Archives mensuelles : mai 2010

Il duce ha sempre ragione ! (sur l’autorité, 1)

Je commence ici une série de divagations concernant la question centrale de l’autorité. Qui, bien qu’étant centrale dans tout projet humain, n’est pourtant jamais posée. Et qui, du même coup, n’est pas près d’être réglée. Cela vous semble lointain ? Regardez en ce cas l’histoire dérisoire, mais essentielle, concernant un certain Christophe Hondelatte, un homme de télé dont je vous ai déjà entretenu dans le passé (ici). Il est mêlé, ces jours-ci, à une autre affaire sinistre. Ce pauvre monsieur a imaginé une émission – il n’était pas seul, certes – où de pauvres couillons croient envoyer des décharges électriques à des gens qui ne parviennent pas à répondre à des questions (ici).

Ce n’est pas très neuf. Le tout est en effet tiré d’un livre – il est chez moi, il est remarquable – de Stanley Milgram, La soumission à l’autorité (Calmann-Lévy). Ce psychologue et sociologue américain a mené vers 1960 des expériences inouïes. Sous couvert de la blouse blanche de l’université – l’autorité légitime -, il a demandé à des cobayes humains ordinaires de mener l’expérience que l’on retrouve dans l’émission proposée par Hondelatte. De mémoire, seuls 10 % environ des participants refusent net, sans hésitation et tout de suite l’idée d’envoyer de l’électricité dans un corps humain. Les deux tiers, environ, administrent des doses théoriquement mortelles.

Donc, l’autorité. La soumission à l’autorité. L’aveuglement face à elle. La prosternation devant elle, dès qu’elle présente une face séduisante, parfois et même souvent à l’insu de soi. Regardons d’un peu plus près le cas Mussolini. Benito (Amilcare Andrea) Mussolini est né en 1883, dans la région italienne de l’Émilie-Romagne. Une région rouge. Une région de révoltes paysannes et de soulèvements ouvriers. De braccianti – des journaliers agricoles -, de muratori – des maçons – et de metalmeccanici, des métallos. L’Émilie-Romagne de Bologne, Modène, Ferrare et Parme, aura vu naître Mussolini et Pasolini.

Bon, et puis ? Et puis Benito fut jusqu’à l’âge de 31 ans un extrémiste, mais de gauche. Un agitateur infatigable, expulsé je ne sais combien de fois de Suisse, créateur ou animateur de journaux aussi violents que Lotta di classe, écrivant des textes incendiaires sous le pseudonyme de Il vero eretico – le véritable hérétique -, fleuretant avec l’anarchie sous sa forme syndicaliste révolutionnaire, finissant plus souvent qu’à son tour en prison. Je passe. Cet homme-là est encore de ce côté-ci des barricades en septembre 1914, tandis qu’éclate la Première Guerre mondiale. Il la refuse absolument, avant de l’accepter absolument.

Alors, il devient un autre. Mais est-il un autre ? Il accepte l’argent des patrons, organise des milices chargées de cogner sur les cortèges ouvriers ou pacifistes, devient même un agent – c’est attesté – des services secrets britanniques pendant un an, après le déclenchement de la révolution russe. La suite vous est, dans les grandes lignes, connue. La marche sur Rome – 1922 -, le pouvoir, le fascisme, la gloire, la chute. Le titre de ce papier signifie en français : « Le Chef a toujours raison ». Et il aura été prononcé des millions de fois par des foules en délire. Qui y croyaient. Et qui ajoutaient à l’envi des cris de guerre comme : « Credere, Obbedire, Combattere ! ». La traduction n’est pas bien nécessaire, ce qui n’est pas le cas de « Boia chi molla ». Cette dernière expression veut dire, littéralement, que celui qui abandonne et lâche pied est le plus vil des assassins. En fait, ce slogan fasciste a toujours été compris ainsi : « Celui qui recule est une merde ». J’y ajoute une dernière saillie des amis de Mussolini, « Me ne frego », qui veut dire à peu près : « Je m’en tape ».

Et tel est bien ce qui aura réuni ces braves imbéciles et ces immondes salauds. Ils s’en foutaient. Ils s’en cognaient. Peu leur souciait que le monde s’effondrât. Ce qui comptait, hommes et femmes fascistes confondus, c’était, et qu’on me pardonne l’expression, la bandaison. Bander comme triquer sont des mots violents, je le sais bien, mais ils désignent une réalité qui ne l’est pas moins. Une réalité qui n’est pas seulement masculine. Qui a vu des images de femmes allemandes sur le parcours – en voiture décapotable – du petit caporal Adolf Hitler me comprendra certainement. Le fascisme comme l’hitlérisme auront été des manières détournées, avantageuses pour l’État et le programme des chefs, de baiser. Sur le visage des femmes dont je parlais à l’instant, je le précise pour ceux qui n’ont pas accès à ces images, on voit des visages en transe sexuelle, la langue passant sur les lèvres. Je n’invente pas. Je dis.

Je ne doute pas que cette tension a été présente, de même, dans l’ignoble aventure du stalinisme et la dévotion au chef qui a dominé pendant des décennies, tant en Union soviétique que chez nous. Personne n’a intérêt à se souvenir qu’en décembre 1949, pour le 70ème anniversaire du tyran de Moscou, des milliers de cadeaux, souvent baroques, ont été rassemblés par le parti communiste dans toutes les régions de France, avant d’être envoyés par trains spéciaux au Kremlin. Personne. Je vous pose la question qui tue, et qui justifie ce déjà long papier : comment des millions de gens ont-ils soutenu chez nous un homme qui martyrisait son peuple au nom de l’égalité universelle ? Comment comprendre que des militants communistes attachés, pensaient-ils du moins, à la liberté et à la fraternité, se couchaient devant l’antithèse complète de leur engagement ?

J’ai davantage de questions que de réponses, je m’empresse de vous le dire. Et je résume. Dans l’Allemagne nazie, dans l’Italie fasciste, dans l’Union soviétique stalinienne, des foules géantes ont bel et bien adoré, adoré, la figure autoritaire, tutélaire mais cruelle, du chef. Sans ce mouvement de l’âme, qui surgit, à l’évidence, des profondeurs de la psychologie de masse et individuelle, ces abominations n’auraient jamais existé. Je pense que nous sommes d’accord. Je l’espère.

De tels phénomènes se retrouvent-ils en démocratie ? Eh bien, je le crois. Il va de soi que les conséquences en sont différentes. Il est évident que je ne mettrai jamais sur le même plan Léon Blum, président du Conseil français en juin 1936, et Adolf Hitler, chancelier allemand au même moment. Vous aurez remarqué que j’ai volontairement choisi deux personnalités totalement opposées, pour que les choses soient claires. Et pourtant ! Et pourtant, François Mitterrand. Avant que de vous récrier, retenez que je ne confonds pas tout, buvez un verre d’eau si le besoin s’en fait sentir, et revenez donc vers moi. François Mitterrand.

Nous sommes, tiens donc, en 1936. Mitterrand, après avoir milité aux Volontaires nationaux, mouvement protofasciste des Croix-de-feu, et manifesté contre « l’invasion métèque » en février 1935, continue son combat d’extrême-droite, en défilant – nous sommes en janvier 1936 – contre le professeur de droit Gaston Jèze, dont le tort est de conseiller le roi – nègre – d’Éthiopie. Ensuite, Mitterrand aura un si fort penchant pour Vichy que le maréchal Pétain en personne le décorera de la Francisque, l’équivalent, chez cette vieille crapule, de la Légion d’honneur. Chemin faisant, Mitterrand aura noué des liens indéfectibles avec d’authentiques ordures, comme le secrétaire général de la police de Vichy, René Bousquet, et des membres de la Cagoule, groupe armé clandestin, fasciste, décidé à abattre la Gueuse, c’est-à-dire la République.

Il fut  aussi résistant ? Oui, sans l’ombre d’un doute. Certains y voient une rupture, d’autres une évolution, et quelques-uns un vulgaire opportunisme. Ne tranchons pas. Après la guerre, il apporte un précieux témoignage en faveur d’un ancien chef cagoulard, Eugène Schueller, fondateur du groupe L’Oréal. Ce même groupe industriel fera de Mitterrand un éphémère  président-directeur général des Éditions du Rond-Point. J’ai laissé de côté bien d’autres histoires du même acabit. Mitterrand et le défunt Robert Hersant. Mitterrand et la guerre d’Algérie, quand ce preux ministre de la Justice – vous aviez oublié, hein ? – faisait guillotiner des indépendantistes, dont l’ouvrier Fernand Iveton. Ou quand, ministre de l’Intérieur – oui, il commanda aussi aux flics -, il s’écriait : « Je n’admets pas de négociations avec les ennemis de la Patrie. La seule négociation, c’est la guerre ». Mitterrand et le procès fait au général putschiste de l’OAS, Raoul Salan, où il déposa à décharge. Mitterrand et les repas dans sa maison landaise, jusque dans les années 70 au moins, avec Bousquet, l’homme de la déportation des Juifs en France, l’homme de la rafle du Vel’ d’hiv. Mitterrand et la réhabilitation de plein droit de huit généraux OAS en 1982, tandis que les mutins de 1917 – ceux qui refusèrent la boucherie – étaient encore au ban de la nation.

C’est cet homme-là, arrivé au pouvoir en 1981, à 65 ans, que l’on considéra donc comme le champion de la gauche. Celui qui mettrait fin aux inégalités. Celui qui règlerait la question des banlieues, et qui donnerait évidemment le droit de vote aux immigrés. Celui qui aimait tant les arbres qu’il mènerait forcément une politique proche de celle prônée dès 1974 par René Dumont. Et cætera, et cætera.

Je n’entends pas régler ici une question aussi complexe. Au mieux, je place un caillou le long d’une route qui jamais ne sera terminée. Ce que j’ai voulu dire et vous dire, c’est que la liberté est un violent combat contre soi-même, qui s’achève bien souvent par une vilaine défaite. Mais elle est et restera la plus belle, l’une des plus belles demeures où puisse habiter notre esprit. Je n’y fais pour ma part que des incursions, mais alors, comment l’exprimer ? J’ai le sentiment d’être enfin arrivé.

Armistice, entre-deux, répit, escale (halte au feu !)

Ces prochains jours, qui pourraient durer une dizaine, ne comptez pas trop sur moi. Si cela se trouve, je n’écrirai rien. Si cela se trouve, j’écrirai peu. Mais le monde des malandrins n’en a pas fini avec moi. Du moins je le crois. Et pour tout vous dire, je l’espère un peu. Aparté qui n’a rien à voir : avez-vous lu Le Maître de Ballantrae, Enlevé ! et Catriona de Stevenson ? Moi oui, déjà, par (grand) malheur. Je me demande : est-ce le moment de relire les folles aventures du jeune David Balfour, à travers les Highlands ? À moins de tenter les terrifiantes escalades à flanc de falaise de Moonfleet, ce prodigieux roman de John Meade Falkner ? Je dois bien constater que la vie est pleine de cruauté.

PS : Les commentaires peuvent se trouver momentanément bloqués, mais avant de céder à la parano, sachez qu’ils finiront par apparaître. Sûr. nike air max soldes nike air max soldes

Espagne, castagnettes et dominos

Après la Grèce, l’Espagne ? Je n’ai pas le temps, hélas, de rechercher quelques perles égrenées par nos économistes-en-chef, nos politiques princiers, de droite et de gauche bien sûr. Il y a une poignée d’années, l’Espagne était LE modèle que nos élites proposaient à une France jugée malade, en tout cas assoupie. Son taux de croissance faisait chavirer le cœur de tous les abrutis qui croient penser, quand ils ne font que braire. Le problème est que tout reposait sur un château de cartes, un lointain château en Espagne que personne ne possèderait un jour.

La politique criminelle des élites espagnoles tient en peu de mots : corruption de masse, destruction de la nature, délire immobilier. On a détruit là-bas ce qui restait de rivage après la stupéfiante flambée franquiste des années soixante du siècle passé. Et construit, souvent au bord de l’eau, mais aussi dans d’improbables banlieues, des milliers de programmes immobiliers qui jamais ne trouveront acquéreurs. Jamais. Certains sont achevés, mais sans aucune adduction. D’autres sont commencés, et se trouvent à divers stades. Mais le cochon de client s’est évaporé. Il s’agissait d’une chaîne de Ponzi, la même pyramide que celle qui a conduit l’escroc Madoff en taule. Tant que les gogos achètent et que d’autres gogos se lancent à leur suite, tout marche à la perfection. Mais dès que le doute s’installe, c’est l’effondrement.

Cela fait longtemps que j’ennuie mon entourage en répétant que l’Espagne est d’une fragilité de verre. On conspue aujourd’hui les gouvernements grecs dans les rues d’Athènes. Il n’est pas exclu que l’on fasse pire demain avec ceux du Parti populaire (PP) espagnol et du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Car ils ont mené la même politique et créé les conditions du chaos. Je vous, je nous le demande : qui paiera pour ces appartements morts-nés ? Qui paiera le prix de la corruption et de la dévastation écologique ? N’oubliez pas que des banques ont massivement prêté aux margoulins pour faire leurs galipettes monétaires. Je vous l’annonce, pour le cas où vous ne le sauriez pas : celles de France sont plombées par le désastre immobilier espagnol. Pas toutes, non, et pas à la même échelle. Mais si mes informations sont bonnes, on peut s’attendre à des surprises. Et elles seront mauvaises.

Tiens, je vous remets pour le même prix un article de Planète sans visa, qui n’a, après tout, qu’un an. Il renvoie à un article qui en a deux.

Zapatero, Zapatera, socialauds d’Espagne et d’ailleurs

Je souhaite ardemment que personne ne vienne prendre leur défense, ici tout au moins. Car ailleurs, je sais combien ils sont choyés, aimés, cajolés. Madame Ségolène Royal – dite la Zapatera – ne s’est-elle pas excusée il y a quelques jours, au nom de nous tous, auprès de son si cher ami José Luis Rodríguez Zapatero, Premier ministre espagnol en titre ? Ne lui a-t-elle pas demandé de pardonner des propos prêtés à notre Sarkozy national ? Si.

Or que font donc les socialistes espagnols ? Ils détruisent avec frénésie ce qui reste de ce pays de légende. En janvier 2008, avant donc l’annonce de la crise économique que vous savez, j’ai écrit (ici) sur quoi reposait le soi-disant miracle espagnol, avec ces taux de croissance admirés d’un bout à l’autre de notre Europe si malade. Tenez, je me cite : « Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Pourquoi ce rappel ? Mais parce que les socialistes au pouvoir à Madrid s’attaquent aujourd’hui au grand joyau ornithologique de la péninsule, l’Estrémadure. Je connais ce lieu, qui est rude au regard et au corps. Froide l’hiver, brûlante l’été, la région abrite une sorte de savane arborée méditerranéenne, la dehesa. Comme un compromis entre la nature et l’homme, immémorial, sur fond de chênes verts, d’oliviers sauvages, de genêts, d’arbousiers et de troupeaux. C’est aussi le pays des oiseaux. Des grandes outardes. Des vautours fauves, moines, percnoptères. Des grues. Des oies. Des canards. L’Éstrémadure est si pauvre que les bureaucrates madrilènes l’ont laissée en paix, tout occupés qu’ils étaient à ronger les côtes sublimes du pays.

Fini. Le gouvernement vient de décider une série de mesures scélérates au dernier degré. La plus extravagante est peut-être le cadeau fait à une transnationale étasunienne, Florida Power and Light (ici), qui pourra construire deux usines solaires cette année à Casas de Hito, en Estrémadure. 600 millions d’euros d’investissement – on ne sait rien d’autres arrangements éventuels, qui peuvent se produire néanmoins – et 100 emplois à la clé. 100 emplois en échange d’un paradis des oiseaux. En 2007, on a dénombré à Casas de Hito 11 325 grues. Et sept espèces d’oies, et 140 000 canards hivernant à trois kilomètres, sur le lac de barrage de Sierra Brava. Je dois vous avouer que je n’ai pas regardé de près les dangers que feront peser sur les oiseaux sauvages ces installations. Et vous renvoie à une pétition des naturalistes espagnols de SEO (ici). Ils sont déprimés. Moi aussi.

D’autres projets simplement criminels menacent l’Estrémadure. Une raffinerie de pétrole à Tierra de Barros, des centrales électriques, des parcs éoliens lancés dans des conditions douteuses de légalité, et qui sont apparemment dangereux pour des oiseaux comme les vautours. Lesquels sont magnifiques, à la différence de ceux qui traînent dans les bureaux des promoteurs d’Ibérie comme de France.

Je vois bien que naît sous nos yeux encore ébahis un capitalisme vert censé nous clouer le bec. Si vous avez le moindre doute, jetez un œil ici, je crois que nous nous comprendrons. Eh bien ? Au risque flagrant de me répéter, il n’est pas question de considérer ces gens-là, qui incluent évidemment nos socialistes comme de vagues cousins un (long) temps égarés. Ce sont des adversaires. Ce sont des ennemis. Et je vous jure que je les exècre. Zapatero, Zapatera, toutes ces camarillas, tous ces sbires, tous ces fifres et sous-fifres, tous ces petits marquis, ces Dray, Mélenchon, Royal, Hollande, Fabius, Weber, Bartolone, Aubry, Rebsamen, Le Guen, Hamon, Delanoé, Désir, Bloche, ad nauseam. J’ai pris le parti des oiseaux et du vol libre au-dessus des cimes, celui des migrations, celui de Nils Holgersson, celui de la beauté. J’ai pris le parti du soleil, de la lune, de la pluie et des arbres. Et ce n’est pas le leur.


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Michel Onfray le transhumaniste (suite de l’article précédent)

Je n’ai jamais lu un seul livre de Michel Onfray, et on me pardonnera donc – ou pas – cette incursion sur son territoire. Bon, nul n’attend par ailleurs, je l’imagine, que je dresse ici un portrait de cet écrivant si prolifique. Combien de saisissants ouvrages à son actif ? Si je ne me trompe, 43 depuis 1989, soit au moins deux par an en moyenne. C’est bien. Peut mieux faire, mais c’est bien.

Pour le reste, si j’ose évoquer ce grand auteur, c’est d’abord parce qu’il vient d’écrire un livre sur Freud. Où il présente le précurseur de la psychanalyse comme un compagnon de route du fascisme mussolinien, qui n’aurait par ailleurs jamais soigné personne. Encore moins guéri quiconque. Au reste, son « travail » relèverait d’une « hallucination collective appuyée sur une série de légendes ». Ma présentation est, je vous l’affirme, modérée au regard de ce que j’ai pu lire, ici ou là, dans les gazettes. Et là-dessus, Élisabeth Roudinesco, auteure d’une histoire de la psychanalyse en France, que j’ai lue en partie, sort un fusil-mitrailleur qui ne doit guère la quitter, et réplique partout où elle le peut (ici, entre autres).

Je n’aime guère Roudinesco, probablement parce qu’elle semble toujours être la gardienne du temple. Mais elle sait ce dont elle parle, et quand elle accuse Onfray, exemples à l’appui, de multiples erreurs et contre-sens, de raccourcis ineptes, d’accusations graves sans le moindre fondement sérieux, je vous le dis calmement : je la crois. On ne peut pas tout lire, tout ingurgiter, et il faut savoir déléguer sa confiance. Roudinesco a la mienne, et quand elle attaque Onfray, je ne peux m’empêcher de songer à ce terrible imposteur qu’est Claude Allègre, qui a truffé son dernier opus minus sur le climat de trucages et manipulations. Onfray, Allègre, même combat ? J’en jurerais.

Et voilà qui m’embête d’autant que ce “philosophe” entend incarner des combats universalistes, qu’il a soutenu la campagne Bové aux présidentielles, qu’il a écrit dans Siné-Hebdo, que tant de naïfs présentaient comme l’antidote à la soumission. Non content d’être en faveur des OGM, du nucléaire, des nanotechnologies, il paraît bien proche d’un courant que je juge pour ma part insupportable : le transhumanisme. Il s’agit d’utiliser toutes les armes de la technoscience pour « améliorer » les capacités mentales et physiques de l’homme. De le changer peu à peu en un trans-humain. En un homme au-delà de ce qu’il est. J’ai eu l’occasion de signaler la percée de ce mouvement anti-écologique radical il y a quelque chose comme huit ou neuf ans, il faudra que je retrouve mon article d’alors. Depuis, ces ennemis – je les considère comme tels – ne font qu’avancer. Pour cause : ils promettent la lune, et sous peu l’immortalité.

Quoi qu’il en soit, le succès phénoménal d’un Onfray me fait peur. Après avoir soutenu Bové et le NPA, signé donc dans Siné-Hebdo, il s’est rapproché depuis peu du Front de Gauche, avec Mélenchon et consorts. Qu’ils le gardent, notez bien. Mais il y a un mais. Jusqu’à maintenant, à quelques exceptions près tout de même, personne n’a osé appeler les choses et les gens par leur nom. Onfray n’est évidemment pas un penseur. C’est un poseur, un manipulateur hors-pair de l’univers médiatique, en dépit des apparences contraires. Faut-il ajouter qu’il n’a rien à voir avec ceux qui cherchent, de bonne foi, des solutions à la crise écologique planétaire ?

Allègre et l’imposture climato-sceptique (désolé)

L’affaire est si grave, elle se rapproche à ce point de l’essentiel que je suis bien obligé d’y revenir. Encore, encore, encore. Bien que n’étant nullement scientifique, j’ai traité de la crise climatique depuis près de vingt ans dans différents journaux de la place. Je l’ai déjà dit, mais je le répète : j’ai probablement été le premier dans ce pays à attaquer bille en tête Claude Allègre, à l’époque où il était encore surpuissant, socialiste, ministre. Et je l’ai attaqué précisément sur les imbécillités qu’il proférait à propos du climat, dès 1997.

Cela pour vous dire que je suis engagé de fort longue date dans la discussion publique autour de la crise climatique. Or, vous le savez, il existe une petite tribu « climato-sceptique », essentiellement médiatique, qui assemble l’animateur météo Laurent Cabrol – on ne rit pas, on pleure -, Vincent Courtillot, Claude Allègre, et al. Ces gens clament que le tintamarre fait autour du dérèglement est sans objet. Allègre parle de mafia climatique, de scientifiques avides de crédits et de gloire, qui ne cesseraient de truquer des rapports, etc. Ils s’appuient sur tous les arguments possibles et imaginables, et piochent par exemple quelques phrases tirées du vol massif de courriers électroniques de l’université anglaise d’East Anglia pour bâtir une théorie générale du complot.

Eh bien, cela suffit ! Pour moi, il y aura un avant Huet et un après. Sylvestre Huet est journaliste scientifique à Libération depuis 1995, et il vient de publier L’imposteur, c’est lui (Stock, 12 euros), une réponse à Claude Allègre. Ce n’est pas le livre que j’aurais écrit, certes, et il n’a pas toujours la légèreté qu’on eût pu espérer. Mais dans son genre implacable, c’est un petit chef-d’œuvre. Huet déconstruit tout l’édifice des faussaires. Car il est temps d’appeler ces gens-là par leur vrai nom : ce sont des truands de la discussion. Des gens qui s’exonèrent en totalité des règles les plus élémentaires du discours rationnel. Je le savais, je ne peux que dire et radoter cette vérité : je savais tout cela. Et dans le même temps, avant Huet, je ne savais rien.

Désormais, et je plains à l’avance les « climato-sceptiques », il leur faudra répondre point par point à la démonstration produite par Huet. Et ils ne le pourront pas. Donc ils inventeront autre chose. Le délire, le faux, l’exaltation du moi, l’ivresse de la transgression,  la mégalomanie ne manqueront jamais de ressources. Je sais donc, par avance, que le livre de Huet ne refermera pas le dossier de cette infamie intellectuelle. Mais en tout cas, moi, je claque à jamais ma porte. Que celui qui osera encore – et cela se trouvera – défendre Allègre and co sache qu’il est inutile d’espérer quoi que ce soit de moi. Ceux qui défendent les thèses des contrefacteurs sont eux-mêmes des contrefacteurs.

On remarquera peut-être que je n’ai pas dit un mot sur le contenu du livre de Huet. Je m’en abstiens en effet, car il dit tout, d’une manière exceptionnelle, et toute personne éprise de vérité peut y trouver les réponses qu’il cherche. La frontière entre ceux qui nient et ceux qui acceptent la recherche et ses nombreuses imperfections devient de jour en jour plus infranchissable.