dans une erreur typique de notre société où la jeunesse est glorifiée (pour mieux l’arnaquer ?) et où les cons sont forcément des vieux. Quand je lis ce genre de phrase, je pense à Théodore Monod et à la chanson de Brassens « Le temps ne fait rien à l’affaire » (http://www.youtube.com/watch?v=gznDOMKeWkA). Un naufragé de 63 ans ».

Et voici ce que je lui réponds :

« Cher Mouton noir. Mais je suis plus vieux que Assouline ! Un, j’ai repris, peut-être à tort, une phrase de De Gaulle ( « La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s’identifier avec le naufrage de la France ». In Les Mémoires de Guerre. De Gaulle avait piqué l’expression à Chateaubriand ). Et, deux, plus important et de loin, je n’ai voulu pointer que le racornissement de l’âme, qui concerne tout le monde, quel que soit l’âge ! Si tu savais comme je me fous de l’âge civil qu’ont les gens ! Bien désolé de ce malentendu ».

Je suis allé à Notre-Dame-des-Landes, et j’y retournerai

En pensant à Lilou

Pour ceux qui ne sont pas au courant, car il y en a. Ayrault, actuel Premier ministre et ancien maire de Nantes, veut imposer un deuxième aéroport à cette ville de 300 000 habitants. Il a ressorti pour cela un projet des années 60, qui nécessite de détruire un bocage de près de 2 000 hectares somptueusement préservés. Sur place, la bataille fait rage entre 200 à 300 jeunes qui occupent les arbres et les clairières, d’une part, et environ 1000 flics de l’autre.

Mardi passé, avant-hier, j’étais à Notre-Dame-des-Landes. Je ne peux pas vous raconter pour le moment, car j’y étais en mission commandée. Mais c’était d’une rare beauté. Le bocage convoité par les abrutis du projet d’aéroport est somptueux, gorgé d’eau, décoré de houx géants, d’aubépines, de chênes. On s’y enfonce dans une boue noire qui paraît pouvoir vous aspirer, on y rencontre un peuple sautillant de Hobbits – des jeunes squatters venus de France, de Belgique, d’Angleterre, d’Allemagne, d’Afrique du Sud, d’Australie – qui refusent l’argent et toutes les conneries du monde. Dans ce pays neuf fait pour Peter Pan, le Lapin Blanc, John le Lézard ou le chat du Cheshire, traverser le miroir est un véritable jeu d’enfants.

Vous suivez un chemin, en pleine forêt, encerclé par les bouleaux et les châtaigniers, et vous tombez sur une clairière où les Hobbits ont planté une maison sublime, faite de matériaux récupérés dans les déchetteries et poubelles de notre si pauvre univers. Ou vous vous retrouvez comme par magie au pied d’une cabane poussée dans les arbres, tenue par des cordes et des nœuds, sans l’ombre d’un clou ou d’une vis. Je vous résume : ceux qui refusent le grand massacre sont d’une part un collectif d’habitants, que j’ai rencontrés. Ils sont épatants, et s’appuient avec bonheur sur les 200 à 300 Hobbits dispersés dans les forêts alentour. Ajoutons quelques dizaines de paysans, dont la propriété serait en partie ou en totalité touchée par les sagouins de l’aéroport. Ne pas oublier les flics. Depuis le 9 octobre, ils sont entre 500 et plus de 1 000 à tenter de virer les Hobbits. Avec des dizaines d’engins, parfois des hélicos. Ils ont aidé à détruire quantité de cabanes, mais aussi des maisons en dur, qui étaient là depuis des lustres. Ces pauvres barbares n’ont visiblement pas conscience de la triste besogne qu’on leur fait accomplir.

Bon, stop, car j’ai à faire. J’ai à écrire. Encore un mot : le samedi 17 novembre, une grande manifestation nationale a lieu sur place. Il s’agira de réoccuper le bocage au nez et à la barbe des gardes mobiles. Et de rebâtir, poutres et planchettes en main, ce qui a été détruit. Si la flicaille ne gâche pas cette fête, cela sera sans doute grandiose. Parmi les lecteurs de Planète sans visa, quantité ont déjà demandé : mais qu’est-ce qu’on peut faire ? Il y a des jours où je ne sais pas quoi répondre, mais en ce matin du 8 novembre 2012, je vous le dis sans hésiter : il faut aller à Notre-Dame-des-Landes. Il faut montrer que nous sommes là, bien là, et que ce lamentable aéroport ne doit pas être construit. Merde ! L’heure n’est pas à la dérobade. Il faut y être. Il faut en être. Pas de mot d’excuse.

Le site des Hobbits : http://zad.nadir.org/

Le site de l’Acipa, la grande association locale : http://acipa.free.fr/

Une vidéo : http://www.laseiche.net/les-chroniques-de-la-seiche/article/si-loin-si-proche-3-en-pays-de

Un impitoyable match Sarkozy-Al Gore (sur le climat)

François N. a déposé en commentaire, et qu’il en soit remercié, une formidable vidéo qui ne dure – hélas – que  30 secondes (ici). On y voit Nicolas Sarkozy, en 2009, alors qu’il est président de la République. Nous sommes précisément le 23 septembre à New York, au beau milieu d’une réunion qui rassemble des dirigeants du monde entier. La date est importante, car deux mois et demi plus tard se tient la grande conférence mondiale sur le climat, à Copenhague. Les politiciens du monde entier sont rappelés à leur responsabilité historique : le dérèglement climatique menace sans détour les civilisations humaines.

Que va donc faire un homme – Sarkozy – qui a promis en 2007, au temps du Grenelle de l’Environnement, une « révolution écologique » ? La veille, le 22, il a fait un grand discours sur le sujet, du haut d’une tribune de l’ONU. Vous en trouverez le texte en bas de cet article. Rien de ce qu’il promet ne sera tenu, ce qui va de soi. Qui se conduirait de la sorte dans le domaine privé serait vite traité de charlatan, de bouffon. Mais pas lui, lors même qu’il annonce : « Nous savons que nous devons le limiter [le réchauffement] à 2° et que si nous ne réussissons pas, ce sera la catastrophe. Ce point ne supporte plus aucun débat. Nous sommes, au-delà de nos différences, la dernière génération à pouvoir agir ».

Mais revenons à la vidéo proposée par François N., qui est un extrait d’un interview donné à France 2. Comme c’est court, je me propose de tout citer. Sarkozy a le visage grave des grands jours de la République. Il veut être cru. Voici : « Des scientifiques et des savants du monde entier se sont réunis pendant des mois et des mois pour dresser un constat c’est le constat qui est accablant. Le monde va à sa perte si on continue à émettre du carbone – ses mains se lèvent, comme pour monter au ciel, et son regard suit – qui crée un trou dans la couche d’ozone et qui brise les équilibres de la planète. Ça – il fixe la caméra -, c’est un constat ».

Que dire ? Commençons par le moins grave. Des scientifiques et des savants ? Hum, ce ne serait donc pas la même chose ? Des mois et des mois, alors que le Giec a été lancé vingt-et-un ans plus tôt, en 1988 ? Passons généreusement. Le pire est bien entendu cette ridicule confusion entre deux phénomènes majeurs, mais distincts. La couche d’ozone d’altitude protège la planète de rayonnements solaires ultraviolets, potentiellement meurtriers. Ce qu’on a compris en 1985, c’est que certains produits chlorés pouvaient expliquer un amincissement très inquiétant de cette protection vitale. Le dérèglement climatique provient, lui, d’une émission incontrôlée de gaz à effet de serre, parmi lesquels le CO2, dont la conséquence est l’augmentation continue de la température moyenne du globe.

Donc, Sarkozy se trompe en profondeur. Il se situe là au pire niveau des discussions de bistrot. Il est con. D’autant plus con – à cette hauteur, il faut parler de connerie stratosphérique – qu’il est le président de la République. Sur un sujet comme celui-là, qui en commande tant d’autres, il n’a simplement pas le droit d’être une buse. Il l’est pourtant, et au passage, pardon aux buses, qui sont de magnifiques oiseaux. Sarkozy, alors qu’il fait de la politique depuis près de 40 ans – nous sommes en 2009 -, n’a jamais pris soin de lire un livre sur la question. Il n’a pas même parcouru les pages wikipédia qui résument le tout,  ce qui lui aurait pris un quart d’heure. La seule explication est qu’il s’en fout totalement. Cela ne l’intéresse pas. Il aura passé des centaines, peut-être des milliers d’heures à scruter la carte électorale de la France, tantôt pour battre la gauche, tantôt pour s’imposer dans son parti, mais pas une seule à se renseigner sur la crise climatique.

Mais cela va plus loin encore. Car Sarkozy, ce 23 septembre 2009, n’improvise pas. En face de France 2, même s’il a l’air direct – cela se travaille avec des pros du media training -, il ne fait que répéter ce qu’un conseiller lui aura écrit sur une feuille deux heures avant. Il ne batifolerait pas sur un sujet de cette nature. Non, il adapte ce que d’autres ont synthétisé pour lui. Ce qui signifie que ses conseillers sont aussi désespérément incultes que lui. Est-ce étonnant ? Non, pas pour moi en tout cas. Dans un monde mieux fait, cela ferait réfléchir les écologistes de salon qui ont participé au honteux Grenelle de l’Environnement, donnant un brevet de haute moralité à des gens comme Sarkozy ou Borloo, qui ne vaut évidemment pas mieux. Notez que ces écologistes-là ont fait de même, un ton au-dessous, avec Hollande,  au cours de la Conférence Environnementale de septembre dernier. Hollande, soyez-en assurés, ne vaut pas mieux que Sarkozy. Il est manifeste, pour qui l’écoute, qu’il n’a jamais rien lu de sérieux sur la crise écologique. Ce qu’il veut, tout comme Sarkozy en 2007, c’est deux ou trois points de croissance en plus.

Comme on vote aux États-Unis ces jours-ci, je vous fais remarquer que ni Obama ni Romney n’ont sérieusement parlé de la crise climatique. Malgré l’incroyable tempête Sandy, qui a ravagé la côte Est étasunienne. Le drôle, c’est que la seule parole tant soit peu sensée est venue du milliardaire Michael Rubens Bloomberg, maire de New York depuis 2002 et fondateur de l’empire financier Bloomberg LP. Annonçant – alors qu’il est « indépendant » des deux grands partis américains – qu’il voterait Obama, il a ajouté, parlant explicitement du dérèglement climatique  : « En 14 mois, deux ouragans nous ont forcé à évacuer des quartiers entiers, ce que notre ville n’avait jamais fait auparavant. Si c’est une tendance, elle n’est pas viable ». Je précise que, n’étant pas devin, j’ignore si Sandy peut être corrélée au réchauffement de la planète. En revanche, je suis sûr que la question se pose.

Et ce grand couillon d’Al Gore ? On n’aura pas entendu, dans la campagne qui s’achève, celui qui fut vice-président de Clinton de 1992 à 2000. Gore ne vaut pas mieux que notre Sarkozy, et peut-être moins à bien y réfléchir. Car ce royal hypocrite est désormais l’une des grandes fortunes de ce monde malade, notamment au travers du fonds de pension Generation Investment Management LPP. Il est au conseil d’administration d’Apple, il est actionnaire de Google, mais comme monsieur a des vapeurs, il donne aussi dans le discours « écologiste ». Vous savez sans doute qu’il est l’acteur et le seul orateur du film An Inconvenient Truth, Une vérité qui dérange en français. Sorti en 2006, le film a permis à Gore d’apparaître comme un combattant ferme du dérèglement climatique, ce qui a pesé lourd dans son obtention, en 2007, du Prix Nobel de la Paix.

Qui oserait attaquer pareille icône ? Dès 1992, il publie un livre correctement informé sur la crise écologique, Earth in Balance. Je me souviens en avoir écrit une critique favorable. Quelle sottise ! Quelle crédulité ! En 1997, à Kyoto, pendant la fameuse conférence sur le climat, Gore assume et défend à 100 % – n’oublions pas qu’il est alors le vice-président – le sabotage américain, qui conduira au fiasco dont nous ne sommes toujours pas sortis. Depuis, et jusqu’à la lamentable campagne électorale en cours, Gore n’a cessé de jouer sur tous les tableaux. Gagnant du fric avec la destruction du monde, et prétendant être, dans le même temps, le Chevalier blanc des Amériques. L’avez-vous entendu ces dernières semaines ? Non pas. Il a laissé faire, comme à l’habitude. Obama, Gore, Sarkozy, Hollande : le monde est gouverné par des nains. Avec toutes mes excuses aux nains – décidément, les mots trahissent -, car Dieu sait qu’ils ne sont pas concernés. Le monde est gouverné par d’épouvantables couillons.

 

———————————–

Sommet sur le climat à l’ONU – Discours du Président Sarkozy

(New York, 22 septembre 2009)

Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de gouvernement,

Aujourd’hui, nous avons 87 jours pour réussir ou pour échouer. Grâce au constat des savants unanimes, nous savons que le réchauffement climatique est une réalité. Personne ne peut contester cette réalité.

Nous savons que nous devons le limiter à 2° et que si nous ne réussissons pas, ce sera la catastrophe. Ce point ne supporte plus aucun débat. Nous sommes, au-delà de nos différences, la dernière génération à pouvoir agir. Et pour la première fois, nous devons décider non pas pour nos pays, non pas pour nos régions, non pas même pour nos continents, mais nous devons décider pour la planète.

En résumé, nous avons le choix de la catastrophe ou de la solution. Nous décidons pour la planète tout entière et ce que nous ne déciderons pas, ceux qui nous suivront ne pourront plus le faire. Rarement un choix a été aussi crucial pour l’avenir de l’humanité.

Monsieur le Secrétaire général, regardons clairement où nous en sommes. Nous sommes aujourd’hui sur la voie de l’échec, si nous continuons ainsi. Ce n’est pas la peine d’être hypocrite, ce n’est pas la peine de nous lancer dans les petits jeux diplomatiques ou politiques. Ce n’est même pas la peine que je vous inflige un discours grandiloquent à 87 jours de Copenhague. Nous avons besoin de propositions, d’actions, de responsabilités.

Nous savons parfaitement quels sont les quatre principes qui feront le succès de Copenhague :

– Réduction de 50 % des émissions mondiales d’ici à 2050.

– Pour les pays développés, ce n’est pas une réduction de 50 % qu’il faut, c’est une réduction d’au moins 80 % d’ici 2050.

– Pour les pays émergents, il faut réduire la croissance de leurs émissions avec l’aide financière et technologique des pays développés, j’y reviendrai.

– Et enfin, d’une façon ou d’une autre, il faudra payer pour les pays les plus vulnérables, ceux d’Afrique et les petits Etats insulaires, il n’y a pas d’autre choix.

Qu’est-ce qu’il manque ? Il manque aujourd’hui deux choses : la volonté et la confiance.

Il y a beaucoup de dirigeants qui ont peur qu’on leur demande de choisir entre la croissance et la protection de l’environnement, on peut les comprendre, confrontés qu’ils sont à la pauvreté et au chômage. Mais ce choix, personne n’a à le faire et en Europe, nous démontrons qu’on peut passer d’une croissance forte en émission de carbone à une croissance durable. Nous l’avons démontré en Europe avec le paquet énergie-climat et nous l’avons démontré en France avec la création d’une fiscalité écologique.

Personne n’aura à choisir entre le chômage et l’environnement, entre la propreté et la protection de la planète. Dans les bonnes nouvelles, il n’y en a pas beaucoup, mais je veux saluer le leadership du nouveau gouvernement japonais qui a pris des engagements très forts et également les engagements de la Chine. Mais maintenant, il faut aller beaucoup plus loin.

Je veux proposer qu’on mette en place un mécanisme efficace pour financer ceux qui en ont besoin et pour opérer les transferts de technologie. Si on ne fait pas cela, les pays émergents ne nous rejoindront pas. Or, ils doivent nous rejoindre parce qu’ils sont comptables, eux aussi, de l’avenir de la planète.

Le Mexique a fait une proposition de contribution universelle, la France la soutient. La Commission européenne a évalué à 100 milliards d’euros par an d’ici 2020 le financement que nous pourrions envisager pour aider les pays en voie de développement à s’adapter au nouveau concept de la croissance durable, nous sommes prêts à le faire. Vraiment, m’adressant aux pays en développement et aux pays émergents, je vous le dis, les transferts financiers et les transferts de compétences technologiques, nous sommes prêts à les faire. Soyez vous-même au rendez-vous de la planète.

Je dois être franc, en France et en Europe, nous taxons les entreprises polluantes, aucun pays ne pourra s’exonérer d’efforts. Soit nous y allons tous ensemble et nous vous aiderons à financer, nous vous aiderons par les transferts de technologie ; soit nous n’y allons pas et dans ce cas là, nous serons obligés de créer une taxe carbone aux frontières de l’Europe. On ne peut pas avoir, face à la gravité de la situation, une partie du monde qui protège la planète et une autre partie du monde qui dit non sans raison, ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Pour l’instant, on ne veut pas s’y mettre. Il faut qu’on s’y mette tous et nous, les pays développés, on vous y aidera, financièrement et technologiquement.

Je veux également dire que la France fera des propositions avec le Brésil et les pays du bassin du Congo sur la question de la forêt. Il y a 20 % des émissions qui sont dues à la destruction de la forêt. Il faut aider les pays qui ont les plus grandes forêts du monde, qui sont des réservoirs pour la protection de l’environnement, à les entretenir, à les protéger, voire à les développer. Cela, c’est une solidarité active. Je pense à l’Amazonie, je pense à la forêt du bassin du Congo, je pense bien sûr à la forêt de Sibérie. Les forêts sont les biens de l’humanité.

Enfin, je souhaite que l’on prenne une initiative particulière pour l’Afrique. Il y a 17 % des Africains seulement qui ont accès à l’énergie primaire, on ne peut pas laisser l’Afrique dans cette situation. Au fond, nous, les pays développés, nous devrons payer et transférer de la technologie ; vous, les pays émergents, vous devrez vous engager à réduire vos émissions sans que cela ne nuise à votre croissance ; quant aux pays pauvres, ils doivent être au cœur de la stratégie de Copenhague. Mais tous, nous tirerons un bénéfice de cette nouvelle croissance.

Enfin, je terminerai, Monsieur le Secrétaire général, en faisant deux propositions. La première, c’est qu’enfin nous nous décidions à créer une seule organisation mondiale de l’environnement. Ce n’est pas tout de faire de Copenhague un succès, encore faut-il savoir qui gérera les conséquences des décisions prises à Copenhague. Il y a une soixantaine d’organisations éparses qui s’occupent des mêmes questions, créons une Organisation mondiale de l’environnement, décidons du principe de cette création dès Copenhague.

Deuxième chose, je propose que les chefs d’Etats des principales économies qui représentent rien moins que 80 % des émissions de gaz à effet de serre, nous nous retrouvions à la mi-novembre, c’est-à-dire entre votre réunion, Monsieur le Secrétaire général, et Copenhague pour sortir des jeux de rôles, des discours qui ne sont pas suivis d’effets, des jeux diplomatiques, pour mettre sur la table des propositions concrètes.

Vous l’avez compris, Mesdames et Messieurs, la conviction absolue de la France, c’est que le temps n’est pas notre allié, le temps est notre juge, nous sommes déjà en sursis. Prenons nos responsabilités, non pas dans les discours, mais dans les faits, la France et l’Europe sont bien décidées à faire cela. Je vous remercie.

Que le Luxembourg aille se faire foutre

Paru dans Charlie-Hebdo du 24 octobre 2012

La centrale nucléaire française de Cattenom est à 10 kilomètres du Luxembourg et de l’Allemagne. Et elle est si dangereuse que les officiels des deux pays réclament sa fermeture. Mais la France d’EDF, Areva et Montebourg s’en contrefout.

Ami lecteur, as-tu entendu parler de Cattenom ? Si oui, tu es Luxembourgeois. Sinon, ouvre grand tes oreilles. En 1978, au moment où un vieux jeton appelé Raymond Barre règne à Matignon, la France décide la construction d’une centrale nucléaire à Cattenom (Moselle). Le lieu choisi est idyllique, car il a abrité jusqu’en 1940 une caserne de l’imprenable ligne Maginot. Le lieu est admirablement européen, car la frontière avec le Luxembourg est à 12 km, et celle avec l’Allemagne à 10. Et Metz n’est jamais qu’à 40 bornes, ce qui n’est rien pour un courageux panache radioactif français.

D’autant moins que Cattenom merde. Dans les grandes largeurs, sans que les gazettes bien élevées de Paris et de Navarre n’en informent leurs lecteurs, sans doute pour d’excellentes raisons. Au cours de la seule année 2012, les tranches de Cattenom – il y en a quatre – ont connu un nombre d’arrêts forcés croquignolet. En février, on découvre l’existence de sérieuses merdouilles sur les tuyauteries des piscines où mijote le combustible irradié. Plus chiant encore : ces défauts existaient depuis trente ans, sans avoir jamais été détectés. En mars, arrêt automatique de la tranche 2, à cause d’une vanne déconneuse. C’est la troisième fois depuis janvier qu’une tranche est obligée de déclarer (provisoirement) forfait. Le 30 septembre, nouvel arrêt. Le 15 octobre, il y a quelques jours, les tranches 3 et 4 sont stoppées à la mimine à cause d’un tambour défaillant, qui permet d’utiliser l’eau de la Moselle pour le refroidissement de la centrale. Comme un troisième réacteur est lui aussi à l’arrêt – programmé -, il n’en reste alors plus qu’un seul en service. Le triomphe.

Du côté des voisins, on tire la tronche depuis les origines de Cattenom, toutes tendances politiques confondues, mais cette année aura été l’une des plus folles. Car Luxembourgeois et Allemands ne plaisantent pas, eux, avec la sécurité. Or l’Union européenne a exigé, après Fukushima, une expertise des réacteurs nucléaires de tous les pays membres. Et réalisé une sorte de classement qui fout en l’air, sans effet de manche, la politique des socialos français en la matière.
La centrale de Fessenheim, que Hollande s’est engagé à fermer, est en effet mieux classée dans le domaine-clé de la sécurité que celle de Cattenom, dont personne chez nous ne dit le moindre mot. Plus cinglé : les chefs de gouvernement du Luxembourg et des lands allemands de Sarre et de Rhénanie-Palatinat – proche lui aussi de Cattenom – ont mandaté leur propre expert, un peu comme s’ils n’avaient pas tout à fait confiance dans les nôtres.

Le monsieur, qui s’appelle Dieter Majer, avait qualifié dès avant cela Cattenom de « passoire rouillée », ce qui est un rien insultant pour le génie français. Dans son rapport sur la sécurité, au ton plus diplomatique, Majer note quand même cette énormité : « L’observateur [lui] estime que des vices importants du rapport d’EDF qu’il a signalés aux autorités françaises (…) n’ont pas suffisamment été pris en compte dans les décisions de l’autorité de tutelle nucléaire française ».

Ben mon colon. Le député luxembourgeois – Henri Kox – de Remich, à un jet de pierre de Cattenom, dénonce pour sa part, et sans hésiter, « les conditions de sécurité absolument ahurissantes de la centrale de Cattenom », rappelant au passage que 75 % de la population du Grand-Duché vit dans un rayon de 25 km autour de la centrale française, c’est-à-dire le premier périmètre de sécurité. À l’initiative de Kox, le Parlement luxembourgeois a même voté en mars une motion réclamant la fermeture de Cattenom. Ces tout derniers jours, avec une discrétion de violette, Laurent Fabius a reçu une délégation officielle venue exiger la même chose. Et la Sarre allemande soutient la démarche.

Répétons pour les sourds et malentendants : pas un mot sur le sujet dans notre belle et glorieuse presse inondée de pubs à la gloire d’Areva et d’EDF. Mais tapis rouge en revanche pour les cinq fédérations syndicales de l’énergie – CGT, CFDT, CGC, CFTC et FO – qui ont pondu un communiqué larmoyant contre la fermeture de Fessenheim, « annonce politique qui n’est basée sur aucun argument », intervenant « dans la dramatique situation économique et industrielle actuelle ». Commentaire général, le 18 octobre, de Louis Gallois, ancien patron de la SNCF et d’EADS, ancien chevènementiste, et toujours aussi sympa : « La France a deux richesses phares : le nucléaire et le gaz de schiste ».