Ce Grenelle-là est encore plus bas du cul que les autres, ce me semble. Vous me direz votre avis. En tout cas, cette médiocre aventure a commencé le 27 février. Ce jour-là, Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno, respectivement ministre et secrétaire d’État à l’Écologie, lançaient en pompeux cornichons – « entartons, entartons », et vive Noël Godin (1) ! – le « Grenelle de la mer ».
Les détails ne comptent pas davantage que le reste. Des commissions. Des dupes, cautions et alibis divers sans être variés – Christian Buchet, Érik Orsenna, Jérôme Bignon -, des réunions et proclamations jusqu’à plus soif. Et puis, hier, la fin de la récréation et l’annonce de 500 mesures qui pourraient être prises par le gouvernement en place. Pourraient, car bien entendu, le catalogue proposé par les participants n’engage en rien l’État.
Mais ce catalogue ? D’abord un mot sur Isabelle Autissier, navigatrice comme on sait, et qui s’essaie aussi à la radio. Elle est ce que les journalistes de télé nomment un « bon client ». Quelqu’un(e) qui a une bonne bouille, de la vitalité, et qui sait s’exprimer dans les conditions exigées. Oui, un « bon client ». Tout le monde la trouve sympathique, même moi. Il fallait bien qu’on la nomme vice-président d’un groupe de travail. Lequel ? J’ai oublié, et je m’en fous.
Autissier a donné au journal Le Monde, pendant la durée de ces semblants de travaux, une chronique régulière pour raconter un peu ce qui se passait. J’en ai lu une sur deux, ce qui est déjà beaucoup. La dernière (ici) est d’une telle naïveté que je suis resté sonné quelques secondes. Mais s’agit-il seulement de naïveté ? Autissier note par exemple : « L’équilibre que cet homme du paléolithique avait su tisser avec la mer et le rivage, saurons-nous le recréer, dans une forme renouvelée et arbitrer par nous-mêmes entre nature et industrie pour que la vie soit gagnante ? ».
C’est gentillet, je n’en disconviens pas. Mais là-dessus, Autissier et ses petits amis rendent cette liste de 500 mesures au Prince qui les a commandés, et à cet instant, je ne trouve plus son propos gentillet, mais ridicule. Je ne peux ni ne veux détailler ce fatras. Sachez que parmi les « mesures-phares » proposées, on trouve (ici) l’encadrement de la « pêche de loisir », qui fait tant de mal aux océans, comme chacun sait. La création d’une « maison commune » aux pêcheurs et aux scientifiques. Cela fera au moins 15 emplois. La création d’une « Agence nationale de l’archipel France ». Même commentaire. Enfin, comme un admirable vœu pieux – d’où viendraient les colossaux moyens pour y parvenir ? -, la protection d’un tiers du littoral d’ici 2020, contre 14 % actuellement.
Bien entendu, les appels au moratoire sur la pêche au thon rouge – il disparaît de Méditerranée en ce moment – ou au requin – les pêcheurs de l’île d’Yeu ne se privent pas de traquer les survivants du grand massacre – ont été mis de côté. Car un Grenelle, souvenez-vous, doit permettre de rassembler tout le monde, souriant, sur les photos de la représentation.
Quoi d’autre ? Rien. Voilà ce que j’appelle, à la suite et dans la poursuite de l’article précédent, un parfait simulacre. On joue Embrassons-nous Folleville – vaudeville bien connu d’Eugène Labiche – devant les caméras et pour elles. Autissier y apporte sa petite contribution sans apparemment le moindre état d’âme. Or la France « possède » un domaine maritime inouï grâce à sa présence en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, à Clipperton, aux Antilles, en Guyane, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à La Réunion, à Mayotte, aux Kerguelen, etc. Au total, le deuxième par la taille avec 11 millions de km 2.
Mais comme elle ne veut pas bouger son cul. Mais comme elle se couche devant le moindre lobby. Mais comme elle est incapable d’avoir la moindre ambition vraie, elle organise des pantomimes, ce qui est beaucoup moins fatiguant et coûteux. Nous en sommes les tristes victimes. Nous en sommes les pénibles complices. Meurent les océans et ce qui reste de leurs merveilles. Vivent les risettes, les médailles et les sucres d’orge.
(1) Noël Godin, alias Georges Le Gloupier, a jeté des tartes à la crème à la tête de quantité de petites célébrités telles que PPDA, Doc Gynéco, Nicolas Sarkozy, Bill Gates, Bernard-Henri Lévy. Ce dernier, philosophe jusqu’au trognon, jeta à terre Le Gloupier en hurlant à la mort : « Lève-toi vite, ou je t’écrase la gueule à coups de talon ! ».