Sem ela não ha paz, não ha beleza * (saudade)

Appelons cela un accès de saudade. Vous le savez sans doute, ce sentiment qu’on exprime ici en portugais n’est pas tout à fait de la nostalgie. Il s’agit d’un regret violent de ce qui a pu être, mais qui contient l’espoir vaporeux que cela pourrait réapparaître. Quand on est en pleine crise de saudade, on est certes triste, mais aussi tourmenté par le désir de voir revenir ce qui a été perdu.

Cette journée commencée fort tôt est donc de saudade. Peut-être à cause de cette nouvelle découverte tout à l’heure (ici). Une étude des ultralibéraux de l’OCDE révèle, ou plutôt confirme que les engrais et les pesticides ont pourri une grande partie des eaux des 30 pays membres de cette Organisation de coopération et de développement économiques.

Bah ? Bah, évidemment. Qui ignore encore cette réalité ? Moi, cela m’a conduit à penser à Meriwether Lewis et William Clark. Je ne sais si vous situez les deux hommes. Entre 1804 et 1806, ils ont organisé la première traversée du continent nord-américain, d’Est en Ouest, de Saint-Louis jusqu’au Pacifique et retour, par les Rocheuses.

Cette épopée a été racontée en français, grâce aux journaux des deux hommes (Far West, chez Phébus). Je n’ai pas relu le texte, mais j’ai le souvenir ébloui, car lumineux, d’un voyage des tout premiers commencements. Les animaux sont partout, les Indiens habitent le pays, chaque peuple à sa manière, et l’eau est bonne à boire.

À boire ! De l’eau des rivières ! Je me souviens que les hommes de l’expédition, à bord de leurs bateaux – à l’aller, ils naviguent ou portent leurs embarcations dans des conditions effarantes -, puisent l’eau quand ils en ont besoin. Selon les lieux, elle est claire ou sombre, brune ou blonde. Mais bonne, merveilleusement bonne.

De Lewis et Clark, je suis passé à Jean-Baptiste Labat (Voyage aux Isles, Phébus), père dominicain envoyé aux Caraïbes en 1693. Son livre est renversant de la première à la dernière ligne. Je ne l’ai pas relu non plus, mais je pense, au moment où je vous écris, à une scène. J’espère ne pas trop la modifier. Homme de son temps, Labat voit les Indiens Karib, vrais habitants de la Martinique et de la Guadeloupe, comme des sauvages.

Mais sa description, fidèle, sans doute, raconte une tout autre histoire. Car ces « sauvages » passent leur vie à parler, à se coiffer ou se faire coiffer, à se baigner, à pêcher des crabes, à blaguer entre amis, et à baiser. Disons le mot, car ce sont des « sauvages » : à baiser. Avec tout ça,  ils ne doivent passer plus de deux heures par jour à « travailler », sans horaire ni patron. Labat en est horrifié !

Dernier livre auquel je pense ce matin : La Conquête du Mexique ( par Bernal Diaz del Castillo). Bernal est l’un des soldats de l’armée de Cortés, en 1519. Et cette arrivée dans le Yucatan actuel est une tragédie comme il y en a peu. D’un côté, une civilisation. De l’autre, une poignée de soudards qui vont détruire l’édifice. Le livre de Bernal est grandiose à mes yeux, qui rapporte l’affrontement et le choc. J’en retiens deux visions. La première, quand la désastreuse et minable armée de Cortés découvre, après un ultime col, la splendeur de Tenochtitlan, qu’on appellera plus tard Mexico. Même vue de loin, la capitale des Aztèques, bâtie sur pilotis, est dix fois plus grande que la plus grande des villes d’Europe. Les satrapes n’ont encore jamais vu pareille beauté. Et ne reverront jamais rien de semblable.

Quelque temps après être entrés par la ruse dans la ville, les Espagnols y sont assiégés par des Indiens enfin lucides. Cortés décide de fuir. Leur départ, au cours de la fameuse Noche triste exprime toute l’horreur du face-à-face. Surchargés par l’or et les pierres qu’ils ont pu arracher aux Aztèques, des dizaines d’Espagnols, harcelés par des archers, tombent du haut des chaussées jetées sur la lagune, et coulent au fond de l’eau. Mais, comme on sait, l’Espagne et l’Occident finiront par l’emporter.

Moi, je continue de rêver et de me laisser porter par cette saudade des profondeurs de l’âme. Moi, j’aimerais tant que Cortés ait été défait. Moi, j’aimerais tant que les Karib m’accueillent sous leur carbet. Moi, j’aimerais tant boire l’eau des rivières. Mais tant !

* Sans elle, il n’y a ni paix ni beauté

7 réflexions sur « Sem ela não ha paz, não ha beleza * (saudade) »

  1. Par certains aspects, les Indiens étaient, bien-sûr, des hommes comme les autres, et n’ont jamais su s’allier les uns aux autres pour faire face. Une pensée pour Tecumseh…

    Je me demandais ce que j’allais lire parmi tous les livres qui m’attendent. C’est tout trouvé, je sors les deux tomes de Lewis et Clark…

  2. Le dernier des commentaires. Ben….je ne pense pas que les Indiens Sauvages vous en feront un fromage en deux tommes de Savoie.

  3. Doucement Fabrice, je peux pas suivre! Je suis plongé dans le totem du loup…passionnant. Bon, je connais mes deux prochains achats livresques(sic). T’es pas le gars qui remonte le moral avec tes histoires d’eaux!

    Mille excuses, je n’ai que cet humour facile pour sombrer dans le désespoir et ne pas chialer comme un gosse en lisant tes témoignages.

  4. Je viens de voir 2 films de Richard Desjardins : L’erreur boréale (sur la forêt), et Le peuple invisible (sur les Algonquins). Hallucicant. Ce n’est pas la Saudade après, mais le vrai désespoir, voire la haine, LA HAINE. Désolée, ça va passer, je dis ça pour me faire pardonner… mais je sais que ça ne passera pas. On est loin de lewis et Clarke, que j’ai lu, fascinée, on en est loin.
    Et m’est venue cette phrase absurde : Si on ne fait toujours rien maintenant qu’il est trop tard, alors, quand ce sera fini, qu’est-ce qu’on fera?
    Cette grosse poignée de criminels sur terre, cette colonie de bêtes immondes que sont les puissants impunis, je ne vous dis pas ce que j’en ferais bien : qu’est ce qu’on en fait????

  5. @ Valérie, oui, l’erreur boréale, c’est un film qui m’a arraché les tripes (parmis d’autres), mais j’aime tant les arbres . je pense que pas mal de gens ont adhéré à des mouvements type ALF suite à des documentaires horribles de ce type qui ne font que décrire la réalité . sans sombrer dans la haine, il est clair qu’il faut trouver rapidement des réponses .
    uen phrase toute bête de mon enfance : « l’action des méchants vit de la lâcheté des bons » . mais on peut dire non etr s’opposer sans sombrer dans la bestialité de nos adversaires .

  6. EAU,MON AMOUR…
    qui écrira ce livre: pas KK dans l’eau.
    Le secret de nos assassins: rendre leur produits incontournables;il ont réussis pour le tout a l’égout, ils ont réussit pour la voiture, il ont réussit pour l’alliénation du salarié, ils ont réussi pour l’alliénation à l’école, ils ont réussit pour le portable, ils ont réussit a nous isoler,ils ont réussi a nous casser, ils ont réussit à nous rendre complètement dépendant d’eux,à nous séparer de nos bêtes et de notre terre qui pourtant nous nourrissaient si bien,ils ont réussit à nous faire avoir honte d’être paysan,ils ont réussi à nous séparer de nos enfants, ils ont réussi à nous faire oublier qu’on est pas heureux,ils ont réussit à nous rendre inexistant,ils ont réussit à faire de nous des êtres séparés de leur corps,des absents,des angoissés,ils ont réussit à nous faire croire qu’avant eux c’était la misère, la faim,la mort par toutes sortes d’épidémies effroyables, la guerre,la sorcellerie,le règne de la brutalité,ils ont réussit à nous faire croire qu’avant eux c’était le règne de l’injustice,du fort qui opprime le faible, le temps du canibalisme, de la torture,du vol et viole de femmes, de coups de couteaux dans le dos, ou qui tranchent leurs gorges pures…CLICHES ET RECLICHES QUI PERDURENT. Ils ont réussit à faire de nous un troupeau de non violent et fière de l’être.Ils ont fait de nous des gens qui savent lire et surtout écrire ou manifester ou partir en vacances ou aller au boulot 35 h par semaines ou être en arrêt maladie; bref ils ont compris que comme pour l’éducation de nos chiots il faut commencer dès le plus jeune âge.Il nous ont appris une grande chose:a nous asseoir,non ,surtout pas par terre, mais comme sur les chiottes ,toujours avoir un angle droit genoux-cuisses:la position de l’homme civilisé.
    Bref , vous verrez que très bientôt ,ils vont rendre les OGM alimentaires « incontournables ».
    EAU MON AMOUR.Ils ont compris que tu seras plus rentable sale que pure,alors on te chie tous dedans.Pardonnez-leurs, ils ne savent pas ce qu’ils font…ILS,c’est qui? c’est vous.SOURRIEZ,j’excècre cette religion pour qui l’âne ne sert que de monture et les branches uniquement dignes de tapisser le sol :on dit anthropocentique

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