Archives mensuelles : janvier 2008

Faut-il reprendre les clés à Nicolas ?

Parler de Sarkozy ici, encore une fois ? Sans hésitation, oui. Et de ses affaires personnelles, et de ses aventures amoureuses, et de ses drames familiaux ? Oui, sans l’ombre d’un doute.

Reprenons dans l’ordre tout relatif de ce qui nous est concédé. Notre président aime. Cécilia. Une histoire ancienne, qui aurait commencé le jour des noces de la dame avec Jacques Martin, présentateur télé. Quand ? Je ne cherche pas, disons plus de vingt ans. Ce jour-là, c’est Sarkozy lui-même – il est le maire de Neuilly – qui les marie. Il a de son côté une femme, et deux enfants. Il regarde Cécilia, embrassant Jacques Martin sous les applaudissements, et il se dit qu’il l’aura, tôt ou tard. Je précise que je n’invente pas, que je m’appuie sur des confidences publiques de Sarkozy soi-même.

Oui, longtemps après, et devant des millions de gens, notre président a reconnu qu’il souhaitait conquérir Cécilia dès l’instant où il l’avait vue au bras d’un autre. Ma foi. Ce qui me trouble un peu, ce n’est pas ce désir, mais son expression publique. Car d’autres que lui-même sont tout de même un peu concernés. Je pense par exemple aux deux fils qu’il a eus avec sa première épouse. Aux deux filles que Cécilia a eues avec l’homme de l’École des fans. Et à cette première épouse, précisément, qui apprend ainsi à la télé que même du temps où Nicolas rentrait dormir au domicile commun, il avait la tête ailleurs. Pour commencer.

Poursuivons. Cécilia est la femme irremplaçable de sa vie, à lui. De nouveau, je ne fais que répéter ce que Sarkozy nous a seriné au cours d’innombrables entretiens. Au reste, on comprendrait assez mal les diverses pantomimes de ces dernières années sans cet attachement si profond. Elle part, elle se montre avec un autre, elle revient. Il commence une autre vie avec une journaliste du Figaro, il se laisse photographier avec elle en train de faire des courses, continue d’inonder de textos Cécilia, qui file le parfait amour avec Richard, à New York, puis la fait revenir in extremis. In extremis, car quelques jours plus tard, il eut dû déménager, car il était sur le point de s’installer avec l’autre, la journaliste. Vous suivez, j’espère ?

Cécila revient donc, oblige Sarkozy à se débarrasser de certains collaborateurs politiques jugés trop peu tendres avec elle, mais le coeur n’y est plus tout à fait. Elle ne vote pas pour son mari aux présidentielles, semble absente des réjouissances accompagnant le triomphe. Sarkozy, lui, en rajoute. Il l’aime, il l’adore, elle est la femme, la muse, l’éternel pilier sans lequel tout s’écroule. (Tête, soit dit en passant, de la journaliste du Figaro, jetée en trois secondes, à qui il avait promis le monde).

Là-dessus, divorce. Si l’on a bien suivi – et cru -, il ne peut s’agir que d’un deuil, qui vous cloue l’âme pour un moment. Mais à coup certain, on n’est pas Sarkozy. Lui part manger chez Jacques Séguéla, un soir de fin novembre 2007 – il y a moins de trois mois, plus de dix siècles – et rencontre Carla Bruni, qui a apporté sa guitare. Bon, le reste est largement connu.

Cécilia ? Morte. Enfin, pas tout à fait, puisque Sarkozy continue à lui adresser des messages. Parmi lesquels ce délicat passage à Petra, en Jordanie, il y a quelques jours. Petra ! Alors qu’il existe des dizaines de milliers de lieux de villégiature, Sarkozy choisit, pour y montrer sa nouvelle inoubliable, l’endroit exact où Cécilia la traitresse avait rejoint son amant Richard voici près de deux ans.

Je me suis laissé entraîner, comme chaque fois, et mon texte est déjà bien trop long. Je vais accélérer. Cécilia est furieuse, et confie à une journaliste du Point, qui le publie dans un livre, à quel point Sarkozy est décevant. Il serait pingre, il n’aimerait pas ses enfants, elle ne l’aurait jamais aimé, elle n’aurait jamais aimé que le beau Richard, etc.

Encore un tout petit mot sur Louis, leur fils de dix ans, qui avait été grossièrement utilisé il y a deux ou trois ans du haut d’une tribune de l’UMP. Cécilia et Nicolas lui avaient fait dire à l’époque, je pense que vous vous en souvenez : « Bonne chance, mon papa ! ». Je crois que c’est lui, désormais, qui va avoir besoin de beaucoup de chance pour ne pas sombrer. Imaginez le poids des mots et le choc des photos sur l’équilibre d’un enfant comme lui, soumis par force à la dictature du commun.

Tout cela garde-t-il un rapport avec l’objet de ce blog, c’est-à-dire la crise écologique planétaire ? Je le pense. Mais d’abord, cette évidence : notre président est profondément instable sur le plan psychologique. Il manque cruellement, en outre, d’au moins deux des sept formes d’intelligences décrites par Howard Gardner dans un livre qui m’a beaucoup marqué : Les intelligences multiples (Retz). C’est simple : il est mal doté en intelligence intrapersonnelle – la vraie connaissance de soi – et en intelligence interpersonnelle, celle qui permet de bien comprendre les autres.

Instable donc, rusé certainement, mais peu capable de bien se comprendre et de bien sentir les autres, il dispose d’un pouvoir rarement accordé à un humain. Je veux parler, bien évidemment, du feu nucléaire. Écartons de suite la science-fiction : décider une attaque nucléaire ne consiste pas à appuyer sur un bouton dans le dos des chefs militaires. Non. Il y faut des raisons, un contexte, un climat de crise extrême.

Mais est-ce si rassurant ? Car une tension majeure peut advenir en quelques heures. Et in fine, dans l’organisation du pouvoir telle qu’elle existe, la décision est bien celle du président. Une décision qui doit pouvoir être prise – en cas de représailles, par exemple – en une très courte poignée de minutes. Le feu nucléaire peut donc être déclenché par un homme dont chaque jour révèle un peu plus les faiblesses psychiques. Parmi lesquelles une relative mais réelle indifférence aux autres que lui-même, ainsi qu’une propension à casser puis oublier en un éclair ce qu’il a tant adoré.

Je ne crois pas que cela soit indifférent pour notre sécurité collective. Mais oublions un instant cette personnalité-là. Je pense également que la politique ancienne – donc la responsabilité des personnes, l’organisation concrète des pouvoirs – n’a pas intégré la révolution absolue de l’arme nucléaire. C’est une question de rythme et de temps. Hiroshima et Nagasaki n’ont qu’un peu plus de 60 ans d’existence, et nos capacités réelles étant ce qu’elles sont, nous n’avons pas réussi à imaginer des formes de contrôle nouvelles et adaptées.

Si, si nous étions plus sages, nous ne nous serions pas dotés d’une telle puissance sans avoir au préalable organisé les moyens de la soumettre. Mais faut-il, pour la raison que nous sommes si faibles d’esprit, tout admettre ? Les citoyens d’un pays adulte ne sont-ils pas en droit de contester, au nom de l’avenir commun, au nom de la vie, au nom de l’espèce peut-être, le droit d’un homme fragile et changeant à tout détruire si le coeur lui en dit ?

Sarkozy est un symptôme, mais très grave en vérité. Chacun sait que nous serions englués dans le sang de l’Irak s’il avait commandé aux armées françaises au printemps 2003. Au-delà même de la bombe, c’est sur lui que reposent, pour quatre ans et demi, les décisions françaises en matière d’agriculture, de gestion de l’eau, de lutte contre les pollutions, d’enseignement des bases de l’écologie. La liste n’est pas limitative. Celle de mes inquiétudes non plus.

Une suite inattendue (grâce à Pierre Radanne)

Je reprends le clavier, ce 14 janvier, car mon ami Patrick m’apprend à l’instant, au téléphone, une nouvelle intéressante. Samedi, dans l’émission de Denis Cheissoux CO2 Mon amour (www.radiofrance.fr), Pierre Radanne a vanté la voiture indienne Tata, dont je viens de vous dire qu’elle annonçait un grand malheur.

Je viens d’aller écouter, et c’est consternant. Mais réellement. Je suis consterné. Qui est Pierre Radanne ? Oh, un écologiste, je dois écrire, au départ du moins. Il a animé les Amis de la Terre de Lille, dans les années 70, puis est devenu le directeur régional de l’Ademe, dans la même ville je crois. Avant de prendre la direction d’un institut spécialisé dans les questions d’énergie, l’Inestene. Entre autres, je ne me souviens pas de tout.

En résumé, Radanne, venu du monde associatif, est devenu un expert. Est-il entré chez les Verts ? Je ne le sais plus. En tout cas, en 1997, il fut directeur de cabinet adjoint de Voynet quand elle devint ministre de l’Environnement de Jospin. Et l’année suivante, patron de l’Ademe, ce qui est resté son bâton de maréchal.

Depuis quelques années, il conseille, siège, accompagne les projets de l’industrie, notamment automobile. Radanne fait du consulting. Et cela le mène fort loin sur le chemin du compromis. Jusqu’à la compromission ? Jusqu’à l’oubli des principes les plus élémentaires ?

Je crois que les choses sont plus compliquées, mais en même temps plus graves. Et pour en revenir à l’émission de Cheissoux, je trouve le propos de Radanne sur Tata ahurissant. Écoutez par vous même, vous m’en direz des nouvelles. J’insiste sur un point : selon lui, Tata est un exemple, à suivre et à dépasser. Tata, en vendant une voiture à 1700 euros pour les petits-bourgeois du Sud, comprend bien mieux le siècle en cours que des mastodontes comme PSA ou Renault.

Je l’ai entendu dire à peu près : « Je souhaite que les Chinois et les Indiens qui quittent leurs sabots et entrent dans la classe moyenne le fassent grâce à une voiture qui soit de son siècle et de sa planète ».

Permettez-moi d’être dur : je plains Pierre Radanne. Il n’a pas même saisi que son cas ressortissait au tropisme de la plupart des experts. À force de ne lire que la littérature grise des colloques et conférences sur l’énergie – durable, forcément durable -, il a perdu de vue les réalités les plus évidentes. Les limites phyiques de la planète. L’état vrai des écosystèmes de l’Inde et de la Chine. L’incroyable régression, en termes de santé, d’urbanisme, de transports, d’alimentation, que représente l’usage de la bagnole individuelle dans de tels pays.

Radanne est ailleurs, dans un territoire où je ne pourrai jamais mettre le pied. Celui des salons, celui des instituts, celui des grandes entreprises, celui des institutions. Peu à peu, comme par miracle, son point de vue s’est rapproché de celui des tenants de l’ordre en place. L’avenir ne saurait être, dans ces conditions, que la poursuite du même, avec au passage, quelques belles et nobles inventions, dont la Tata.

Que la crise globale en cours appelle des visions neuves, des approches audacieuses, des ruptures franches, ne peut désormais que gêner la marche en avant. À commencer par la sienne. Je me répète, et si l’un d’entre vous voit Pierre Radanne ces prochains jours, vous pouvez lui passer un message personnel : je le plains.

Vive l’Inde, vive la Chine, vive la prospérité !

C’est du lourd, de l’indigeste qui s’accroche à l’estomac. Je crois bien que j’aimerais passer ma vie à raconter d’autres histoires – pour les enfants par exemple -, ce que je fais d’ailleurs, quand il me reste du temps. On va finir par me prendre pour un obsédé du malheur, et ce ne sera que justice. Je le suis. Obsédé. Par le malheur. Ne cherchons pas plus loin.

En décembre dernier, le cabinet de conseil en stratégie Boston Consulting Group publiait une liste impressionnante de 100 multinationales du Sud, nouveaux challengers mondiaux de la concurrence de tous contre tous. Sans surprise vraie, 41 étaient chinoises et 20 indiennes, la plupart cotées en Bourse.

On s’en fout ? Non. Car croyez-moi, PetroChina, TCL, Thai Union Frozen Products, Lukoil, Bharat Forge détruisent plus violemment encore, si c’est possible, que nos grandes compagnies. Ce n’est pas affaire de morale, mais d’âge. Les nôtres se sont usées – je n’écrirai jamais civilisées – au contact des peuples et des pays. Pas les nouvelles venues. Pas encore. Elles en veulent. Elles veulent cracher du profit, davantage encore, dominer le territoire, entrer dans l’histoire absurde de la possession sans fin et sans but. En achetant si besoin – il est besoin – les coeurs et les âmes. Et elles y parviennent sans difficulté.

Parmi les nouveaux parrains du monde réel, Tata. Un groupe indien dans lequel tout se mélange, de l’informatique à l’hôtellerie, en passant par l’agroalimentaire, la sidérurgie, les télécoms. Chiffre d’affaires annuel ? 28,8 milliards de dollars. En 2007, sa filiale sidérurgique, Tata Steel, a racheté l’anglo-néerlandais Corus. Et Tata Motors va racheter Jaguar et Land Rover à Ford.

Mais la grande nouvelle, qui a ébahi une fois de plus le journaliste automobile, c’est la Tata Nano. Le groupe indien met en vente une bagnole neuve à 1700 euros, record du monde battu et même ridiculisé (http://archives.lemonde.fr). Je ne vais vous faire la liste de ce que cette voiture ne contiendra pas. L’essentiel est qu’elle roule et va déferler sur les marchés du Sud. Évidemment, puisqu’elle a été conçue pour cela.

Je crois qu’il s’agit d’une des pires nouvelles de ces dernières années. Le Sud, le Sud officiel qu’on fête dans la presse officielle de ce monde officiel, le Sud choisit donc l’aventure, un peu plus. Des petits-bourgeois indiens, par millions, vont connaître le grand frisson automobile. Il n’y aura donc pas d’argent pour les paysans, ni pour les pêcheurs, ni pour les tigres et les forêts, ni pour les sols et les nappes. Pas un sou, pas un seul pour la restauration écologique d’un pays dévasté par l’irrigation imbécile et le vaste désastre de la Révolution verte. On aura à la place des rocades, des parkings, des cancers, des usines. Pour quelques années encore, avant le grand effondrement.

En Chine, les nouvelles sont elles aussi radieuses. Que n’apprend-on pas ? Ou plutôt, que ne confirme-t-on pas ? La Chine est foutue. La Chine officielle – là-encore – n’a aucun avenir. Shangaï et les autres villes-Potemkine de là-bas, qui font pourtant saliver tous nos braves responsables et la plupart de nos excellents journalistes, sont perdues. Pourquoi ? Mais parce que l’eau manque et manquera toujours plus. 400 des 600 plus grandes cités chinoises en manquent structurellement et des dizaines de millions de paysans en sont régulièrement privés (http://archives.lemonde.fr).

Bon, qu’attend donc la technologie pour régler ce menu problème ? Elle ne le pourra pas. La Chine représente un peu moins du quart de la population mondiale, mais ne dispose que de 7 % des réserves d’eau planétaires. Encore faut-il préciser que les bureaucrates qui tiennent ce pays d’une main de fer gèrent cette ressource si rare comme des malades mentaux. À coup de barrages géants, à coup de pollutions bibliques, sans aucun plan véritable. Cela ne peut pas durer, et cela ne durera pas. Peut-être – qui sait ? – encore dix ans, ou quinze. Mais la croissance chinoise va vers une fin tragique. Il va falloir expliquer à des centaines de millions de gogos que le rêve n’était qu’un cauchemar.

Je sais, ce n’est pas gai. Je sais, c’est franchement désolant. Mais je n’ai rien d’autre en magasin, et puis j’ai promis de dire les choses, telles qu’elles m’apparaissent en tout cas. Au passage, cela nous change des roulements de biceps hexagonaux. De tous ceux qui ne parviennent pas à penser réellement le monde. Je ne cite personne. Je ne vise personne. Et le pire de tout, c’est que c’est vrai. La liste serait de toute façon trop longue.

Into the Wild

Allons, cessons donc de parler de José Bové, cela nous fera des vacances. Je suis allé voir hier un film de Sean Penn, Into the Wild. Je pourrais aisément signaler ici ou là telle ou telle faiblesse, de mon point de vue du moins, mais ce serait d’une grande injustice. Car cette longue errance d’un jeune fou est d’une puissante beauté.

Je ne vous raconte pas l’histoire, il ne manquerait plus que cela. L’acteur principal, Emile Hirsch, se change, par nécessité métaphysique, en hobo, en vagabond. Et s’appelle lui-même, constatant l’évidence, Alex Supertramp, Alex le superclodo. En réalité, il se nomme Chris.

Je ne savais pas Penn aussi bon metteur en scène. On voit à l’écran, par la grâce de mouvements de caméra inspirés, l’étonnant bonheur d’être seul. Seul face à l’immensité, confronté à cette wilderness qui semble avoir été inventée sur le continent américain. Comment traduire ? Je ne suis pas le premier à ne pas savoir. C’est à la fois un espace et un état. Un état de sauvagerie dans un espace sans horizon discernable. Un synonyme, à mes yeux, de beauté.

Penn filme la route, qui s’étend et distend le monde. D’immenses champs de céréales du Midwest, qu’on pensait immondes, et qui se révèlent sublimes. Le canyon du Colorado, comme jamais, comme si l’on se trouvait soi-même au-dedans d’un kayak pris dans le tourbillon. Le désert. La mer, le flot ravageur et les oiseaux profitant du ciel comme si c’était la première fois. Et l’Alaska, bien sûr.

Depuis London et quelques autres, on croit tout savoir de cette merveille. Mais Penn réinvente l’extraordinaire. L’élan butant sur une touffe d’herbe gelée. Le grizzli et son muffle humant l’humain décharné. La rivière, changeant de visage, tantôt gué, tantôt dévastation. La montagne, les sommets jusqu’au bout du monde inconnu.

Bon, c’est donc une plongée vertigineuse au coeur de soi. Et les hommes y sont vus comme ils sont, m’a-t-il paru. Très souvent décevants, trop souvent insupportables. Mais irremplaçables aussi, et quelquefois si merveilleux qu’on est au bord des larmes. Je n’oublierai pas aujourd’hui le pleur d’un vieil homme, qui voudrait tant être le père du hobo. Ni les deux babas endurcis, qui tendent inlassablement les bras. Ni la fraternité déjantée de ce bistrot des profondeurs agricoles, après le travail.

Alex Supertramp, comme si cela ne suffisait pas, ne cesse de lire de prodigieux auteurs, qui sont aussi les miens. London, déjà cité. Tolstoï. Thoreau. Je ne sais si vous connaissez Walden, ce grand classique. Il me hante. En tout cas, à un moment, Alex souffle : « To paraphrase Thoreau, don’t give me money, love, fame, faith or fairness, but give me truth ». Ce qui veut dire : « Pour paraphraser Thoreau, ne me donnez ni l’argent, ni l’amour, ni la gloire, ni la foi, ni l’équité, mais donnez-moi la vérité ».

Le programme est rude, mais il est grand. On peut toujours lui préférer cette découverte tardive d’Alex : « Happiness is only real when shared ». Le bonheur n’est vraiment réel que lorsqu’il est partagé. On peut.

Longue vie aux OGM !

Ainsi donc, tout va bien. Tout le monde est content. Borloo et Kosciusko-Morizet ont montré tout le sérieux de leur engagement écologique. José Bové a pu arrêter sa grève de la faim en triomphateur. On aura même entendu un sénateur UMP, Jean-François Legrand, râler (http://fr.news.yahoo.com) contre les lobbies de l’agroalimentaire. Trop drôle, trop fun, un génial jeu de rôles.

Or donc, clause de sauvegarde. Pas de maïs Mon 810 – si l’Europe accepte, ce qui n’est pas fait – en France. Mais dans la plupart des autres pays d’Europe, si. Et dans le reste du monde, bien sûr. Qu’importe, puisque notre pays reste ce phare grandiose qui éclaire les ténèbres ?

Les OGM, combien de divisions ? Autrement dit, combien d’hectares chez nous ? 22 000. Rien. Un millième des surfaces agricoles, 0,75 % des 2,8 millions d’hectares plantés en maïs en France. Ce que je veux dire est simple : l’agriculture industrielle a dealé comme elle fait depuis 1945. Dans une logique donnant-donnant, elle a permis au gouvernement de lancer un joli plan de communication, sachant à quel point notre maïs OGM n’a aucune importance commerciale, ni même stratégique.

Car le coup est parti depuis longtemps, et n’a pas besoin d’une petite gâchette supplémentaire. En échange, le lobby agricole a obtenu qu’on lui fiche la paix sur les biocarburants – à terme, deux millions d’hectares sur le territoire national – et que les travaux sur les OGM continuent en réalité comme avant.

Mieux qu’avant. Le gouvernement a aussi annoncé « un plan sans précédent d’investissement dans les biotechnologies végétales de 45 millions d’euros, soit une multiplication par huit des budgets actuels ». Alors, heureux ?