Manger, c’est possible (bis repetita)

Préambule : Une campagne contre le crime des biocarburants est en cours. Il suffit d’un clic, ne prétendez pas que c’est trop, je ne le croirai pas : c’est ici.

Il y a trois jours, j’ai écrit ici un article qui parlait de la terra preta, que j’ai ensuite enlevé par choix. Je reviendrai plus tard sur ce sujet, mais comme j’ai loupé la journée mondiale de l’alimentation, qui se tenait hier, je vous livre à nouveau, ci-dessous, la fin de l’article supprimé par moi. En y ajoutant une grandiose information dont vous me direz des nouvelles. Si vous n’avez pas bien suivi l’embrouillamini qui précède, sachez que c’est normal.

Allonz’enfants. La Commission des finances de l’Assemblée nationale vient de confirmer la fin progressive des aides fiscales aux biocarburants (lire ici). Pour tous les ventres ballonnés du monde, dont le nombre s’accroît à mesure que l’industrie du carburant végétal s’étend, c’est simplement formidable. Je suis heureux, même si cela ne se voit pas. Je dois tenir du chien Droopy (ici).

Il faudra attendre 2012 pour que les aides disparaissent en totalité, mais dès 2009, 401 millions d’euros d’argent public n’iront plus dans la poche de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) et du Syndicat de producteurs d’alcool agricole (SNPAA). Comme c’est bon ! Comme me plaît la noble réaction de la CGB, dénonçant ainsi les vilains qui lui font des misères : « Revenir ainsi sur la fiscalité des biocarburants, c’est remettre en cause l’existence même d’outils industriels lancés au vu d’objectifs fixés par l’Etat ». Oh, si c’était un disque, je me le repasserais cent fois. Quelles que soient les raisons de cette décision – elles sont fatalement loin des miennes -, on peut à juste titre parler d’une grande victoire pour l’homme et la nature. Vous avez bien lu, et je ne suis pas, pas encore saoul : un victoire.

J’ajouterai aussitôt une deuxième victoire, qui date de plus d’un an, et dont nous n’avons hélas à peu près rien fait. En mai 2007, pour la première fois de son histoire productiviste, la FAO – agence de l’ONU pour l’agriculture et l’alimentation – a dit la vérité sur l’agriculture biologique (lire ici). Je rectifie : la vérité en laquelle je crois profondément. Quelle est-elle ? Cette première citation : « La principale caractéristique de l’agriculture biologique est qu’elle s’appuie sur des biens de production disponibles sur place et n’utilise pas de carburants fossiles; le recours à des procédés naturels améliore aussi bien le rapport efficience-coût que la résilience des écosystèmes agricoles au stress climatique ».

Deuxième citation : « En gérant la biodiversité dans le temps (rotation des cultures) et l’espace (cultures associées), les agriculteurs bio utilisent la main-d’oeuvre et les services environnementaux pour intensifier la production de manière durable. Autre avantage: l’agriculture biologique rompt le cercle vicieux de l’endettement pour l’achat d’intrants agricoles, endettement qui entraîne un taux alarmant de suicides dans le monde rural ».

Enfin cerise bio sur le gâteau itou, et je vous recommande de garder le tout en bouche deux ou trois minutes : « Ces modèles suggèrent que l’agriculture biologique a le potentiel de satisfaire la demande alimentaire mondiale, tout comme l’agriculture conventionnelle d’aujourd’hui, mais avec un impact mineur sur l’environnement ».

Disons-le tout net : ces phrases constituent un tournant historique, et nous devons tous – tous – nous en emparer. L’industrie de l’agriculture ne nourrit ni ne nourrira jamais tous les gueux de la planète. Elle continuera seulement à saloper le monde jusqu’à épuisement des nappes et des sols. Il y a réellement une autre voie. Y a plus qu’à trouver l’entrée.

9 réflexions sur « Manger, c’est possible (bis repetita) »

  1. il faudrait que l’agriculture (paysanne et biologique) devienne LA priorité de l’humanité. Or, si on regarde ce qui se passe en France, ce qui s’y est passé depuis des décennies, force est de constater que l’idéologie du progrès et du bien a été toute entière tournée contre le travail de la terre — communiqués de victoire à chaque fois que baisse le nombre de paysans, agriculture présentée comme fauteur de bien des problèmes – bloquer les négociations commerciales, la construction de l’Europe… (certes, c’est l’agriculture industrielle qui pose les problèmes, mais en sous-jacent il y a l’idée que cultiver la terre et produire des aliments ne mérte pas considération dans une société moderne — 3% du PIB et de la force de travail). Le mot de Pétain sur la terre qui ne ment pas empêche toute réflexion sceptique face au « progrès » de la société mesuré à l’aune de la dépletion des effectifs paysans. Ces paysans sont moins conspués depuis qu’ils sont devenus des indutriels de l’exploitation agricole… On pourrait faire une longue liste des arguments, mais en un mot: le mépris et la haine de tout ce qui touche au travail paysan et à la société paysanne ont été inculqués depuis des décennies en France, et ce n’est pas gagné pour revenir dessus.

  2. Je partage entièrement la satisfaction de Fabrice concernant la fin des aides fiscales.
    Ma joie concernant le rapport de la FAO sera beaucoup plus rentrée voire inexistante; si la chose était moins grave je me laisserais aller à un ça ne mange pas de pain. Pour l’instant la fraction « des Ogm pour nourrir les affamés » l’emporte toujours. Il suffit d’interviewer nos élus. On ne peut pas compter sur la FAO dont la parole par ailleurs ne pèse pas lourd.
    Il faut se battre ici chez nous pour que l’agriculture biologique devienne le mode de culture dominant. Avec 40 % d’agriculteurs qui exploitent 80% des terres et dont les exploitations se situent au-dessus de 50 ha ce n’est pas gagné.
    Il faudra aussi se battre pour une véritable recherche agronomique notamment,mais pas seulement, dans le domaine des sciences du sol où depuis 50 ans au moins rien de signifiant n’a été accompli.
    @Géry Délaissons le discours victimaire quand nous parlons des paysans, il ne fait que nous égarer.

  3. @vorreisapere
    je n’ai pas été très clair, j’en conviens. Je voulais souligner que toutes nos représentations associent le travail agricole à quelque chose de superflu dans notre société. étendre l’agriculture biologique supposerait beaucoup plus de main d’oeuvre dans ce secteur — or depuis des décennies la baisse des effectifs agricoles et paysans est présentée comme un progrès.

  4. pour répondre a gery le paysans est represente la brute ,l’homme du passer pour beaucoup.dommage mais il est vrais(on l’oublie)que les paysans on détruit plus qu’on l’imagine.nappes phréatique,sols;animaus,étant aussi chasseurs.

  5. @Géry
    La taille des exploitations bio en France est d’environ 50 ha en moyenne si j’ai bien interprété
    les chiffres avancés par la FNAB. Ces exploitations sont, au moins en grande culture, aussi mécanisées que les exploitations chimiques et ne requièrent pas vraiment plus de main d’œuvre. Les exploitations bio étant plus petites exigent plus de main-d’œuvre arithmétiquement à l’ha mais pas forcément par exploitation. Après, tout le monde n’a peut-être pas envie de se laisser exploiter pour un salaire de misère par un patron, fût-il bio.
    Sinon l’agriculture (la dégueu) a quand même su se donner un image de progrès, de haute technicité (Nicolas Hulot) avec de belles machines toujours plus grandes et surtout les biotechnologies. Il y en plein l’internet.
    L’agrandissement des exploitations et donc la diminution du nombre des paysans n’est pas un résultat du mépris du travail de la terre mais la conséquence inéluctable de notre mode économique
    qui exige une revue permanente à la hausse de la productivité du travail pour assurer une rentabilité non durable et ceci au mépris en effet de l’homme et avec lui tout ce qui bouge dans la nature.
    Amicalement Bernard

  6. Dans la mesure où notre système est basé sur un accumulation « illimitée » (?) de capitaux et que les biens produits par les paysans ne peuvent se stocker de façon illimitée, le paysan est en effet défavorisé pour ce qui est du rapport de force avec ceux qui lui achètent ses produits et les commercialisent pour les transformer en fric virtuel.

    C’est tout le système financier du capitalisme qui aboutit à ce paradoxe infernal, ceux qui nourrissent le monde peinent à se nourrir eux-même.

  7. @ vorreisapere:

    Ma boulangère (bio) a cultivé cette année 1,5 hectare de blé, j’imagine bien que c’était mécanisé! Jusqu’où faut-il pousser le refus de la mécanisation? Peut-on travailler la terre à mains nues?

    Il me semble que le problème majeur est quand même celui des engrais chimiques et des pesticides, et sur ce point (pour l’instant) les exploitations bio n’ont pas failli.

    Je suis étonnée de ce chiffre de 50 hectares. D’où vient-il? Concerne-t-il toutes les exploitations bio? Il y en a tellement de minuscules qu’il en faudrait beaucoup d’immenses pour arriver à ce chiffre.

    Et ne pas oublier que dans ce domaine, la demande des consommateurs s’accroît, très largement supérieure à l’offre, situation favorable à toutes les dérives si on ne soutient pas, très vite, les VRAIES exploitations bio.

    Cela devrait inclure, je suis d’accord, le critère de ne pas maltraiter ses salariés.

  8. Sur les agrocarburants, ça bouge, mais c’est encore contrasté:
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    A l’’occasion des discussions orchestrées autour du Grenelle de l’’environnement, la Commission des Finances de l’’Assemblée nationale a confirmé dans le cadre du projet de budget 2009 la suppression, à l’’horizon 2012, des avantages fiscaux dont bénéficient les agrocarburants. A cette date, ceux-ci seront soumis à la TIPP (Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers), à l’’instar des supercarburants sans plomb (95 et 98) et gazole.

    France Nature Environnement (FNE) a applaudi « l’’abandon de la fiscalité privilégiée pour les agrocarburants », mettant en avant les dérives liées à cette production qui concurrence les besoins alimentaires mondiaux. Un rapport publié par la Banque mondiale en juillet dernier appuyait cette position attribuant à 75 % l’’impact des biocarburants sur la hausse des prix alimentaires de ces dernières années.
    Si, comme le souligne FNE, cette décision est un pas encourageant vers la prise de conscience des dangers qu’’implique l’’engouement pour les agrocarburants, le gouvernement français ne semble toujours pas remettre en question l’’engagement pris dans le cadre de l’Union européenne d’’introduire 10 % d’’agrocarburants dans l’’essence et le gazole d’ici 2020. Ainsi, Nicolas Sarkozy a récemment affirmé lors du Salon de l’’automobile à Paris que plusieurs pompes de supercarburants commenceraient à être remplacées courant 2009 par des E10, du super intégrant 10 % d’’éthanol. Le président français a par ailleurs ajouté que les voitures dites « flex-fuel », fonctionnant indifféremment à l’’E85 (85 % d’éthanol pour 15 % d’’essence) ou au super, seraient exonérées de malus.

    Pour l’’heure, les rares personnes à avoir investi dans des véhicules convertis aux biocarburants, et ce malgré la faible disponibilité des pompes d’’approvisionnement, sont les grands perdants de cette défiscalisation. Ils peuvent dès à présent tirer un trait sur l’’amortissement de leur investissement de départ par les gains réalisés à la pompe.

    Cécile Cassier

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