Archives mensuelles : juin 2012

Encore une grande victoire (aux législatives)

Je vous l’assure, ce qui suit n’est pas (même) polémique. Extrait, pour commencer du communiqué publié ce jour par Europe-Écologie Le Verts (EELV), sous la signature de Jacques Archimbaud, Secrétaire national adjoint :

« En route vers le groupe écolo à l’Assemblée nationale !
Au premier tour des élections législatives, les candidat-e-s EELV ont obtenu – toutes situations confondues – un score de 5,46 %. Plus de deux points de plus qu’il y a 5 ans. La création d’un groupe de 15 députés écologistes à l’Assemblée nationale est aujourd’hui à notre portée. Et ceci, pour la toute première fois dans l’histoire de notre pays.

Ce résultat marque les avancées que nous avons réalisées depuis 5 ans.

En quelques années, nous avons obtenu d’excellents scores aux européennes puis aux régionales, un groupe de 11 sénateurs et sénatrices et désormais deux ministres. Après l’éprouvante séquence de la présidentielle, les résultats de dimanche le confirment : l’écologie politique est présente durablement dans la vie politique française. »

Fin de l’extrait, et début de mon commentaire. J’ai une bien piètre opinion de ce parti politique, depuis les origines ou presque. J’ai eu le douteux privilège de suivre ses activités vers 1991, pour Le Canard Enchaîné un temps, et je n’ai pas oublié le spectacle affreux des luttes de personnes, sans aucun fond politique. Puis, j’ai pu mesurer à quel point l’écologie n’existait pour ainsi dire pas pour les chefaillons se disputant les places. Les choses ont-elles changé ? Je crois que non. Mais je veux bien aller au-delà. Je veux bien traiter les Verts comme les autres partis politiques. De gauche, en la circonstance, puisque ce parti se veut de gauche. Les partis de droite, qui défendent ouvertement la catastrophe, m’intéressent encore moins.

Voyons. Restons-en aux proclamations. Le parti communiste et ses avatars mélenchoniens ne luttent-ils pas, officiellement, contre la division de la société en classes sociales ? Si. Le montrent-ils si peu que ce soit dans leurs pratiques respectives ? Non. Les communistes n’ont jamais su que créer et fortifier des chefferies, des bureaucraties, des hiérarchies, et parmi les plus pesantes qui soient. Le parti socialiste ne prétend-il pas incarner la justice et la redistribution sociales ? Si. Les inégalités n’ont-elles pas explosé sous la gauche au pouvoir, à partir de 1981 ? La question des banlieues n’est-elle pas devenue incontrôlable au même moment ? Le gouvernement de Lionel Jospin, et de Jean-Luc Mélenchon, n’a-t-il pas privatisé davantage que bien des gouvernements de droite ? Si.

Les Verts. Officiellement, ils sont d’accord pour dire, et répéter en rond, que la crise écologique planétaire met en danger la vie même de l’humanité. Pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres plus évidents encore, Yves Cochet. Ancien ministre, ponte et archiponte du mouvement écologiste EELV, il a écrit en 2005 un livre au titre explicite :  Pétrole Apocalypse. J’insiste sur un point : de très nombreux responsables de ce mouvement ont ajouté leur pierre à l’édifice, et si l’on pouvait rassembler leurs points de vue en un seul, je crois que le tout serait facile à résumer. Nous allons à l’abîme. Peut-être y sommes-nous déjà.

C’est à cette aune que je vous recommande de relire le texte des Verts supra. Ainsi donc, ces dérisoires législatives sont un grand succès pour les écologistes. Un groupe parlementaire est en vue, etc. Demain, on aura peut-être trois ministres. Après-demain, Cécile Duflot sera Reine de France. À l’automne, soyons totalement fou, M.Placé sera devenu un écologiste. Sans rire, ne voyez-vous pas ? Ne voyez-vous pas l’évidence que ce parti dévoré par les plus médiocres ambitions personnelles n’a que faire des sujets graves traités ici, sur Planète sans visa (et en d’autres lieux, par chance) ? Sans rire, ne comprenez-vous pas que ce parti nous fait perdre à tous un temps qui ne reviendra hélas jamais ? Sans rire, ne pensez-vous pas qu’il est tout simplement un obstacle à toute prise de conscience des enjeux et des échéances ?

Hulot n’ira pas à Rio (hip, hip, hip !)

Un article du Point. Je crois qu’il faut le lire, car il donne une image juste de l’état du mouvement écologiste en France. Nicolas Hulot, qui est fort loin d’être le pire, que j’ai salué plus d’une fois tout en le critiquant durement, et plus d’une fois, Nicolas Hulot n’ira pas à Rio, où se tiendra sous peu la farce planétaire connue sous le nom de « Rio+20 ». Les associations officielles, qu’elles soient critiques ou non, participeront au show, qui sera un moment important de honte universelle.

Hulot n’y sera donc pas. Oui, lisez ses paroles. Il est très, très éloigné de ce que je pense. Mais il est aussi très, très éloigné, en fait, de l’écologie officielle qui ira se faire photographier du côté de Copacabana.

Hulot : « Il vaut mieux un crash diplomatique à Rio que des engagements mous »

Le sommet sur le développement durable se tiendra du 20 au 22 juin prochain au Brésil.

Nicolas Hulot est convaincu qu'en matière d'écologie une politique de petits pas ne peut plus suffire.

 Par

Nicolas Hulot a souligné, vendredi, préférer que le sommet sur le développement durable Rio + 20 débouche sur « un crash diplomatique » plutôt que sur « des engagements mous », précisant qu’il ne se rendrait pas à ce rendez-vous prévu du 20 au 22 juin au Brésil. « Ça ne sert à rien d’aller à Rio pour constater l’incapacité de nos États à coordonner leurs volontés », a dit le président de la fondation qui porte son nom, en marge du forum de lancement à Paris de la participation française au sommet, « France Rio + 20″. « Je ne vois pas pourquoi il y aurait un miracle et que tout se réglerait d’un coup de baguette magique », a-t-il estimé.

Pour lui, « il vaut mieux un crash diplomatique à Rio que des engagements mous ». « On ne peut plus s’arc-bouter sur de beaux discours, on est le dos au mur. Il faut que la France monte d’un cran dans sa radicalité, ses exigences. » Vingt ans après le sommet de la Terre, sommet environnemental fondateur organisé en 1992 à Rio, « la plupart des objectifs n’ont pas été réalisés, et la situation est beaucoup plus critique, la crise écologique se mêlant à la crise économique », a estimé l’ex-animateur de télévision.

Nicolas Hulot appelle à « ne pas aller dans la politique des petits pas, les amendements à la marge : on donne l’illusion qu’on peut continuer business as usual, que le statu quo est tenable ». « Il faut une révision complète de notre modèle économique et de notre modèle de gouvernance, parce que le pouvoir n’est pas là où on croit et que ceux qui ont la main sur le sort de la planète ne sont pas les responsables politiques, c’est le pouvoir économique », a-t-il conclu. Il souhaiterait qu' »au moins » Rio mette en place des instruments de gouvernance « qui permettraient de prendre les problèmes en charge dans la durée ».

Le Foll a le soutien des chasseurs (Thierry Coste superstar)

Merci à Raymond Faure, qui m’a mis sur la piste de ce court article du Figaro, en date du 4 juin 2012. Ma foi, nous allons vers les beaux jours.

Le Foll a le soutien des chasseurs

Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, candidat PS dans la quatrième circonscription de la Sarthe, l’ex-fief de François Fillon, a reçu le soutien personnel de Thierry Coste, conseiller politique de la chasse et de la pêche. C’est lui qui, avec Emmanuelle Mignon, avait rédigé le programme chasse de Nicolas Sarkozy en 2007. En 2012, Thierry Coste a effectué le même travail aux côtés de François Hollande. La preuve que les problèmes de chasse dépassent les clivages politiques.

Planète sans visa l’avait bien dit (sur l’Espagne en ruines)

Cette fois, je ne saurais nier. Oui, ce qui suit est de l’autopromotion. Selon la vieille logique que chacun connaît, si je ne dis pas du bien de moi, qui le fera ? Alain Lipietz, peut-être ? Le fait est, amis de Planète sans visa, que j’ai écrit ici, il y a deux ans, et trois, et quatre, ce qu’il fallait penser du « miracle économique » espagnol. Les banques devraient m’embaucher, elles gagneraient de l’argent.

Plus sérieux : pourquoi personne ne parle ? On va encore nous servir la sauce idéologique selon laquelle les banques voraces seraient coupables. Mais merde, à la fin ! Il est dans la nature de ces entreprises de chercher à faire du blé quel que soient les coûts humain et écologique de leurs opérations. Le problème est ailleurs. Pourquoi cette horrible complicité des classes politiques européennes ? Pourquoi cette affolante propension des peuples à se gaver de biens matériels inutiles, dispendieux, destructeurs de tout ? Les socialos français – ils ne sont pas les seuls – ont ENCENSÉ la politique criminelle de leurs copains espagnols du PSOE. Ils ont applaudi la destruction accélérée du littoral ibérique. Ibérique, car le Portugal est lui aussi concerné. Ayrault, notre Premier ministre, veut à toute force un second aéroport à Nantes, sa ville, au moment où des dizaines d’aéroports espagnols, financés par l’impôt, sombrent dans l’insolvabilité et la ruine.

Je vous en prie ! Assez de jérémiades ! Assez d’explications qui jamais ne rendent compte de rien. Le monde doit changer de base, je crois que cela a déjà été écrit.

Ci-dessous, pour ceux qui veulent voir, de leurs propres yeux éblouis, deux articles anciens de Planète sans visa, et même un troisième. 2010, 2009, 2008 : qui dit mieux ?

Espagne, castagnettes et dominos

Après la Grèce, l’Espagne ? Je n’ai pas le temps, hélas, de rechercher quelques perles égrenées par nos économistes-en-chef, nos politiques princiers, de droite et de gauche bien sûr. Il y a une poignée d’années, l’Espagne était LE modèle que nos élites proposaient à une France jugée malade, en tout cas assoupie. Son taux de croissance faisait chavirer le cœur de tous les abrutis qui croient penser, quand ils ne font que braire. Le problème est que tout reposait sur un château de cartes, un lointain château en Espagne que personne ne possèderait un jour.

La politique criminelle des élites espagnoles tient en peu de mots : corruption de masse, destruction de la nature, délire immobilier. On a détruit là-bas ce qui restait de rivage après la stupéfiante flambée franquiste des années soixante du siècle passé. Et construit, souvent au bord de l’eau, mais aussi dans d’improbables banlieues, des milliers de programmes immobiliers qui jamais ne trouveront acquéreurs. Jamais. Certains sont achevés, mais sans aucune adduction. D’autres sont commencés, et se trouvent à divers stades. Mais le cochon de client s’est évaporé. Il s’agissait d’une chaîne de Ponzi, la même pyramide que celle qui a conduit l’escroc Madoff en taule. Tant que les gogos achètent et que d’autres gogos se lancent à leur suite, tout marche à la perfection. Mais dès que le doute s’installe, c’est l’effondrement.

Cela fait longtemps que j’ennuie mon entourage en répétant que l’Espagne est d’une fragilité de verre. On conspue aujourd’hui les gouvernements grecs dans les rues d’Athènes. Il n’est pas exclu que l’on fasse pire demain avec ceux du Parti populaire (PP) espagnol et du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Car ils ont mené la même politique et créé les conditions du chaos. Je vous, je nous le demande : qui paiera pour ces appartements morts-nés ? Qui paiera le prix de la corruption et de la dévastation écologique ? N’oubliez pas que des banques ont massivement prêté aux margoulins pour faire leurs galipettes monétaires. Je vous l’annonce, pour le cas où vous ne le sauriez pas : celles de France sont plombées par le désastre immobilier espagnol. Pas toutes, non, et pas à la même échelle. Mais si mes informations sont bonnes, on peut s’attendre à des surprises. Et elles seront mauvaises.

Tiens, je vous remets pour le même prix un article de Planète sans visa, qui n’a, après tout, qu’un an. Il renvoie à un article qui en a deux.

Zapatero, Zapatera, socialauds d’Espagne et d’ailleurs

Je souhaite ardemment que personne ne vienne prendre leur défense, ici tout au moins. Car ailleurs, je sais combien ils sont choyés, aimés, cajolés. Madame Ségolène Royal – dite la Zapatera – ne s’est-elle pas excusée il y a quelques jours, au nom de nous tous, auprès de son si cher ami José Luis Rodríguez Zapatero, Premier ministre espagnol en titre ? Ne lui a-t-elle pas demandé de pardonner des propos prêtés à notre Sarkozy national ? Si.

Or que font donc les socialistes espagnols ? Ils détruisent avec frénésie ce qui reste de ce pays de légende. En janvier 2008, avant donc l’annonce de la crise économique que vous savez, j’ai écrit (ici) sur quoi reposait le soi-disant miracle espagnol, avec ces taux de croissance admirés d’un bout à l’autre de notre Europe si malade. Tenez, je me cite : « Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ? ».

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Pourquoi ce rappel ? Mais parce que les socialistes au pouvoir à Madrid s’attaquent aujourd’hui au grand joyau ornithologique de la péninsule, l’Estrémadure. Je connais ce lieu, qui est rude au regard et au corps. Froide l’hiver, brûlante l’été, la région abrite une sorte de savane arborée méditerranéenne, la dehesa. Comme un compromis entre la nature et l’homme, immémorial, sur fond de chênes verts, d’oliviers sauvages, de genêts, d’arbousiers et de troupeaux. C’est aussi le pays des oiseaux. Des grandes outardes. Des vautours fauves, moines, percnoptères. Des grues. Des oies. Des canards. L’Éstrémadure est si pauvre que les bureaucrates madrilènes l’ont laissée en paix, tout occupés qu’ils étaient à ronger les côtes sublimes du pays.

Fini. Le gouvernement vient de décider une série de mesures scélérates au dernier degré. La plus extravagante est peut-être le cadeau fait à une transnationale étasunienne, Florida Power and Light (ici), qui pourra construire deux usines solaires cette année à Casas de Hito, en Estrémadure. 600 millions d’euros d’investissement – on ne sait rien d’autres arrangements éventuels, qui peuvent se produire néanmoins – et 100 emplois à la clé. 100 emplois en échange d’un paradis des oiseaux. En 2007, on a dénombré à Casas de Hito 11 325 grues. Et sept espèces d’oies, et 140 000 canards hivernant à trois kilomètres, sur le lac de barrage de Sierra Brava. Je dois vous avouer que je n’ai pas regardé de près les dangers que feront peser sur les oiseaux sauvages ces installations. Et vous renvoie à une pétition des naturalistes espagnols de SEO (ici). Ils sont déprimés. Moi aussi.

D’autres projets simplement criminels menacent l’Estrémadure. Une raffinerie de pétrole à Tierra de Barros, des centrales électriques, des parcs éoliens lancés dans des conditions douteuses de légalité, et qui sont apparemment dangereux pour des oiseaux comme les vautours. Lesquels sont magnifiques, à la différence de ceux qui traînent dans les bureaux des promoteurs d’Ibérie comme de France.

Je vois bien que naît sous nos yeux encore ébahis un capitalisme vert censé nous clouer le bec. Si vous avez le moindre doute, jetez un œil ici, je crois que nous nous comprendrons. Eh bien ? Au risque flagrant de me répéter, il n’est pas question de considérer ces gens-là, qui incluent évidemment nos socialistes comme de vagues cousins un (long) temps égarés. Ce sont des adversaires. Ce sont des ennemis. Et je vous jure que je les exècre. Zapatero, Zapatera, toutes ces camarillas, tous ces sbires, tous ces fifres et sous-fifres, tous ces petits marquis, ces Dray, Mélenchon, Royal, Hollande, Fabius, Weber, Bartolone, Aubry, Rebsamen, Le Guen, Hamon, Delanoé, Désir, Bloche, ad nauseam. J’ai pris le parti des oiseaux et du vol libre au-dessus des cimes, celui des migrations, celui de Nils Holgersson, celui de la beauté. J’ai pris le parti du soleil, de la lune, de la pluie et des arbres. Et ce n’est pas le leur.

Pourquoi Porc Magazine me fait penser à David Vincent

Ce qui figure ci-dessous n’est pas lisible, et il faudra donc me faire confiance. Les sceptiques peuvent se connecter sur ce numéro en ligne de Porc Magazine, organe – vous l’aurez peut-être deviné – de l’industrie du porc en France. J’ai beaucoup lu Porc Magazine lorsque j’écrivais mon livre Bidoche (L’industrie de la viande menace le monde), et j’en avais conçu, à l’époque, ce sentiment que chacun connaît : il existe des réalités parallèles, des mondes improbables mais certains où règnent d’autres lois. Lesquelles impliquent la torsion complète des mots auxquels nous sommes naturellement attachés. Ainsi que l’abrasion absolue des repères moraux qui font notre quotidien.

Ces univers autres sont habités par des personnages d’autant plus troublants qu’ils nous ressemblent trait pour trait. Alors même qu’ils sont à l’évidence des aliens venus de quelque quatrième dimension. Je me souviens d’une série américaine qui s’appelait  Les Envahisseurs et qui passait à la télé quand j’avais quatorze ou quinze ans. Les plus vieux d’entre vous verront probablement de quoi je veux parler. David Vincent, un incroyable abruti, passe sa vie à essayer de convaincre les humains que des extraterrestres sont déjà là, parmi nous. Il court tous les risques, se prend des trempes d’anthologie, échappe de peu à la mort, à chaque épisode, bien entendu. Que gagne-t-il ? Le droit de continuer à se faire rosser. Chaque apparition commence par ces mots, prononcés si je ne me trompe au milieu de bruits de tonnerre : « Les envahisseurs : ces êtres étranges venus d’une autre planète. Leur destination : la Terre. Leur but : en faire leur univers. David Vincent les a vus. Pour lui, tout a commencé par une nuit sombre, le long d’une route solitaire de campagne, alors qu’il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva ».

C’était bien con, je dois le dire. En une cinquantaine de minutes, David Vincent réussissait à convaincre deux ou trois gus et gussesses de l’existence des aliens. Après quoi, il fallait repartir de zéro. Par bonheur pour lui, ces non-terriens ne parvenaient pas à replier leur auriculaire. En vertu de quoi, lorsque l’on avait un soupçon, il fallait demander poliment à voir le petit doigt du monsieur ou de la dame. Malheur aux arthritiques ! Bon, c’est pas tout, vu l’heure, il faut aussi que je pense à mon article. Facile. Les porchers de Porc Magazine, leurs amis de l’industrie et leurs relais politiques sont reconnaissables dès la première lecture. Inutile de cacher votre doigt, les amis, vous voilà démasqués.

Je ne vais pas lire en votre compagnie ce banal mais prodigieux numéro 458 d’octobre 2011. Ce ne serait pas de refus, notez bien, car j’ai soudain besoin de compagnie. Page 51, une pub pour Biotech, la technologie au service de l’élevage. On vend du matériel de précision, sous la forme de tatoueur dos et oreilles, meule à dent électrique ou pneumatique, coupe-queue électrique, pince à castrer. Cela met dans l’ambiance, qui me rappelle une autre pub, admirée à l’époque de Bidoche. Cette petite inventive vantait la solidité des cloches à cadavres, conçues pour isoler avant équarrissage les porcs bêtement morts avant que d’être assassinés. La photo qui accompagnait la chose montrait un technicien de surface agricole, vêtu d’un bleu de couleur verte, qui sautait à pieds-joints sur la cloche en PVC. Elle tenait le choc, on n’attendait plus que le macchabée.

Que vous dire de ce numéro 458 ? Un article, page 52, affublé de ce titre : « Tu meules ou tu (é)pointes ? ». Il commence ainsi : « L’épointage des dents des porcelets est autorisé s’il est pratiqué sept jours après la mise bas. L’utilisation de la pince coupante n’est pas interdite. Mais le meulage est préféré ». Un autre papier, page 54 : « Rhinite atrophique, MSD SA Intervet mobilise toute son expertise ». Cette maladie provoque des éternuements, mais aussi des « groins déformés » et des épistaxis, c’est-à-dire des hémorragies. Le papier tente de rassurer, non sans certaine maladresse : « Sur les 4037 groins contrôlés, provenant de 209 élevages identifiés dans 15 structures porcines en France, les premiers résultats donnent une prévalence de 45,1 % ».

Poursuivons ce joli chemin forestier. Page 62, gloire aux xynalases ! Gloire, ce sont « des boosters énergétiques ». C’est assez simple à comprendre, car les xynalases sont « une catégorie d’enzyme hydrolisant les xylanes ». Ami sincère des animaux, sache que les xynalases « permettent d’augmenter l’énergie disponible des nutriments de la ration ». Ce serait idiot de s’en passer. Une autre pub : « Avec Piglet, doublez votre poids de sevrage en 3 semaines ? ». Le point d’interrogation figure dans le texte, pour une raison que j’ignore. Je reviens en arrière, page 42, où nous attend un dossier sur le « bien-être ». Et en effet, on entend répondre à cette question obsédante : « Détection des mâles entiers, des solutions pointent leur nez »

Avouez donc que vous aimeriez savoir. Cela tombe bien, moi aussi. Alors voici : quand un cochon mâle échappe à la pince qui lui arrache les couilles, il devient un verrat, ce qui ne le dispense pas de finir à l’abattoir. Oui, mais là, pardon, il y a perte économique. Car le verrat sent, fort. Il produit entre autres de l’androstérone et du scatol. À l’arrivée dans l’assiette, l’odeur reste insupportable pour certains consommateurs. Il faut donc fort logiquement repérer ces petits salauds qui ont réussi à tromper l’ennemi. D’autant que, selon Porc Magazine, « le premier à trouver la solution sera le roi du pétrole ». On veut bien le croire, mais l’équation est sévère : pour un gain espéré de trois ou quatre euros par porc, la méthode idéale ne doit pas coûter plus qu’un euro par animal.

Ne nous le cachons pas, l’affaire est hautement technique. Je n’ai pas tout compris, il y a des ellipses et des sous-entendus. Mais ne chipotons pas, car « sur le plan scientifique, de nombreux protocoles existent pour identifier les molécules d’androstérone et de scatol ». Je retiens que des « opérateurs» spécialisés, engagés par les abattoirs, peuvent identifier au nez les verrats les plus odorants. Que deviennent ces sagouins ensuite ? Je n’ai pas la réponse. Quant au progrès, qui n’est jamais bien loin, il pourrait venir de Norvège. Là-bas, d’impétueux chercheurs misent sur les guêpes pour isoler les verrats scélérats.

Faut-il continuer encore ? Tout est aussi neuf. Tout est aussi beau. Tout est admirable. Pour ma part, amis de Planète sans visa, j’ai ce soir la certitude intérieure que rien ne changera jamais tant que nous ne serons pas des millions à dégueuler à la lecture de tels morceaux de bravoure. L’ai-je déjà écrit ? Oui, je l’ai déjà écrit : les animaux sont nos frères. Et je n’ai jamais envisagé de traiter mes frères comme des animaux de boucherie.

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