Appel aux naturalistes et aux vieux savants du monde entier

Ça ne se voit pas trop, mais je ne suis pas là. Et j’écris trois lignes depuis la ligne de mon ami Patrick. Au passage, j’en profite pour me plaindre. Je pensais qu’il rentrerait aujourd’hui, et du même coup, j’espérais bel et bien boire le nombre de verres de vin rouge qu’il me faut pour continuer à aimer le vin rouge. Au lieu de quoi, vu l’heure, je boirai fatalement du vin – rouge -, mais sans lui. Je me plains, c’est officiel.

Ceux qui commencent à me connaître savent bien que je n’oserais pas déranger pour si peu. Et ils ont raison. Il y a autre chose. Hier, je suis allé à la rivière. Par un chemin difficile que personne ne semble connaître, et qui demeure en tout cas sans trace humaine, au moins jusqu’à l’été. Il faut traverser un bois dense de châtaigniers, et descendre dans des gorges qui se resserrent. Tout s’est très bien passé, je vous l’assure. L’eau de la rivière était froide, et je n’ai pu y mettre que les bras, mais c’était tout de même délicieux. Ensuite, j’ai allumé un feu sur le sable, et j’ai attendu tranquillement que la nuit approche sans se faire remarquer. Elle est forte, savez-vous ?

Mais dès avant cela, quand je me baignais les bras, j’ai vu dans l’eau, contre la berge, ce qui m’a semblé une cordelette enroulée sur elle-même, perdue sous la mousse et les algues. Bêtement – Dieu que je sais être bête ! -, j’ai plongé un bâtonnet dans l’eau pour secouer la chose, mais ce n’était pas une chose. Merde non, c’était un être. Vivant ! Je ne peux que vous décrire, et puis demander un avis autorisé. Je crois avoir discerné un amas entortillé de courts serpents, immobiles jusqu’à mon intervention. De quoi pouvait-il s’agir, dites-moi, les gars et les filles ? D’une copulation aussi géante qu’indécente ? D’une hibernation en famille ? D’une mue collective ? D’une farce du Bon Dieu ? Je précise, car je ne suis pas aussi ignare tout de même, que l’animal – les animaux sous mes yeux et mon bâton – était presque à coup sûr une couleuvre vipérine. Mais n’oubliez pas que la nuit se jetait sur moi et le monde.

Là-dessus, plus de doute : Patrick ne va pas rentrer ce soir. Je porte le vin sur la terrasse, face aux pins sylvestres, face au Champ rond, face à Cantaloube, là où jadis, les loups chantaient. Moi, je sens dans ma peau qu’ils vont revenir.

22 réflexions sur « Appel aux naturalistes et aux vieux savants du monde entier »

  1. je me souviens d’une baignade , l’été dans un bras de rivière fermé par un vieux mur en ruine dans une forêt de Corèze. Il faisait chaud , L’eau était rafraichissante . Puis je me suis rendue compte que l’eau ondulait de toutes parts et sous mes pieds, un amas , pouponnière . Plus tard les villageois m’ont traitée de fada, mais j’étais bien . je savais que je ne risquais rien et tout semblait en harmonie.
    veinard .

  2. Reproduction, assez sûrement. Les femelles émettent des phéromones pour attirer les mâles, qui ne manquent pas de venir. Et tout le monde de s’entremêler au printemps. Par contre, je n’ai jamais entendu dire que cela avait lieu parfois dans l’eau. Du haut (à ne pas donner le vertige) de mes connaissances, je me contenterais de penser que la copulation avait lieu sur la berge et que tout le monde est tombé à l’eau, visiblement sans être refroidis, ce qui est quand même fort quand on a pas le sang spontanément chaud.
    Sûr que des plus autorisés que moi prendront la parole pour corriger ou préciser.

    … veinard !

  3. Quelle heureuse diversion, Fabrice, et quelle belle manière de tourner la page « Onfray » ! Figure toi que je me suis vu, à tes côtés, au bord de cette rivière, devant cette belle énigme en forme de serpent, (encore Freud ?!). Tu venais de me dire : »Tu m’emmerdes, Georges, avec Onfray », et je t’avais répondu « Fais pas ch !… » et c’est là qu’on s’est émerveillés ensemble de cette petite part d’inconnu après laquelle on court depuis toujours, à travers cette nature qui compte plus que tout et qui nous fait briller les yeux.
    Non, je n’ai pas de réponse pour cette cordelette vivante, et c’est un peu pour cela que ton histoire est superbe et que j’aime que tu la racontes. De plus, elle a le mérite de remettre en place une échelle de valeurs qui nous rapproche…

  4. Je suis entrain de Lire « La bete du Gevaudan » un vieux bouquin trouvé chez un bouquiniste plein de cette vie rude des hommes parmis les bètes, un autre temps…..

  5. La rivière est froide mais c’est le printemps pour les serpents aussi. Il y a de fortes chances pour que tu aies vu une femelle et ses amoureux.

  6. Un jeu ? Un énigme ? Chouette ! Et comme je suis une petite curieuse, m’en suis allée glâner qqs infos sur la toile.

    Je suis tombée sur ce site suisse ( http://www.karch.ch/karch/f/nav/nav.php )dédié aux amphibiens et aux reptiles, dont le but est « d’améliorer les conditions de vie de ces animaux et de maintenir les populations »
    (j’aime bien la page « cris des amphibiens »).

    Une piste ? « Dès la sortie d’hibernation vers la mi-mars, les mâles se préparent à l’accouplement qui aura lieu durant les mois d’avril et de mai. Toutes les femelles prêtes vont être courtisées par de nombreux mâles. Contrairement aux vipères, il n’y a pas de combats entre mâles, mais tous essaient de s’accrocher à la femelle pour s’accoupler avec elle. »

    Au suivant.

  7. Des couleuvres d’eau, peut-être ?…
    En tout cas profite bien de ta solitude momentanée, c’est si bon parfois ! Bises.

  8. Quelqu’un a tendu une ligne de fond pour prendre une anguille. c’était une méthode de pèche.(braconnage). Mais beaucoup d’autres animaux sont pris au piège. Mais je reste prudent.

    Chez nous on appelait cela tendre des cordées.Mais il y a bien longtemps.

    A vous lire Yves

  9. Je ne suis pas une spécialiste en herpétologie mais je vais te faire part de mes longues heures d’observation (et de contemplation!) du monde aquatique ainsi que des connaissances que j’ai pu acquérir auprès de passionnés de serpents et de lectures nombreuses et diverses. La couleuvre vipérine est le serpent le plus aquatique de France et le seul à pouvoir s’accoupler dans l’eau (période avril, début mai). Comme beaucoup de serpents, la présence d’une femelle peut attirer plusieurs mâles et donner lieu à des entrelacs impressionnants et à « un » serpent à plusieurs têtes… Ceci peut durer 10 minutes à plus d’une heure (pour ce que j’ai pu observer) soit dans et sous l’eau soit sur les berges dans l’herbe humide. En effet, ces couleuvres pouvant rester sous l’eau une quinzaine de minutes, elles sont obligées de monter respirer de temps en temps si cela se prolonge! Ensuite, la femelle ira pondre ses oeufs (en général dans les 7, des fois plus) dans un trou sous des racines voire dans un terrier à proximité de l’eau. Onze semaines après, les petits naissent … Et vont t’obliger à être auprès de la rivière pour assister à ce spectacle. Tu nous raconteras …

  10. Et oui, il s’agit d’un nœud de serpent. Probablement de couleuvres vipérines. Je mets ci-dessous un petit paragraphe les concernant venant du site du Karch http://www.karch.ch/karch/f/rep/nm/nmco.html

    « Dès la sortie d’hibernation vers la mi-mars, les mâles se préparent à l’accouplement qui aura lieu durant les mois d’avril et de mai. Toutes les femelles prêtes vont être courtisées par de nombreux mâles. Contrairement aux vipères, il n’y a pas de combats entre mâles, mais tous essaient de s’accrocher à la femelle pour s’accoupler avec elle. »

  11. Fabrice, me fait penser à Castenada ton texte; es-tu certain de ne t’être pas ensuite métamorphosé en loup? de toute façon, tu ne le diras pas.

  12. Pres de Orebro, en Suède, dans une espèce de réserve naturelle, il y a trois semaines on voyait des serpents entrelacés comme ça, en pleine mue collective de printemps, s’aidant mutuellement à se débarrasser de leurs vieilles peaux.

  13. J’ai eu la chance l’année dernière de découvrir une couleuvre d’esculape(identifiée par un spécialiste)sous une tôle posée contre un talus.
    J’ai pu la mesurer malheureusement 97 cm car je l’ai retrouvée la tête broyée agonisante début mars.
    Je pense que le fautif est un chat que j’ai aperçu à proximité.
    Elle devait sortir d’hibernation et donc peu vigoureuse.
    J’étais très déçu car elles sont devenues très rare.
    La tôle posée sur le sol, c’est le moyen qu’utilise les naturelistes pour faire des comptages.
    Pose une tôle à proximité de ton observation il y a une chance de retrouver des locataires et de les identifier.
    Pour le nom du lieu cantaloube c’est à peu près le même que mon lieu dit « canlou » qui veut dire aussi le chant du loup (cant veut dire chant en breton)

  14. Pourquoi s’oppose t’on à la venue du loup en France : le principal argument est la fainéantise.
    « Je ne veux plus garder les troupeaux de moutons ou de chèvres comme on le faisait avant… » (entendu sur France Inter la semaine dernière), peut être vais-je trop loin dans l’ironie, mais…

  15. et dans l’eau les noeuds de serpents a l’accouplement,plein de mâle autour de la femelle,et elles sont dangereuses si on les surprend,elles attaquent et sautent ,mais les vipérines en France sont je crois pas dangereuses dent arriére,en Créte si mortelle,car dent en avant,j’ai vécu la bas des années, et les vipérines sont mortelles si morsures,les noeuds de serpents sont plutot pour moi, de passer son chemin.

  16. En parlant d’animaux, une thèse en court (http://www.agroparistech.fr/abies/ead/ok/demande_these/these2010_29.pdf), loin de prendre les bêtes pour des imbéciles, ambitionne de nous expliquer comment les animaux d’élevages, conscients de leur apport irremplaçable aux hommes dans leur travaux quotidiens, ressentent ce besoin de reconnaissance qui les poussent à coopérer de façon naturelle.

    Cette étude vise à répondre « aux critiques radicales susceptibles à moyen terme de mettre en jeu sa pérennité…
    Pour ses détracteurs, l’élevage, dans son essence même, constituerait une violence contre les animaux, une irréductible exploitation dont il faudrait les « libérer » (Singer, 1993 ; Porcher 2007). Les produits de l’élevage seraient nocifs pour la santé, notamment la viande (Nicolino, 2009) dont il faudrait se passer pour devenir végétarien ou consommer de la « viande » artificielle (Hopkins and Dacey 2008). L’élevage est par ailleurs accusé d’être un producteur important de gaz à effet de serre et un secteur gaspillant les ressources naturelles (FAO 2006) . »

    Si j’avais du temps à perdre, j’ambitionnerais d’expliquer à madame que l’élevage s’en cogne de la coopération des animaux, sauf pour limiter l’auto-mutilation et limiter le stress au maximum, afin de minimiser les pertes. Mais ça elle le sait déjà, la bougresse…

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