Je continue à manquer de temps, mais comment laisser passer ? La bagnole. Cette sacro-sainte bagnole qui justifie jusqu’au crime des biocarburants. Sarkozy donne donc 1 000 euros de prime à la casse (ici) à qui achètera une voiture neuve et jettera au rebut une vieille de plus de dix ans. Il y a une autre condition : que la nouvelle n’émette pas plus de 160 grammes de CO2 par kilomètre parcouru. Cela, c’est une bouffonnerie.
Pourquoi ? Mais parce qu’une directive européenne – une loi – en cours d’examen envisage de fixer la limite à 130 grammes par kilomètre. Autrement dit, Sarkozy relance l’industrie automobile française avec des objectifs très en deça de ce que souhaite l’Europe. Laquelle, je le précise pour éviter tout malentendu, ne mène aucune vraie bataille contre la crise climatique.
Mais baste, Sarkozy ridiculise le Grenelle de l’Environnement d’octobre 2007 et les écologistes qui ont accepté le deal passé alors, fondé sur une légitimation croisée et réciproque. Et comme cela ne suffisait pas, notre excellent Premier ministre Fillon annonce le déblocage de grands travaux routiers : l’A63, pour relier Bordeaux et la frontière espagnole; l’A150 entre Rouen et Le Havre; l’A355 (autour de Strasbourg). Coût direct pour nous : 800 millions d’euros, qui seront certainement dépassés.
Dans un monde où les écologistes seraient des écologistes, nous aurions entendu aussitôt France Nature Environnement, le WWF, Greenpeace et la fondation Hulot ruer dans les brancards. Et dénoncer cette évidence que la relance économique se contrefout et se contrefoutra – sauf à la marge – de la question écologique. Au lieu de quoi, des murmures (ici). Ce n’est pas très difficile à comprendre. Les associations officielles se sont ligotées elles-mêmes en échange d’un plat de lentilles. Elles ne peuvent en aucun cas annoncer que le roi est nu, car ce serait reconnaître qu’elles-mêmes sont à poil.
Dépourvues de stratégie, elles se sont vu offrir une situation, avec joli strapontin rembourré dans les journaux télévisés. Dénoncer Sarkozy pour ce qu’il est – un destructeur de plus, dans une liste interminable – commanderait de discuter enfin de la meilleure manière de combattre le cours des choses. C’est trop leur demander. Dernier point : personne ne sait ce que donnera finalement la mesure de Sarkozy en faveur de l’automobile. Personne ne semble se donner la peine de calculer, fût-ce à la louche, les émissions supplémentaires de gaz à effet de serre qu’elle entraînera fatalement.
J’en suis bien incapable, pensez. Mais je sais que c’est considérable. On va détruire des bagnoles qui marchent et en jeter des neuves sur le marché. L’acier, les plastiques et caoutchoucs, l’électronique qui seront engloutis dans les nouveaux modèles ne sont comptabilisés nulle part. Or il faut mobiliser d’énormes ressources fossiles pour obtenir ces précieux matériaux. Lesquelles émettent des gaz, sans que nul n’y puisse rien.
Au-delà, personne ne semble réfléchir à l’essentiel : nous repartons pour au moins quinze années de civilisation automobile inchangée. Malgré le désastre climatique en cours. Malgré la propagande contenue dans le moindre discours de Jean-Louis Borloo. Ce moment de crise était pourtant idéal pour au moins mettre en discussion le modèle. Mais tout vrai débat est proscrit. Mais il est au vrai impossible. Amis du Grenelle de l’Environnement, vous avez bien oeuvré pour PSA et Renault. Et bien mérité de la patrie.
PS : Quelle est la différence entre l’action et la communication ? Jetez un oeil ici et faites-vous votre idée.