Quand les poules auront des dents (cancéreuses)

Je reviens de Metz, où j’ai été accueilli royalement par Michel Ribette, qui s’occupe là-bas d’une structure unique de découverte de la nature (lié au réseau de magasins Nature et Découvertes). Il m’avait invité à parler de biocarburants devant des étudiants de la fac de sciences, et j’ai passé une soirée formidable. Simplement formidable.

Je devrais donc rentrer heureux, mais finalement non. Oh ce monde ! J’ai lu dans le train Le Figaro et Libération, qui évoquaient tous deux la publication d’une expertise de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) sur les liens entre cancers et environnement (lire ici). Et j’enrage depuis. Le Figaro, dans son rôle, minimise tout ce qui peut l’être, au-delà de la simple prudence selon moi. Libération titre plus justement sur le flou qui entoure l’étrange cadeau que nous a fait l’Inserm.

Mais moi, je suis sidéré. Tout bonnement. Car la véritable information n’aura pas été donnée. Et ne le sera probablement jamais. D’abord, un point de base. La compilation de l’Inserm – car il ne s’agit jamais que d’une compilation, et pas d’une étude – est en fait un ouvrage de 800 pages. Aucun journaliste, raisonnablement, ne l’a lu. Ni ne le lira peut-être. En tout cas, « l’information » est pour aujourd’hui, et pas pour demain. Demain sera un autre jour. Et aujourd’hui, la seule chose disponible est une synthèse d’une douzaine de pages, à laquelle vous avez accès un peu plus haut dans mon texte.

C’est une première bizarrerie très dérangeante. Mais la suite n’est pas mieux. Car volontairement ou non, l’Inserm présente les faits d’une façon qui perd des journalistes il est vrai peu regardants. Citation : « En 2005, le nombre de nouveaux cas de cancers en France a été estimé à près de 320 000 pour les deux sexes confondus, 180 000 chez les hommes et 140 000 chez les femmes. On constate une augmentation de l’incidence des cancers depuis une vingtaine d’années. Si l’on tient compte des changements démographiques (augmentation et vieillissement de la population française), l’augmentation du taux d’incidence depuis 1980 est estimée à +35 % chez l’homme et +43 % chez la femme ».

Le Figaro ne s’embête pas, et ne cite aucun chiffre qui pourrait inquiéter Neuilly, Auteuil et Passy. Parfait. Libération reprend les pourcentages de l’Inserm, mais sans préciser qu’ils ne sont pas bruts, mais rectifiés pour tenir compte de l’augmentation et ddu vieillissement de la population entre 1980 et 2005. Le Monde – je viens de vérifier – fait (presque) pareil, écrivant : « Entre 1980 et 2005, compte tenu des évolutions démographiques, l’incidence des cancers s’est accrue de 35 % pour les hommes et de 43 % pour les femmes ». Et la palme revient à L’Express, qui note : « Depuis 1980, l’incidence (c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas de cancers en un an rapporté à la population) ne cesse de progresser: + 35% chez l’homme et + 43% chez la femme ! ». Cette dernière citation comprend, vous l’aurez noté, un point d’exclamation. Car le journaliste est impressionné : + 35 % ! +43 % !

Sauf qu’il a tout faux. Car l’Inserm aurait pu, aurait dû commencer par donner les chiffres bruts, qui sont sans discussion brutaux. On est passé en effet, entre 1980 et 2005, de 170 000 nouveaux cas de cancer par an en France à 320 000. Et cela fait une augmentation stupéfiante de près de 90 % en un quart de siècle. Certes, cela ne dit pas d’où tout cela vient. Mais admettez qu’il n’est pas anodin de remplacer partout 90 % par 35 % (pour les seuls hommes). Est-on encore dans l’information, franchement ? Ou déjà dans un autre monde ?

Poursuivons. Je reprends ma lecture du résumé de l’Inserm. Cette nouvelle citation : « L’évaluation de l’impact des facteurs environnementaux reste limitée dans bon nombre de cas, en raison d’une absence ou d’une insuffisance de données permettant de quantifier les expositions sur l’ensemble de la vie des populations exposées et de préciser les co-expositions ». Prodigieux, non ? L’Inserm reconnaît des failles géantes dans le recueil de données sans lesquelles rien n’est possible. L’écrit. Et vous ne le saurez pas. Plutôt, vous ne le sauriez pas si vous ne me lisiez pas.

Une dernière, pour la route, encore plus extrémiste, qui concerne les pesticides : « Près d’un millier de molécules ont été mises sur le marché en France ; les risques liés à ces molécules ne peuvent être évalués faute de données toxicologiques et épidémiologiques suffisantes ». Vous avez bien lu, amis lecteurs. L’Inserm ne sait rien et ne peut rien savoir, en l’état, sur les effets de l’empoisonnement généralisé par les pesticides.

Et voilà donc le travail, si l’on peut appeler de la sorte une telle entreprise. Je vous pose pour finir une question facile : l’Inserm a-t-il compris le drame terrifiant que représentait l’usage criminel de l’amiante en France, qui tue par milliers chaque année ? A-t-il alerté la société, comme tel aurait été son rôle, au moment où cela aurait été utile ? Question facile, je vous l’ai dit, et réponse sans détour : c’est non.

17 réflexions sur « Quand les poules auront des dents (cancéreuses) »

  1. Pour information, quelques extraits piochés dans le livre de Sylvie Simon (2004), « Information ou désinformation ? La manipulation médiatique et politique en matière de santé », préfacé par Corinne Lepage.
    Au moins en partie à décharge, pour ce qui est de l’Inserm. Quant aux autres…

    Sur l’amiante :
    « La veille du scandale, le toxicologue Étienne Fournier, membre de l’Académie nationale de médecine, président de la Commission des maladies professionnelles au ministère du Travail et l’un des fondateurs du CPA (Comité permanent de l’amiante), a même eu le toupet de déposer un rapport sur le bureau du ministre de l’époque, disculpant totalement l’amiante de tout pouvoir cancérigène. Et lorsqu’un rapport de l’Inserm fondé sur huit mois de travail, quatre cents publications et études internationales, et plus de mille références scientifiques, démentirent ses affirmations, Étienne Fournier riposta avec superbe : « Les chercheurs de l’Inserm ne sont pas médecins et ne connaissent pas grand-chose aux effets cliniques de l’amiante », déclaration qui a dû intéresser au plus haut point les mille neuf cent cinquante victimes alors dénombrées par l’Inserm. »
    (…)
    « La convention 162 de l’Organisation internationale du travail, réunie à Genève dès juin 1986, avait demandé l’interdiction totale ou partielle de l’amiante. Ce texte a alors été ratifié par vingt États industrialisés dont cinq européens mais, curieusement, la France a refusé de la signer et n’a banni ce produit qu’en 1994, alors que nos politiques continuaient de clamer sur tous les tons que nous sommes les meilleurs dans ces domaines. Qui peut encore les croire ?
    L’affaire de l’amiante a été le premier exemple de lobbying réussi dans notre pays. Les groupes industriels impliqués, dont Saint-Gobin et Eternit, ont réussi le tour de force de rester les seuls informateurs – ou plutôt désinformateurs – des scientifiques, des politiques, et, évidemment, des médias.
    Et comme dans le drame du sang contaminé où l’on devait écouler les lots jusqu’à épuisement des stocks, les mesures annoncées le 3 juillet 1996 par Jacques Barrot, ministre des Affaires sociales, ne sont entrées en vigueur qu’en janvier 1997. Le temps d’écouler les stock. Argent oblige ! (…) Ce retard dans l’application de l’interdiction a dû, logiquement, tuer au moins mille personnes ! Lorsque nous avons enfin interdit l’amiante, ces considérations n’ont pas empêché le Canada, gros producteur d’amiante, d’attaquer la France devant l’OMS pour « obstacle au commerce ». »

    Sur le cancer et sur l’espérance de vie :
    « Chaque année, les médias nous répètent que l’espérance de vie progresse, la France se situant en la matière au deuxième rang mondial pour les femmes et au quatrième pour les hommes, derrière le Japon, les pays bas et la Suède.
    Ce résultat rassurant n’est que le fruit de manipulations des statistiques servant de justification à un accroissement régulier des prélèvements sociaux. Mais, en réalité, une autre étude de l’Inserm, réalisée en 1992 en collaboration avec le Haut Comité de Santé publique et publiée en 1996, démontre que les taux de décès des Françaises et des Français nés après 1938 sont très sensiblement supérieurs à ceux des pays voisins comme la Suède, mais aussi la Grande-Bretagne et même l’Italie !
    La mortalité est chez nous supérieure de 18,3% pour les femmes et 35,5% pour les hommes par rapport à la Suède, 6,5% pour les femmes et 24% pour les hommes par rapport à la Grande-Bretagne, et 6% pour les femmes et 16,3% pour les hommes par rapport à l’Italie. Ces chiffres peuvent surprendre étant donné que pour les personnes nées avant 1938, ils étaient inversés, la mortalité étant largement inférieure en France que dans ces pays. Cette étude publiée très confidentiellement aux Éditions Le Monde, n’a pas fait l’objet de commentaires par les médias, ni par les pouvoirs publics. Commet ces derniers pourraient-ils, en effet, expliquer cette inversion ?
    Le 14 février 2004, le Pr Dominique Belpomme, cancérologue à l’hôpital Georges Pompidou, a confirmé sur France-Inter que l’allongement de la durée de la vie au delà de soixante ans était quasiment nul et que les chiffres optimistes venaient de la réduction de la mortalité néo-natale et infantile ».
    (… …)
    « De même, on nous rabâche que cette progression ((du nombre de cancers)) serait dû à l’allongement de la vie car autrefois on mourrait avant que le cancer ne se déclare, ce qui devrait tranquilliser la population. Ce taux de mortalité serait, en somme dû au « progrès » de la science qui nous permettrait de vivre plus vieux. En France, nous savons parfaitement déguiser les défaites en victoires. Cette affirmation est parfaitement fausse ! Parmi de nombreuses publications contredisant ces affirmation, une étude, datant de 1991 et publiée par le CREDES qui mène des enquêtes décennales sur un échantillon de 20 000 personnes, pour l’ensemble des cancers, la mortalité a progressé de 137% chez les jeunes, alors qu’elle n’a augmenté que de 65% chez les personnes âgées »
    Inutile de préciser que depuis 1991, les choses ne se sont pas arrangées…

  2. cher Fabrice…

    Cette évolution effroyable est aussi due à un autre facteur… Tchernobyl ! Oui, ce cher Tchernobyl, dont le nuage radioactif s’arrêtait miraculeusement à nos frontières…
    Comme par hasard, alors que nos voisins affichaient des taux de radioactivité effrayants, on nous noyait dans un verbiage au flou artistique savant, et on tentait de nous rassurer en nous racontant n’importe quoi, que les radiations n’avaient pas franchi les Alpes… Allez raconter ça aux habitants de la Corse et à ceux de Sud-Est, ou de certains endroits du Sud-Est et du Massif Central !
    Alors qu’en Allemagne et Italie la consommation de lait frais et de légumes frais était interdite, nous, on continuait à manger et à boire sans souci… Le nombre de cancers thyroïdiens, par la suite, a littéralement explosé, mais rien ne dit qu’il n’en a pas été de même pour d’autres cochonneries du même acabit.
    Que dire d’autre sinon qu’on nous cache tout et qu’on ne nous dit rien, une fois de plus ?
    Amicalement, Tinky 🙂

  3. Même J.-P. Pernaut a déclaré en 2002, au sujet de Tchernobyl : « À l’époque, en France, de faux bulletins météo ont été fabriqués par les autorités pour insinuer que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières. C’était faux bien sûr. Pris de panique, nos responsables politiques ont été lamentables ».
    L’explication selon laquelle cela aurait eu lieu parce que les politiques ont été pris de panique est sans doute un peu rapide. Cela n’explique pas pourquoi, entre autres choses, la France a caché les chiffres de radioactivité à l’OMS (selon C. Lepage, citée par S. Simon (2004)).
    Une chose est sûre, en effet, Tinky : on nous ment, souvent, sur beaucoup de choses…

  4. @ hacène . ca résume très bien : une chose est sûre, on nous ment . mais quelques vérités sont affichées sur les sites des ministères de la santé, de l’agriculture, de l’environnement . au prix de quelques cliques , on a les chiffres des quantités de polluants déversés dans la nature . Délirant .

  5. Hacène.  » REGGANE  » le bon champignon Français. Mycose pas de ça!. Pourtant cela a bel et bien existé!. Pour Tchernobyl cela s’est manifesté, dans mon secteur, par des croissances et excroissances aberrantes sur les plantes « sauvages » et cultivées. A part ça, ben…rien de spécial. Si: Vive l’abêtissement programmé!!!.

  6. Hacène. Dans les années 60/70 des canalisations en amiante-ciment étaient utilisées en eau potable. Dans le Gard, par exemple, en diamètre 350 et 400 mm (refoulement et distribution). L’avantage, d’alors, de ces tuyaux: pouvoir faire varier leur épaisseur en fonction des pressions. Le « top »?….mais juste technique alors!.

  7. Bonjour,

    Nous avons déjà discuté de cette étude le 25 février sur ce blog, et je ne sais toujours pas quoi en penser.
    Si vous lisez bien les chiffres et les commentaires, l’augmentation (90% de cas brut ou 40% d’incidence) concerne le nombre de cas DETECTES. C’est à dire qu’elle inclut l’amélioration des techniques (détection de tumeurs 10 fois plus petites en moins de 20 ans, nouveaux tests disponibles) ainsi que l’accès au dépistage (campagnes, CMU, ???).

    Je ne suis donc pas d’accord avec Fabrice sur la manière de l’interpréter ou de l’attaquer.
    Par contre, entièrement d’accord avec Hacène sur le biais apporté par correction sur le vieillissement (compter l’incidence en années-hommes), qui peut complètement masquer une augmentation sur l’ensemble de la population.

    Dommage que j’aie raté une conférence du Pr Belpomme la semaine dernière, j’aurais bien aimé en discuter avec lui !

    Autre remarque : cette étude ne montre aucun effet lié à Tchernobyl, mais le fait de moyenner sur la France entière peut là aussi masquer des phénomènes très localisés.

    Donc, même commentaire que la fois précédente : on peut faire dire à cette étude tout ce que l’on veut, et je n’ai personnellement pas assez de moyens pour vérifier les chiffres annoncés.

  8. Pour DM,

    En effet, nous ne sommes pas d’accord. Mais nous pourrions tout de même l’être sur la façon dont tout cela est présenté, non ? Et sur l’évidence – quelle que soit la cause – que l’on assiste à une EXTRAORDINAIRE explosion du nombre de cancers en France, non ?

    Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  9. Pas forcément, il manque mathématiquement une donnée vitale à cette étude :
    quel est le nombre de cancers non détectés en 1980 qui auraient été détectés dans les conditions techniques et sociétales de 2005 ?

    Le rapport de ce nombre à celui des cas détectés doit être intégralement retranché à l’augmentation de l’incidence indiquée par l’étude.

    Quelle valeur proposez-vous (et avec quels arguments) pour affirmer qu’elle est négligeable ?

  10. DM,

    J’espère que vous me pardonnerez, car je prends très au sérieux vos réflexions, mais je trouve ce dernier propos déplacé. Spécieux, si vous préférez. Car vous transformez une question politique et sanitaire évidente en un (presque) simple problème technique. Je vous accorde volontiers tout ce que vous souhaitez. Et alors ?
    Le fait reste, essentiel entre tous, que l’incidence des cancers explose. Je répète : explose. Car de telles augmentations, dans le temps si bref de 25 ans, ne peuvent décemment porter un autre nom. L’incidence des cancers explose en France, sous nos yeux. Le reste, tout le reste, ne peut venir qu’après. Et j’estime donc, DM, que vous êtes dans l’argutie, non dans le débat.

    Avec mes salutations,

    Fabrice Nicolino

  11. @ dm: Puisque vous évoquez le Pr Belpomme, il note un phénomène nouveau et inquiétant depuis 2000, à savoir qu’il y a désormais beaucoup plus de cancers chez des sujets nettement plus jeunes, car la première étape d’un cancer se joue dans le ventre de la mère et que nous sommes de plus en plus exposés aux millions de molécules de synthèse qui se balladent dans l’environnement de façon perenne.Il s’attend donc à ce que les chiffres explosent dans les années à venir. D’après les recherches de son laboratoire indépendant 50% des cancers sont dus à la pollution chimique et 2/3 à 3/4 des cancers sont liés à l’environnement.

  12. @ Stan. Au moins la France peut-elle se targuer d’avoir fait pousser un champignon en bordure du Tanezrouft. C’est quand même nettement plus aride que le Nouveau Mexique !

  13. Stan, es-tu bien sûr qu’il n’y a rien eu d’autre que des excroissances sur les champignons… Les données officielles sont parfois difficiles à suivre. Pour la Corse, le 8 mai 1986, le SCPRI annonçait 10 Bq/m2 en moyenne ; puis le chiffre est passé à 1700 Bq/m2. Fin 1997, c’était entre 3000 et 6000 Bq/m2. En 2001, l’IPSN annonce un chiffre de contamination de 10 000 à 34 000 Bq/m2. Ca n’inspire pas confiance…

  14. A Hacène. Le 8 mai 1986 et les jours suivants, j’étais dehors comme à mon habitude. Les Suédois par contre, bien informés par leur gouvernement, étaient calfeutrés chez eux, attendant une éclaicie!. Je m’explique: ici il pleuvait!!!!. Les anomalies dont je parle, concernent les orchidées et mes haricots verts ramants.

  15. Plutôt que de polémiquer sur les chiffres tenant compte ou non du vieillissement, des cas non détectés en 1980, faisant un constat, l’alcoolisme et le tabagisme ayant regressés le nombre total de cancers des moins de 50 ans (si la pollution intervient peu )aurait du diminuer (le vieillissement n(‘intervenant pas pour cette tranche d’âge, or il a environ doublé d’où la supercherie de ces prétendus experts relayés par des journalistes.

  16. Dm

    Je ne comprends pas vraiment tes arguments.
    Si des cancers n’étaient pas détectés de façon précoce en 1980, ils finissaient quand même par l’être, à un stade avancé voire par la mort du malade, un, 2 ou 3 ans plus tard. Si on comparait sur une seule année (détection 1980 – détection 2008) ton raisonnement pourrait tenir mais sur une période de 30 ans ta remarque ne me semble pas juste.

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